SERMON III
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SERMON III.

 

1. Comme il faut, en vertu de la condition humaine, que tout homme aille à son travail et s'y livre jusqu'au soir (Psal. CIII. 24), et que l'Écriture ne peut manquer de s'accomplir : il faut que chacun de nous, tant qu'il vit dans le corps, ne cesse de pratiquer ce qui lui sera utile pour l'éternité. Car, bientôt viendra le temps et l'heure où cessera tout travail, et toute préoccupation causée par le travail, et alors chacun recevra selon ce qu'il a fait. Comme donc rien n'est plus doux, rien n'est plus juste, que de considérer les commandements du Seigneur, j'ai choisi de méditer de la loi de Jésus-Christ, parce qu'il est bon pour moi, par dessus des poids étonnants d'or et d'argent, de m'attacher à la loi de mon Rédempteur, et de faire part, à qui en voudra, du fruit de mes travaux. Pour vous, mon cher lecteur, écoutez soigneusement, et examinez ce que le Christ dira en moi pour votre utilité. Nul n'est plus grand, nul n'est meilleur que lui ; nul n'est plus beau, nul plus doux, nul plus cher ; il est la gloire des saints, la splendeur des anges, l'auteur et le créateur de toutes choses; il dit à ses disciples : « Je vous le dis en vérité, qui reçoit mon envoyé, me reçoit moi-même. Et qui m'accueille, accueille celui qui m'a envoyé. » Après que Notre Seigneur et Sauveur eut appris par son exemple l'humilité et la souffrance, il parla ensuite d'honneur pour consoler ses disciples, affirmant que son Père et lui sont reçus en la personne de ceux qui l'ont accueilli en leur nom. Il est à remarquer ici, que dans l'envoyé ce n'est pas l'autorité de celui qui est envoyé, mais bien l'autorité de celui qui l'envoie qui se fait sentir. Celui donc qui reçoit l'ambassadeur de Jésus-Christ reçoit Jésus-Christ, et s'il accueille Jésus-Christ, il accueille, par-là même, le Père de Jésus-Christ.

2. Qu'entends-tu, ô chrétien? La Vérité parle : la Vérité ne peut mentir. Elle dit : «Si quelqu'un reçoit celui que j'envoie, il me reçoit moi-même. » Qui envoie-t-il ? Quel est son envoyé ? le pauvre se présente, le mendiant vient; c'est un étranger, pèlerin ; il n'a pas de quoi se vêtir, pas de quoi manger, pas d'endroit où reposer sa tête ; il se présente à votre porte, à votre maison; il ne s'adresse paâ comme un frère à un frère, comme un égal à un égal; mais parlant comme parle un serviteur à son maître, il demande du pain, un habit, l'hospitalité pour l'amour de Jésus-Christ. Que vous en semble ? Quel est ce mendiant, quel est cet étranger qui, pour l'amour du Seigneur, sollicite avec tant d'humilité et avec tant d'instances à être logé chez vous ? C'est l'envoyé de Jésus-Christ, c'est son ambassadeur; il n'est pas seul, Jésus-Christ est avec lui. Recevez-le avec joie, nourrissez-le avec reconnaissance, servez-le avec un grand respect et une sainte frayeur : vous recevez, vous nourrissez Jésus-Christ. Soyez heureux et content d'avoir mérité de traiter un tel convive. Heureuse table où s'assied Jésus-Christ, où un Dieu prend son repas : triste table que celle où manque un tel convive. Que misérable est la table, bien plus, que malheureux est le maître de la table qui repousse le pauvre, et qui ferme pour le pauvre les entrailles de sa miséricorde. O méchant serviteur, qui néglige d'ouvrir les trésors de la piété. Ne fallait-il pas avoir compassion. de celui qui est serviteur aussi bien que vous ? Qui vous a donné ce que vous avez: n'est-ce pas le Seigneur du pauvre? n'est-ce pas celui qui vous a donné la vie et qui l'a donnée à, l'indigent ? La nature vous a-t-elle pas créés égaux, et à la fin de votre carrière n'aurez-vous pas la même condition ? Pourquoi des termes de vie si semblables ne vous touchent-ils pas? Accueillez-le malheureux, recueillez le mendiant et le pèlerin : rassasiez celui qui a faim, revêtez celui qui est nu, livrez-vous autant que vous le pourrez aux oeuvres de miséricorde. Quand le pauvre demande, de suite ouvrez votre main; car Jésus-Christ reçoit votre aumône en même temps que votre frère la reçoit. Pour vous, cher lecteur, n'ayez pas, je vous en conjure, horreur du pauvre ; mais aussitôt que vous l'apercevez, ne négligez point de l'honorer; bien qu'il soit lépreux, couvert de sales haillons, d'une haleine fétide, serrez-le néanmoins dans les bras de votre charité, et donnez-lui avec bonté ce qu'il vous demande. En vérité, vous donnez à Jésus--Christ, c’est Jésus-Christ qui reçoit, c'est lui qui est témoin, il ne peut mentir, et au jour du jugement il vous rendra une éternelle récompense. Voici la suite.

3. « Jésus ayant dit cela, fut troublé en esprit; il s'écria et dit : En vérité, en vérité je vous le dis, l'un de vous me trahira. » Jésus fut troublé selon notre infirmité et non selon sa puissance ; c'est notre faiblesse qui fut troublée en lui, et non sa force, ainsi que c'est-elle qui souffrit : volontiers, il souffre le trouble, pour que le serviteur, en proie nécessairement à ce trouble, ne désespère pas. Ce trouble, d'esprit indique ceux que la charité devrait agiter en esprit, lorsqu'un grave motif contraint de séparer l'ivraie du bon grain avant la moisson, c'est-à-dire d'excommunier avant le jour du jugement. Mais il faut remarquer qu'il existe deux. sortes de trouble, le trouble de la chair et le trouble da l'esprit. Le trouble de la chair, c'est la souffrance de la chair : le trouble de l'esprit, c'est la crainte, l'anxiété et autres sentiments semblables. Ce n'est donc pas dans la chair, c'est dans l'esprit que le Seigneur était troublé, lorsqu'il allait s'écrier : « l'un de vous me trahira : » non que ce fût la première fois qu'il eût cette connaissance, et que ce péché subitement découvert lui causât cette impression; mais c'est qu'il était sur le point de le révéler, afin qu'il ne fût plus caché, et que Judas allait sortir et amener les Juifs. Le péril prochain qu'allait courir le traître le troubla, comme il a été dit plus haut, et sa passion qui approchait le troubla, ainsi qu'il est dit plus bas : « Maintenant mon âme est agitée, et que dirai-je ? » Voilà ce qu'il dit lorsque l'heure de ses souffrances allait sonner. Le Seigneur Jésus fut troublé en esprit, et il déclara ouvertement ce qui était caché, et il dit : « En vérité, en vérité, je vous le dis, l'un de vous me trahira. » Comme s'il disait, l'un de vous va sortir, et me livrera : l'un de vous, mais qui n'est pas uni par les liens de la charité, est sur le point de me trahir. Les disciples se regardaient entre eux, ne sachant de qui il parlait. Le trouble, la crainte et l’anxiété tourmentaient grandement l'esprit des apôtres. Avec quel soin pensez-vous que Pierre et les saints apôtres fouillaient l'intime de leur âme, pour découvrir s'ils avaient relativement à l'auteur de la vie quelque pensée sinistre; ils n'étaient pas peu agités, car la pâleur qui se montrait sur leur visage indiquait la douleur qui rongeait leur âme. Mais il n'éprouvait aucune émotion celui qui, dans sa poitrine envenimée, portait la ruse du renard : il ne souffrait nullement, lui qui aurait dû ressentir une douleur infinie.

4. O bonté du Rédempteur ! O pitié du créateur ! Il ne veut la mort de personne, il désire que tous se sauvent: Il ne désigne pas spécialement celui qui trahira, de crainte qu'ainsi découvert il ne devint plus impudent et ne renonça davantage toute honte. Il manifeste donc le crime, et lui donne moyen de se repentir, afin que le coupable, voyant qu'il ne se pouvait plus cacher, fit pénitence. Mais cet homme de perdition, n'accueillant aucun sentiment de respect, resta comme il était ou devint pire, s'affermissant en s'obstinant dans l'affection de son coeur. Mais les autres apôtres, dont la tristesse agitait les coeurs comme une tempête, se regardaient indécis de ce que le Sauveur parlait ainsi parce que, bien que chacun connût sa conscience, il ne connaissait pas celle de son frère. Il y avait donc un disciple aimé de Jésus, qui était incliné sur sa poitrine. Heureux disciple qui avait avec l'auteur de la vie présente et à venir, une familiarité si grande : il fut trop honoré d'avoir pour reposer sa tête une poitrine si vénérable, la poitrine de Jésus, le créateur de toutes choses. Or Jésus chérissait grandement celui qu'il honorait si extraordinairement. O qu'il reposait bien celui qui était ainsi sur le coeur de Jésus ! 0 bienheureux, apôtre de Dieu, disciple de Jésus-Christ, heureux Jean, plaise au ciel que je mérite d'arroser de mes larmes, en les baisant, les pieds de celui sur la poitrine de qui vous avez mérité de dormir. Plût à Dieu que je passe, de loin du moins, contempler la face de celui qui vous a ménagé un sommeil si délicieux ! Ici cet apôtre parle en historien, comme s'il s'agissait d'un autre, pour ne point paraître parler de lui. Ce sein, ou cette poitrine signifiait ce secret où il but le mystère de la divinité. Le Seigneur aimait Jean, non plus que les autres, mais plus familièrement; il lui ménageait de sortir en paix de ce monde et non par la voie des souffrances. Simon Pierre lui fit signe, et lui dit : « de qui parle le Maître » ? Pierre savait que Jésus-Christ aimait saint Jean d'un amour de prédilection, et qu'il ne lui cachait pas les secrets de sa divinité, aussi il fit signe à cet Apôtre de lui demander quel était celui dont il parlait. C'est pourquoi lorsqu'il fut incliné sur la poitrine de Jésus, il lui dit « Seigneur, quel est celui-là ? » Quel est ce malheureux ? Quel est ce misérable? Quel est ce maudit ? Quel est celui qui vous trahira? Je vous en supplie, ne le cachez pas à celui à qui vous avez daigné révéler les secrets de votre divinité. Le Seigneur répond : « C'est celui à qui je présenterai du pain trempé. Et ayant trempé du pain, il le donna à Judas Iscariote ». Le pain mouillé représente la dissimulation de cet apôtre, qui s'unit à la cène comme un faux ami. En effet ce qui est teint ne purifie pas, mais tache plutôt.

5. Mais quel fut ce pain que Judas reçut trempé. Si le Seigneur me donne de le comprendre, je ne laisserai point mon lecteur dans l'incertitude, s'il veut m'écouter, Mais, avant il faut savoir que tout le pain se prend en plusieurs sens dans l'Écriture. Il y désigne quelquefois le Seigneur, d'autrefois la grâce spirituelle; tantôt la science de la doctrine divine ; tantôt la prédication des hérétiques; ici, un secours pour la vie présente ; là, la jouissance de la délectation humaine. Le Seigneur est appelé pain, comme il parle lui-même : « Je suis le pain vivant descendu du ciel (Joan. VI, 51). » Si nous voulons dire que le Seigneur fut ce pain que le traître reçut trempé, nous le pouvons sans quitter la vérité. Judas reçut donc le pain trempé, parce qu'il regarda le Seigneur Jésus comme un homme seulement et non comme un Dieu. Il mangea un morceau trempé ou de pain cuit sous la cendre et trempé, parce que s'il crut que le Seigneur mourrait, il ne crut néanmoins pas qu'il devait ressusciter. Ce pain bienheureux fut trempé, lorsque les pieds du Sauveur ayant été fixés à la croix pour notre salut, il parut n'avoir ni apparence ni beauté. Les Juifs, personnifiés par Judas, mangent ce pain, parce qu'ils croient. que Jésus ne fut pas Dieu, mais un pur homme; ils avouent qu'il est mort, mais ils rejettent encore sa résurrection. Il ronge ce pain, celui qui nie que le Fils de la vierge a existé avant tous les siècles. Il le ronge pareillement celui qui s'écarte de la solidité de la foi; et qui voudra affaiblir la foi catholique, ne pourra se nourrir de cet aliment solide. La grâce spirituelle est aussi appelée pain, comme en ce passage du Prophète: « Il bouche ses oreilles pour ne point entendre le sang, et il ferme les yeux pour ne point voir le mal : il habitera sur les hauteurs: les cimes puissantes des rochers forment son séjour élevé, le pain lui a été donné, et les eaux sont fidèles (Isa. XXXIII, 15). » En voici le sens : « Il bouche les oreilles pour ne point entendre le sang, » c'est-à-dire, il ne donne point consentement aux paroles des pécheurs qui naissent de la chair et du sang; « il ferme les yeux pour ne point voir le mal, » c'est-à-dire, il s'éloigne de tout ce qui n'es point droit : « il habite dans les hauteurs : » encore que la chair le retienne dans les régions inférieures, son âme est dans les sphères élevées. « La force des rochers est son élévation, » il foule aux pieds les désirs abjects de la vie terrestre, marchant sur les exemples des pères qui l'ont précédé, il s'élève vers la patrie d'en haut: et comme, par le don de la contemplation, il est rempli de la grâce céleste, c'est avec raison que le texte ajoute:  « Le pain lui a été donné, » c'est-à-dire, il a reçu le bienfait de la part céleste, parce qu'en espérant les biens célestes, il s'est séparé des choses basses et caduques. Ce pain donc, ou plutôt cette grâce que le Seigneur lui avait octroyée, Judas l'a reçue trempée, parce qu'il exerça sa haine et non son amour contre Jésus le consommateur des vertus. Il lui était dû, parce que son visage hypocrite simulait la sainteté. Il affectait sur son visage une religion qu'il n'avait pas dans son âme: il faisait parade en ses habits d'une sainteté qu'il repoussait de son coeur : agneau au dehors, pour le public, il était un loup au dedans: à l'extérieur, disciple de Jésus-Christ, à l'intérieur, il se trouvait le disciple du démon. Plusieurs mangent ce pain, parce qu'ils ne pratiquent pas en réalité la religion qu'ils affectent en parole. Que de moines se trouvent dans ce monastère de saint Benoît, qui rient lorsque les autres pleurent, qui se réjouissent quand les autres s'attristent, reclus du corps, toujours errants en esprit, jamais stables ? Paresseux pour l'étude, lents pour l'oraison, assoupis à l'Église, réveillés au réfectoire, se plaignant des longues veilles, mais réjouis des longs repas, détestant le cloître, chérissant le parloir, restant souvent hors du choeur sous prétexte d'infirmité; regardant l'infirmerie d'un oeil de travers, non pour l'infirmité de la chair, mais à cause des désirs qu'elle éprouve; ils murmurent toujours, toujours ils se plaignent. Ces malheureux, que font-ils autre chose que de manger du pain trempé. Ils suivent le traître Judas, et, s'ils ne viennent à résipiscence, qu'ils prennent garde à ne pas se damner. Voici la suite :

6. « Après cette bouchée, Satan entra en lui. Et Jésus lui dit: ce que tu fais, fais le vite. » Quelques-uns pensent que Judas reçut alors le corps de Jésus-Christ. Mais il faut savoir que déjà le Seigneur avait distribué à tous ses apôtres le sacrement de son corps et de son sang, et que Judas était de ce nombre. Ensuite ce traître est désigné par la bouchée de pain trempé qui lui est offerte. Plusieurs faux religieux reçoivent en commun avec les fervents le corps du Seigneur, on ne les en peut discerner que par la bouchée trempée, c'est-à-dire par la détraction, le murmure, la désobéissance, les paroles lascives, l'argent tenu en cachette, et peut-être par d'autres péchés plus graves encore. Un homme de ce genre n'est pas un moine, il est plutôt semblable au traître Judas. Quel qu'il soit, que dans son      repentir il redoute ce qui est dit à la suite, c'est-à-dire, d'être damné avec cet apôtre perfide. Car alors « Satan entra en lui » pour posséder plus pleinement celui dont il avait commencé de s'emparer. II entra en lui pour le -tromper, pour le tirer du collège apostolique, et pour se servir de lui librement, non d'une manière occulte, mais manifeste, en le perdant et le précipitant dans l'abîme de la perdition. Et ce qu'il a fait de Judas, il ne cesse de le faire de ceux qui lui ressemblent. Car, après avoir possédé longtemps un esclave dans un monastère, en dernier lieu, il ne le laisse pas dans la société de ses frères, mais il attire hors de la sainte maison le traître qu'il y tenait dans son autorité. Comme il ne doute point de la proximité de la fin du monde, il cache aux yeux des méchants l'habileté de sa malice, et veut frapper d'une mort soudaine et impérieuse ceux qu'il a tenus longtemps enchaînés à quelque mauvaise habitude. Il permet souvent à quelques-uns de rester dans un monastère jusqu'à leur mort, afin de pouvoir corrompre et perdre les autres par la perversité de ces malheureux. Et comme il tient pour indifférent de tuer les âmes dans un monastère ou au dehors, pour nous, avec la protection du Seigneur, évitant ses embûches, mettons en pratique ce qui est dit: « Ce que tu fais, fais le promptement. » Car cette parole n'est pas un ordre donné, c'est un mot qui hâte le mal pour Judas, le bien pour nous, car le Seigneur veut que cet événement se réalise promptement, se hâtant moins de punir ces malheureux que de sauver ses fidèles.

7. O amour sans terme, ô charité inestimable, ô dilection insondable: Ce que tu fais, fais le vite. C'est ce que je désire, je le veux, je le cherche, c'est pour cela que je suis venu au monde. Ce que tu fais, achève-le promptement. Tu veux me vendre aux Juifs ? je veux être vendu. Tu veux me livrer ? je veux être livré. Tu veux que je sois crucifié? je le désire. Tu veux que l'on m'immole ? je le veux, je l'aime, je le souhaite. « Ce que tu fais, fais le bien vite. » Mais, ô Jésus, ma vie, tout mon désir, douceur véritable, agréable et glorieuse, beauté des anges, splendeur et éclat des saints, combien aimiez-vous ceux pour qui vous désiriez mourir ? Pour nous, vous désiriez la vie, pour vous, la mort. Malheureux que je suis d'avoir si grièvement offensé et d'avoir eu en haine mon Seigneur Jésus-Christ, qui est mon Seigneur et mon Dieu. Plût au ciel que j'eusse été tourmenté mille ans dans le feu du purgatoire, plutôt que d'outrager de la sorte ce divin maître ! O chers lecteurs, répandez pour moi des larmes devant le Seigneur; qu'il m'écoute lorsque je crie, qu'il m'ouvre lorsque je frappe, qu'il me console dans mes larmes et mes souffrances, et qu'il me reçoive pénitent, dans sa bonté. O Seigneur Jésus, ayez pitié de moi. Montrez-moi de nouveau votre visage agréable. Vous qui avez daigné mourir pour les pécheurs, ne permettez pas que je sois tourmenté dans les flammes « éternelles. » O mes très-chers frères, remarquez, considérez avec beaucoup d'attention, combien il est à chérir et à aimer celui qui a souffert tant d'opprobres pour l'amour de vous, et qui exhortait celui qui le livrait à la mort, en ces termes: « Ce que tu fais, fais le vite. »

8. Nous lisons à la suite : « Nul des convives ne sut dans quel but il lui parla ainsi. Comme il avait la bourse, quelques-uns pensaient que Jésus lui disait : Achète ce qui nous est nécessaire pour le jour de fête, ou bien qu'il lui ordonnait de distribuer quelques secours aux pauvres. Il avait le petit coffre où étaient réservées les oblations faites par les saintes âmes et destinées à servir aux besoins de la troupe et à ceux,des autres indigents. En quoi l'exemple est donné à l'Eglise, de conserver ce qui lui est nécessaire, pour qu'elle ne s'occupe point du lendemain et ne soit pas asservie aux choses terrestres, ou que, par crainte, elle ne dévie de la justice. Ayant reçu la bouchée, Judas sortit à l'instant. Il faisait nuit quand sortit ce fils des ténèbres, qui faisait des oeuvres noires et mauvaises. Nous donc qui sommes les disciples de Jésus-Christ, prenons garde à ne point manger de ce pain trempé : gardons en notre âme la religion que marque notre habit, que l'intérieur réponde à l'extérieur, dans la crainte, qu'à l'heure de la nuit, nous ne sortions réprouvés de la puissance du Seigneur, et n'allions pas dans l'étang de souffre et de feu pour y être brûlés avec le démon. Attachons-nous de toutes nos forces à celui à qui il fait si bon s'unir. Que mon âme s'attache à vous, Seigneur, mais de telle sorte que jamais vous ne souffriez qu'elle se sépare de vous, la conduisant auprès de vous pour être consolée au plus vite des gémissements qu'elle pousse vers vous. A vous gloire et honneur dans les siècles des siècles. Amen.

 

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