ÉLISABETH
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SAINTE ÉLISABETH

 

Elisabeth veut dire : Mon Dieu a connu, ou la septième de mon. Dieu, ou le rassasiement de mon Dieu. Elisabeth veut dire : 1° Mon Dieu a connu, parce que Dieu l’a connue c'est-à-dire, il l’a observée à son souhait, il l’a approuvée ou connue, c'est-à-dire, qu'il versa en elle le principe de sa connaissance. 2° Elisabeth veut dire : la septième de mon Dieu; en effet, elle a possédé la septième de Dieu, ou bien parce qu'elle s'est. exercée aux sept oeuvres de miséricorde, ou bien parce que maintenant elle est dans le septième âge de ceux qui reposent, jusqu'à ce qu'elle arrive à l’octave des ressuscités ; ou bien  encore à cause des sept éclats dans lesquels elle s'est trouvée. Elle se trouva en effet 1° dans l’état virginal, 2° dans l’état conjugal, 3° dans l’état de veuvage, 4° dans l’état d'action, 5° dans l’état de contemplation, 6° dans l’état religieux, et 7° à présent dans l’état de gloire. Et ces sept différentes sortes d'états sont manifestement contenues dans sa légende, afin qu'on puisse dire d'elle ce qu'on a dit dans Daniel de Nabuchodonosor : « Sept temps se passeront sur elle. » 3° Elisabeth veut dire : rassasiement de mon Dieu : car Dieu l’eut bientôt rassasiée et remplie de la splendeur de la vérité, de la douceur de la suavité, et de la vigueur de la Trinité. Ce qui fait dire à saint Augustin en parlant de la cité céleste, dans sa Cité de Dieu : «  L'éternité de Dieu est sa force; la vérité de Dieu, sa lumière et la bonté de Dieu, sa joie.

 

Elisabeth, illustre fille du roi de Hongrie, noble de race, mais plus noble encore par la foi et la religion, ennoblit sa famille déjà célèbre par ses exemples; elle

 

* Tous les faits rapportés dans cette légende se trouvent racontés dans la Vie de sainte Elisabeth, par M. de Montalembert. On sait que cet illustre auteur a puisé aux sources contemporaines.

 

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l’illustra par ses miracles, et elle la décora de là grâce de la sainteté. L'auteur de la nature l’éleva, en quelque sorte, au-dessus de la nature. Toute jeune encore, et nourrie dans les délices de la royauté, ou bien elle méprisait tous les jeux de l’enfance, ou bien elle les tournait à l’honneur de Dieu, afin qu'on vît clairement quelle simplicité exista en elle dès sa plus tendre enfance, et quelle douce dévotion distingua son premier âge. Dès ce moment en effet, elle commença à s'accoutumer à la pratique des bonnes oeuvres, à mépriser les jeux dans lesquels se mêlait la vanité, à fuir la prospérité mondaine, et à se fortifier dans le respect pour Dieu. Elle n'avait encore que cinq ans, qu'elle restait dans l’église, occupée à prier avec tant d'ardeur que ses compagnes ou ses servantes pouvaient à peine la faire sortir. Ses servantes ou les enfants de sort âge remarquaient que, dans ses jeux; elle semblait poursuivre quelqu'une d'elles vers la chapelle pour avoir occasion d'y pouvoir entrer : elle se mettait alors à genoux, ou bien elle se prosternait entièrement sur le pavé. Quoiqu'elle ne sût pas ses lettres, cependant elle ouvrait souvent devant elle à l’église un psautier dans lequel elle faisait semblant de lire, afin que paraissant occupée, personne ne vînt la distraire. Quelquefois encore, sous prétexte de se jouer, elle se couchait par terre comme pour se mesurer avec les petites filles ; et c'était afin de pouvoir témoigner son respect à Dion. Au jeu de bagues et autres, elle mettait toute Soit espérance en Dieu. Etant encore toute petite, quand elle gagnait, ou qu'elle se trouvait posséder quelque chose d'une autre façon, elle en donnait la (310) dîme à de pauvres petites filles, en les exhortant à réciter souvent l’oraison dominicale, comme aussi la salutation angélique. Elle croissait en âge comme elle croissait en dévotion, car elle choisit la sainte Vierge, Mère de Dieu, pour sa patronne et son avocate, et le bienheureux Jean l’évangéliste comme gardien de sa chasteté. En effet on mettait sur l’autel des billets sur chacun desquels était écrit le nom d'un des apôtres, et chaque jeune fille tirait au sort un billet; or, Élisabeth prit trois fois de suite, après avoir fait une prière, le billet sûr lequel était écrit le nom de saint Jean *, comme elle le souhaitait. Et elle avait tant de dévotion et d'amour pour lui que jamais elle ne refusait ce qu'on lui demandait en son nom. Pour ne point se laisser trop flatter par les avantages mondains, chaque jour elle se retranchait quelque chose des biens qu'elle gagnait. Quand elle avait été heureuse au jeu, elle l’interrompait en disant : « Je ne veux plus gagner, mais j'abandonne le reste pour Dieu. »

Appelée à danser avec ses autres compagnes, dès qu'elle avait fait un tour, elle disait : « C'est assez d'un tour; j'abandonne les autres pour Dieu » et elle tempérait ainsi la vanité chez les jeunes personnes. Elle eut constamment horreur de se servir d'un costume peu décent ; et en cela elle avait à coeur de pratiquer une grande honnêteté. Il est certain qu'elle s'assigna aussi un certain nombre d'oraisons à réciter,

 

* Le texte porte saint Pierre, mais c'est évidemment une altération de copiste : d'autant que l’auteur d'après lequel ce fait est cité porte le nom de saint Jean.

 

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ter, et lorsqu'elle avait été empêchée par quelque occupation de s'en acquitter et que ses suivantes l’obligeaient à se mettre au lit, elle veillait pour les réciter avec son époux céleste. Cette noble jeune fille passait les jours solennels dans une si grande dévotion qu'elle ne souffrait, n'importe sous quel prétexte, qu'on lui cousît ses manches: avant que la messe solennelle n'eût été achevée. Elle s'interdit l’usage des gants, les jours de dimanche, jusqu'à midi, voulant en cela respecter ce saint jour et satisfaire à sa dévotion. Pour cela elle avait coutume de s'obliger par voeu à d'autres pratiques semblables, afin que personne ne pût la détourner de sa résolution, par des avis opposés. Elle entendait l’office :divin avec un si grand respect, qu'au moment où on lisait l’évangile, et à celui de la consécration, elle déliait ses manches, si par hasard elles étaient cousues, elle quittait ses colliers, et elle déposait les autres ornements qu'elle portait sur la tête. Quand elle eut atteint dans la pratique de la vertu et dans l’innocence virginale l’âge de puberté, elle fut contrainte de se marier, pour obéir aux ordres pressants de son père, afin de recevoir le fruit trentenaire pour avoir observé avec la foi en la Trinité, les préceptes du Décalogue. Elle consentit bien malgré elle à subir les obligations imposées à une épouse, non pour céder à la convoitise de la chair, mais pour tenir compte de l’ordre de son père et pour mettre au monde des enfants qu'elle élèverait dans le service de Dieu : car, bien qu'assujettie aux lois du lit conjugal, elle ne fut cependant sujette à aucune volupté coupable. On en a la preuve dans le voeu. qu'elle fit, entre les mains de (312) Maître Conrad, de vivre dans une continence perpétuelle, si elle venait à survivre à son époux.

Elle fut donc mariée au landgrave de Thuringe, ainsi que l’exigeait son origine royale : et Dieu l’avait ainsi voulu, afin par là de porter beaucoup de personnes à l’amour de Dieu, et d'instruire ceux qui vivaient dans l’ignorance. Quoiqu'elle eût changé de position, cependant il n'y eut rien de changé dans ses affections. On verra par la suite de ce récit combien grande fut sa dévotion, les humiliations qu'elle s'imposa pour Dieu, quelles austérités, quelles abstinences elle pratiqua, comme aussi ses largesses et sa miséricorde envers les pauvres. Sa ferveur dans l’oraison était telle qu'elle devançait ses suivantes pour se rendre à l’église au plus vite, et c'était en quelque sorte par des prières adressées à l’insu de tous, qu'elle obtenait toute sorte de grâces de Dieu. Souvent, pendant la nuit, elle se levait pour faire oraison; quand son mari la priait de se ménager et de donner un peu de repos à son corps. Elle s'était arrangée avec une de ses chambrières qui lui était plus attachée que les autres, pour qu'elle la réveillât en lui touchant le pied, si, accablée par le sommeil, elle venait à ne pas se lever. Or, une fois qu'elle voulut toucher le pied de sa dame, elle poussa le pied du duc, son mari, qui se réveilla en sursaut, mais qui, s'étant aperçu de ce qui se passait, souffrit cela avec patience et eut assez de prudence pour le dissimuler. Et afin de rendre un sacrifice agréable à Dieu par ses prières, souvent elle l’arrosait de larmes abondantes; larmes qu'elle répandait avec joie, et sans que son visage en fût changé de manière (313) à l’enlaidir; toujours elle pleurait avec douleur, elle se réjouissait de cette douleur, et cependant la joie ne cessait d'embellir son extérieur. Elle s'abaissa jusqu'à un tel degré d'humilité, que, pour l’amour de Dieu, elle ne se contentait pas d'en exercer les actes les plus vils et les plus abjects, mais qu'elle s'en acquittait avec un dévouement extrême. Elle posa sur son sein un malade d'une figure dégoûtante et dont la tête exhalait une puanteur affreuse, et après lui avoir coupé les cheveux malpropres, elle lui lava la tête, tandis que ses servantes riaient. Aux Rogations, toujours elle suivait la procession nu-pieds et vêtue de laine ; et aux sermons des prédicateurs; elle prenait humblement place parmi les plus pauvres femmes, comme si elle cuit été pauvre. Lors de la purification après ses couches, elle ne s'ornait jamais comme les autres femmes de pierres précieuses, ni ne se couvrait de vêtements brodés d'or, mais à l’exemple de la Vierge-mère, elle prenait son nouveau-né entre ses bras, et l’offrait humblement à l’autel avec un agneau et un cierge, pour apprendre par là à mépriser les pompes du monde, et pour se conformer à la Vierge sans tache. En revenant ensuite chez elle, elle donnait à quelque pauvre femme les vêtements avec lesquels elle s'était rendue à l’église. Pour faire ressortir. davantage son humilité, il faut dire que cette sainte, entièrement libre et d'une haute dignité, se soumit tellement à l’obéissance de maître Conrad pauvre et mendiant, mais distingué en science et en religion, que, sauf le droit du mariage, et du consentement de son mari, elle accomplissait avec grande joie et révérence tout ce qu'il lui (314) commandait, afin d'avoir ainsi le mérite de l’obéissance et d'imiter l’exemple de notre Sauveur qui s'est rendu obéissant jusqu'à la mort. Un jour, il la fit appeler pour qu'elle l’entendît prêcher : mais la marquise de Misnie étant survenue, elle se trouva empêchée. Conrad irrité ne voulut pas pardonner une pareille désobéissance, et l’ayant fait dépouiller jusqu'à la chemise, il la fit fouetter durement avec quelques-unes de ses suivantes coupables comme elle.

Elle s'imposait une si grande abstinence et des austérités telles qu'elle macérait son corps par les veilles, la discipline et le jeûne. Souvent elle quittait le lit de son mari, pour passer la nuit sans dormir, afin qu'elle pût se livrer à l’oraison, et prier en secret le Père céleste. Lorsqu'elle était vaincue par le sommeil, elle dormait étendue sur des tapis : mais quand son mari s'absentait, elle passait toute la nuit en prière avec l’époux céleste. Souvent elle se faisait rudement fouetter dans son lit par les mains de ses servantes, pour imiter le Sauveur flagellé et pour réprimer la convoitise de la chair. Telle était sa tempérance dans le, boire et dans le manger, qu'à la table de son mari, parmi les différents plats qu'on servait, elle se contentait quelquefois de pain sec. En effet maître Conrad lui défendit de toucher à ceux des mets de son mari sur l’origine desquels elle ne pouvait se former une conscience sûre. Elle pratiqua cela avec tant de scrupule, que, quand les autres se nourrissaient de mets délicats, elle ne faisait usage, avec ses suivantes, que d'aliments fort grossiers. Souvent cependant elle se mettait à table, et elle touchait aux aliments en les (315) découpant, pour paraître en manger, afin de ne pas être taxée de superstition, et sa politesse enchantait tous les convives. Une fois, étant accablée par la fatigue d'une longue course, on avait servi à son mari et à elle différents mets qu'il était difficile de croire avoir été acquis par un légitime travail, elle s'en abstint tout à fait, et mangea tranquillement avec ses suivantes du pain noir et dur trempé dans l’eau chaude. Ce fut à cause de cela que son mari lui assigna quelques revenus légitimes dont elle vivait avec ses suivantes qui étaient, sur ce point, en tout accord avec elle. Souvent elle refusa les mets de la cour pour demander des vivres à quelques braves gens. Or, son mari supportait tout cela en patience; il assurait que volontiers il en agirait ainsi lui-même, s'il ne craignait d'apporter le désordre dans sa maison. Au faîte de la gloire, elle avait une grande affection pour l’état de pauvreté afin de rendre hommage à J.-C. pauvre, et de ne laisser découvrir en elle au monde rien qui lui appartînt. Aussi arrivait-il quelquefois, que se trouvant seule avec ses suivantes, elle se couvrait de vêtements grossiers et mettait sur la tête un voile de rebut : « Voici, disait-elle alors, comme je marcherai, lorsque j'aurai atteint à l’état de pauvreté. » Bien qu'elle se fût imposée à elle-même de grandes privations, cependant elle était si généreuse envers les pauvres, qu'elle ne souffrait pas que personne restât dans la gêne; elle subvenait au contraire à tous avec la plus grande libéralité, au point qu'on l’acclamait généralement la mère des pauvres. Elle s'appliquait avec des soins extrêmes à pratiquer les sept œuvres (316) de miséricorde, afin de pouvoir obtenir à toujours le royaume éternel, et de posséder la bénédiction du Père céleste avec les bénis de la droite. D'abord elle vêtait ceux qui étaient nus en habillant les pèlerins et les pauvres, en donnant le linge nécessaire pour ensevelir les morts et pour baptiser les petits enfants. Souvent elle était elle-même la marraine des nouveaux-nés, cousait; leurs vêtements de ses propres mains, afin qu'avant contracté avec eux les obligations de la maternité, elle fût tonne de subvenir à leurs besoins plus largement.

Or, il arriva qu'elle donna à une pauvre femme un vêtement assez bon; celle-ci en voyant un cadeau si magnifique, fut; étouffée par la joie, en sorte qu'elle tomba par terre et qu'on la crut morte. A cette vue, Elisabeth regretta d'avoir tant donné, dans la crainte qu'elle ne fût cause de la mort de cette femme : mais cependant elle pria pour la mendiante qui se releva guérie. Souvent encore, elle filait de ses propres mains de la laine avec ses suivantes, et elle en faisait confectionner des habits, afin par là de recevoir le fruit plein de gloire de ses bons travaux, d'offrir l’exemple de la véritable humilité et de donner à Dieu l’aumône de ses travaux manuels. Elfe nourrissait ceux qui ont faim, en fournissant des aliments aux pauvres, de telle sorte que, le landgrave sou mari étant allé à la cour de l’empereur Frédéric, pour lors à Crémone, elle fit ramasser toutes les provisions qu'elle avait dans ses granges pour donner le nécessaire aux pauvres, qui, tous les jours, accouraient de  toutes parts, parce qu'on était menacé de cherté de vivres et d'une (317) grande famine. Souvent encore, quand l’argent lui manquait, elle vendait ses ornements pour subvenir aux nécessités des indigents : et même elle avait l’habitude de soustraire bien des choses à ses suivantes et à soi-même et de les réserver pour les pauvres... Elle donnait à boire à ceux qui avaient soif... Or, une fois qu'elle avait distribué de la cervoise aux pauvres, après en avoir donné à chacun une quantité suffisante, il se trouva que la boisson n'avait pas diminué dans le vase, et qu'il s'en trouvait la même quantité :qu'auparavant. Elle donnait l’hospitalité aux pèlerins et aux pauvres. Elle fit construire au pied de son château, qui était situé fort haut, une maison très spacieuse, où elle soignait une grande multitude de malades elle les visitait chaque jour, sans être arrêtée par la difficulté de monter et de descendre. Elle leur fournissait tout ce qui leur était nécessaire, et par ses exhortations, elle les portait à la patience : quoiqu'elle eût toujours supporté avec peine le mauvais air, cependant au milieu du château de l’été, pour l’amour de Dieu, elle ne craignait pas l’infection des malades, mais elle leur administrait des médicaments, les essuyait avec ses cheveux, les maniait elle-même, tandis que ses suivantes étaient accablées. Dans cette même maison encore, elle faisait nourrir, avec le plus grand soin, les petits enfants des pauvres femmes : elle se montrait si douce et si humble envers eux, que tous la nommaient leur mère, et quand elle entrait dans cette maison, tous ces petits êtres la suivaient comme des enfants font a leur mère, et se plaçaient avec grande affection par groupes devant elle. Quelquefois elle (318) faisait acheter de petits vases en poterie, des anneaux de verre et d'autres jouets pour que les enfants s'amusassent. Une fois elle montait à cheval au château et portait, dans un pan de son manteau, ces objets, qui tombèrent du haut d'un rocher fort élevé, sur des pierres ; il n'y eut pas même une fêlure. Elle visitait les infirmes : et sa compassion pour les misérables dominait tellement son coeur qu'elle allait à leur recherche, dans leur logis, pour les visiter avec intérêt, entrant dans leurs chaumières avec familiarité et dévouement; n'étant rebutée ni par la difficulté des chemins, ni par les fatigues de la route : elle leur donnait' ce dont ils avaient besoin et leur adressait des paroles de consolation. C'est pourquoi elle reçut sa récompense par cinq considérations; savoir : pour le mérite de ses visites, pour la fatigue du chemin, pour la sincérité de sa compassion, pour ses paroles de consolation, et pour la largesse de ses offrandes. Souvent elle assistait aux sépultures des pauvres et y courait, avec grande dévotion, après les avoir ensevelis dans la toile qu'elle avait elle-même tissée : une fois elle coupa en morceaux son grand voile de lin pour envelopper le corps d'un pauvre. Elle s'occupait elle-même de leurs funérailles et elle restait aux obsèques- avec piété. Au milieu de tout cela, il faut donner des éloges à la dévotion de son mari, qui bien qu'embarrassé d'une multitude d'affaires, était fort dévoué au service de Dieu; et comme il ne pouvait personnellement s'occuper de pareilles choses, il avait accordé à son épouse la liberté de faire tout ce qui contribuait à l’honneur de Dieu et pouvait procurer le salut de son âme.

 

319

 

Alors la bienheureuse Elisabeth, désirant que son mari employât la puissance de ses armes à la défense de la foi, l’engagea, par ses exhortations salutaires, à aller visiter la Terre-Sainte. Comme il y était, ce landgrave, prince fidèle, dévot et remarquable par l’intégrité de sa foi et par son dévouement sincère, rendit son âme à Dieu et alla recevoir le fruit glorieux de ses oeuvres. Elisabeth embrassa donc ainsi avec amour l’état du veuvage, pour ne pas perdre le fruit attaché à la continence des veuves, mais pour recevoir ainsi le soixante-dixième fruit qu'elle avait mérité par la pratique des dix commandements et des sept oeuvres de miséricorde. Or, quand la mort de son mari eut été connue dans toute la Thuringe, Elisabeth fut chassée de sa patrie avec ignominie et violence par quelques vassaux de son mari, comme prodigue et dissipatrice, afin que par là sa patience reçût un plus brillant éclat, et qu'elle pût réaliser le désir qu'elle avait conçu depuis longtemps de vivre dans la pauvreté. Quand arriva la nuit, elle se retira, en rendant de grandes grâces à Dieu, en la maison d'un cabaretier; elle y resta dans un endroit où l’on avait mis des pourceaux. Le matin, elle alla chez des Frères Mineurs, qu'elle pria de remercier Dieu pour;ce qu'elle endurait et de chanter le Te Deum laudamus. Le lendemain, elle fut forcée d'aller, avec ses quatre petits enfants, chez un de ses ennemis, où on lui assigna un espace fort étroit. Comme elle était maltraitée par son hôte et son hôtesse, elle dit adieu aux murailles: « Je remercierais volontiers les hommes, disait-elle, si je les trouvais bienfaisant . » Elle fut donc forcée de regagner l’endroit où (320) elle s'était arrêtée en premier lieu et elle envoya ses petits enfants en différents pays pour qui on les nourrît. Or, une fois qu'elle passait dans un sentier étroit et rempli d'une boue profonde, au milieu duquel on avait placé quelques pierres, une vieille femme, à laquelle elle avait fait jadis beaucoup de bien, et qui passait sur ces pierres, refusa de céder le pas à la sainte qui tomba dans ce bourbier profond : elle se releva et essuya ses vêtements avec joie et en riant. Dans la. suite, sa tante maternelle, qui était abbesse, ayant compassion de son extrême pauvreté, la mena chez l’évêque de Bamberg, son oncle, qui la reçut honnêtement et la garda avec précaution dans l’idée de la faire convoler à de secondes noces. Quand ses suivantes, qui avaient fait avec elle voeu de continence, apprirent cela, elles s'en affligèrent à en pleurer, et en informèrent avec gémissement la bienheureuse Elisabeth. Elle leur rendit le courage en disant: « J'ai confiance que le Seigneur, pour l’amour duquel j'ai fait voeu de continence perpétuelle,  m’affermira dans ma résolution, s'opposera à toute violence et déjouera les projets des hommes. Et si, par hasard, mon oncle voulait me marier, je  m’y opposerai de coeur comme de bouche. Que s'il ne me restait aucun moyen d'échapper, je me couperai le nez afin de devenir un objet d'horreur à tous les hommes.» Ayant donc été conduite, malgré elle, de par l’ordre de l’évêque, à un château, pour y demeurer jusqu'à son mariage, après avoir recommandé sa chasteté, avec larmes, au Seigneur, voici que par la providence divine, les ossements de son mari sont rapportés d'outre-mer. Elle eut ordre (321) de l’évêque de revenir pour aller en toute dévotion à la rencontre de ces précieux restes ; ils furent reçus en une belle procession par l’évêque et par elle avec grand respect et beaucoup de larmes. Alors elle se tourna vers le Seigneur en disant : « Je vous rends grâces, Seigneur, de ce que vous avez daigné consoler une misérable telle que moi, dans la réception des ossements de mon époux qui vous était cher. Vous savez, Seigneur, combien j'ai chéri cet époux qui vous aimait tant; cependant, par amour pour vous, j'ai été privée de sa présence : je l’ai laissé partir pour secourir votre Terre-Sainte : vous savez combien j'aurais désiré vivre avec lui dans une condition telle que je fusse réduite à mendier en sa compagnie, comme une pauvresse à travers le monde entier; cependant, vous en êtes témoin, je ne le rachèterais pas, contre votre volonté, au prix d'un seul cheveu de ma tête; et je ne le rappellerais pas là cette vie mortelle ; eh bien ! je le recommande, ainsi que moi, à votre grâce. »

Mais pour ne perdre pas le centième fruit accordé à ceux qui, gardant la perfection évangélique, sont transférés de la gauche de la misère à la droite de la gloire, elle revêtit l’habit religieux, qui consistait en vêtements gris, pauvres et grossiers, gardant une chasteté perpétuelle après la mort de son mari; pratiquant l’obéissance parfaite et embrassant la pauvreté volontaire. Elle voulait encore aller mendier de porte en porte ; mais maître Conrad ne le permit pas. Ses habits étaient si sales qu'elle portait un manteau gris rallongé avec une pièce d'une autre couleur. Les manches de sa robe qui étaient déchirées furent rapiécées avec des (322) morceaux de différentes couleurs. Le roi de Hongrie, son père, apprenant que sa fille était réduite à un pareil dénuement, lui députa un comte pour la faire revenir à la maison paternelle. Quand il la  vit habillée de la sorte, assise avec humilité et filant, il s'écria rempli de confusion et d'admiration : « Jamais fille de roi ne fut vue habillée, d'une façon aussi vile, ni occupée à filer n'importe quelle laine. » Après avoir insisté fortement pour qu'elle revînt., elle n'y acquiesça absolument point ; aimant mieux vivre dans l’indigence avec les pauvres que d'habiter dans l’opulence avec les riches. Afin que son esprit s'attachât tout entier à Dieu et qu'elle ne fût jamais dérangée dans sa dévotion, elle pria le Seigneur de lui inculquer le mépris de toutes les choses temporelles, d'arracher de son coeur l’amour de ses enfants et de lui accorder le mépris,'les affronts et la constance. Quand elle eut achevé sa demande, elle entendit le Seigneur lui dire : « Ta prière. est exaucée. » Et elle dit à ses suivantes: « Le Seigneur a exaucé ma demande, et je regarde tout ce qui est de la terre comme fumier : je ne  m’inquiète pas de mes enfants plus que de tout autre prochain; je compte pour rien les mépris et les opprobres; et il me semble que je n'aime plus autre chose que Dieu. » Maître Conrad, de son côté, lui faisait subir des contrariétés et des duretés; ceux qu'elle paraissait affectionner davantage, il les séparait d'elle, au point qu'il éloigna deux fidèles suivantes qu'elle aimait de prédilection, nourries avec elle depuis son enfance: mais ce ne fut pas sans qu'il fût versé beaucoup de larmes c'e part et d'autre. Or, ce saint homme en agissait (323) ainsi pour briser sa volonté, pour élever son affection entièrement à Dieu, et dans la crainte que quelqu'une de ses suivantes ne lui fît revenir à la mémoire sa gloire passée. Mais en tout cela, on la trouvait prompte à obéir, constante à endurer, afin que, par la patience, elle fût maîtresse de son âme, et que par l’obéissance, elle fût digne de remporter la victoire. Elle disait encore : « Si pour Dieu je crains tant un homme mortel, combien dois-je craindre le Juge céleste. Aussi ai-je voulu faire voeu d'obéissance à maître Conrad, pauvre et mendiant, et non pas à quelque évêque riche, pour éloigner de moi toute occasion de consolation temporelle. » Une fois, elle avait été priée instamment de venir dans un cloître de certaines religieuses; elle le fit sans avoir obtenu la permission de son maître ; alors celui-ci la fit fouetter si rudement' que trois semaines après on voyait encore la trace des coups. Elle disait alors à ses suivantes pour les consoler et se. consoler elle-même-: « Lors des inondations d'un fleuve, le gazon s'abat, et quand l’eau décroît, il se relève; de même aussi quand il nous arrive quelque affliction, nous devons nous soumettre par esprit d'humilité; quand elle cesse, nous devons nous élever à Dieu par une joie spirituelle. » Elle s'abaissait à un degré d'humilité tel qu'elle ne souffrit jamais que ses suivantes l’appelassent madame ; elle voulait, quand elles lui parlaient, qu'elles se servissent du nombre singulier, comme nous avons coutume, par exemple, de parler à un inférieur. Elle lavait es écuelles, ainsi que les autres ustensiles de cuisine, et afin que ses suivantes ne l’en empêchassent pas, elle (324) les envoyait alors ailleurs. Elle disait aussi : « Si j'avais trouvé un genre de vie plus méprisé, je l’aurais choisi de préférence. »

En outre, afin de posséder avec Marie la meilleure part, elle vaquait assidûment à la contemplation. Dans cet exercice, elle eut pour grâces spéciales de répandre des larmes, de jouir souvent de visions célestes et d'enflammer les autres à l’amour de Dieu. Il lui arrivait quelquefois de paraître plus joyeuse que d'ordinaire ; alors elle répandait, des larmes de douce dévotion, qui semblaient couler de ses yeux comme de la source la plus limpide, en sorte qu'on la voyait pleurante et gaie tout à la fois, et ces larmes ne laissèrent jamais de trace de laideur, ni des rides sur son visage. Elle disait de ceux qui se gâtent le visage avec leurs larmes : « On dirait qu'ils ont peur du Seigneur ; qu'ils donnent donc à Dieu avec joie et gaieté ce qu'ils possèdent. » Dans ses oraisons et au milieu de ses contemplations, elle avait souvent des visions célestes. Un jour du saint temps de carême qu'elle était à l’église, elle resta les yeux fixés vers l’autel, comme si elle y eût admiré Dieu présent; et pendant un long espace de temps, elle fut consolée et récréée par une révélation divine. Revenue ensuite à la maison, elle fut obligée, en raison de sa faiblesse, de s'appuyer sur le giron d'une suivante, et pendant qu'elle tenait les yeux fixés vers le ciel, en regardant par la fenêtre,son visage fut inondé d'une joie si vive qu'elle fut prise d'un rire extraordinaire. Quand elle eut été remplie de joie de tout ce qu'elle vit d'agréable, tout à coup elle versa un torrent de larmes. Mais ayant de nouveau ouvert les (325) yeux, elle reprit son air de gaîté, puis fermant les yeux, elle versa encore d'abondantes larmes, et jusqu'à l’heure des Complies, elle ressentit des consolations divines de la même nature Elle resta longtemps dans un profond silence, ne prononçant pas un seul mot; enfin ces paroles lui échappèrent tout à coup : « Oui, Seigneur, vous voulez être avec moi et moi je veux être avec vous, et n'être jamais séparée de vous. » Plus tard ses suivantes lui demandèrent de leur dire, pour l’honneur de Dieu et pour leur édification, ce qu'elle avait vu,: elle se laissa vaincre par leur importunité : «J'ai vu, leur dit-elle, le ciel ouvert, et Jésus qui, se penchant vers moi avec une extrême bonté, me montrait le visage le plus ouvert. J'étais donc inondée d'une joie ineffable de le voir; quand il se retirait, j e restais accablée d'une grande tristesse: alors il eut pitié de moi, et me réjouit encore une fois de la vue de son visage et me dit : « Si tu veux être à moi, je veux bien être avec toi. » Et je lui ai répondu ce que vous  m’avez entendu dire. » On la pria encore de raconter la vision qu'elle avait eue vis-à-vis de l’autel; irais elle répondit: « Ce que j'y ai vu, il n'est pas expédient de le raconter : j'y ai ressenti cependant beaucoup de joie, et j'ai considéré les merveilles de Dieu. » Souvent aussi pendant son oraison, sa face resplendissait d'une manière merveilleuse et de ses yeux jaillissaient des rayons semblables à ceux du soleil. Souvent encore son oraison était si fervente que même elle enflammait les autres personnes. Elle appela chez elle un jeune homme habillé d'une façon mondaine et lui dit : « Vous paraissez vivre avec trop peu (326) de retenue au lieu de servir votre Créateur. Voudriez-vous que je priasse Dieu pour vous ? » « Je le veux bien, répondit-il, et je le souhaite fort. » Quand elle se fut mise en oraison, après avoir demandé au jeune homme de se mettre de son côté à prier pour soi, il s'écria à haute voix: » « Cessez, madame, cessez dès ce moment de prier. » Mais comme elle priait avec plus d'insistance encore, le jeune homme cria plus haut : « Cessez, madame, parce que je me meurs, je suis brûlé. » En effet il était brûlé d'une telle chaleur, qu'il était tout fumant de sueur, et qu'il agitait son corps et ses bras comme un insensé, au point qu'on accourut pour le tenir, qu'on trouva ses habits trempés de sueur et qu'on ne pouvait supporter sa chaleur; il continua de crier : « Je suis tout en feu, je suis consumé. » Or, quand la bienheureuse Elisabeth eut achevé sa prière, le jeune homme cessa d'avoir chaud. En revenant à lui, il fut éclairé de la grâce divine et entra dans l’ordre des Frères Mineurs. Cette chaleur manifesta la ferveur ardente de sa prière, ardeur si forte qu'elle enflamma même un homme froid. Mais ce jeune homme, accoutumé à vivre selon la chair, et qui n'avait aucun goût pour la vie spirituelle, ne pouvait comprendre de pareilles choses.

Parvenue au comble de la perfection, elle ne quitta pas les soins laborieux de Marthe pour la contemplation de Marie, ainsi qu'il a été montré ci-dessus dans les sept oeuvres de miséricorde. En effet, quand elle eut pris l’habit religieux, elle pratiqua néanmoins les oeuvres d'une piété active. Elle avait reçu pour sa dot deux mille marcs; elle en distribua une partie aux (327) pauvres, et avec le reste, elle fit construire un grand hôpital à Marbourg. C'est pour cela que tout le monde la regardait comme dissipatrice, comme prodigue, et qu'on l’appelait folle ; mais parce qu'elle savait accepter avec joie toutes les. injures, on lui reprochait d'avoir chassé bien vite de son coeur le souvenir de son mari, puisqu'elle était ainsi transportée de joie. Quand elle eut fait construire l’hôpital, elle se dévoua au service des pauvres comme une humble servante; elle était remplie de sollicitude à leur égard, elle les mettait dans le bain, les portait dans leur lit, les couvrait : elle se félicitait auprès de ses suivantes, en disant: « Quel bonheur nous avons de baigner et de couvrir ainsi le Seigneur. » Elle porta son humble dévouement à l’égard des pauvres à un degré tel que, dans une nuit, elle porta sept fois, dans ses bras, aux lieux secrets, un enfant borgne et couvert de gale, et qu'elle lava sans répugnance ses linges salis. Elle lavait souvent une femme couverte d'une affreuse lèpre, la mettait dans son lit, essuyant ses plaies qu'elle enveloppait, lui donnait des médicaments, lui coupait les ongles, et se mettait à genoux pour délier les cordons de ses souliers. Elle engageait les infirmes à se confesser et à communier; et elle obtint cela d'une vieille femme qui refusait obstinément ; mais ce fut après l’avoir corrigée en la frappant. Quand elle n'était pas occupée à soigner les pauvres, elle filait de la laine qu'on lui envoyait d'un monastère, et elle partageait entre les pauvres le prix qu'elle en retirait. Après une grande disette, elle avait à distribuer aux indigents cinq cents marcs qu'elle avait reçus de sa dot; tous (328) avaient été placés en ordre, et Élisabeth, les reins ceints d'un lime, passait de rang en rang pour les servir : il avait été décidé que si quelqu'un changeait de place, au préjudice des autres pauvres, pour recevoir deux fois, il aurait les cheveux coupés. Or, voilà qu'une jeune fille nommée Radegonde, remarquable par l’extrême beauté de sa chevelure, vint à passer par là, non pour recevoir l’aumône, mais pour visiter une de ses soeurs malade. On l’amena à la bienheureuse Élisabeth, comme ayant violé la loi : elle la condamna à avoir les cheveux coupés de suite, malgré ses pleurs et sa grande résistance. Or, comme quelqu'un des assistants avançait qu'elle était innocente, la bienheureuse dit : « Au moins dans la suite elle ne pourra aller à la danse avec tant de prétention dans les cheveux, ni en tirer vanité. » Alors la bienheureuse Élisabeth demanda à la jeune fille si elle n'avait jamais conçu le projet de mener une vie sainte; elle répondit que depuis longtemps déjà elle serait entrée en religion, si elle n'eût tant mis de délectation en ses cheveux. « Alors, dit Élisabeth, je suis plus heureuse de ce qu'on te. les a coupés que je ne le serais si mois fils était élu empereur des Romains.» Dès l’instant la jeune personne prit l’habit religieux, resta dans l’hôpital avec la bienheureuse Élisabeth, et mena une vie édifiante. Une pauvre femme mit au monde une fille que la bienheureuse Élisabeth tint sur les fonts sacrés et auquel elle donna son nom; ensuite elle lui fournit tout ce qui lui était nécessaire, de telle sorte que, prenant les manches de la pelisse d'une de ses suivantes, elle les donna à la mère pour envelopper (329) cette petite enfant; elle ajouta encore ses propres soutiers. Trois semaines après, cette femme abandonna sa petite fille, et 'enfuit en cachette avec son mari. Quand on apprit cela à sainte Élisabeth, elle se mit en prières ; alors le mari et la femme ne purent marcher davantage et furent forcés de revenir lui demander pardon. Elle leur reprocha, comme il était juste, leur ingratitude, leur remit la petite fille à nourrir et pourvut à tout ce dont ils avaient besoin.

Quand approcha le temps où le Seigneur disposa d'appeler sa bien-aimée de la prison du monde, pour la faire participer au royaume des anges parce qu'elle, avait méprisé le royaume des mortels, J.-C. lui apparut : « Viens, ma bien-aimée, lui dit-il, viens aux tabernacles éternels que je t'ai préparés. » Or, pendant qu'elle était tourmentée par la fièvre, elle s'était couchée et avait la figure tournée vers la muraille de son lit; alors, les assistants entendirent une exquise mélodie. Une des suivantes s'étant informée auprès d'elle de ce que c'était, la sainte lui répondit : « Un petit oiseau est venu se poser entre moi et la paroi, et il a chanté d'une manière si suave qu'il.  m’a bien fallu chanter aussi. » Dans sa maladie, elle conserva toujours sa gaieté, et jamais elle ne cessa de prier. La veille de sa mort, elle leur dit : « Que feriez-vous, si 1e diable arrivait auprès de vous?» Un instant après, elle s'écria à haute voix, comme si elle chassait le diable, en répétant par trois fois : « Fuis. » Ensuite, elle dit : « Voici minuit qui approche ; c'est l’heure à laquelle J.-C. a voulu naître et où il fut couché dans la crèche. » Quand approcha l’heure de son trépas, (330) elle dit : « Le moment arrive où le Dieu tout puissant appelle ses amis aux noces célestes. » Peu après, arrivée à ses derniers instants, elle s'endormit en paix, l’an du Seigneur 1231. Quoique son corps vénérable fût resté quatre jours sans sépulture, il ne s'en exhalait aucune puanteur; bien au contraire, il s'en exhalait un délicieux parfum dont on était embaumé. Alors, on vit sur le faite de l’église grande quantité de petits oiseaux réunis, que personne n'avait jamais vus auparavant; ils chantaient avec des modulations si suaves, et formaient des modes si variés que l’on en était dans l’admiration. Ils semblaient célébrer à leur façon les funérailles d'Elisabeth. Or, il y eut là grande clameur des pauvres, grande dévotion des peuples ; les uns prenaient de ses cheveux, les autres coupaient des morceaux de ses vêtements, qu'ils conservaient comme des reliques extraordinaires. On plaça son corps dans un monument qu'on trouva plus tard regorger d'huile. 1° Il est évident que, à son trépas, la bienheureuse Elisabeth était parvenue à une grande sainteté ; le chant du petit oiseau et l’expulsion du diable le prouvent. Or, cet oiseau qui se plaça entre elle et la paroi, et qui chanta si doucement qu'il la porta elle-même à chanter, nous croyons que c'était son ange gardien lui annonçant la joie éternelle. Quelquefois, il arrive aux réprouvés d'avoir, avant leur trépas, révélation de leur damnation éternelle, pour leur plus grande confusion ; de même, pour leur plus grande consolation, les élus reçoivent l’assurance qu'ils seront sauvés. Ce chant qu'elle fit entendre fut le témoignage de l’immense joie qu'elle conçut pour (331) une semblable révélation; et l’immensité de cette joie fut telle qu'elle ne put être contenue totalement dans le coeur, mais qu'elle se manifesta par la suavité de la voix. En outre, si par hasard il a quelque droit, le diable s'approche aussi des saints au moment de leur mort; mais, n'ayant aucun droit sur la bienheureuse Elisabeth, il s'enfuit honteusement congédié. Par là, on peut donc comprendre quelle sainteté posséda celle dont le diable s'enfuit épouvanté, et à laquelle un ange annonça la joie éternelle. 2° Il est évident qu'elle possédait une grande pureté et une grande innocence, comme le prouve l’exhalation de l’odeur. Parce que son corps brilla dans sa vie de toute innocence et chasteté, il exhala dans la mort une odeur exquise. 3° Il est évident par le concert dés oiseaux, qu'elle possédait un grand mérite et une grande dignité ; en effet, ceux qu'on vit sur le faîte de l’église, tout joyeux et chantant, nous croyons que c'étaient des anges envoyés de Dieu, pour porter son âme au ciel et pour honorer son corps par de célestes jubilations. Quand les réprouvés meurent, une multitude de démons se rassemblent pour les tourmenter et les effrayer, et afin d'emporter leurs âmes au tartare, de même au décès des élus affluent une multitude d'anges, qui les fortifient et convoient leurs âmes aux célestes royaumes. 4° Il est évident qu'elle posséda une grande miséricorde et pitié, par l’huile qui émana de son corps, parce que durant sa vie elle produisit des oeuvres abondantes de miséricorde. O quelle affluence de piété dans les entrailles de celle dont 1e corps, fuit trouvé inondé d'huile, quand il gisait en poussière ! (332) 5° Il est évident qu'elle a beaucoup de pouvoir et de mérite auprès de Dieu, par le nombre prodigieux de miracles dont Dieu la glorifia après sa mort. Nous en rapportons quelques-uns ci-après, et nous en omettons un grand nombre pour ne pas être trop long.

Au pays de Saxe, dans un monastère du diocèse de Hildesheim, un moine de l’ordre de Cîteaux, nommé Henri, était accablé d'une grande infirmité : il faisait compassion, et troublait tout le monde par ses clameurs. Une nuit, il lui apparut une dame vénérable, revêtue d'habits blancs, qui lui donna avis que s'il désirait recouvrer la santé, il se vouât à la bienheureuse Elisabeth. La nuit suivante il eut une apparition semblable et reçut les mêmes avis. Or, ce moine, en l’absence de l’abbé et du prieur, fit le vœu avec la permission d'un supérieur. La troisième nuit, cette dame lui apparut, fit sur lui le signe de la croix, et aussitôt il fut guéri. Quand l’abbé et le prieur furent de retour et qu'ils apprirent ces faits, ils furent étonnés de le savoir guéri; mais ils doutaient beaucoup s'il devait accomplir son voeu, puisqu'il n'est pas permis à un Moine de faire quelque voeu que ce soit, ni de s'obliger de cette manière. Le .prieur ajouta que souvent les moines étaient trompés par l’apparition du démon qui les portait sous prétexte de bien faire, à ces choses illicites, et qu'il fallait en conséquence conseiller à ce moine de raffermir par la confession son esprit ébranlé : or, la nuit suivante, la même personne apparut au moine et lui dit : « Tu seras toujours infirme, jusqu'à ce que tu accomplisses ce que tu as fait voeu d'exécuter. » Et à l’instant la même infirmité se saisit (333) de lui, et il commença à être tourmenté des mêmes souffrances. Quand l’abbé eut appris cela, il lui donna l’autorisation et lui fit remettre de la cire pour en faire une image. Bientôt il fut guéri, et il s'appliqua à accomplir le voeu qu'il avait fait. Dans la suite, il ne ressentit plus l’infirmité dont. il était accablé.— Une jeune fille, nommée Bénigne, du diocèse de Mayence, ayant demandé de la boisson à une servante, celle-ci lui présenta à boire, en disant : « Prends et bois le diable. » Alors il sembla à la jeune fille qu'un tison enflammé lui descendait par le gosier, elle criait qu'elle avait mal au cou. Aussitôt son ventre enfla comme une outre et on aurait dit que quelque chose courait dans son ventre d'un côté et d'autre. Elle poussait des gémissements pitoyables, proférait des paroles insensées; et on la croyait obsédée par le démon. Elle resta deux ans en cet état. On la conduisit donc au tombeau de sainte Elisabeth, et on y fit un voeu pour elle ; pendant qu'elle était placée sur la tombe, elle parut comme inanimée; mais quand on lui eut offert, au même endroit, un peu de pain à manger et de l’eau bénite à boire, tout à coup, au saisissement et à l’admiration de tous les assistants, elle se leva guérie. — Un homme du diocèse d'Utrecht, nommé Gédéric, avait perdu l’usage d'une main : elle était paralysée; deux fois il avait visité le tombeau de la bienheureuse Elisabeth sans avoir été guéri : il y vint une troisième fois, avec beaucoup de dévotion, en compagnie de sa femme. Pendant la route, il rencontra un vieillard d'un aspect vénérable qu'il salua et auquel il demanda d'où il venait. Celui-ci répondit qu'il venait de Marbourg (334) où reposait le corps de sainte Elisabeth et qu'il s'y opérait une infinité de miracles. Alors Gédéric lui, exposa son infirmité ; le vieillard leva la main et le bénit en disant : « Va, et sois sûr que tu recevras la santé, pourvu que tu mettes ta main malade au chevet du sépulcre, dans un trou creusé sous la pierre ; plus profond tu l’enfonceras, plus vite tu seras guéri. Alors pense en toi-même à saint Nicolas, parce. qu'il est comme le compagnon et l’associé de sainte Elisabeth avec laquelle il,coopère dans ses miracles. » Il ajouta qu'il se trouvait des insensés qui se retiraient immédiatement après avoir jeté leur offrande, tandis qu'il est agréable aux saints qu'on apporte une certaine persévérance quand on implore leurs suffrages. A l’instant le vieillard disparut, et ils ne purent plus le voir. Après quoi ils continuèrent leur chemin, remplis d'admiration, et avec la confiance d'obtenir la santé. A peine donc Gédéric eut-il mis la main, d'après l’avis du vieillard, sous la pierre du monument, qu'il la retira aussitôt entièrement guérie. — Un homme du diocèse de Cologne, nommé Hermann, était retenu en prison parle juge. Il s'en remit entièrement à Dieu, et invoqua, avec toute la dévotion possible sainte Elisabeth et maître Conrad à son aide. La nuit suivante, ils lui apparurent tous les deux ensemble environnés d'une grande lumière, et lui donnèrent toute sorte de consolations. Enfin une sentence le condamna à être pendu, et il fut exécuté à un gibet éloigné d'un mille teutonique. Cependant le juge accorda aux parents de le détacher et de l’ensevelir dans un tombeau. On prépara la fosse, et quand il (335) eut été détaché, son père et son oncle se mirent à invoquer, pour le mort, le patronage de la bienheureuse Elisabeth, et à l’admiration et à la stupéfaction de tous, celui qui était mort se leva vivant. — Un écolier du diocèse de Mayence, nommé Witard, en pêchant un jour sans précaution, se laissa choir dans le fleuve ; son corps ne fut retiré de l’eau que longtemps après : on le trouva sans sentiment, sans mouvement et raide ; comme on ne rencontrait eu lui aucun signe de vie, tout le monde le crut mort. Alors on implore les mérites de la bienheureuse Elisabeth, et au vu et à l’admiration générale, la santé et la vie lui sont rendues. — Un enfant de trois ans et demi, du diocèse de Mayence, nommé Ugolin, ayant rendu l’esprit, sa mère le porta roidi et sans vie, pendant l’espace de quatre milles teutoniques, pour invoquer sainte Elisabeth en toute dévotion, et elle recouvra son enfant, vivant et en bonne santé. — Un enfant de quatre ans était tombé dans un puits : quelqu'un venu pour puiser de l’eau. remarqua qu'il y avait au fond un enfant noyé. Il eut de la peine à le retirer et le trouva mort. Les preuves de sa mort étaient la longue durée du temps qu'il était resté dans l’eau, la rigidité du corps, sa bouche et ses veux horriblement ouverts, la peau noire, le gonflement de ventre, et une entière absence de mouvement et de sentiment. Pour le ressusciter, on fit un voeu à sainte Élisabeth, et aussitôt il fut rendu à la vie. — Une jeune fille s'était. noyée dans un fleuve: quand on l’en retira, elle fut rendue à la vie par les mérites de la bienheureuse Elisabeth. — Un homme nommé Frédéric, du diocèse de Mayence, très habile

Nageur, (336) en se baignant un jour, se moquait d'un pauvre qui avait recouvré la vue'par le moyen de sainte Elisabeth; il lui jetait de l’eau à la figure par dérision : alors le pauvre agacé dit : « Que cette sainte dame, qui  m’a donné guérison, me venge de toi ; de telle façon que tu ne sortes pas de là sinon mort et noyé. » Frédéric, faisant peu de cas de l’imprécation du pauvre, se lança dans l’eau avec délectation; mais les forces venant à lui manquer, il ne put s'aider, et il alla au fond comme une pierre. Après l’avoir cherché pendant longtemps, on le tira de l’eau mort, et comme on le pleurait beaucoup, quelques-uns de ses parents se mirent à faire un vœu pour lui à la bienheureuse Elisabeth et à implorer son suffrage avec grande dévotion. Aussitôt l’esprit lui revint et il se leva vivant et sain. — Un nommé Jean, du diocèse de Mayence, avait été pris en compagnie d'un voleur et condamné à être pendu avec lui : il conjura un chacun de prier la bienheureuse Elisabeth de l’aider selon qu'il le méritait. Quand il fut pendu, il entendit au-dessus de lui une voix qui lui disait : « Courage, aie confiance en sainte Elisabeth, et tu seras délivré. » A l’instant, l’autre restant suspendu, la corde cassa et Jean tomba fort lourdement de toute la hauteur du gibet sans se faire aucun mal,; bien que sa chemise, qui était neuve, eût été déchirée. Il se mit à dire tout égaudi : « Sainte Elisabeth, vous  m’avez délivré, et vous  m’avez fait tomber sur une place qui n'était pas dure. » Quelques personnes dirent alors qu'il fallait le pendre une seconde fois, mais le juge dit : « Dieu l’a délivré, je ne permettrai, pas qu'on le pende de nouveau. » — Un convers d'un (337) monastère du diocèse de Mayence, nommé Volmar ; homme fort pieux, mortifiait sa chair au point qu'il passa environ vingt, ans avec une cuirasse sur le corps, et couchant sur des pierres et des morceaux de bois; comme il était au moulin, la meule lui saisit la main qu'elle écrasa, de sorte que la chair resta arrachée d'un côté et d'autre, que ses os et ses nerfs furent broyés; on eût dit que la main avait été pilée dans un mortier: ses douleurs étaient si aiguës qu'il demandait qu'on la l’ai coupât. Or, comme il invoquait fréquemment la bienheureuse Elisabeth à son secours, parce qu'elle avait eu de l’affection pour lui quand elle vivait, elle lui apparut une nuit et lui dit : « Veux-tu être guéri? » Le convers lui répondit : « Volontiers. » Alors elle lui prit la main, lui guérit les nerfs, remit ses os en leur entier, rétablit la chair sur chaque face, et lui rendit la santé. Le matin, il se trouva parfaitement guéri, et montra à tout le couvent stupéfait sa main en bon état.

Un enfant de cinq ans, nommé Discret, du diocèse de Mayence, qui était venu au monde aveugle, recouvra la vue par les mérites de la bienheureuse Elisabeth. Sans qu'il eût de cils, une pellicule qui n'était pas fendue lui couvrait les yeux entièrement, et rien n'indiquait que l’organe de la vue eût existé chez lui. Sa mère le conduisit donc au tombeau de la bienheureuse Elisabeth, et lui frotta les yeux avec la terre du sépulcre, en invoquant sur lui les mérites de la sainte ; et voici que la peau se déchire par le milieu, et qu'on aperçoit de petits yeux troubles et sanguinolents. Ce fut ainsi que cet enfant dut aux mérites et (338)  aux suffrages de sainte Elisabeth de jouir du bonheur de la vue. — Une jeune fille du même diocèse, nommée Béatrice, après avoir été en proie à quantité d'infirmités graves, devint bossue par devant et par derrière, et tellement courbée qu'elle ne pouvait se redresser eu aucun sens ; elle était obligée de mettre les mains sur les genoux pour pouvoir soutenir son corps. Sa mère la porta dans une hotte au tombeau de sainte Elisabeth, où elles restèrent dix jours sans que sa fille éprouvât aucun soulagement. La mère„ irritée, murmura contre la bienheureuse Elisabeth; en, disant : « Tu accordes tout aux autres, et moi qui suis misérable, tu ne  m’exauces pas ? En  m’en retournant, j'empêcherai tous ceux que je pourrai de te visiter.» Or, comme elle s'en allait en colère, et que déjà elle avait fait. un mille et demi, sa fille crucifiée de douleurs se mit à pleurer; enfin, elle s'endormit et vit une très belle dame au visage resplendissant, qui lui dit, en la. frottant au dos et à la poitrine : « Lève-toi et marche. » En s'éveillant, cette fille se trouvant guérie entièrement de sa difformité et de sa curvature, raconta sa vision à sa mère; ce fut alors grande joie et liesse. Elles revinrent donc au tombeau de sainte. Elisabeth, pour rendre grâces à Dieu et à elle ; après quoi, elles y laissèrent la hotte dans laquelle la fille avait été apportée. — Une femme, appelée Gertrude, du même diocèse, était paralysée depuis longues années des deux jambes, et avait le corps tout courbé. Elle fut avertie en songe d'aller implorer les mérites lie saint Nicolas. Elle se fit donc porter à l’église de saint, et elle recouvra l’usage d'une jambe. Enfin, (339) conduite au tombeau de la bienheureuse Elisabeth, elle fut posée sur le tombeau où, après avoir éprouvé de cuisantes douleurs et être devenue comme insensée, elle se releva saine et sauve. — Une femme, appelée Scintrude, du même diocèse, était restée un an tout à fait aveugle; elle se faisait conduire avec le secours des autres; amenée pour prier sainte Elisabeth de tout son coeur, elle recouvra la vue. — Un homme, du nom de Henri, du diocèse de Mayence, était entièrement privé de la vue; il vint visiter le sépulcre de sainte Elisabeth, et recouvra l’usage de ses yeux. Dans la suite, ce même homme fut affligé. d'un flux de sang si violent, que sa famille le crut près de mourir; avant pris de la terre du sépulcre de sainte Elisabeth, avant la mêla avec de l’eau qu'il but, et recouvra pleine santé. — Une jeune fille, appelée Mechtilde, du diocèse de Trèves, avait perdu l’usage de la vue et de l’ouïe, comme aussi la parole et le marcher ; son père et sa mère la vouèrent à sainte Elisabeth, et ils la reçurent guérie, en célébrant les louanges de Dieu et de la sainte. — Une femme, pommée Hélibinge, du diocèse de Trèves, était aveugle depuis un an ; elle avait invoqué les mérites de la bienheureuse Elisabeth, quand elle se fit conduire à son tombeau; elle y recouvra l’usage d'un oeil. Revenue chez elle, elle ressentit de fortes douleurs dans l’autre. Elle eut encore recours à l’intercession de notre sainte, qui lui apparut : « Va, lui dit-elle, à l’autel, et fais-toi ventiler les yeux avec le corporal, et tu seras guérie. » Elle fit ce qui lui avait été commandé, et fut guérie. — Un homme, dominé Théodoric, du diocèse de Mayence, (340) était infirme des genoux et des jambes, au point de ne pouvoir marcher sans être soutenu par quelqu'un. Il fit voeu d'aller visiter le tombeau de sainte Elisabeth, et d'y faire ses offrandes. Or, quoique son pays en fût éloigné seulement de dix milles, ce fut à peine qu'il put y arriver en huit jours. Après y être resté quatre semaines sans éprouver aucun soulagement, il revenait chez lui, quand, une fois étant couché quelque part à côté d'un autre infirme, il vit en songe quelqu'un venir à lui et l’arrosant entièrement avec de l’eau. Il se réveilla en colère contre son compagnon : « Pourquoi, lui dit-il,  m’as-tu couvert d'eau?» « Je ne t'ai pas couvert d'eau, repartit l’autre, mais je crois que ce sera là une cause de santé pour toi. » Théodoric se leva donc et, se trouvant entièrement, guéri, il mit ses béquilles sur l’épaule et revint au tombeau de sainte Elisabeth; et, après l’avoir remerciée, il revint plein de joie chez lui.

 

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