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Tableau naturel des rapports qui existent
entre Dieu, l'Homme et l'Univers.

L.C. de St Martin

par Louis-Claude de Saint-Martin

XV 

Le Sabbat, si recommandé par la Loi des Hébreux, se rapporte au Sabbat primitif, soit dans son nombre, soit par son objet ; et c'est assurément dans l'esprit de ce Sabbat primitif, qu'il leur était ordonné de ne point semer, ni labourer la terre, ni tailler la vigne pendant la septième année, ou année sabbatique ; de ne faire même cette année-là aucune espèce de moisson, ni de récolte ; et de n'attendre leur subsistance que des productions naturelles de la terre, pour en satisfaire leurs besoins présents, sans aucune inquiétude pour les besoins à venir.

N'est-ce pas, en effet, nous retracer la différence des lois de la matière à celles de l'intelligence ? N'est-ce pas nous indiquer que la matière n'existe, ne produit, ne s'alimente que par des moyens violents et par une culture laborieuse tandis que la vie intellectuelle, active par elle-même, promet à l'homme qui peut y parvenir, des délices faciles et une nourriture assurée ?

N'est-ce pas nous montrer d'avance quelle sera la destinée de l'homme, lorsque le grand Sabbat étant arrivé, il s'unira aux Vertus divines mêmes, et possédera cette Terre incréée, qui sans cesse produit par elle-même et sans culture ; lorsqu'étant comme adhérent aux sources de la vie, il pourra continuellement s'y désaltérer, avec la confiance qu'elles seront toujours plus abondantes que ses besoins, et que jamais elles ne pourront se tarir pour lui.

Il ne faut point oublier que le vrai Sabbat temporel doit se trouver le quatorzième de la lune de Mars que c'est à cette époque que se fit la délivrance du Peuple Hébreu ; et que c'est là l'époque naturelle où s'entr'ouvrent les premières sources de production, puisque c'est vers ce temps, que les principes végétatifs reçoivent les premières réactions du printemps, lequel doit se compter pour nous par le cours de la lune, et non par celui du soleil, quand l'un et l'autre de ces astres ne se trouvent pas ensemble au même point équinoxial. 

J'ajouterai que les Hébreux ont dérangé l'heure de leur Sabbat, en le commençant à la première étoile, au lieu de le commencer à minuit, qui est l'heure de la primitive institution, attendu que c'est une heure centrale : mais ce n'est pas la seule négligence qu'ils aient à se reprocher ; car dans son institution leur Loi était pure et appuyée sur des bases invariables. 

On y voit que jusqu'aux Règlements relatifs aux aliments, tout est fondé sur les principes de la plus saine Physique. La défense de manger des animaux réputés immondes par la Loi, tient à la nature de ces animaux, dont l'impureté par rapport à nous est écrite sur leur propre forme.

« Ceux dont la tête et le corps sont dégarnis de membres offensifs et défensifs ; ceux dont le col est si gros, qu'il ne fait, pour ainsi dire, qu'un avec le corps, ceux-là, dis-je, sont des Etres les moins purs, les moins réguliers, et en même temps les plus nuisibles à l'homme ; car ce sont ceux dont le sang se porte avec plus d'abondance dans la partie supérieure : et pour conserver le langage de la Loi hébraïque, leur sang est matériellement sur leur tête, or l'usage fréquent de pareilles viandes ne manquerait pas d'opérer le même dérangement dans l'équilibre de nos liqueurs : c'est alors que les soufres grossiers, dont notre Nature cherche à se purger, refluent sur notre Etre, et en obstruent tous les organes. »

« Nul Etre n'est sans doute plus intéressé que l'homme à éviter ce terrible effet, parce que le siège de son Principe étant dérangé, le Principe lui-même peut souffrir de ce dérangement. »

« L'homme est destiné par sa nature à être supérieur à tout ce qui est sang et impur, puisque sa tête même, distincte de son corps par un col étroit, semble encore être verticalement placée, pour que le sang ne pouvant la surmonter, elle règne et domine sur tout ce qui tient au sang : et puisque nous avons sous les yeux l'exemple de l'abrutissement des Nègres, qui le doivent en partie à ce que non seulement leur sang, mais leur graisse même est sur leur tête ; car ce fait est visible par la couleur rougeâtre et sombre de la substance moelleuse de leur cerveau, et par la laine qui leur tient lieu de cheveux. »

« Si l'on ne marque pas les mêmes irrégularités dans les autres espèces de Nations difformes, et que cependant on y remarque le même abrutissement, ou des mœurs même plus honteuses, et des inclinations plus malfaisantes ou enfin une nature plus lâche et plus débile, c'est qu'au lieu du sang et de la graisse, ce sont d'autres principes matériels qui dominent sur leurs têtes. Car ces principes matériels étant ennemis de l'homme, ne peuvent le surmonter, sans que quelques unes de ses facultés primitives ne soient dans la contrainte et dans l'abrutissement, et qu'elles ne soient remplacées par les facultés qui leur sont contraires. »

« Ce que j'ai dit sur la difformité des animaux réputés immondes, doit s'appliquer aux poissons, dont le corps ne formant qu'une masse avec leur tête, semble porter toutes les marques de l'impureté ; en sorte qu'on pourrait demander pourquoi la Loi hébraïque ne défendait que ceux qui n'avaient ni nageoires, ni écailles ? »

« En général, l'impureté des poissons immondes doit être moindre que celle des animaux terrestres, parce que le sang des premiers est si tempéré par le fluide aqueux, qu'il n'est ni dans une abondance, ni dans une chaleur capable de produire de grands ravages. C'est pour cela que la Loi tolérait ceux qui n'avaient pas à la fois tous les signes de l'impureté. »

« Cependant, comme l'élément qu'ils habitent, porte avec lui-même le caractère de l'origine confuse des choses matérielles ; comme c'est par l'eau que tous les Etres de matière prennent leur corporisation, la Loi regardait les poissons comme participant en quelque sorte à la confusion de leur élément : aussi n'entraient-ils point dans les sacrifices. »

 « On n'ignore pas que le sel, si convenable à nos aliments, était essentiellement recommandé dans les sacrifices et qu'il a été, presque par toute la Terre, le symbole de la sagesse. C'est que les sels en général sont des substances très instructives pour l'homme. Ils ne paraissent que par la réunion de leurs différentes parties répandues dans les eaux qui les tiennent en dissolution, et en devenant par l'action du feu général ou particulier autant d'unités actives, puissantes et dépositaires de toutes les propriétés qui se manifestent dans le corps. En un mot, le sel est un feu délivré des eaux, et les eaux ont un nombre si impur que les Hébreux n'expriment ce mot que par le duel maim. »

« Ajoutons que si la préférence était donnée au sel marin sur tous les autres, c'est qu'il est carré sur toutes les faces, et qu'il a sept centres ; c'est qu'il reçoit plus directement les influences supérieures par faction de la Lune sur les mers, et que son acide a moins d'affinité avec les métaux que les autres sels.»

Le pain azyme, si recommandé dans les fêtes, a sans doute de très grandes significations ; car il représente à la fois l'affliction de la privation, la préparation à la purification, et la mémoire de l'origine.

Le mot manne dérive d'un nom hébreu, qui signifie nombrer ; et pour parvenir à l'intelligence de cette distribution journalière, que les Livres hébreux nous disent avoir été faite au peuple, voici ce qu'il est nécessaire de connaître.

De même que le Soleil parcourt chaque jour tous les points de notre horizon pour revivifier toute la circonférence, de même tous les hommes reçoivent chaque jour un rayon du grand soleil, qui suffirait pour les ranimer intellectuellement, s'ils ne le laissaient pas intercepter par mille obstacles étrangers ; enfin, il y a chaque jour pour l'ordre physique, un  mouvement universel par lequel toutes les sphères agissent les unes sur les autres, et se présentent réciproquement des bases, sur lesquelles elles impriment en passant, des actions et des nombres analogues aux traits qu'elles y rencontrent ; et on ne peut nier qu'il n'en soit de même dans l'ordre intellectuel, puisque celui-ci est le modèle de l'autre.

Mais, ni dans l'un ni dans l'autre ordre, l'homme ne peut passer les bornes et les mesures de ses facultés, sans les détruire ; et malgré qu'il ait reçu ces facultés par sa nature, il doit attendre que les vertus et les nombres supérieurs viennent les compléter et les nourrir ; de même qu'il ne doit pas cesser de se reposer sur ces secours supérieurs, et de croire qu'ils peuvent se renouveler comme ses besoins. C'est là ce que signifiaient les vases des Hébreux, la manne dont ils les remplissaient chaque jour, et la défense faite au Peuple d'en ramasser des portions doubles .

Si l'on doutait que cette manne eût existé en nature matérielle, il faudrait seulement se rappeler ce que l'on vient de lire ; et si nous reconnaissons que chaque jour de la vie, la manne intellectuelle nous est accordée, nous aurons fait un pas assez grand pour croire à la possibilité de l'autre car cette dernière pourrait bien provenir d'une branche commune au même arbre, mais qui serait descendue plus bas, comme ayant le corps pour objet.

Quant aux lois criminelles, tracées dans les Livres hébreux, quoiqu'elles soient fondées sur la plus exacte justice, je ne me propose pas de justifier leur origine avec autant de soin que celle des lois de précepte et d'instruction dont nous avons traité jusqu'à ce moment : elles présentent trop de difficultés pour oser assurer que la main de l'homme, en les rédigeant, n'ait jamais pris la place de la main suprême ; et la principale objection est que si le Chef de la Loi était obligé de consulter la lumière supérieure dans toutes les circonstances douteuses, il lui était inutile d'avoir par écrit un Code criminel.

En effet, s'il connaissait par cette consultation, quelles étaient les peines décernées par la Loi contre tel ou tel crime, il le connaissait sur la déposition de deux témoins véridiques, dont je ne puis mieux donner l'idée qu'en les comparant à la signature d'une lettre et à son contenu ; « car on sait que les Anciens commençaient sagement leurs lettres par leur nom, et que cette usage existe encore parmi plusieurs Peuples et dans les Ordonnances des Souverains.

Mais le Chef de la Loi ayant recueilli plusieurs de ces Sentences ,juridiques, il a pu se faire qu'il les ait destinées à lui servir de guides lorsqu'il se présenterait des cas semblables, et qu'il se soit borné à consulter sur le crime ou sur l'innocence de l'accusé.

Dans la suite, la forme de cette jurisprudence a pu encore dégénérer, et les successeurs des véritables Chefs, trouvant des lois écrites pour la punition des crimes, ont pris ces lois pour la seule règle qu'ils eussent à consulter, et les témoins humains pour ceux que le Législateur avait eu en vue : par où l'on voit quels abus ont dû résulter de cette méprise.

Je découvre volontiers cette difficulté, pour que ma marche ne paraisse pas suspecte, et pour avoir le droit de prendre la défense du trésor d'instructions qui, malgré ce mélange, se trouve renfermé dans les Livres des Hébreux.

Contemplons ici cette Arche d'alliance, dépôt de toutes les Ordonnances que le Peuple devait observer, pour se maintenir en force contre ses ennemis. Comparons ce Tabernacle et les Cérémonies qu'il était ordonné d'y pratiquer, avec les premières occupations de l'homme, nous verrons qu'ils n'offrent que la description de ces anciens symboles que la Sagesse devait montrer de nouveau à l'homme, afin de ne pouvoir jamais être accusée de manquer à la convention qu'elle avait faite avec lui en le formant.

Aussi fut-il recommandé à l'Agent choisi pour cette œuvre : de se conformer au plan qui lui en avait été montré sur la montagne, afin que la copie visible étant semblable au modèle que l'homme ne voyait plus, l'homme pût se rapprocher de sa gloire ancienne et de ses connaissances primitives.

Il faut donc étudier avec soin cette copie, si nous voulons recouvrer quelques idées de son modèle : il faut considérer les différentes divisions du Tabernacle, et les différents voiles qui les séparent les unes des autres pour retracer les différentes progressions et suspensions de la lumière pour nous ; l'Oracle enveloppé et couvert des ailes des Chérubins ; la couronne, ou le cercle d'or, qui la surmonte, et semble placée ainsi, comme l'anneau de Saturne, pour servir d'organe aux vertus supérieures qui devaient y descendre ; les fables dressées dans les différentes régions ; les douze pains de proposition rangés six par six, pour nous peindre les deux lois sénaires, sources de toutes les choses intellectuelles et temporelles ; enfin le chandelier à sept branches répétant le nombre de la lumière supérieure qui éclairait et vivifiait invisiblement ce Sanctuaire mystérieux, le siège de sa gloire.

Non seulement le Tabernacle devait avoir des rapports avec la destination de l'Univers, mais il devait encore en avoir avec l'homme, puisque l'homme en était le premier objet : ce qui fut suffisamment annoncé par cet autel carré, qu'il fut ordonné d'y placer avec les vases et instruments relatifs au culte qui devait s'y exercer. Cette forme carrée est un symbole analogue au nombre de l'homme intellectuel, symbole que l'on peut facilement démêler, et qui sera encore plus développé par la suite : mais le propre corps de l'homme paraît y avoir aussi des rapports, puisqu'il forme lui-même un carré par ses dimensions. En outre, cet autel était soutenu et transporté par le moyen de quatre bâtons creux, qui ne s'en détachaient point ; et ce type se trouve en nature physique sur la forme matérielle de l'homme. »

On ne peut considérer la fin corporelle du Législateur des Hébreux, dont la sépulture est restée ignorée, ainsi que l'histoire de ces Elus, qui sont annoncés comme ayant été enlevés dans des chars de feu, sans prendre une idée vaste et instructive de notre véritable destination.

L'homme est un feu concentré dans une grossière enveloppe ; sa loi, comme celle de tous les feux, est de la dissoudre, et de s'unir à la source dont il est séparé.

Si, négligeant l'activité propre à son Etre, il se laisse dominer par cette enveloppe sensible et ténébreuse, elle prend un empire plus ou moins fort et durable, selon les droits qu'il lui a cédés par sa faiblesse, par ses penchants ou par ses jouissances. Alors son feu est étouffé ou enseveli, pour ainsi dire, sous ce voile obscur, et l'homme à sa mort se trouve comme confondu avec les ruines de sa forme corporelle : ces débris même devant rester entassés sur lui, tant qu'il ne sentira renaître au centre de son existence, rien d'assez vivant pour briser et détruire les liens qui l'attachent à la région inférieure des corps.

Si, au contraire, suivant la loi de sa nature, il a su non seulement conserver la force et les droits de son propre feu, mais les augmenter encore par l'action d'un feu supérieur, il n'est pas étonnant qu'à la mort, leur ardeur ne consume plus promptement la forme impure qui jusque là en avait contraint les mouvements, et que la disparition de cette forme ne soit plus rapide.

Que sera-ce donc si l'homme entier est embrasé de ce feu supérieur : il anéantira jusqu'aux moindres vestiges de sa matière ; on ne trouvera rien de son corps, parce qu'il n'aura rien laissé d'impur. Semblable à ces Elus qui à la fin de leur carrière, ont paru s'élever dans les Régions célestes sur des chars lumineux, lesquels n'étaient que l'explosion d'une forme pure, plus naturelle à notre Etre que ne l'est notre enveloppe matérielle, et que nous n'avons jamais cessé d'avoir, malgré notre jonction avec la matière.

Que doit-on donc penser des traductions qui font dire à Job : Je verrai Dieu dans ma chair ? Il faut penser que le texte leur est contraire. Et, en effet, le mot niquephou appartient au verbe naquaph, qui signifie : Il a brisé, il a coupé, il a corrodé, et nullement il a été environné. Et Job, après avoir reconnu que son Rédempteur est vivant, et qu'il doit s'élever au-dessus de la poussière ; ajoute naturellement : Lorsqu'ils (mes maux) auront corrodé ou détruit mon enveloppe corporelle, je verrai Dieu, non pas dans ma chair, comme disent les Traducteurs, mais hors de ma chair. Car dans mibbesari, comme dans mille autres cas, la particule  mem est un ablatif extractif qui représente l'existence, hors d'un lieu, hors d'une chose, et non pas l'existence dans cette chose ou dans ce lieu : ainsi le texte porte ici précisément l'opposé des traductions.

Je laisse de côté cette multitude de faits et de tableaux que contiennent les Livres hébreux depuis l'époque où Moïse fut remplacé par un digne successeur, jusqu'au temps où la forme du Gouvernement changea. Avec les principes que nous avons établis, on peut aisément découvrir ce que représente Josué, lorsqu'il introduit le Peuple dans la Terre promise à ses Pères ; lorsqu'il fait la rencontre du Prince de l'Armée du Seigneur, et qu'il prend sur les Ennemis de son Peuple, les Villes de Cariat-sepher et de Cariatarbé ou la Ville des Lettres et la Ville des Quatre ; on comprendra, dis-je, ce que nous rappelle le Peuple Hébreu lui-même, laissant subsister plusieurs des Nations criminelles qu'il avait ordre d'exterminer, et s'oubliant jusqu'à faire alliances avec elles.

Pour les autres tableaux qui se trouvent dans ces Livres, on pourra aussi facilement découvrir des interprétations naturelles et instructives : d'autant que de nos jours on a démontré que la plupart des faits qui ont paru inconcevables, l'étaient beaucoup moins que les traductions ne le laissent penser : les renards de Samson, par exemple, qu'on a fait voir n'être autre chose que des faisceaux de matières combustibles, auxquelles toutefois il se peut qu'il ait joint des feux plus actifs que ces feux vulgaires.

Je laisse de même tous les faits qui pourraient paraître révoltantes tels que ces exécutions sanguinaires, ces cruautés orées ou commandées par les Chefs et les Dépositaires ,le la Justice, me proposant d'en parler dans la suit: de cet Ecrit.

Au reste, ce serait être peu versé dans la connaissance de la Sagesse que d'entreprendre l'explication universelle de tout ce qui est contenu dans les Livres hébreux ; puisque non seulement la vie d'un homme ne suffirait pas. mais qu'il faut peut-être la consommation de tous les siècles pour en développer tous les points.

Observons donc que, quand il s'en trouverait encore plusieurs d'inexplicables, par quelque cause que ce soit, cela ne devrait diminuer en rien, aux yeux des hommes sensés, le mérite des faits dont les rapports avec notre Etre, et avec la nature des choses, sont de la plus parfaite évidence.

De ce nombre est le changement que subit la forme du Gouvernement des Hébreux. Dans quel temps, surtout, ce changement s'est-il opéré ? C'est lorsque la sainteté de leur loi était profanée : c'est lorsque l'avarice de leurs piètres s'appropriait les Victimes des Sacrifices, et qu'ils n'exerçaient leur profession sacrée que comme une ressource à leur cupidité : c'est enfin lorsque ces Prêtres mêmes n'étant plus capables de défendre l'Arche incorruptible de l'alliance de l'homme, l'avaient laissé tomber entre les mains de l'ennemi, et que le Peuple se trouvait ainsi dénué de tout ce qui faisait sa force et son soutien. C'est alors que malgré les sages avis du dernier de ses Juges, le peuple Hébreu voulut être gouverné par un Roi comme les autres Nations.

Mais de même que le premier des hommes, en se séparant du centre de la lumière, se réduisit à n'avoir pour guide qu'une faible étincelle de cette Lumière de même le Peuple Hébreu, en abandonnant ses guides naturels, et se soumettant à un Roi, n'avait plus pour ressource que les seules vertus d'un homme, tantôt faible, tantôt méchant ; et l'histoire des Rois est en ce genre le tableau le plus instructif que la Tradition hébraïque pût nous transmettre. Car de tous les Rois d'Israël, elle n'en montre pas un seul qui n'ait commis le crime ; et parmi les Rois de Juda, elle n'en offre qu'un très petit nombre qui en aient été exempts, tel qu'Aza, Josaphat et Josias ; encore fait-elle des reproches au premier de s'être allié avec les Rois étrangers, et d'avoir eu dans sa maladie moins de confiance en Dieu que dans les Médecins.

Hâtons-nous d'arriver à l'époque célèbre de ce Temple qui fut élevé sous le troisième Roi : monument que les Traditions hébraïques représentent comme la première merveille du monde ; et auquel les bâtards d'Ismaël rendent encore une espèce d'hommage.

La construction de ce Temple, faite peu de temps après que le Peuple Hébreu eut abandonné ses guides naturels, est une répétition parfaite du sort que l'homme éprouva, après s'être séparé de la source de sa gloire, lorsqu'il fut réduit à ne plus voir l'harmonie des vertus divines que dans une subdivision grossière et compliquée.

Ces images, toutes matérielles qu'elles puissent être, présentent encore à l'homme coupable, les traits de leur modèle : toujours l'auteur des Etres, jaloux de leur félicité, leur offre le tableau de sa puissance, de sa gloire et de sa sagesse, pour fixer leur vue sur la grandeur et la beauté de ses perfections, et pour ramener leur intelligence à la lumière, après que cette lumière aura fixé leurs sens par ses propres emblèmes.

Aussi l'édifice du Temple réunissait-il tout ce qui avait été annoncé par les signes sensibles des manifestations précédentes.

Il avait dans ses proportions, et dans ses mesure véritables, et non littérales, des rapports avec cette Arche dont la Tradition hébraïque fait mention, lors du fléau de la justice divine sur les prévaricateurs par l'élément de l'eau : et ainsi, le Temple fut, comme l'Arche, une nouvelle représentation de l'Univers.

Il offrait les mêmes attributs que le Tabernacle dont le modèle fut donné au Peuple Juif lors de la promulgation de la Loi. Car il y avait dans ce Temple un lieu pour les sacrifices, tels qu'ils s'opéraient dans le Tabernacle. Il y avait dans l'un et dans l'autre, un lieu destiné à la prière, lequel était comme l'organe des lumières et des dons, que la main bienfaisante de l'éternel répandait sur ce Peuple élu, et sur ses chefs.

Mais tout dans ce Temple était plus nombreux, plus abondant, plus vaste, plus étendu que dans les Temples précédents, pour nous enseigner que les vertus allaient toujours en croissant, et qu'à mesure que les temps avançaient, l'homme voyait multiplier en sa faveur les secours et les appuis.

C'est pour nous instruire de ces vérités, que chacun de ces trois Temples est marqué par une distinction particulière. L'Arche du Déluge fut errante, et flottait sur les eaux, pour nous peindre l'incertitude et les ténèbres des premiers temps. Le Tabernacle était alternativement en mouvement et en repos, et de plus, c'était l'homme même qui le transportait et le fixait dans des lieux choisis ; afin de nous retracer les droits accordés à l'homme dans sa seconde époque ; droits sur lesquels il peut aspirer par intervalle à la possession de la lumière ; enfin, le troisième Temple était stable et adhérent à la terre, pour nous apprendre sensiblement quels sont les privilèges auxquels l'homme peut prétendre un jour ; privilèges qui s'étendent jusqu'à fixer à jamais sa demeure dans le séjour de la vérité.

Ainsi, ce Temple de Jérusalem représentait non seulement ce qui s'était passé aux époques antérieures, mais il était encore un des signes sensibles les plus instructifs que l'homme pût avoir devant les yeux, pour recouvrer l'intelligence de sa première destination, et celle des voies que la sagesse avait prises pour l'y ramener. Il y trouvait dans les sacrifices et l'effusion du sang des animaux, l'image de ce Sacrifice universel que le Etres purs ne cessent d'offrir au souverain Auteur de toute existence, en employant avec activité leur propre vie ou leur action, pour le soutien de sa gloire e de sa justice.

Ajoutons d'avance que tout étant relatif à l'homme ici-bas, c'était par l'homme même que ce sacrifie devait s'opérer ; les sacrifices d'animaux n'ayant que secondairement la faculté de manifester la gloire du grand Etre. L'homme seul dans la nature a le droit d lui offrir des tributs qui soient dignes de lui : mais étant aujourd'hui à l'extrémité de la chaîne des Etres il s'élève successivement par leur moyen : mettant ; découvert les vertus des êtres les plus inférieurs, il peut monter aux vertus qui les dirigent, et parvenir par cette progression jusqu'à une force vivante qui lui mette à portée de remplir sa Loi, c'est-à-dire, d'honorer dignement son Principe, en lui présentant des offrandes sur lesquelles soient empreints les caractère de sa grandeur.

Si le Peuple Juif a eu le dépôt de semblables instructions ; s'il a possédé un temple qui semble être le hiéroglyphe universel ; si ceux qui y remplissaient les fonctions, nous sont annoncés comme dépositaire des lois du culte, et opérant même tous les faits don j'ai démontré que la source était dans l'homme, il es probable que le Peuple Juif est en effet le Peuple choisi par la Sagesse suprême pour servir de signe la postérité de l'homme.

D'après cela ne pourrions-nous pas croire que ce Peuple fut mis, préférablement à tous les autres Peuples, en possession de ses moyens de régénérations don nous avons parlé, ainsi que de ce culte apporté nécessairement sur la Terre, par les agents, qui ont été faits dépositaires des vertus subdivisées du grana Principe, afin de rendre à l'homme la connaissance de ce Principe.

Nous le croyons d'autant plus, que nous reconnaîtrons dans le culte de ce Peuple, des rapports avec la vraie nature de l'homme, et avec ses véritables fonctions, comme nous en avons déjà remarqué entre le Temple de Jérusalem et l'harmonie de l'Univers.

On verra que ces ablutions fréquentes, ces préparations soigneuses, ces holocaustes de toute espèce, soit d'animaux, soit des productions de la terre, ce feu sacré toujours éclairant les sacrifices et les offrandes, étaient des emblèmes très instructifs de toutes les fonctions des Etres envers le premier des Principes, et de la supériorité de ce Principe sur tous les Etres. L'ordre seul des temps fixés pour ces différents sacrifices, la disposition de tous les instruments qui y étaient employés, la qualité des substances qui y entraient, le nombre et l'arrangement des lampes, enfin, toutes les parties de ce culte, seraient sans doute autant d'indices de quelques-unes de ces vertus supérieures que la Sagesse avait subdivisées pour l'homme depuis sa corruption.

Cependant ces objets, qui ont été, pour ainsi dire, communs à tous les cultes, étant extérieurs et étrangers à l'homme, ne lui rendaient pas le sentiment de son vrai caractère. Il fallait donc que ces grands signes fussent exprimés par lui : qu'ils fussent représentés, mis en action par des Etres de sa propre espèce, afin qu'il eût le témoignage personnel et intime que c'était pour une telle œuvre qu'il avait été formé.

Si, lors de son origine, il pouvait avoir à la fois trois grands objets de contemplation ; la Source de toutes les puissances, les vertus qui en descendent pour l'accomplissement de ses Lois, et les Etres qui ne cessent jamais de lui rendre hommage : il fallait qu'il lui restât dans son état de dégradation, les indices et les traces de ce sublime spectacle : il fallait que tous ces grands objets fussent présents à ses yeux, et que ce fussent des hommes qui les lui représentassent.

Aussi dans l'exercice et l'ensemble du culte des Hébreux, pouvons-nous remarquer ces trois classes avec la plus grande justesse. 

Le peuple rangé autour du Temple, ou dans le parvis, rappelait à l'homme cette multitude de productions pures de l'Infini, qui restent fidèlement attachées à ce Principe, autant par amour pour sa gloire, que par intérêt pour leur propre félicité.

Les Lévites occupés autour de l'Autel lui représentaient, par leur action, les fonctions de ces Agents privilégiés et choisis pour faire parvenir les dons et les vertus du grand Principe jusqu'aux moindres de ces productions.

Enfin, le Grand Prêtre entrant seul, une seule fois l'année, dans le Saint des Saints, pour y porter les vœux de tout le Peuple et faire couler jusqu'à lui les secours de la vie, devenait pour l'homme une image parlante du Dieu invisible, dont un seul acte de puissance suffit pour animer à la fois tout le cercle des êtres, tandis que de tous ces êtres, qui reçoivent perpétuellement de lui les germes même de leur existence, aucun n'a jamais pénétré dans le sanctuaire inaccessible de son essence.

Et voilà comment l'homme a pu recouvrer l'idée de son premier séjour, puisqu'il en a eu sous les yeux un tableau réduit, mais régulier, puisque enfin il a vu retracer dans sa propre espèce le Dieu des Etres, ses Ministres et ses Adorateurs.

Il y voyait même les signes sensibles, et de ses anciennes jouissances, et des fruits qui servaient de récompense à sa prière : puisque les Traditions hébraïques donnent à entendre comment ces sacrifices étaient couronnés, en nous apprenant que le temple se remplissait de la gloire de l'Eternel, ou de ces indices positifs de pensées pures dont nous avons vu que l'homme était environné.

Quant à cette multitude incroyable d'animaux qu'il est dit avoir été immolés lors de la dédicace du temple, et généralement dans les sacrifices des Hébreux, nous n'entreprendrons point de justifier ces récits, ni de réfuter tout ce qui a été dit sur l'impossible que la petite contrée des Juifs renfermât assez de bétail pour fournir tant de victimes, et qu'il y eût un nombre suffisant de sacrificateurs pour les immoler. Ceux qui ont employé leur temps et exercé leur esprit à critiquer ces textes des Ecritures, pouvaient faire, de l'un et de l'autre, un usage plus utile.

Il eut été plus prudent de chercher les moyens de pénétrer ces emblèmes, que de s'arrêter à leur enveloppe. Il fallait observer que plus les Traditions des Hébreux offrent de justesse et de profondeur dans les endroits où elles sont claires, plus on doit supposer, quand elles paraissent obscures ou invariables, qu'elles le sont à dessein, pour nous cacher des vérités qui n'appartiennent qu'à l'homme intelligent, et qui serait nulles ou nuisibles à toute autre qui n'y serait pas préparé.

Il eût mieux valu nous rappeler combien la Langue hébraïque est rapprochée des objets de l'intelligence, puisqu'elle n'a pas même de mot pour exprimer la matière et les éléments : il eût mieux valu, dis-je, nous montrer combien le sens primitif de ses mots les plus communs, est piquant, juste et sublime ; et nous apprendre que loin de borner la Langue hébraïque à un sens particulier et littéral, elle est si vaste, que pour la saisir dans son véritable esprit, on ne doit s'occuper qu'à l'étendre ; car clans l'ordre vrai, c'est au sujet et à l'intelligence à mener les Langues et non aux Langues à mener l'intelligence et le sujet.

Il eût été, enfin, plus utile de nous enseigner que tous les Etres corporels sont chacun un symbole d'une faculté invisible qui leur est analogue. Alors on pourrait prendre l'idée de la force dans le taureau, celle de la douceur et de l'innocence dans l'agneau, celle de la putréfaction et de l'iniquité dans le bouc, et ainsi de toutes les espèces d'animaux, et même de toutes les substances qui étaient offertes en nature dans les sacrifices.

Peut-être qu'avec cette attention on serait déjà parvenu à percer le voile. Car il se peut que l'espèce d'animal sacrifié fût le signe physique de la faculté qui lui correspond ; et que la quantité ou le nombre de victimes fût l'expression allégorique de cette faculté même, que le Sacrificateur cherchait à combattre, si elle était mauvaise ; qu'il s'efforçait, au contraire, d'obtenir du souverain Etre, si elle était pure ; ou enfin, dont il lui rendait hommage, lorsqu'il l'avait obtenue.

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Chapitre XVI