SERMON XIV
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SERMON XIV.

 

1. Comme notre langue ne doit pas garder le silence au su je de notre Rédempteur, et comme ce divin maître ne se rend point de sitôt Présent à ceux qui se taisent de lui. il est trop de notre intérêt, à mon avis, de ne pas terminer, à la légère, le jour, en nous entretenant de lui, et de ne pas subir au contraire la sentence d'une condamnation terrible si nous laissons notre langue proférer en liberté de vaines parles. Réprouvant et retenant en tout lieu sous un silence éternel, les paroles vaines et qui ne sonnent le Christ, que notre lyre étende ses cordes pour redire ses douceurs, accents proférés par le Verbe du Père, et que notre langue, archet de l'âme, fasse retentir, comme une trompette habilement tenue, les doux oracles de la vie tombés des lèvres de miel : du Christ. Plaise au ciel que nul intérêt ou nul mépris ne vous fasse négliger ce que l’on vous propose, mais que cette inspiration sainte, au contraire, plus profondément gravée dans votre coeur, vous devienne plus chère que la pierre précieuse, et soit plus douce au palais de votre âme que les rayons de miel les plus suaves. Que l'auteur même de la douceur, selon les souhaits duquel tout arrive, à la volonté de qui tout obéit, qui peut même ce qui paraît impossible, soit tellement doux à vos coeurs que vos délices soient de toujours entendre parler de lui; qu'il m'enseigne entièrement la sagesse qui vient de lui; que par ma bouche, comme par une lance, il blesse et tue l'ennemi du genre humain qui s'efforce de nous rendre viles les paroles de Jésus-Christ et de faire tourner à ma damnation ce que j’ai prêché et appris aux autres. Que, contre ses attaques, nous soutienne, nous protège et nous défende ce Jésus qui nous a aimés et nous a lavés de nos péchés dans son sang, ce bon maître qui nous instruit par ses paroles et nous conduit par ses exemples ; qui donne l'ordre et sanctionne le précepte, ordre agréable, précepte de vie, ordre d'amour, précepte et charité. qui l'établit et l'accomplit, le porte et le réalise en lui et en nous.

2. C'est ce précepte que Jésus a donné, qu'il a établi pour ses disciples, précepte de charité et de dilection, dont il parle en ces termes : « Voici mon commandement, c'est que vous vous ailliez les uns les autres comme je vous ai aimés. » Doux et suave, le Seigneur a porté un commandement doux et suave comme lui. Doux et suave paraît ce que commande l'affection et ce vers quoi entraîne l'amour. Là où fa charité se fait sentir, n'apparaît aucune difficulté: il n'y a pas de fatigue où est l'amour véritable. Tous obéissent volontiers à l'amour et se soumettent à son joug : les pervers suivent le pervers, les débauchés, le débauché, les saints le saint, les chastes le chaste, chacun selon son désir. Le Seigneur donne le précepte de l'amour, le précepte de la dilection, afin que tous s'y conforment et se hâtent de fléchir sous le joug de l’humilité leur tête superbe. C'est pourquoi, mes frères, comme de bons disciples de Jésus-Christ, soyez prêts à entendre, recevez avec plaisir et accomplissez fidèlement en toute chose son précepte que fait retentir à vos oreilles la trompette évangélique : afin que vous puissiez revenir par l'amour à celui dont vous vous êtes éloignés par orgueil.

3. Maintenant, que votre charité entende ce qu'exige de vous la charité véritable, la charité exquise, la charité inouïe, la charité tendre, la charité bonne et la charité entièrement douce, entièrement délicieuse, l'époux ravissant, magnifique, éclatant de blancheur et leu même temps empourpré, choisi entre mille, le Christ, juge du siècle à venir, le prince de la Paix et le Seigneur de la vie. Le Seigneur Jésus, béni dans tous les temps, dit : « Mon précepte, c'est pour que vous, vous aimiez mutuellement comme je vous ai aimés. » Précepte facile, doux et suave. Facile à porter, suave à embrasser, à accomplir. Quoi de plus facile, quoi ale plus suave, quoi de plus doux que d'aimer? Tout homme le peut, malade ou bien portant, riche ou pauvre, sage ou insensé, noble ou roturier, libre ou esclave. Que personne, en cette matière, rie se défende et ne s'excuse. Tout homme à le pouvoir d'aimer. Du précepte du Seigneur, il résulte que, nous devons nous aimer réciproquement.

4. Mais comme plusieurs s'aiment, non de cette dilection qui est la charité, mais qui est un outrage contre le Seigneur, sentiment man, vais qui va de la chair à la chair, qui conçoit la douleur et enfante l'iniquité : passion aveugle, concupiscence enflammée qui, par ses aiguillons de malice et de méchanceté, contraint celui qu'elle excite comme un animal sans raison vers l’abîme, qu’il ne peut voir à l’avance et éviter le gouffre de l'enfer dans lequel il se trouve, on ajoute : « Comme je vous ai aimés. » Comment Jésus-Christ nous a-t-il aimés ?  Comme il l'a montré, ainsi que nous l'avons exposé plus haut'. Mais afin de vous ramener vous-mêmes à vous-mêmes pour vous la faire connaître, votre dilection, votre religion savent combien la chair et le sang de Jésus-Christ qui sont immolés et reçus à l'autel par les fidèles témoignent de l'amour que le Seigneur a eu pour nous. Ainsi que votre dilection sache qu'en certains cas votre propre intérêt doit être placé après celui du prochain. Que si votre sainteté cherche encore une autre marque de tendresse de Jésus-Christ, vous pouvez la trouver même dans lesbiens temporels qu'il vous a accordés. Aussi, il est à remarquer qu'il existe deux amours de Jésus-Christ, l'un temporel, l'autre spirituel, l'un commun, l'autre spécial. Le premier, c'est-à-dire celui qui est temporel, la bonté du Créateur l'étend uniformément aux justes et aux impies : celui qui est spirituel ou spécial se borne à ceux qui vivent dans la piété et la justice. Et cet amour spécial se partage comme en deux branches. L'une nous donne les vertus, l'autre récompense les mérites : l'une, par les vertus, nous fortifie contre les traits de notre ennemi redoutable, l'autre nous accorde la gloire éternelle pour récompenser notre triomphe légitimement remporté sur le tyran des âmes. La tendresse de Jésus-Christ, qui l'a porté à nous chérir et à nous laver dans son sang de toute souillure de la chair et de l'esprit, nous a donné ces deux sortes d'amour.

5. De même donc que Jésus-Christ nous a aimés d'un double amour, ainsi il nous a ordonné d'avoir une double charité, l'amour de Dieu et l'amour du prochain. Si dans un cœur pur, une conscience droite et une foi sans feinte, nous montrons notre charité envers le Seigneur et envers nos pères, nous résistons facilement au péché, nous avons en abondance toute sorte de biens, nous repoussons les réjouissances du monder, et nous accomplissons facilement ce qui est dur et difficile à la faiblesse humaine, même avec affection. Si pourtant nous aimions dé tout notre cœur et de toute notre âme le Seigneur de cette charité parfaite qui vient de lui; si nous le chérissons de tout notre coeur, il n'y aura rien en nous qui nous asservisse aux désirs de péché. Et qu'est-ce qu'aimer Dieu ? Ne s'occuper que de lui, concevoir en son esprit le désir de jouir de sa présence, avec la, haine du péché, le dégoût du monde : garder en l'amour même une juste mesure et ne pas altérer l'ordre établi dans la dilection. Ils altèrent cet ordre, ils n'observent pas la mesure dans l'amour ceux qui aiment le monde qu'il faut mépriser ou qui aiment davantage leurs corps qu'il faut moins chérir, ou qui peut-être n'aiment point leur prochain comme eux-mêmes ou Dieu plus qu'eux-mêmes. Nous devons être attachés à notre corps et pourvoir selon l'instinct de la nature à ses besoins, et veiller sur les dangers qui menacent sa fragilité, avoir l'œil à ce qu'en ses mouvements il soit assujetti à l'esprit, et ne fasse aucune opposition à l'âme et à la raison, afin qu'au jour de la résurrection, il vive à jamais avec le Seigneur dans la gloire bienheureuse.

 

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