Chapitre V
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CHAPITRE V : JÉSUITES BÉRULLIENS

 

I. Le Père J.-P. Saint-Jure et son autorité dans la Compagnie. — Humaniste dévot. — « Connais qui tu es... Igneus est ollis... » — Les lectures de Saint-Jure. — « Le Fils d'Aben Zomar est encore dehors » — Sébastianus Brant et sa Narragonia ». — Ralliement de Saint-Jure au bérullisme. — Gaston de Renty. — Axiomes bérulliens. — « Singulièrement », saint Jean et saint Paul. — La raison n'est pas la règle de nos actions, en tant que nous sommes chrétiens. — Saint Ignace et Saint-Jure sur « l'indifférence ». — L'exercice de l'union.

 

II. Le testament spirituel de Saint-Jure, — Filioli quos iterum parturio. — Le Concile de Trente, Bérulle et Saint-Jure. — L'esprit et le corps des mystères. — « L'air spirituel et divin qui est Jésus-Christ ». — Originalité de Saint-Jure.

 

I. Dans le présent chapitre, le point délicat n'est pas celui que l'on pourrait croire. Qu'un jésuite se rallie à la doctrine spirituelle de saint Jean et de Bérulle, la chose doit paraître assez naturelle. On se demandera bien plutôt si, au lieu de se mettre à son école, les jésuites n'auraient pas devancé Bérulle. Il me semble néanmoins qu'ils l'ont attendu et qu'ils l'on suivi. L'histoire du P. Jean-Baptiste Saint-Jure (1588-16577) va, je crois, nous donner raison (1).

Nous le choisissons de préférence à plusieurs autres, parce qu'il en est peu d'aussi représentatifs, parce que sa lente ascension vers le bérullisme me semble très significative, et parce que sa conversation a beaucoup de

 

(1) Né à Metz ; jésuite en 16o4 ; quelque temps à la cour d'Angleterre; mort en 1657. De la connaissance et de l’amour du Fils de Dieu (1634) Méditations (1642) ; Livre des élus (1643) ; L'Homme spirituel (1646) ; La vie de M. de Renty (1651) ; L'union, 1653. Cf. Sommervogel, naturellement, mais aussi, à propos de la Vie de M. de Renty, Quétif-Echard, II, p. 848.

 

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charme. Il écrit mieux que la plupart de nos spirituels ; il n'a presque pas vieilli, et il n'est presque pas ennuyeux. La Compagnie le tient pour un de ses maîtres les plus éminents. Après son Rodriguez, il n'en est peut-être pas un qu'elle lui égale. Ses novices, quand ils ont lu six ou huit fois la Perfection chrétienne du jésuite espagnol, quand ils la savent par coeur, prennent Saint-Jure. Soit dit en passant, ils ne perdent pas au change, car le Français, aussi pratique que l'autre, a l'intelligence plus haute. Quoi qu'il en soit, nul ne lui reprocha jamais de n'avoir pas l'esprit de la Compagnie. Aussi bien aurions-nous pu le célébrer déjà parmi tes humanistes dévots. Il est certainement de leur famille. Qu'en en juge sur ce prélude d'un de ses meilleurs ouvrages, l'Homme spirituel ou la vie spirituelle traitée par ses principes

 

Excellence de l'Homme.

 

Notre dessein est de parler à fond de l'homme spirituel. Mais, pour donner ouverture à un sujet si important et si riche, il est nécessaire que nous montrions auparavant ce que c'est que l'homme, et ce que c'est que l'homme chrétien. En effet, l'homme spirituel comprend trois choses : l'être de l'homme, l'être du chrétien, et celui du spirituel. Or la troisième suppose la seconde, car l'homme spirituel n'est qu'un chrétien excellent ; et la seconde repose sur la première, le chrétien étant un homme parlait, et quelque chose de plus. Avant donc de traiter de la nature et des qualités de l'homme spirituel, ouvrons la carrière, et que notre premier pas soit de considérer la nature de l'homme,

 

Tous n'accepteraient pas cette théorie des trois étages. Port-Royal, par exemple, supprime le premier, qui lui paraît sordide et ruineux. Mais, comme on le voit, Saint-Jure ne met pas en question, et tient pour un axiome la thèse maîtresse de l'humanisme dévot.

 

Le Sage s'écrie avec admiration : « L'homme est une chose grande! » Si la fameuse inscription, gravée sur le frontispice

 

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du temple de Delphes, Connais qui tu es, doit s'entendre de la connaissance qu'il faut que nous ayons de notre néant et de notre misère, afin de nous retenir dans les termes de... l'humilité, pourquoi ne l'entendrait-on pas aussi de la connaissance de notre dignité et de notre véritable grandeur? Cette connaissance n'est pas moins nécessaire pour nous inspirer du courage, pour nourrir nos esprits dans un air généreux, et pour nous préserver de tout abaissement qui serait au-dessous de notre noblesse...

Les Hébreux, selon la remarque qu'en fait Eusèbe, appellent l'homme d'un nom pris de celui du feu. Et la connaissance de tout ce que nous disons ici n'a pas même échappé aux païens, témoin le poète latin qui dit que « l'homme a une vigueur toute de feu, et que son origine est céleste ». Igneus est ollis (1)...

 

Le Sage et l'oracle de Delphes, Eusèbe et Virgile, on aura remarqué chez lui cette juxtaposition symétrique du sacré et du profane. Saint-Jure a tout lu, et en humaniste. Son érudition, beaucoup plus vaste que celle d'un Rodriguez, est aussi plus « élégante »; il aime ce mot. Chacun des vieux textes, presque toujours curieux, imprévus, qu'il cite, il les a savourés d'abord, et il les développe avec la plus heureuse abondance.

 

Un certain docteur hébreu donne une belle et ingénieuse instruction qui fait bien à (mon) propos ; il dit : « Sache, mon fils, que tandis que tu n'étudieras qu'aux sciences humaines, tu seras toujours semblable à ceux qui rôdent à l'entour du palais du Roi, cherchant la porte pour y entrer, comme ont dit nos Maîtres en ce proverbe : Le Fils d'Aben Zomar est encore dehors. Quand tu auras compris les choses corporelles, tu es seulement entré dans la porte du palais, au porche, et tu ne fais que te promener en la basse-cour. Que si tu entends lei spirituelles, tu es alors monté à la maison du Roi, et tu demeures avec lui en même lieu, mais tu n'as pas encore vu sa face. Et

 

(1) L'Homme spirituel, Paris, 1901, I, pp. 1, n, 13. Cette édition moderne n'est pas de tous points conforme au texte primitif. J'ai comparé autrefois les deux textes et pris quelques notes à ce sujet. En général, les modifications, d'ailleurs assez ridicules, ont peu d'importance. Quoi qu'il en soit, je n'ai actuellement le moyen de recourir au texte primitif que pour les passages principaux que je citerai.

 

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c'est ici où les doctes du monde s'arrêtent, à la seule considération de la nature, sans passer outre. Mais celui qui rapporte toutes ses études à Dieu, et qui, de la connaissance des créatures ne prétend que de s'élever à la connaissance et à l'amour du Créateur, celui-là est du nombre de ceux qui sont toujours avec le Roi et qui voient la beauté de son visage. » Voilà ce qu'il dit (1). Ainsi, quand... vous auriez tout seul autant de Science qu'en ont tous les hommes savants, si vous n'avez la science de Jésus-Christ, vous n'avez pas encore vu la face du Roi, vous n'êtes encore qu'à la porte de son palais. C'est pourquoi cherchez cette face et demandez cette science (2).

 

Il a goûté la poésie orientale de ce proverbe : Le fils d'Aben Zomar est encore dehors, et, tout de même, il goûtera les fantaisies septentrionales d'un « Sebastianus Brant in sua Narragonia » :

 

L'Homme... s'embarrasse l'esprit d'une infinité de choses inutiles. Folie extrême, qu'un auteur du siècle passé a fort bien représentée dans un bel emblème, où il fait voir un homme qui porte sur son dos le globe de l'univers..., et qui, chargé de ce fardeau très lourd et insupportable, marche courbé, s'appuyant des deux mains sur ses deux genoux, et suant à grosses gouttes, mais au reste, habillé en fou au milieu de ce travail, avec une robe et un chaperon de fou et avec de grandes oreilles d'âne (3).

 

Bien qu'il les applique très ingénieusement aux fins toutes saintes qu'il se propose, Saint-Jure aime ces jolies choses un peu aussi pour elles-mêmes. Humani nihil...

Sans rien de mondain, il est honnête homme. Avec cela, l'esprit le plus ouvert, le plus généreux. II ne croit pas que la spiritualité ait commencé avec les Exercices de saint

Ignace. Il possède à fond Ruysbroek, Suso, Tauler,

 

(1) N'en croyez rien. Je n'ai pas lu ce docteur hébreu, Rab. Moyse in Ductore dubitantium, mais je suis quasi sûr que le P. Saint-Jure, en le citant, le paraphrase. Il fait toujours ainsi, et excellemment,

(2) De la Connaissance et de l'amour du Fils de Dieu... Paris, 1633, I, p. 69.

(3) L'Homme spirituel, II, p. 61.

 

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Gerson, et il les cite constamment. Il s'est assimilé tout ce qu'il y a de plus excellent dans les écoles du passé. Chacune d'elles pourrait le revendiquer. L'école française comme les autres, plus que les autres, du jour où il l'aura rencontrée.

Il ne la soupçonnait pas encore, je le crois du moins, et dans tous les cas, il n'en professait pas encore explicitement la doctrine lorsqu'il publia, en 1633, son fameux ouvrage : De la connaissance et de l'amour du Fils de Dieu, Notre-Seigneur Jésus-Christ. C'est là sans doute un des chefs-d'oeuvre de notre littérature religieuse, mais on y chercherait en vain les principes de l'école française. L'auteur fait une grande place à la personne du Christ, il ramène tout à lui, mais à la façon de saint Ignace (1). Saint-Jure avait alors quarante-cinq ans. Vingt ans plus tard, nous le retrouvons clairement et, pour ainsi dire, triomphalement acquis à la spiritualité bérullienne. Son Homme spirituel (1646), Sa vie de M. de Renty (1651), enfin son Union avec Notre-Seigneur Jésus-Christ (1653) relèvent manifestement de Bérulle.

Il faut donc distinguer dans son développement deux périodes, la première tout ignatienne, l'autre toujours ignatienne

 

(1) Ainsi font d'ailleurs tous les jésuites et, entre mille, le célèbre P. J. Hayneufve. Je m'étais d'abord demandé s'il n'y aurait pas lieu d'annexer ce dernier à l'école française, tout aussi bien que Saint-Jure. Soit par exemple ces ligues de lui : «Avant-propos qui montre que la vie de Jésus dans nos âmes est la fin de ces méditations, et qui donne quelque adresse générale et des avis particuliers pour les bien faire à cette fin». Méditations sur la vie de Jésus-Christ. Partie première... Paris, 165o (3e édit.) p. 33. Mais non, pour être pleinement bérullien, il ne suffit pas de croire à la vie de Jésus dans les cimes : il faut quelque chose de plus, et ce quelque chose je ne le trouve pas dans les Méditations tout ignatiennes d'Hayneufve. C'est le cas de rappeler la remarque de Pascal : «Je sais combien il y a de différence entre écrire un mot... sans y faire une réflexion plus longue..., et apercevoir dans ce mot une suite admirable de conséquences... » Pensées et opuscules, (Brunschvieg), p. 193. Pour éviter des discussions inutiles, qu'on veuille bien appliquer aux premiers ouvrages de Saint-Jure ce que je viens de dire du P. Hayneufve : Il peut, il doit arriver que, dans la Connaissance et l'amour du Fils de Dieu, Saint-Jure s’exprime parfois comme les bérulliens, mais il me parait presque évident que le système, que la « suite admirable de conséquences » n'y est pas.

 

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sans doute, mais également bérullienne : la seconde seule nous intéresse, et le travail intérieur qui l'a préparée.

Nous avons dit qu'en 1633, Saint-Jure ne connaissait pas encore l'école française. Cela n'a rien de trop surprenant. A cette date, en effet, la spiritualité nouvelle, bien que déjà familière aux oratoriens, aux carmélites et à quelques initiés, restait un mystère pour le grand public. En dehors de la tradition orale, on n'avait à ce sujet qu'un seul livre, le Discours de Bérulle sur les grandeurs de Jésus (1623) ; mais ce livre, agressif, mal composé, plus spéculatif en apparence que vraiment dévot, Saint-Jure, s'il l'avait lu, était assez excusable de n'en avoir pas saisi la véritable portée. Or justement, c'est presque aussitôt après la Connaissance et l'Amour du Fils de Dieu (1633), que paraissent coup sur coup, les premiers monuments de la spiritualité bérullienne, à savoir les Méditations du P. Bourgoing en 1633, la Vie du P. Charles de Condren par Amelote en 1643, et les Oeuvres complètes de Bérulle en 1644. Quoiqu'il cite peu les auteurs contemporains, il me parait impossible que Saint-Jure n'ait pas au moins feuilleté des ouvrages de cette importance. Mais à quoi bon cette conjecture ? Il n'avait même pas besoin de les lire. Vers ce même temps, en effet, il fait connaissance avec le bérullisme vivant et vécu : un des fils spirituels de Ch. de Condren, Gaston de Renly se met sous la direction du jésuite, et lui révèle tous les secrets de la grande école (1). Ce fut un enchantement. Saint-Jure n'avait

 

 

 

(1) Que Saint-Jure n'ait pas construit de lui-même, proprio marte, la doctrine bérullienne, qu'il l'ait reçue d'ailleurs, et notamment de M. de Renty, enfin que l'ayant reçue, il l'ait pleinement adoptée, et qu il ait consacré à la répandre les dernières années de sa vie, tout cela me parait certain. Au reste je n'ai pas cru devoir me livrer là-dessus à une étude proprement critique qui m'aurait pris de longs mois et que je dois abandonner aux spécialistes. Il aurait fallu, par exemple, un lexique comparé de Saint-Jure, avant et après son adhésion au bérullisme. On sait en effet que l'école française a un vocabulaire spécial, et on verra bientôt que Saint-Jure s'était approprié ce vocabulaire. Mais étant donné le caractère et l'objet du présent travail, je n'étais pas tenu à des recherches si minutieuses. On me demandera comment il se fait que Saint-Jure ne cite jamais — ou presque jamais, — les maîtres auxquels je prétends qu'il est rallié, Bérulle, Bourgoinn, Condren, Amelote. Je réponds : a) pour affirmer qu'il ne les cite pas, je devrais avoir lu, ligne à ligne, tous les ouvrages de Saint-Jure, ce que je n'ai pas fait. Réunies, elles formeraient 3 in-folio. b) Certaines raisons d'opportunité ont pu le décider à ne pas mentionner ces oratoriens dont le nom seul aurait offusqué plusieurs de ceux qu'il s'agissait précisément de gagner à la spiritualité oratorienne. c) Il mentionne Condren et d'une manière très significative dans la Vie de M. de Renty, p. 37, seq. d) Enfin et surtout il a fait, ou du moins revu et publié tout un livre sur M. de Renty, c'est-à-dire, sur un des principaux disciples des premiers oratoriens.

 

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certes rien à rétracter de sa première doctrine, il avait à l'épanouir, et à l'achever. C'est ce qu'il fera désormais, se consacrant sans relâche à la propagande bérullienne, avec l'enthousiasme d'un néophyte et l'autorité d'un vieux maître. Laissons-le parler :

Tout le secret de la vie spirituelle, dit-il, est contenu dans ces paroles mystérieuses : « Le Verbe s'est fait chair »; la Divinité s'est unie personnellement à l'humanité, qui, par cette union ineffable, est devenue parfaitement spirituelle et infiniment sainte (1).

Un jésuite formé par la seule tradition ignatienne aurait dit : le secret de la vie spirituelle est de suivre le Christ-roi et de l'imiter ; ou encore, de vouloir être saint, ou de se vaincre; pour Bérulle, tout revient à réaliser le mystère de l'Incarnation. D'un côté, une consigne pratique, de l'autre, une affirmation dogmatique. Nulle opposition, je le répète, entre les deux points de vue, mais ils se distinguent. C'est du reste pour la même raison que saint Ignace s'attache de préférence aux synoptiques, les bénit. liens à saint Jean.

Il faut se rendre familier le Nouveau Testament, écrit Saint-Jure, et singulièrement l'Evangile de saint Jean et les Epîtres de saint Paul (2).

 

Nous rappelions plus haut les critiques, un peu trop

 

(1) L'homme spirituel, I, p. 214.

(2) Ib., édition de 1652, p. 19. Toutes les fois que mes notes me le permettent, je cite naturellement l'ancienne édition.

 

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sévères, formulées par le B. P. Eudes contre ceux des ascètes chrétiens qui « recherchent la vertu à la mode des philosophes païens (et qui) la regardent avec les yeux de la raison humaine » (1). C'est plus ou moins le fait de Cassien, du P. Rodriguez, et de Saint-Jure lui-même, dans sa première manière. Voici la seconde :

 

Pour qu'une action soit chrétienne, il est nécessaire que Jésus-Christ en soit le principe, qu'elle se fasse par son impulsion, et qu'elle soit marquée de son caractère... Toutes les actions que nous faisons..., ne sont pas chrétiennes, quelque élévation qu'elles aient d'ailleurs, et de quelque perfection qu'elles soient ornées. Pour qu'elles aient cette auguste qualité, il faut qu'elles soient entreprises selon les ordres de Jésus. Christ, animées de son esprit, et opérées par ses mouvements.

Cette doctrine est fondée principalement sur ce principe, à savoir, que la raison n'est point la règle de nos actions, en tant que nous sommes chrétiens... C'est Jésus-Christ seul qui est notre niveau et notre loi. C'est pour cela qu'établissant le commandement de la charité du prochain, il l'appelle un précepte nouveau. Sans doute il n'est pas nouveau en lui-même, puisqu'il est né avec le monde, puisque la nature a écrit de sa propre main dans le fond des coeurs : « Fais à autrui ce que tu voudrais qu'on te fît ».

 

Toujours l'humaniste dévot, inflexible sur ses positions.

 

Mais Jésus-Christ l'appelle nouveau, parce qu'il l'est réellement par la façon d'aimer, attendu que le chrétien doit aimer son prochain dans l'esprit de Jésus-Christ, et comme Jésus-Christ l'a aimé (2).

 

L'âme raisonnable est la forme du corps humain, elle « le rend participant de sa vie » ;

 

de même, ce qui constitue le chrétien est l'esprit de Jésus, Christ, lequel est comme son âme et sa forme. C'est cet esprit divin qui anime son âme et son corps, et qui les fait vivre de

 

(1) Cf. plus haut, p. 137.

(2) L’Homme spirituel, I, pp. 145, 146.

 

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sa vie... Voilà ce qui fait le chrétien; voilà ce qui lui confère son être, et lui donne de la différence d'avec tous ceux qui ne le sont pas. Or, il en faut inférer cette vérité remarquable qu'il y a fort peu de véritables chrétiens au monde, parce qu'il y a fort peu d'hommes qui ont l'esprit de Jésus-Christ bien épuré (1).

 

Tel doit être à plus forte raison le caractère du « spirituel » :

 

L'homme spirituel, pour le représenter en un trait, et le jeter comme en un moule, n'est autre qu'un chrétien excellent, et qui, par conséquent, possède plus abondamment et plus parfaitement que les autres ce que nous avons dit ci-dessus qui constitue le chrétien, à savoir l'esprit de Jésus-Christ (2).

 

Ou encore, et d'une manière plus décidément bérullienne :

 

L'homme spirituel est celui qui a le Saint-Esprit, l'esprit de Jésus-Christ présent en lui, par une présence de grâce et une union de charité, animant son âme et lui conférant sa vie de pureté et de sainteté, lui fournissant les secours nécessaires pour en bien faire les fonctions, remuant ses facultés spirituelles et corporelles, son entendement, sa volonté, son imagination, ses passions, ses yeux, sa langue et les autres, et leur faisant produire leurs opérations sur le modèle de celles de Jésus-Christ (3).

 

Ne nous lassons pas de le répéter : saint Ignace n'élèverait pas la moindre objection contre ces principes ; bien plus, il les admet implicitement, il les vit, si l'on peut ainsi parler; mais enfin il ne les formule pas sans cesse, mais il n'en fait par l'unique fondement de sa propre spiritualité. Et quand je parle de saint Ignace, on entend bien. que je parle aussi bien et plus encore de ses disciples. Comparez par exemple l'idée que l'on se l'ait de l'indifférence dans les deux écoles.

 

(1) L'Homme spirituel, I, pp. 32-36. Cf. pp. 34, 35 une excellente définition de « l'esprit de Jésus-Christ ».

(2) L’Homme spirituel, I, p. 187.

(3) Ib., 2° édit. 1652, I, pp. 129, 13o.

 

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EXERCICES DE SAINT IGNACE

 

Principe ou fondement.

 

Toutes les autres créatures, qui sont sur la terre, n'existent que pour l'homme même, afin de le conduire à la fin de sa création. Il s'ensuit que nous ne devons en user ou nous en abstenir qu'autant qu'elles nous conduisent en effet à notre fin, ou qu'elles nous en détournent.

Quant aux choses qui ne nous sont point interdites, et dont l'usage est en quelque sorte à la discrétion de notre libre arbitre, il faut à leur égard nous fixer dans une indifférence parfaite ; en sorte que, par rapport à nous-mêmes, nous ne désirions pas plus la santé que la maladie, les richesses que la pauvreté... la vie même que

la mort, L'ORDRE DE LA DROITE RAISON veut, qu'en toutes choses, nous choisissions toujours, par préférence, ce qui nous mène plus sûrement à notre fin (1).

(Il est à peine besoin d'ajouter que la pensée de saint Ignace sur nos relations avec Jésus-Christ se trouve exposée ex professo dans la suite des Exercices.)

 

 

SAINT JURE

De l'Indifférence.., que nous devons apporter aux mouvements de Notre-Seigneur.

 

            Nous devons être indifférents à tous les usages que Notre-Seigneur veut faire de nous, soit pour les richesses ou pour la pauvreté..., pour la santé ou pour la maladie, pour la vie ou pour la mort... De sorte que, sans aucune résistance de notre part..., il puisse disposer de nous, de notre corps, de notre âme, de nos pensées, de nos affections... Nous devons avoir à son égard l'indifférence d'un membre sous la conduite de la tête ;... l'indifférence d'un instrument qui, sans opposition, se laisse prendre, manier et appliquer par sa cause à tout ce dont il est capable... Il faut que nous ne tenions à rien, afin que Notre-Seigneur ait tout pouvoir de nous remuer et de se servir de nous..., et que nous n'ayons d'autre liaison avec les choses que celle que son application nous y donnera.

Nous devons encore considérer et imiter la parfaite indifférence que l'humanité de Notre-Seigneur a montrée à toutes les dispositions de la divinité. En effet, ne s'est-elle pas abandonnée entièrement à sa conduite... ? C'est à cela que l'esprit de Jésus-Christ incline les âmes, et c'est pour ce sujet qu'il est comparé à l'eau vive... Comme l'eau n'a point de figure qui lui soit propre, mais qu'elle prend toutes celles du vase qui la renferme, de même la grâce porte les âmes à être indifférentes à toutes choses : elles ne sont liées à celles-ci plutôt qu'à celles-là que par le mouvement de Notre-Seigneur. C'est pourquoi l'Epouse dit au Cantique : « Mon âme s'est liquéfiée à la parole de mon bien-aimé », c'est-à-dire pour recevoir toutes les formes et prendre tous les états qu'il lui plaira (2).

 

 

 

 (1) Exercices spirituels, 1ère semaine. Je suis en la corrigeant à peine, la vieille traduction de Clément.

(2) L'homme spirituel I, pp. 129-133.

 

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Le seul rapprochement de ces deux textes parle assez haut. Le second est exclusivement chrétien, il ne paraîtrait plus qu'un vain assemblage de mots, si, par impossible, le Verbe ne s'est pas fait chair. Le premier au contraire, un juste de l'ancienne loi, Epictète même l'aurait signé. Je sais bien que le Christ n'est pas absent des Exercices, je constate simplement que, dans la méditation fondamentale, on se passe de l'Incarnation. Remarquez une fois de plus le volontarisme, l'activisme et ce que nous avons appelé le personnalisme de saint Ignace. Il admet certes la grâce, mais il ne parle pas d'elle, uniquement occupé à éclairer et à stimuler le libre arbitre : facere nos indifferentes; au lieu que, dans la pensée de Saint-Jure et des bérulliens, le Verbe reste l'agent principal : « se laisser prendre, manier, appliquer ». Ignace demande à nos énergies de se tendre, Saint-Jure de se « liquéfier » (1).

Et tout de même, Saint-Jure, depuis son ralliement au bérullisme, insistera beaucoup plus sur l'union au Verbe incarné que sur l'imitation du Verbe incarné. Ce n'est là,

 

(1) On pourrait établir une comparaison analogue entre le Suscipe de saint Ignace (Contemplatio ad amorem, dans laquelle il n'est pas non plus fait mention expresse du Verbe incarné) et le Suscipe de Saint-Jure. « Je renonce entièrement à toutes mes inclinations et à toutes mes dispositions naturelles..., je m'abandonne à vous dans un assujettissement parfait et une dépendance entière..., pour me laisser mouvoir et régler par votre esprit, pour prendre vos pensées, vos opinions, vos jugements, vos affections... » L’Homme spirituel, I, pp. 164, 165.

 

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si l'on veut, qu'une question de nuances ; l'imitation entraîne l'union et inversement, mais enfin les deux concepts restent différents, et chacun d'eux implique une philosophie particulière, comme nous l'avons assez montré.

 

Nous devons prendre cet exercice de l'union avec Notre-Seigneur par-dessus tous les autres et en faire le capital de nos dévotions. Il arrive souvent et trop souvent en la vie spirituelle, que plusieurs partagent leurs efforts en de petites pratiques, et divisent leurs soins en quantité de choses différentes Ce procédé n'est point bon, mais plutôt embarrassant, et plus propre pour faire reculer une âme dans le chemin de la perfection que pour l'y faire avancer. C'est s'amuser aux branches et quitter le tronc et la racine. Il faut, pour une bonne conduite, se réduire tant que l'on peut à l'unité, et s'arrêter à peu de choses, mais grandes et, solides, et qui en tiennent plusieurs autres dépendantes et enchaînées.

Or je trouve que (l'exercice), qui a uniquement tous ces avantages, est l'exercice de l'union avec Notre-Seigneur..., lequel, pour cette cause, nous devons entreprendre et embrasser de toute notre affection, sans nous tourmenter ni soucier beaucoup des autres, tâchant seulement de cultiver et de perfectionner par tous les moyens... cette union, de l'étreindre tous les jours de plus en plus et serrer davantage le noeud qui nous lie à lui. Parce que, après tout, Notre Seigneur est la cause unique de notre prédestination, de notre salut et de tout notre bien, de sorte que nous serons prédestinés, sauvés et comblés de biens, selon la liaison et l'union que nous aurons avec lui, les degrés de cette liaison et de cette union devant être la règle et la mesure de tous nos biens...

IL FAUT SEULEMENT EMPLOYER TOUS NOS SOINS ET TOUS NOS EFFORTS POUR NOUS APPLIQUER ET NOUS UNIR INTIMEMENT A LUI, SANS NOUS INQUIÉTER DE TOUT LE RESTE ; CAR APRÈS IL NOUS APPLIQUERA LUI-MÉME, ENCORE QUE NOUS N'Y PENSIONS PAS, A TOUT CE QUI REGARDE LE DÉTAIL DE NOTRE SALUT, et particulièrement à quatre choses auxquelles toutes les autres et l'économie entière d'une conduite spirituelle se réduisent :

1° Aux mystères de sa vie et de sa mort... par les connaissances et par les affections qui leur sont propres, par LA COMMUNICATION DE LEUR ESPRIT... par une haute estime... qu'il nous en donnera, et singulièrement par l'imitation des vertus qu'il a exercées.

 

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2° Il nous appliquera à ses vertus, à soli humilité... à sa conversation (1)..

3° Notre-Seigneur nous appliquera à toutes les choses qui se présenteront, et à tous les accidents.

4° Et enfin, et pour la dernière chose, qui POURTANT EST LA PRINCIPALE,

 

car tout bérullien est théocentriste,

 

il nous appliquera et nous unira à Dieu par proportion comme il était appliqué et uni à la Divinité, il nous appliquera et nous liera à Dieu, comme à notre principe et à notre fin dernière, comme à la souveraine bonté (2)...

Voilà où Notre-Seigneur nous baillera l'entrée et de quoi il nous donnera la communication si nous sommes unis à lui. C'est pourquoi ne pensons et ne travaillons qu'à acquérir cette union... Martha, Martha, sollicita es... Vous vous adonnez à beaucoup de pratiques différentes, qui d'ailleurs sont bonnes ; vous vous répandez en plusieurs exercices divers de piété avec soin et souvent avec empressement, et peut-être avec trouble. Mais il y en a un nécessaire par-dessus tout, c'est de vous bien unir à Jésus-Christ (3).

 

Il parait difficile de s'assimiler avec plus d'intelligence, et d'exposer avec plus de ferveur la doctrine oratorienne. Saint-Jure estime néanmoins qu'il n'en a pas encore assez dit, et il compose un livre entier — son dernier livre, son testament spirituel, le résumé et l'achèvement de toute son oeuvre — sur l'Union avec Notre-Seigneur Jésus-Christ dans ses principaux mystères pour tout le temps de l'année (1653) (4).

 

(1) L'éditeur — ou le traducteur — moderne de Saint-Jure, ne connaissant pas la dévotion bérullienne à Jésus conversant parmi les hommes, a supprimé comme archaïque ce mot de conversation.

(2) Dans la méditation fondamentale de saint Ignace, c'est à la suite d'un syllogisme dont un simple déiste sentirait la force, c'est par un acte spontané et direct de sa volonté que l'homme se lie à sa fin dernière le système bérullien nous conduit droit au Christ, nous lie à lui, et par lui, à Dieu, fin dernière, suprême beauté, etc.

(3) L'Homme spirituel (1652) II, pp. 128-131.

(4) Je n'ai pu me procurer le texte original, devenu très rare, et je dois me contenter de la réédition publiée eu 1853, puis en 1859 par le P. de Guilhermy. (Je suis l'édition de 1858, Paris). Saint-Jure a bien voulu que ce livre fût comme la synthèse de tout ce qu'il avait écrit jusque-là. Pour s'en convaincre, on n'a qu'à examiner les lectures qu'il indique à la fin de chaque chapitre, et qui toutes sont prises soit dans la Connaissance et l'amour, soit dans le Livre des élus, soit dans ses autres ouvrages. Il renvoie bien souvent à sa Vie de M. de Renty : et c'est là encore un indice très intéressant. L'auteur avoue par là que, dans sa pensée, cette vie a un caractère doctrinal, si l'on peut dire, aussi bien que les pures expositions de principes, comme la Connaissance et l'Homme spirituel.

 

 

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Le plus noble dessein que Dieu ait, et le plus grand ouvrage qu'il fasse au ciel et en terre, est de former et représenter son fils Jésus-Christ en nous (1).

 

Et c'est là aussi l'unique préoccupation de l'Église :

 

L'Eglise notre mère ne travaille avec tous ses soins à autre chose qu'à élaborer en nous la figure de Jésus-Christ, et à nous rendre semblables à lui; et elle dit avec saint Paul, lorsqu'elle nous voit dissemblables à lui en nos moeurs : Filioli mei, quos iterum parturio, donec formetur in vobis Christus.

 

Ici, une de ces admirables paraphrases où Saint-Jure excelle, à mon avis, plus que personne, et dont il nous faut citer au moins un exemple :

 

Mes petits enfants, qui portiez autrefois glorieusement la figure de Jésus-Christ votre père et mon époux, et qui aviez beaucoup de rapport avec lui par l'innocence de votre vie, maintenant que le dérèglement de vos moeurs a effacé en vous les traits de cette divine figure, je suis contrainte de vous concevoir et de vous enfanter de nouveau à Jésus-Christ, de retracer en vous ses traits et d'y regraver sa ligure, jusqu'à ce que vous lui ressembliez parfaitement. Voilà où tous les desseins de Dieu et de l'Eglise aboutissent.

 

Abondance, et il le faut bien, puisque les trois lignes de saint Paul qu'on veut expliquer renferment un inonde d'idées, abondance, mais aussi densité. Pas un mot de trop. Même quand ils écrivent, on sent que la plupart des spirituels ont beaucoup prêché. Saint-Jure non, et c'est là sans doute, une des raisons de son durable succès.

Le Concile de Trente avait mis en pleine lumière la

 

(1) L'union, p. 3.

 

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riche théologie que renfermaient le donec formetur de saint Paul, et les textes analogues de saint Jean (1). Toute l'originalité de Bérulle avait donc été, comme nous l'avons déjà rappelé, de fonder sur ces hautes spéculations une spiritualité proprement dite, la spiritualité de l'union au Christ. Pour arriver à cette union, continue Saint-Jure, toujours étroitement fidèle aux directions hérulliennes,

 

nous devons nous lier et nous unir à ses mystères, parce que ces mystères sont ses actions principales et, qui plus est, ils ne sont autre chose que lui-même ; car l'Incarnation, la Nativité, la Passion... sont Notre Seigneur incarné, nouveau-né, souffrant... C'est pourquoi, se lier et s'unir à ses mystères, c'est se lier et s'unir à lui, et par cette liaison et cette union, prendre sa ressemblance (2).

 

 

Le Verbe incarné

 

veut exprimer et consommer en nous son incarnation, sa naissance, sa passion..., s'incarnant d'une certaine façon en nous de nouveau, naissant dans nos âmes, nous faisant porter les traits de ces mystères, et pratiquer les vertus qu'il y a exercées... Nous nous présentons à ces mystères divins comme des miroirs, purs et nets, nous recevons leurs rayons et leurs lumières avec lesquelles ils expriment eu nous leurs ressemblances, et nous nous transformons en leur image. Ainsi nous allons de clarté en clarté, je veux dire de mystère en mystère..., pour représenter et figurer en nous, en nos âmes et en nos corps, Jésus-Christ, émus et poussés que nous sommes par le mouvement du Saint-Esprit.

 

 

Il faut distinguer l'esprit et le corps du mystère :

 

L'esprit et l'intérieur du mystère est ce qui s'est passé en

 

(1) « Christus Jesus, dit le sacré concile de Trente, tanquam caput in membra et tanquam vitis in palmites, in justifcatis jugiter virtutem infinit; quæ virtus bona opera eorum semper antecedit et comitatur et subsequitur et sine qua nulle pacte Deo grata et meritoria esse possunt ». L’Homme spirituel, I, pp. 62-64.

(2) Saint-Jure prend le mot mystères de Jésus dans une acception plus étroite que ne le fait Bérulle ; il semble ne s'intéresser qu'aux mystères principaux. Cf. ce que nous avons dit plus haut sur le Christus totus de Bérulle.

 

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l'âme de Notre-Seigneur, lorsqu'il a opéré ce mystère... (Chacun d'eux) est rempli d'une grâce spéciale et... fait une impression particulière..., tout ainsi que le soleil produit des effets dissemblables, selon qu'il parcourt les différentes parties de sa carrière... Chaque mystère a sa lumière et sa chaleur, ses connaissances et ses sentiments, ses affections et ses vertus; ce qui est l'esprit propre du mystère, et ce qui en lui est le principal et comme l'âme, et par conséquent ce qu'il faut bien tâcher de prendre.

 

Le corps est « tout ce qui s'est fait extérieurement dans le mystère ». Ainsi pour la naissance, « la nudité, le froid, la crèche et le reste ». Cet extérieur du mystère

 

sert de dispositif et d'ouverture pour recevoir et pour goûter l'intérieur, et il faut pour cela qu'il marche devant... (car) Notre-Seigneur ne produit point l'esprit et l'intérieur... dans un homme qui n'est pas préparé par les actes extérieurs de ces mystères.

 

On voit ici reparaître les tendances rigoureusement et immédiatement pratiques de la spiritualité ignatienne. Marthe vient prêter main forte à Marie, Rodriguez à Bérulle.

 

Il faut donc, à qui veut participer à la grâce et recevoir l'esprit d'un mystère, de la naissance de Notre-Seigneur par exemple, s'y disposer par quelque action de pauvreté, avec la souffrance du froid et avec des mésaises ; car qui penserait le faire avec l'affection des richesses et avec les plaisirs, s'abuserait lourdement, puisque les dispositions doivent toujours avoir du rapport avec la forme, et il ferait autant que celui qui tournerait le dos au lieu où il prétend aller (1).

 

C'est ainsi que les cieux écoles se rejoignent, se fondent harmonieusement l'une dans l'autre. Saint-Jure parle tour à tour la langue des jésuites et celle des oratoriens : il appartient également aux uns et aux autres. Nul doute néanmoins que son bérullisme n'ait achevé de faire de

 

(1) L'Union... pp. 13-19, passim.

 

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lui un maître complet. Je ne citerai plus de ce grand homme qu'un seul chapitre, mais décisif et d'une rare beauté.

 

Spiritus oris nostri Christus Dominus. Notre Seigneur Jésus-Christ est l'haleine de notre bouche, et l'air que notre âme doit respirer; de sorte que, comme nous avons absolument besoin de l'air élémentaire pour la vie naturelle de nos corps, de même, et encore incomparablement davantage, l'air spirituel et divin, qui est Jésus-Christ, nous est nécessaire pour la vie surnaturelle de nos âmes... ; tellement que, comme nous mourrions bientôt sans l'air, et pour y remédier, nous l'aspirons et l'attirons.., à chaque minute… ainsi nous avons un besoin extrême et indispensable de Jésus-Christ pour toutes les choses de notre salut, et notre âme ne peut pas être sans lui un moment en vie et en état de grâce : c'est pourquoi nous devons incessamment l'aspirer et attirer en nous.

 

Comment cela ? question qu'un jésuite n'a pas le droit d'oublier :

 

1° Il faut l'aspirer et attirer en nous selon les fonctions salutaires qu'il exerce sur nous, comme de sauveur, de rédempteur, de souverain prêtre...

2° Dans ses vertus, l'attirant tantôt humble, tantôt patient...

3° Dans ses mystères, aspirant Notre-Seigneur incarné, ou nouveau-né... ou conversant avec les hommes.

 

Et cela, par des actes de foi, par « les désirs », par les demande .

 

Car, comme les poumons et le coeur par leur dilatation attirent l'air, ainsi l'âme attire Notre-Seigneur, quand elle s'ouvre et s'élargit avec ses désirs et avec ses demandes. Os meum aperui et attraxi spiritum. J'ai ouvert la bouche de mon âme et j'ai attiré mon air spirituel, qui est Notre-Seigneur ; lequel par lui-même lui avait dit : Dilata os tuum, et implebo illud, Ouvre ta bouche, et beaucoup, et avec de grands désirs, et je la remplirai.

 

Quemadmodum desiderat cervus... Disons-lui :

 

O mon Seigneur, que je vous souhaite dans le mystère de votre vie cachée, dans votre vertu de patience... comme le

 

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cerf, poursuivi de la meute et tout haletant de soif, court de tonte sa puissance aux fontaines pour s'y rafraîchir, mon âme de même... s'en va et s'en court vers vous. Oh ! que je suis altéré de Jésus-Christ..., retiré pour moi dans le désert, souffrant pour moi..., afin qu'il entre en moi et qu'il imprime sur moi les traits de ses vertus et de ses mystères...

Voilà donc quelle doit être notre occupation continuelle, et notre plus cher exercice : c'est une respiration perpétuelle de Jésus-Christ, comme notre air spirituel, et puis une expiration et un renvoi de lui-même à Dieu (1).

 

Comment ne pas reconnaître que Bérulle, ou les siens ont passé par là? Non pas que le disciple tard venu ait abdiqué son originalité propre ; il reste lui-même et

très différent de Bérulle, je veux dire, moins profond, moins sublime, mais en revanche plus lumineux, plus simple, plus élégant, plus « pratique », et mieux doué pour la propagande. Presque tous les maîtres de l'école française ont un je ne sais quoi de rude et de tendu, plusieurs même une certaine rusticité. Sans affadir leur doctrine, ce jésuite l'humanise. Que sont néanmoins les services qu'il a pu rendre à la cause commune, que sont-ils auprès de ce qu'il a reçu lui-même (2) ?

 

(1) L'Union .. pp. 20-26.

(2) Je ne saurais songer à rechercher ici les spirituels de la Compagnie — très nombreux sans doute — qui, de près ou de loin, directement ou indirectement, ont subi l'influence de Bérulle. Comme la spiritualité de François de Sales, celle de l'école française s'est répandue très rapidement ; beaucoup la professent et la vivent qui n'en soupçonnent pas la source première. Aussi bien, l'école du P. Lallemant et des mystiques de la Compagnie, que nous étudierons dans un prochain volume, se rattache-t-elle d'aussi près que possible à l'école bérullienne ; les deux écoles ne diffèrent que par de simples nuances, les bérulliens prêchant surtout l'adhérence au Verbe incarné, les jésuites, la liaison au Saint-Esprit. Mais, parmi ces mystiques d' la Compagnie, il en est un qui me semble particulièrement redevable à Bérulle : c'est le fameux Père F. Guilloré, tant maudit par les jansénistes. Nous aurons maintes fois l'occasion de parler de lui, dans la suite de nos études, mais voici, d'ores et déjà, quelques preuves de son bérullisme.

A. Théocentrisme : Cf. dans ses Conférences spirituelles pour bien mourir à soi-même... Lyon, 1850, — admirable ouvrage — la première conférence, qui a pour titre « De la consomption de tout notre être pour la gloire de Dieu » (pp. 1-17). « Et pour l'intérieur, il importe encore davantage,

 

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Théonée, que vous sachiez comment il faut le laisser consumer sous les opérations de Dieu, qui montre en cela, bien plus qu'en toute chose, à quel point il est notre souverain. Il le consume par des pertes douloureuses ; il le consume par l'aveuglement..., par l'impuissance d'agir où il le réduit. C'est ce qu'il faut laisser faire à Dieu, aimant à se voir détruit dans son opération, pour rendre hommage à la grandeur et à la gloire de notre souverain par la destruction totale de notre intérieur... Parce que (l'âme) pourrait s'élever par quelque effort, il lui ôte, pour achever de la consumer, toute la capacité de le faire, portant la destruction jusque dans le fond de sa substance » (pp. 78). Guilloré montre aussi et beaucoup plus explicitement que ne l'avait fait Bérulle, les connotations mystiques du théocentrisme. « Afin de se consumer incessamment..., il ne faudrait point d'autre considération... que Dieu tout pur, regardé selon ce qu'il est en lui-même... Ne faut-il pas que cet infini absorbe et engloutisse un petit point d’être ? » (p. 9). « Je voudrais que vous eussiez toujours dans l'esprit un rayon qui, partout et sans cesse, vous montrât un Dieu principe et un Dieu souverain; car cette vue du grand domaine de Dieu.., serait pour vous inspirer un esprit de continuel sacrifice, étant tout broyé devant un objet si grand... Comme nous sommes assez misérables pour n'être guère conduits que par des raisons d'intérêt dans le service de Dieu, je le veux maintenant prendre de ce côté-là... » pp. 11, 12. « Oh ! plût à Dieu... que ce mot seul, Dieu, remplît tellement notre entendement et toute la substance de notre âme, que toutes nos actions roulassent sur cette haute idée. que ce seul et grand mot nous emportât partout » (p. 17). Cf. aussi, Ib., Livre II, Confér. II : « De l'adoration devant la grandeur de Dieu » ; Livre VIII, Confér. I : « Des anéantissements intérieurs de Jésus devant la grandeur de Dieu » (pp. 472-483) ; Les progrès de la vie spirituelle, Lyon, 1687, Livre III. Etat de l'âme unie à Dieu, pp. 485-585.

B. Adhérence au Verbe incarné. Entre plusieurs autres passages de Guilloré, cf. le Livre III des Maximes spirituelles pour la conduite des âmes, Lyon. 1853. L'ascension de la spiritualité ignatienne vers le bérullisme, ou, si l'on veut, l'épanouissement bérullien de la spiritualité ignatienne y sont comme palpables. La maxime X, déjà presque toute bérulienne: « Nous sommes obligés de faire régner Jésus eu nous », conduit aux maximes XII et XIII : « Il faut se revêtir des opérations de Jésus ; tout chrétien doit être animé de l'esprit de Jésus en toutes ses actions ».

Comme interprétation bérullienne de la Contemplation ignatienne du Règne: « Les autres rois de la terre font bien voir qu'ils sontimpuissants, parce qu'ils n'en auraient ni le nom, ni la couronne, si leurs sujets étaient détruits... Faiblesse de cette royauté !... Mais vous, ô mon Roi Jésus... , vous avez bien une autre manière de régner, car l'éminence de votre royauté s'établit et s'exerce sur le rien... Jésus règne dans la destruction de ses sujets... Il donne des marques de (sa royauté),non pas en s'enrichissant de nos biens, mais en détruisant tout en nous... Cela ne veut pas dire que nous demeurions dans une oisiveté fainéante, mais il veut dire que nos sens et que nos puissances étant vides, purifiés et anéantis, Jésus alors s'en sert pour faire des merveilles de grâce... Jésus se plaît ainsi à régner en Dieu, parce que, dans ce grand vide et dans ce rien de la nature, il ne trouve point d'obstacle à ses opérations divines » (Maximes.... pp. 285-286). Ainsi encore de la « sainte captivité », où le Christ-roi veut réduire les âmes. « En vérité le pouvoir de Jésus sur nous s'étend jusqu'à ne pas remuer la main, tourner l'oeil, faire un pas..., qu'on n'en reçoive le mouvement de son esprit et de son empire » (pp. 287, 288). Passons aux Maximes XII et XIII. Le premier paragraphe est de toute importance. « § 1 La différence qu'il a entre imiter Notre-Seigneur (Ignace) et se revêtir de Notre-Seigneur (Bérulle. « Imiter N.-S. et s'en revêtir n'est pas une même chose. Nous imitons N.-S. quand nous faisons quelque action, par ressemblance de celles qu'il a opérées, et quand, par notre opération

 

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propre, nous exprimons en nous ce qu'il a fait intérieurement ou extérieurement, de sorte que notre opération... soit une expression et une image de la sienne. Mais se revêtir de N.-S. n'est autre chose qu'une APPROPRIATION et une APPLICATION de ses actions; de manière que ce n'est pas tant moi qui agis que je m'applique les opérations de Jésus; et alors, il ne reste autre chose à l'âme que d'offrir au Père éternel ces opérations adorables pour supplément des siennes » (p. 302). « Il faut vous oublier totalement vous-même..., n'ayant que deux regards, l'un vers ces divines opérations de Jésus que vous tenez en main comme un présent, et l'autre vers son Père, à qui vous les offrez. Cela s'appelle se revêtir de Jésus ». e Dans ces dispositions, Jésus lui est comme un tombeau, parce qu'elle y est tellement ensevelie et perdue que Jésus seul se voyant (c'est-à-dire paraissant) qui la revêt et l'environne, elle n'est vue de sa part, non plus que ce qui est renfermé dans les ombres... d'un tombeau. L'on peut encore... concevoir assez bien ce revêtement de l'âme de la part de Jésus-Christ, par comparaison de son humanité adorable à l'égard de son Père » (p. 3o3).

« Vous venez de voir les obligations amoureuses que vous avez de vous revêtir de Jésus, afin que vous appreniez par là à vous quitter vous-même comme un fonds misérable et tout perdu » (p. 3o6).

« Tout ce que nous faisons de saintes actions pour le prochain et pour nous-mêmes... n'est pas ce qu'il faut se proposer ni la fin dernière que Jésus a eue, mais c'est de vivre de sa divine vie ; sans cela nous sommes des corps inanimés, et avec cela nous sommes en quelque manière divinisés » (p. 7o3).

« Vous êtes animé de l'esprit de Jésus, lorsque son esprit saint influe en toutes vos opérations et que seul il leur donne le mouvement... Nous sommes animés de l'esprit de Jésus, lorsque intérieurement nous nous tenons toujours proches de lui PAR ADHÉRENCE ET PAR UNION.... sans nous multiplier en cent pensées, quoique très bonnes... ; et cette ADHÉRENCE intérieure... fait qu'alors son esprit saint donne la vie à tout ce que nous faisons, et, s'insinuant dans nos plus petites actions, les règle, les anime et les divinise » (pp. 3o8, 309).

Il nous a rachetés, il a un droit souverain sur nos âmes. Or « en vain, aurait-il ce droit... s'il ne l'avait généralement sur toutes nos actions ; car celui qui ne peut rien prétendre sur le fruit, ne peut aussi avoir que des prétentions inutiles sur l'arbre. Il faut donc dire que si le droit qu'il a sur nos actions est un droit absolu et souverain, il ne peut néanmoins l'exercer qu'en leur donnant la vie et les animant ; et de notre part, nous ne nous soumettons au droit de cet aimable vainqueur, et nous ne le rendons capable d'exercer son empire, qu'en lui ADHÉRANT... Il faut que l'esprit de Jésus donne la naissance et le mouvement à toutes nos pensées..., desseins... et actions... L'esprit de Jésus doit animer en nous ce qu'il y a de plus petit dans l'extérieur et dans l'intérieur, n'étant rien de léger qui ne doive être mu par cet esprit de grâce... (Comme) l'âme se retrouve dans toutes les actions..., sans que l'empêchement des occupations l'étouffe ou la bannisse du corps, pareillement l'esprit de Jésus doit toujours surnager dans toutes nos actions, où nous devons tellement être que notre coeur soit toujours plus occupé de Jésus que de la chose même que nous faisons » (pp. 31o, 311).

« Pour comprendre parfaitement combien nous sommes obligés de n'agir que dans l'esprit de Jésus-Christ, par UNION ET ADHÉRENCE CONTINUELLE… avec lui, je vous prie de bien considérer... que nous sommes proprement chrétiens par la communication de son esprit » (p. 312).

La discussion ne serait pas possible avec celui qui ne verrait aucune différence entre cette doctrine et celle de saint Ignace, avec celui qui ne reconnaîtrait pas dans ces beaux passages et la pensée et jusqu'aux expressions de Bérulle. Remarquez aussi que Guilloré, comme du reste les

 

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autres mystiques de l'école Lallemant, tend, comme Bérulle, à exagérer la corruption et l'impuissance de l'homme déchu. « Une âme qui vraiment ressent, connaît et pénètre son indignité, à peine ose-t-elle offrir à Dieu rien de son fonds, parce que le plus ordinairement ce qui vient de notre part est impur. Il en est à peu près comme d'un bourbier qui a pris au-dessus une croûte ; pendant que rien ne s'y remue, vous n'en sentez pas la mauvaise odeur, mais nous ne l'avez pas plus tôt remué, qu'aussitôt une exhalaison s'en élève... De même notre conscience n'est que pourriture et infection; ce qui se voit en ce qu'elle ne se remue pas plus tôt par ses opérations propres qu'il en sort pour l'ordinaire, des actes si corrompue et si pleins d'amour de nous-mêmes, qu'ils ne peuvent guère être à Dieu que de très mauvaise odeur. C'est pourquoi un coeur persuadé de sa corruption... a peine de parler devant Dieu, et d'offrir rien de son fonds, mais tout son refuge est aux opérations de Jésus » (p. 3o5).

« L'esprit de vie divine n'est que dans Jésus-Christ..., et l'esprit de corruption n'est que dans nous. Nous pouvons... concevoir par ces deux principes l'infection et l'horreur de tout ce qui part de nous et la nécessité de cette LIAISON... avec Jésus. C'est une première vérité (?) que notre esprit est essentiellement corrompu, qu'il a une tendance continuelle à la corruption, que partout il est intéressé et charnel, et qu'il n'a point de soi d'autre capacité que d'opérer incessament notre perte; c'est d'ailleurs une seconde vérité que nous ne pouvons agir absolument, qu'au même temps quelque esprit ne règne dans nos actions. Et de ces deux principes, il faut conclure que si l'esprit de Jésus ne règne pas dans nos actions, le nôtre s'y retrouve et les anime et qu'ainsi tout ce que nous faisons est empoisonné » (p. 314).

Ce qui suit est très important : « Nous remarquons que, plus une personne s'approche de Dieu, moins elle fait et opère de sou côté ; c'est la nature des voies de Dieu... Nous n'avons qu'à consulter là-dessus l'expérience des cœurs. Car en est-il aucun qui ne confesse... que, lorsqu'il est visité et consolé de Dieu intérieurement, il parle moins, il fait moins d'actes, et il tombe insensiblement dans le silence, se trouvant lié et comme impuissant de rien opérer ? D'où vient à votre avis cette cessation d'agir à laquelle les âmes les plus communes se sentent attirées dans ces visites ? Elles vient de ce que, d'une part, toutes nos opérations... étant d'elles-mêmes grandement impures, et, de l'autre, l'esprit de Dieu entrant dans l'âme à dessein de s'y communiquer, il détruit peu à peu ce qu'elle fait et en suspend tous les actes, afin de substituer son opération divine... Cet esprit divin agit quelquefois eu des personnes d'une manière étonnante, puisqu'il y fait tout absolument, car nous ne devons pas lui accorder moins dans de certaines âmes qu'au démon dans les énergumènes... La fin de l'esprit de Dieu en nous... est de détruire toutes nos opérations pour faire place à la sienne. Et de là, passant plus avant, nous devons inférer l'extrême obligation que nous avons d'agir toujours dans l'esprit de Jésus par ADHÉRENCE ET PAR UNION CONTINUELLE AVEC LUI » (pp. 315, 316).

Citons encore de lui une image que nous avons déjà rencontrée chez M. Tronson. Cf. plus haut, p. 145) (?) « Représentez-vous que son divin esprit est comme une teinture universelle dont toutes les actions des chrétiens doivent être colorées, empourprées et divinisées. Plus la soie et la laine demeurent dans la teinture, plus elles en prennent la couleur, de même, demeurant dans Jésus par union et par adhérence continuelle, etc... » (pp. 317, 318). Cf. Conférences spirituelles, Livre VI. conf. I, Livre VII, conf. I. II et III. Cf. aussi de beaux textes sur l'intérieur de Jésus.. « Tout le monde considère assez les actions extérieures  ( du Christ) sou sang et sa mort; et tous en rendent leurs hommages par imitation (saint Ignace), par paroles et par les sentiments de leurs coeurs. Il y eu a peu qui passent jusqu'à la contemplation des mystères cachés de son âme, mais il

 

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y en a bien moins qui se revêtent des opérations adorables de son cœur ».  (Remarquez l'opposition : leurs coeurs, son coeur; remarquez aussi l'idée toute bérullienne que Guilloré se fait de la dévotion au Sacré-Coeur). Maximes, p. 3o7. Cf. Conférences spirituelles, Livre V, Conf. III. « Le portrait de l'intérieur de Jésus, chap. Ier . Les cinq traits de l'intérieur de Jésus ; chap. II. L'Obligation d'entrer dans l'intérieur de Jésus). Si Guilloré n'est pas bérullien, qui le fut jamais ? Au reste, là liste des jésuites bérulliens serait longue : j'indiquerai seulement, parmi nos contemporains, le R. P. Plus, et, parmi les spirituels du siècle dernier, le P. Henry Ramière, Le coeur de Jésus et la divinisation du chrétien, Toulouse, 1891.

 

 

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