SERMON XV
Précédente ] Accueil ] Remonter ]

Accueil
Remonter
SERMON I
SERMON II
SERMON III
SERMON IV
SERMON V
SERMON VI
SERMON VII
SERMON VIII
SERMON IX
SERMON X
SERMON XI
SERMON XII
SERMON XIII
SERMON XIV
SERMON XV

SERMON XV.

 

1. Nous aimons nos frères comme nous, si ce n'est point à cause de notre propre intérêt, des bienfaits que nous en espérons ou que nous en avons reçus, ou à cause des ressemblances ou de la parenté; nous les aimons, mais pour ce motif seul qu'ils sont de la même nature que nous. Par conséquent, aimons tous nos proches selon cette règle, en ce qui regarde les bonnes moeurs et la vie éternelle, travaillant de toutes nos forces à leur salut comme au nôtre et en portant secours à leurs nécessités autant que nos moyens nous le permettront. Nous aimons Dieu de tout notre coeur, si nous nous efforçons de lui plaire autant que cela nous est possible, s'il est seul notre désir, notre espérance, le but de nos pensées, tout notre amour, toute notre charité. Faute de quoi nous ne le chérissons point parfaitement; nous n'avons pas la charité et qui n’a pas la charité ne lui appartient plus, et qui, dans ce désert plein de tristesses n'aura pas suivi le droit chemin de l'amour, ne l'aura point pour récompense de ses travaux. Et le chemin de l'amour, c'est non-seulement d'aimer ceux qui nous aiment, mais encore celui qui nous hait, et, de l'aimer non moins que soi-même. Ce sentier est étroit et peu y marchent. Ceux-là seuls le suivent, qui se méprisent eux-mêmes à cause de Jésus-Christ, et à qui tout paraît vil à cause de Jésus-Christ. Que s'ils rencontrent quelques ronces diaboliques voulant se cacher sous les pieds des voyageurs de la charité, comme des cerfs agités courant avec force, conduits par l’amour de la patrie céleste, ils bondissent au delà, et conduisent au néant le démon lui-même qui leur souffle la haine fraternelle ; et les mouvements de leur âme, quand une injure reçue les a agités en quelque manière, et lorsqu'ils veulent s'emporter contre le prochain qui les a offensés, ils les retiennent comme avec le frein de la charité et les brisent à la pierre qui est Jésus-Christ. Sans nul doute des chrétiens de ce genre donnent leur âme en se mettant ainsi par la charité aux pieds de leurs amis et de leurs ennemis, afin de gagner tous les hommes à Jésus-Christ. Qui agit de la sorte, qui obéit aux préceptes du Sauveur et lui rend amour pour amour, celui-là est en vérité un ami du Christ, et parce qu'il se hait lui-même à cause de Jésus, et qu'il aime ce bon maître par dessus tout, et qu'il enveloppe dans sa charité tout ce qui a de la haine contre lui, qu'il se réjouisse de ces saintes dispositions.

2. Qui est tel, est vraiment moine; qui n'est point tel, bien que revêtu de la cuculle, de bure grossière, rasé, tonsuré, ayant ou étant tout ce que vous voudrez, celui-là est une image, une peinture de moine, il n'est point un religieux. Je le dis pour la honte de ceux qui sont pour ainsi dire hérétiques. Il se trouve dans le monastère des religieux atteints de cette maladie, prompts à se mettre en colère, toujours disposés à s'irriter, très-enclins à la haine, faisant sortir la démangeaison qui ronge leurs coeurs par le tranchant de leur langue, pour mordre les autres; esprits corrompus, inconstants et inquiets, ana yeux errants, murmurant sans cesse, gourmands, grognant sourdement, jaloux, orgueilleux et enflés, ingrats envers Dieu dont ils ne reconnaissent point les bienfaits, vêtus des peaux de la prévarication d'Adam, dépouillés de son vêtement d'innocence en lequel il fut créé selon le Seigneur, dans la justice et la sainteté de la vérité; les malheureux gardent les anciennes apparences et sous un front aimable, ils portent dans un cœur envenimé l'astuce du renard. Que leur visage rougisse, qu'il se couvre promptement de confusion, qu'ils avouent leurs fautes et s'en guérissent; qu'ils dirigent leurs pas dans les sentiers de l'éternité, dans les chemins du chaste amour, dans la route très-glorieuse de la charité qu’ils rendent à leurs frères dilection pour dilection, qu'ils aiment Dieu par-dessus tout, qu'ils donnent leur vie pour son amour, qu'en tout et pour tout ils obéissent à ses préceptes, afin d'être appelés et d'être réellement les amis de Jésus-Christ, qui parle en ces termes: « Vous êtes mes amis, si vous accomplissez ce que je vous ordonne. » O grande tendresse, ô charité inestimable, bonté insondable, affection qui dépasse toute  mesure ! Serviteurs, nous sommes indignes d'être placés à côté de lui, et cependant il daigne nous avoir pour amis et nous en donne le titre. Celui qui donne la douceur, celui qui aime la charité, bien plus, celui qui est la tendre charité, l'allégresse bienheureuse, et la tranquillité heureuse, la sécurité parfaite, et l'éternité bienheureuse et l'éternelle félicité, le Seigneur Jésus; tout désirable, tout aimable, le trésor incomparable, le diamant inappréciable, celui qui fait vivre, l'espérance des mourants, le bonheur éternel de tous ceux qui pour son amour se sont rendus infortunés en ce monde. O combien est heureux celui qui par amour pour lui s'est réduit à l'indigence ! Oui, il est véritablement heureux et digne d'un bonheur éternel; celui qui se méprise, se dédaigne lui-même, se déplaît, afin de plaire à son Créateur. Apprenons-le, à tout superbe, à tout orgueilleux, souillé des vices du mont Galgala, rongé de gale dans une chair de luxure, impur dans sa conscience mauvaise, se plaisant à lui-même, s'élevant au dessus de lui-même. il ne plaira pas à son Créateur, si, à cause de son erreur première, il ne se déplaît à lui-même. Ayons pour désagréable, mes très-chers frères, d'avoir été et d'être peut-être encore mauvais, et plaisons-nous à penser que n'étant pas encore parfaits, avec le secours du Seigneur Jésus-Christ, plût au ciel que nous puissions dire: Notre-Seigneur Jésus-Christ, nous le deviendrons en gardant ses commandements. Et de ses ennemis vous serez placés parmi ses amis, lui qui a dit : « Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande.

3. Je m'adresse encore à vous, moine de saint Benoît. Homme, vous êtes prompt s'il s'agit d'aller à table, lent s'il faut venir à l'Église, puissant pour boire, malade pour chanter, éveillé pour entendre des fables, endormi pour passer les saintes veilles; babillard, s'il est question de causer, muet si vous êtes requis de psalmodier ; prêt à vous mettre de suite en colère et à dire du mal, paresseux pour vous mettre en prières; vous aimez la jalousie, vous persécutez Jésus-Christ, vous faites attention à une paille, vous ne considérez pas une poutre; vous réprimandez les autres et vous ne vous corrigez pas vous-même; vous inventez des malices, vous détruisez la discipline, vous êtes l'ami des vices et l'ennemi       des vertus. Voilà ce qui aveugle l’oeil et sépare de Dieu. Voilà ce qui d'un convers fait un pervers, et d'un moine un serviteur de Satan. Lorsque du fond du coeur (ce qui est rare et précieux) je remarque de quelle ferveur d'amour le véritable ami brûle pour celui qu'il aime, les bienfaits qu'il a répandus sur ceux qu'il a rachetés de son sang et la santé qu'il m'a accordée, je l'avoue, je me déplais entièrement et je suis confus de moi-même au dedans de moi. Je suis confus et je le serais davantage, je me livrerais même au désespoir, «si le Verbe qui a été fait chair et a habité parmi nous » est monté aux cieux, est assis à la droite du Père, n'était victime de propitiation pour nos péchés. Infirme et gisant au fond de l'abîme de ma honte, dévoré par la fièvre des vices, du haut de son trône royal il me tend une main secourable et me dit. viens à moi, toi qui ressens la fatigue des péchés et fléchis sous leurs poids écrasants, et je te referai en te pardonnant et en te donnant la grâce de mon amour. Car tu seras mon ami si tu fais ce que je t'ai prescrit. Quoi! tu n'es pas confus à ces paroles? Car ce qui est à moi est à toi. Que les ennemis du Christ soient confondus, qu'ils rougissent bien vite et ils seront ses amis : nous sommes ses amis si nous l'aimons de tout notre coeur vous n'êtes pas ses amis si vous ne le chérissez pas en toute manière. Si d'un côté vous êtes chastes et de l'autre orgueilleux, vous devez vous souvenir « que Dieu résiste aux superbes et qu'il donne sa grâce aux humbles. » Il est donc nécessaire que vous l'aimiez de toute manière, que vous vous attachiez à lui de tout votre coeur, car s’unir à lui est chose bonne et pleine de sécurité. Qu'est-ce que s'attacher à lui ? c'est placer son espoir en lui, n'aimer rien que lui, bien plus, mépriser toutes choses à cause de lui, haïr tout, avoir tout en dégoût, regarder comme rien tout ce qui passe. Voilà ce qui est bien, ce qui est agréable, aimer ainsi Notre-Seigneur Jésus-Christ. Qui donc est dans ces conditions, est son ami.

4. Considérons donc, mes frères, combien grande est la miséricorde de notre Rédempteur. Nous ne sommes pas dignes qu'il nous regarde comme ses esclaves, et nous sommes appelés ses amis, et le sommes véritablement, si nous persévérons en son amour. Observons donc les commandements de Notre-Seigneur, de notre véritable ami, du Créateur de toutes choses, de celui qui a tout créé, afin que nous soyons dignes d'être non-seulement au nombre de ses amis mais encore au rang de ses enfants, en nous quittant nous-mêmes à cause de lui, qui s'est anéanti et a pris pour nous sauver la forme d'esclave en laquelle il a payé ce qu’il n’avait point pris et qui a voulu être flagellé, être massacré, être crucifié et mourir pour nous. C'est là le motif qui doit porter à aimer Notre-Seigneur Jésus-Christ ; c'est par là qu'il sera pour nous le Seigneur Jésus, si nous nous renonçons à cause de lui. Heureuse abnégation et bien heureux mépris qui du pécheur, fait un juste, d’un ennemi un ami, du serviteur un fils ; bien plus, chose prodigieusement grande, d'un serviteur du démon un enfant de Dieu. Donc, moine de Jésus-Christ, contempteur du monde, méprisez-vous vous-même, dédaignez le monde, dédaignez-vous vous-même. Une récompense trop grande est due à ce mépris et à cette abnégation de vous. C'est chose inestimable que l'abondance de la douceur, de la félicité, et de l'éternité glorieuse que Jésus-Christ donnera à ceux qui l'aiment. Rien de plus cher, rien de plus beau, rien de plus précieux, rien de plus éclatant que Jésus-Christ. Il est le salut sans langueur, la vie sans mort, la joie sans tristesse, la beauté sans fard, la douceur sans amertume. C'est cette récompense qui est due à ceux qui se renoncent pour lui. Que Jésus-Christ lui-même nous accorde cette récompense qui n'est autre chose que lui, lui qui vit et règne sans fin dans les siècles des siècles. Amen.

 

Haut du document

 

Précédente Accueil Remonter