HOMÉLIE XLI
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HOMÉLIE XLI. MAIS, DIRA-T-ON : EN QUELLE MANIÈRE LES MORTS RESSUSCITERONT-ILS, ET QUEL SERA LE CORPS DANS LEQUEL ILS REVIENDRONT? — INSENSÉ QUE VOUS ÊTES, NE VOYEZ-VOUS PAS QUE CE QUE VOUS SEMEZ NE REPREND POINT VIE, S'IL NE MEURT AUPARAVANT? (CHAP. XV, VERS. 35, 36.)

 

586

 

ANALYSE.

 

1 . Sur la manière dont les morts doivent ressusciter. — Comparaisons prises du grain de froment qui se décompose pour produire la tige et l'épi. — Le corps qui ressuscite est à la fois le même et plus beau.

2 et 3. Des différents degrés, soit parmi les justes dans la gloire, soit parmi les réprouvés dans le châtiment. Sur le corps animal et le corps spirituel.

4 et 5. Il ne faut pas pleurer les morts avec une tristesse exagérée. —  Il faut leur venir en aide par la prière et par les bonnes oeuvres. — De la sécurité des morts dans le sein de Dieu.

 

1. Malgré la douceur, l'humilité que montre partout l'apôtre, ici, ses paroles ont une aspérité que justifie l’absurdité de ses contradicteurs. Il ne se contente pas toutefois de les rudoyer, il emploie des raisonnements, des comparaisons capables de réduire tes disputeurs les plus acharnés. Il dit plus haut: «Ainsi parce que la mort est venu par un homme, c'est aussi par un homme que doit venir la résurrection ». Ici, il résout l'objection des païens. Voyez encore comme il adoucit la dureté de la réprimande. Il ne dit pas, mais vous direz peut-être, il s'adresse à un contradicteur qu'il ne définit pas, de manière que la liberté de son discours ne puisse pas blesser les auditeurs. Maintenant il énonce les deux motifs de doute, le doute relatif au mode de la résurrection, le doute relatif à la qualité des corps. C'étaient là, en effet, les deux points qui troublaient les esprits : comment ressuscite ce qui a été décomposé ? et, « quel sera le corps dans lequel reviendront » les morts? Que signifie, quel sera le corps? Sera-ce le corps qui se sera corrompu , qui aura péri, ou un autre corps quelconque? Ensuite l'apôtre, pour leur montrer que leurs doutes s'attaquent à des vérités incontestables, reconnues de tous, les refoule d'un ton véhément : « Insensé que vous êtes, ne voyez-vous pas que ce que vous semez ne reprend point vie , s'il ne meurt auparavant? » C'est la méthode que l'on suit avec ceux qui contredisent des vérités reconnues. Pourquoi n'invoque-t-il pas tout de suite la puissance de Dieu? C'est qu'il s'adresse à des infidèles. En effet, lorsque c'est aux fidèles qu'il parle, il fait bon marché des raisonnements. Voilà pourquoi il dit ailleurs: « Il transfigurera votre corps, tout vil qu'il est, afin de le rendre conforme à son corps glorieux » (Philip. III, 21), il montre quelque chose de plus que la résurrection, il n'apporte aucun exemple; polir toute démonstration , le pouvoir de Dieu lui suffit, et il le rappelle-en disant : « Par, cette vertu efficace, par laquelle il peut s'assujettir toutes choses», Mais ici, il produit des raisonnements. Car après avoir confirmé la vérité par les textes de l'Ecriture, il ajoute, de l'abondance de son coeur, contre ceux qui ne sont pas encore persuadés par I'Ecriture : « Insensé que vous êtes, ne voyez-vous pas que ce que vous semez ». C'est-à-dire; vous avez sous vos yeux la démonstration de cette vérité , vous la trouvez dans ce que vous faites chaque jour et vous, doutez encore? Si je vous appelle insensé, c'est parce que vous ne voyez pas ce que vous faites vous-même chaque jour, c'est parce que vous êtes vous-même un artisan de résurrection et que vous doutez de la résurrection opérée par Dieu. Voilà pourquoi l'apôtre dit (587) avec éloquence Ne voyez-vous pas que ce que vous serrez », vous qui êtes mortel et périssable. Et remarquez l'appropriation de ses expressions au sujet qu'il traite. « Ne reprend point vie », dit-il, « s'il ne meurt auparavant ». L'apôtre abandonne les expressions qui ont trait aux semences, germe, pousse, se gâte, se décompose, il emploie des termes en rapport avec notre chair, ainsi ; « reprend vie », ainsi « meurt »; manières de parler qui ne s'appliquent pas proprement aux semences, mais aux corps. Et il ne dit pas, meurt et vit ensuite, mais, ce qui est plus expressif, ne vit qu'à la condition de mourir. Vous voyez si j'ai raison de vous répéter qu'il prend toujours l'inverse du raisonnement de ses contradicteurs. Ce qu'ils regardaient comme une réfutation de la résurrection, il le prend pour démonstration de cette même résurrection ; ils disaient en effet que le corps ne pouvait pas ressusciter; puisqu'il était mort. Que leur oppose-t-il donc? C’est que précisément s'il ne mourait pas, il ne ressusciterait pas; ce qui fait qu'il ressuscite, c'est qu'il est mort. De même que le Christ, pour démontrer cette vérité, prononce ces paroles : « Si le grain de froment ne meurt après qu'on l'a jeté en terre, il demeure seul; mais, quand il est mort, il porte beaucoup de fruit » (Jean, XII, 24), de même Paul emprunte son exemple aux semences, et il ne. dit pas ; Ne vit pas, mais « ne reprend vie, » ; cette expression prouve encore le pouvoir de Dieu, elle montre que ce n'est pas la force propre de la terre, que c'est, Dieu seul qui fait tout. Et pourquoi ne montre-t-il pas ce qui tenait plus étroitement au sujet , je veux dire la semence humaine? En effet notre génération commence par la corruption , comme celle du froment. C'est quelles deux semences n'ont pas pour le raisonnement, une force égale , celle du froment est bien plus éloquente. Ce que veut l'apôtre, c'est quelque chose qui soit entièrement détruit, il n'y a dans la génération humaine de corruption qu'en partie. Voilà pourquoi c'est la semence du froment qui sert d'exemple. D'ailleurs l'autre , sortie d'un vivant, tombe dans un ventre vivant; mais ici ce n'est pas dans de la chair, mais dans de la terre que la semence tombe , et elle s'y décompose comme le corps, comme le cadavre. Voilà ce qui fait que l'image prise du grain de froment convenait mieux au sujet. « Et quand vous semez, vous ne semez pas le corps qui doit naître (37) ». Tout ce qui précède , concerne le mode de la résurrection ; cette dernière observation répond au doute sur les corps dans lesquels les morts doivent revenir. Or que signifie : « vous ne semez pas le corps qui doit naître? » L'épi entier, le froment nouveau. Ici en effet , le discours ne se rapporte plus à la résurrection même , mais au mode de la résurrection, à la nature du corps qui ressuscitera, à savoir.: s'il ressemblera au corps précédent, ou s'il sera meilleur et plus beau ; et le môme exemple sert à deux fins, l'exemple prouve que le corps ressuscité sera de beaucoup supérieur.

Mais ici les hérétiques,ne comprenant rien à ces choses, font un assaut et disent: C'est un corps qui tombe, c'en est un autre qui ressuscite. Que devient alors la résurrection? Car la résurrection ne peut être que la résurrection de ce qui est tombé. Que devient la merveilleuse, l'étonnante victoire remportée sur la mort, si le corps qui tombe n'est pas le même qui ressuscite ? Dans ce cas, on ne pourra certes pas dire que la mort a rendu soir prisonnier. Et, maintenant , comment l'exemple donné serait-il approprié à là vérité? Car l'essence que l'on sème n'est pas autre que celle qui reparaît, c'est la même essence devenue meilleure. Autre conséquence : le Christ n'aura pas repris le même corps, lui , les prémices de ceux qui ressuscitent ; à vous entendre, il a rejeté son corps, quoiqu'il fût exempt de. tout péché, et c'est un autre corps qu'il a pris. Et d'où l'a-t-il tiré, ce second corps? Le premier, il l'a pris d'une vierge, mais le second, d'où le tenait-il? Voyez-vous à quelles absurdités est arrivée la démonstration ? Car enfin, pourquoi le Christ montre-t-il les traces et les empreintes des clous, sinon pour faire voir que c'est le même corps qui a été attaché à la croix, et qui .est ressuscité? Que signifie la figure de Jouas? Que le Jonas qui a été englouti est le même qui a été rejeté sur la terre. Et. pourquoi le Christ disait-il encore : « Détruisez ce temple, et je le rétablirai en trois « jours? » (Jean, II, 19,.21.) C'est que le corps détruit est le corps qu'il a ressuscité. Aussi l'évangéliste ajoute-t-il : « Mais il parlait du temple de son corps ». Que signifie donc : « Vous ne semez pas le corps qui doit naître ? » C'est-à-dire, vous ne semez pas l'épi; en effet, c'est le même et ce n'est pas le même ; c'est le (588) même parce que c'est la même essence, et ce n'est pas le même parce que l'épi qui viendra est meilleur; la même essence persiste, mais il y a développement, il y. a supériorité de beauté, fraîcheur de nouveauté; c'est la condition indispensable pour qu'il y ait résurrection, il faut que ce qui ressuscitera soit meilleur. Pourquoi détruire la maison, si, l'on ne doit pas la relever plus brillante et plus belle? Voilà ce que dit l'apôtre à ceux qui regardent la résurrection comme une dissolution. Ensuite, pour prévenir la pensée qu'il suit de là qu'on entend parler d'un corps différent, il éclaircit cette énigme, il explique lui-même le sens de ses paroles, il ne souffre pas que l'auditeur flotte dans des conclusions qui l'égareraient. Qu'avons-nous -besoin de mêler nos paroles aux siennes? Ecoutez-le lui-même, entendez-le s'expliquer : « Vous ne semez pas le corps qui doit naître » ; car aussitôt il ajoute : « mais la graine seulement, comme du blé, ou de quelque autre. chose ». Ce qui veut dire : Ce n'est pas le corps qui viendra, car il aura un autre vêtement, une tige, des épis ; « mais la graine seulement, comme du blé, ou de quelque autre chose. Et Dieu lui donne un corps tel qu'il lui plaît (38) ». Sans doute, objecte-t-on, mais c'est ici l'oeuvre de la nature. De quelle nature, répondez-moi?Je vous dis qu'ici encore c'est Dieu seul qui fait tout, et non la nature, ni la terre, ni la pluie. Aussi l'apôtre, exprimant cette vérité, laisse-t-il de côté et la terre, et l'air, et la pluie, et la main-d'oeuvre des agriculteurs : «  Et Dieu », dit-il aussitôt, « lui donne un corps tel qu'il lui plaît ». Cessez donc de prendre un soin superflu et de vous enquérir curieusement du comment et de lu manière dont les choses se passent, lorsqu'on vous a signifié la puissance de Dieu et sa volonté. « Et il donne à chaque  semence le corps propre à chaque plante». Que devient l'idée d'un corps étranger? Il lui donne le corps propre. Aussi lorsque l'apôtre dit : « Vous ne semez pas le corps qui doit naître », il n'entend pas que ce sera une autre essence qui paraîtra, mais que la même essence ressuscitera, meilleure et plus brillante. « Car il donne à chaque semence le corps propre à chaque plante ». Et par là, il indique déjà la différence que présentera la résurrection à venir. En effet, n'allez pas conclure de cette semence dont tous les germes se relèvent, qu'il y aura dans la résurrection égalité d'honneur. Gardez-vous surtout de le croire quand vous. voyez que les semences des champs ne présentent pas dans leurs productions cette égalité, mais que telles plantes grandissent et se développent avec éclat, tandis que telles autres paraissent chétives. Voilà pourquoi l'apôtre ajoute : « le corps propre à chaque plante ».. Toutefois cette différence ne lui suffit pas,. il en cherche encore que autre plus considérable et plus manifeste. Car pour prévenir cette erreur que j'ai mentionné, qui conclurait, de ce que tous ressuscitent, que tous doivent jouir des mêmes biens, l'apôtre s'est empressé de jeter dans ses premières paroles les semences de la. pensée qui est la seule vraie, il a dit tout d'abord : Tous vivront en Jésus-Christ, « et chacun en son  rang ». C'est la pensée qu'il reprend ici, qu'il explique : « Toute chair n'est  pas la même chair (39) ». A quoi bon, dit-il, insister sur les semences? Nous n'avons qu'à considérer nos corps mêmes, puisque. c'est des corps que nous nous occupons maintenant. Voilà pourquoi il ajoute,: « Mais autre est la chair des hommes, autre la chair des bêtes, autre celle des oiseaux, autre celle des poissons. Il y a aussi des corps célestes et des corps terrestres, mais les corps célestes ont un autre éclat que les corps terrestres. Le soleil a son éclat, qui diffère de l'éclat de la lune, comme l'éclat de la lune diffère de l'éclat des étoiles, et comme, entre les étoiles, a l'une est plus éclatante que l'autre (40, 41) ».

Et que signifient ces paroles? Pourquoi cette digression qui va, qui tombe de la. résurrection, sur les astres et sur le soleil ? Il ne tombe. pas, il n'y a pas de digression, gardons-nous de le croire, il ne rompt pas avec son sujet; au contraire, il s'y tient. Après avoir prouvé ce qui a été dit de la résurrection, il montre la grande différence que fera paraître la gloire future, quoique la résurrection soit unique et commune; en attendant, il fait deux parts de l'univers, les choses du ciel, les choses de la terre. La résurrection des corps, il l'a montrée par l'exemple du froment; quant à l'inégalité dans la gloire, il la démontre par ses dernières paroles. Car, de même que l'incrédulité, au sujet de la résurrection, produit l'indolence,. de même on tombé dans la langueur et le relâchement d'esprit lorsqu'on s'imagine que tous obtiennent le même partage. Aussi l'apôtre corrige-t-il ces deux erreurs; il a (589) commencé par dissiper la première; il s'occupe maintenant d'en finir avec la seconde : après avoir établi deux classes, celle des justes et celle des pécheurs, il les subdivise encore, et il montre que ni les justes d'un côté, ni les pécheurs d'un autre, ne recevrait le même traitement, qu'il n'y aura ni égalité pour tous les justes, ni égalité pour tous les pécheurs. Voilà donc la première séparation qu'il établit, celle des justes et celle des pécheurs, en disant: « Des corps célestes et des corps terrestres », car les corps terrestres sont comme l'image des pécheurs, et les corps célestes, celle des justes. Ensuite il fait entendre la différence de pécheurs à pécheurs : « Toute chair n'est pas la même chair; mais autre est la chair des poissons, autre, la chair des oiseaux et des animaux différents ». Il n'y a là que des corps, mais, les uns plus, les autres moins méprisables. Il en est de même de. la vie, même différence dans la même constitution; après ces paroles, il reprend de nouveau son essor au ciel : « Le soleil a son éclat, qui diffère de l'éclat de la lune. » Comme il y a différence entre les corps terrestres ; de même, entre les corps célestes, il y a aussi différence, et ce n'est pas une différence accidentelle, mais il y a diversité de degrés poussée à l'extrême. Car il n'y a pas seulement la différence du soleil et de la lune, ni de la lune et des étoiles, mais, d'étoiles à étoiles, il y a encore différence. Si tous ces astres sont dans le ciel, ils n'y sont pas tous également glorieux, mais, les uns plus; les autres, moins. Que nous apprennent donc ces images? Que si tous sont admis au royaume des cieux, tous n'y jouiront pas des mêmes biens ; que si tous les pécheurs sont dans la géhenne, tous n'y subiront pas le même traitement. Voilà pourquoi l'apôtre ajoute : « Il en arrivera de même dans la résurrection des morts (42).». De « même », comment cela? parce qu'il y aura une grande différence. Ensuite, laissant ce point, comme prouvé, il reprend encore la démonstration relative au mode de la résurrection, il dit : « Le corps est ensemencé dans la corruption, et il renaît incorruptible ».Voyez la sagesse du docteur; quand il parlait des semences, il prenait des expressions appropriées aux corps : « Ne reprend point vie », disait-il, « s'il ne meurt auparavant » ; voici qu'en. parlant des corps, il prend les termes appropriés aux semences, il dit : « Le corps est ensemencé dans la corruption, et il renaît incorruptible ».

Il ne dit pas, le corps pousse, parce qu'il ne veut pas qu'on y voie le travail de la terre, mais « il renaît ». Quant à la semence, l'apôtre n'entend pas ici notre génération dans la matrice, mais l'enterrement des morts, la décomposition, la cendre des tombeaux. Aussi, après avoir dit : « Le corps est ensemencé dans la corruption, et il renaît incorruptible », l'apôtre ajoute : « Il est ensemencé, dans la honte  (43) ». Car quoi de plus hideux qu'un cadavre en décomposition? « Il renaît dans la gloire. « Il est ensemencé dans la faiblesse ». Car il ne faut pas trente jours, pour qu'il n'en reste plus rien ; la chair ne peut pas se conserver, elle ne peut pas seulement durer un jour. « Il renaît dans la force ». Car alors il ne lui restera plus rien de corruptible. L'apôtre avait besoin de ces exemples pour que les auditeurs n'allassent pas s'imaginer que tous renaissant dans l'incorruptibilité, dans la gloire, dans la force, il n'y avait aucune différence entre les ressuscités. Car si tous ressuscitent, et dans la force, et dans l'incorruptibilité, et dans cette gloire de l'incorruptibilité, tous pourtant ne possèdent pas le même honneur, la même inébranlable félicité. « Il est ensemencé comme un corps animal, il renaît corps spirituel. Comme il y a un corps animal, il y a aussi un corps spirituel (44) ». Que dites-vous? le corps que nous avons présentement, n'est-il pas un corps spirituel? Spirituel, sans doute, mais l'autre le sera beaucoup plus. Car maintenant; trop souvent,, l'abondance des grâces du Saint-Esprit se perd par de graves péchés; quoique le souffle de l'âme persiste encore, la voie de la chair n'y est plus; une fois la grâce éteinte, le corps n'est plus rien ; mais alors il .n'en sera plus de même; sans s'éteindre jamais, elle subsiste dans la chair des justes, et sa puissance restera unie au souffle de l'âme. Ou c’est là ce que l'apôtre a voulu faire entendre en disant « spirituel », ou il a voulu dire que le corps sera plus léger, plus subtil, capable d'être porté par l'air, ou plutôt il a prétendu indiquer le tout à la fois. Si vous n'en croyez rien, voyez les corps célestes si brillants, si persistants, qui ne vieillissent pas, et croyez donc que Dieu a bien aussi le pouvoir de faire, de nos corps soumis à la corruption, des corps incorruptibles, de beaucoup supérieurs à ceux que nous voyons, « Selon qu'il est écrit: le premier homme, Adam, a été créé avec une âme vivante, et le second (590) Adam a été rempli d'un esprit vivifiant (45) ». Le commencement de cette citation se trouve bien dans l'Ecriture (Gen. II, 7), mais la suite n'y est pas; comment donc l'apôtre a-t-il pu dire, « selon qu'il est écrit ? » Il se fonde sur ce. qui est arrivé; c'est son habitude. C'est le style ordinaire des prophètes. Ainsi un prophète a dit que Jérusalem, sera appelée la ville de la justice, et elle n'a pas été appelée de ce nom. (Zach. VIII, 3.) Eh quoi? le prophète a. donc parlé à faux ? nullement : il a voulu dire que les événements, lui mériteraient ce nom. Un autre a dit encore que le Christ serait appelé Emmanuel (Is. VII, 14), et le Christ n'a pas eu ce nom, mais les événements accomplis le lui donnent assez. De même, pour ces paroles, « et le second Adam a été rempli d'un esprit vivifiant ».

Ces paroles sont pour vous faire comprendre que vous avez déjà reçu les symboles et les gages de la vie présente et de la vie à venir; de la vie présente, par Adam ; de la vie à venir, par le Christ. Comice les biens les plus précieux ne peuvent être proposés que comme des espérances, l'apôtre tient à montrer que le commencement est déjà réalisé, il fait voir. la racine et la source. Que si la racine et la source sont visibles pour tous, il n'est pas permis de révoquer les fruits en foute. De là ces paroles : « Et le second Adam a été rempli d'un esprit vivifiant». Ailleurs encore il dit : « Vivifiera vos corps mortels par son esprit qui habite en vous ». (Rom. VIII, 11 .) C'est donc l'esprit qui vivifie. Maintenant on aurait pu dire , pourquoi dès les premiers jours a-t-on réalisé ce qui est le moins précieux, pourquoi ce qui concerne l'âme vivante a-t-il reçu un accomplissement plein et entier qui ne s'est pas arrêté . aux prémices, pourquoi, en ce qui concerne l'esprit vivifiant, n'a-t-on reçu que les prémices ; l'apôtre montre que des deux côtés, les principes sont établis. « Mais ce n'est pas le corps spirituel qui a été formé le premier, c'est le corps animal, et ensuite le spirituel (46) ». L'apôtre ne dit pas pourquoi ; il se contente de l'ordre établi par Dieu ; le suffrage des événements lui garantit l'excellence de l'administration des choses par Dieu ; il montre que tout ce qui nous concerne s'avance toujours vers un état meilleur, et il assure par là l'autorité de ses paroles. Si le moindre est arrivé, à bien plus forte raison faut-il attendre ce qui est supérieur.

Donc, puisque nous devons jouir de ces biens si précieux, prenons notre place dans ce bel, ordre, et ne versons pas de pleurs sur ceux qui s'en vont, pleurons ceux qui finissent mal. L'agriculteur ne pousse Ras de gémissements à la vue du grain qui se corrompt, c'est quand il le voit conserver dans la terre sa solidité, qu'il a peur et qu'il tremble; mais, du moment que les semences se décomposent, l'agriculteur, se réjouit. Car c'est le commencement de la semence à venir, cette décomposition. Faisons de même, sachons nous réjouir quand tombe la maison ainsi décomposée, quand un homme est ensemencé. Ne vous étonnez pas. qu'il donne le nom d'ensemencement à la sépulture; car la sépulture vaut mieux encore que l'ensemencement. Après les semences des champs, viennent les morts, les labeurs pénibles, les dangers, les soucis; après la sépulture, si nous avons bien vécu, les couronnes et les prix glorieux; après les semences de la terre, la corruption et la mort; après la sépulture, l'incorruptibilité, l'immortalité, et des biens en foule; dans un de ces ensemencements, ce qui se rencontré, ce sont les embrassements, les plaisirs, le sommeil; dans le dernier de tous, les ensemencements, rien, plus rien qu'une voix descendant des hauteurs du ciel, et soudain toutes choses ont leur accomplissement. Celui qui ressuscite, n'est plus ramené aux fatigues d'une vie d'épreuves, il entre dans cette vie qui ne connaît ni la douleur, ni le deuil, ni,les gémissements. Si, dans l'homme que vous pleurez, ce qui provoque vos regrets, c'est l'appui, c'est le guide, le protecteur perdu, cherchez votre refuge dans le protecteur, dans le sauveur commun, dans le bienfaiteur de tous les hommes, en Dieu, cet invincible compagnon d'armes, cet auxiliaire toujours prêt, toujours présent, qui nous entoure, qui nous défend de toutes parts. Mais les longues liaisons forment des noeuds si aimables et méritent tant. nos regrets ! Je le sais bien ; mais si vous soumettez à la raison les mouvements de votre âme, si votre raison se représente, ô femmes, celui qui vous a repris un époux, si vous faites tous à Dieu, dans vos afflictions, un généreux sacrifice de vos pensées, voilà qui apaisera les orages de vos coeurs, et vous né laisserez pas à faire au temps l’oeuvre de la sagesse; mais si vous vous laissez amollir, le temps adoucira vos douleurs, mais vous ne remporterez aucune récompense.

 

591

 

Outre ces réflexions, rassemblez les exemples que vous donne la vie présente, les exemples des divines Ecritures ; méditez Abraham égorgeant son fils, et cela sans verser de. larmes, sans faire entendre d'amères paroles. Mais, dira-t-on, c'était Abraham. (Gen. XXII). Mais vous, vous êtes appelé à des vertus plus hautes. Quand à Job, il ressentit de la douleur, mais .dans la mesure qui convenait à un bon père, plein de tendresse pour ceux qui n'étaient plus là. Pour nous, la conduite que nous tenons, convient à des ennemis privés, à des ennemis publics. Si, à la nouvelle qu'un homme est élevé à la royauté, couronné, vous alliez vous frapper la poitrine et gémir; je ne dirais pas de vous que vous êtes l'ami de celui qui a reçu la couronne ; je dirais que vous n'avez que haine pour lui, que vous êtes son ennemi déclaré. Mais ce n'est pas sur lui que je pleure, répond l'affligé, c'est sur moi-même. Mais ce n'est pas une preuve d'affection que de vouloir que celui qui vous est cher, soit encore, à cause de vous, exposé aux périls du combat, et dans l'incertitude de l'avenir, quand il va recevoir la couronne et toucher le port; de vouloir le voir encore à la merci des flots, quand il peut , échappé à la- mer, se trouver pour toujours à l'abri. Mais' je ne sais pas, dira-t-on, où il s'en est allé. Pourquoi ne le savez-vous pas? Répondez-moi. Car, soit qu'il ait bien vécu, soit dans le cas contraire, on sait parfaitement où il doit se rendre. C'est justement ce qui me fait gémir, réplique-t-on : il est mort en état de péché. Vain prétexte et mauvaise raison. Si c'est là ce qui vous fait gémir sur celui qui n'est plus, il fallait, pendant sa vie, le réformer, le corriger. En tout cas, vous ne voyez jamais que ce, qui vous intéresse, vous, et non pas ce qui le regarde, lui. S'il est parti en état de péché, pour cette raison même, vous devez vous réjouir; ses péchés sont interrompus ; il n'a pas pu ajouter depuis à la somme de ses agitions mauvaises; . soyez-lui en aide, autant que possible; au lieu de pleurer sur lui,. répandez les prières, les supplications, les aumônes, les offrandes. Ce ne sont par là de chimériques inventions; ce n'est pas inutilement que nous faisons, dans les divins mystères, mention de ceux qui sont partis; que nous nous approchons du sanctuaire , à leur intention; que nous prions l'Agneau qui a enlevé le péché du monde, mais nous espérons qu'il leur en reviendra quelque adoucissement.; ce n'est pas en vain que l'assistant à l'autel, pendant que les redoutables mystères s'accomplissent, s'écrie : Pour tous ceux qui se sont endormis dans le Christ, et pour ceux qui célèbrent leur commémoration. On ne prononcerait pas ces paroles, si l'on ne faisait pas la commémoration de ceux qui ne sont plus. Nos cérémonies ne sont pas des jeux de théâtre; loin de nous ces pensées; n'os cérémonies c'est l'Esprit-Saint. qui les a ordonnées.

Sachons donc leur porter secours, et célébrons leur commémoration. Si les fils de Job ont été purifiés par le sacrifice de leur père, pouvez-vous douter que nos offrandes pour ceux qui ne sont plus, leur apportent quelque consolation ? C'est la coutume de Dieu de faire fructifier pour les autres les grâces que d'autres ont méritées. Et c'est ce que Paul faisait voir par ces paroles : « Afin que beaucoup de personnes; manifestant en elles la grâce que nous avons reçue, donnent à beaucoup de personnes l'occasion de bénir Dieu pour vous ». (2 Cor. II, 11.) Empressons-nous de porter notre secours à ceux qui ne sont plus, et. d'offrir pour eux des prières : car le but commun de la terre entière c'est l'expiation. Prions donc avec confiance pour la terre entière, et avec les martyrs nous appelons tous les membres de l'Eglise, avec les confesseurs, avec les ministres sacrés. Car nous ne sommes qu'un seul et même corps tous tant que nous sommes, quoiqu'il y ait des membres plus glorieux que d'autres membres, et il n'y a rien d'impossible à ce qu'en nous adressant à toutes les âmes nous assurions à ceux qui ne sont plus leur pardon, par les prières, par les dons qui sont offerts pour eux, par l'assistance même de ceux que l'on invoque avec eux. D'où viennent donc vos gémissements, vos plaintes, quand il est possible de rassembler de si grandes forces pour obtenir le pardon de celui qui n'est plus? Mais vous pleurez, ô femme, parce que vous êtes abandonnée, vous avez perdu votre protecteur? Non, jamais, ne prononcez jamais ces paroles; vous n'avez pas perdu Dieu: Tant que vous l'avez, voilà qui vous vaut mieux qu'un mari, et père, et fils, et beau-père; quand ces êtres chéris étaient vivants, Dieu n'en était pas moins celui qui faisait toutes choses. Méditez donc ces pensées, et dites avec David : « Le Seigneur est ma lumière et mon salut, qui craindrai-je? » (592) (Ps. XXVI, 1.) Dites : vous êtes le père des orphelins, et le juge des veuves, et attirez sur vous son secours, et vous verrez qu'il prendra encore plus de soin de vous qu'auparavant, un soin d'autant plus vigilant que vous serez dans une plus grande détresse. Mais vous avez perdu un fils? Vous ne l'avez pas perdu, ne prononcez pas ces paroles : ce que vous voyez, c'est un sommeil, non une mort; c'est un voyage, non une destruction; c'est un passage d'un état inférieur, à une meilleure condition. N'irritez pas Dieu, mais rendez-le propice. Si vous supportez le coup avec une force généreuse, il en résultera, pour celui qui n'est plus, et pour vous, une douce consolation si vous faites le contraire, vous irritez ta colère de Dieu. Car si à la vue d'un esclave battu de verges par. son maître ; vous montrez votre mécontentement, vous ne faites qu'exciter contre vous le mécontentement du maître. N'agissez pas ainsi, mais rendez grâces à Dieu, afin que cette conduite dissipe le nuage de votre affliction: dites comme ce bienheureux : « Le Seigneur m'a donné, le Seigneur m'a enlevé ».; considérez combien de personnes plus que vous agréables à Dieu, n'ont jamais eu de fils, combien d'hommes n'ont jamais porté le nom de pères. Ni moi non plus, répondra-t-on, je ne voudrais pas avoir eu de fils; il attrait bien mieux valu pour moi ne pas faire cette expérience, que de goûter un pareil plaisir, et de le perdre après. Non, je vous en prie, ne prononcez pas de telles paroles, ne provoquez pas ainsi la colère du Seigneur; faites mieux, rendez grâces à Dieu des biens que vous avez reçus; pour ceux que vous ne gardez pas toujours, glorifiez le Seigneur. Job ne dit pas : il eût mieux valu pour moi n'avoir rien reçu; ce que dit votre . ingratitude, mais Job même pour les biens enlevés rendait grâces au Seigneur; il disait: « Le Seigneur m'a donné », pour les biens perdus, il le bénissait en disant « Le Seigneur m'a enlevé : que le nom du Seigneur soit béni dans tous les siècles ». Il fermait la bouche à sa femme, par des raisonnements d'une sagesse merveilleuse, et il faisait entendre ces paroles admirables: « Si nous avons reçu des biens du Seigneur, n'en supporterons-nous pas aussi des maux? » Or l'épreuve qu'il eut à subir ensuite fut encore plus terrible; elle ne le brisa pas, .il tint bon, il supporta tout avec courage, il se mit à glorifier Dieu. Faites de même, réfléchissez vous aussi en vous-même: ce n'est pas un homme qui vous a pris celui que vous pleurez; c'est Dieu qui a tout fait, Dieu qui a de vous plus de souci que personne, Dieu qui comprend le mieux l'intérêt de tous, Ce n'est pas un ennemi, un méchant qui vous a frappé. Voyez combien d'enfants n'ont vécu que pour rendre la die impossible à leurs parents. Mais vous ne voulez pas voir, me dira-t-on, les enfants d'un noble coeur. Je les vois, eux aussi, mais je dis qu'ils sont moins en sûreté que votre fils, Quelque bonne estime qu'on en fasse, leur fin n'en est pas moins incertaine ; pour votre enfant, au contraire, vous n'avez plus à trembler, nous n'avez plus rien à craindre, à redouter pour lui quelque changement que ce soit. Appliquez ces pensées à une épouse qui avait la beauté eu partage, qui était une bonne gardienne de votre maison, et pour toutes choses bénissez Dieu ; vous avez perdu votre épouse, bénissez le Seigneur. Peut-être Dieu veut-il vous amener à la continence, à des. oeuvres plus hautes, rompre vos liens. Si nous nous livrons .à ces pensées de la sagesse, nous conquerrons, pour la vie présente, la tranquillité de l'âme, et, pour la vie à venir, les couronnes, etc.

 

Traduit par M. PORTELETTE

 

 

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