MÉDITATIONS  POUR CHAQUE SEMAINE


 
XXIII. La Recherche de l'Eloge 
XXIV. Le Désir de Briller
XXV. L'Enseignement du Christ
XXVI. La Médisance
XXVII. Le Mensonge
XXVIII. La Calomnie
XXIX. Les Miracles de Jésus
XXX. La Misanthropie
XXXI. Le Dégoût de Vivre
XXXII. Le Désespoir

 


XXIII. LA RECHERCHE DE L'ÉLOGE

« Les hommes de cette génération-ci ressemblent à des enfants, assis sur la place publique, qui se crient les uns aux autres : Nous avons joué de la flûte et vous n'avez pas dansé; nous avons entonné des chants lugubres, et vous n'avez pas pleuré. » 
(Luc VII, 32)

Quêter l'approbation est une manie dont la candeur me fait sourire chez les autres; chez moi, je ne l'aperçois pas. Les professionnels de la célébrité mettent en oeuvre une adresse infinie pour se concilier des suffrages nombreux; ils sont responsables de ces vaines manoeuvres; chasseurs d'illusions, le Destin, quelque jour, les forcera de se nourrir d'illusions. 
Est-on stoïcien ? Qu'importe donc l'éloge ou le blâme, si on ne recherche que le témoignage de sa propre conscience ? La réputation, la popularité ne paraissent plus alors que des moyens tactiques lorsqu'il faut agir sur la foule. 
Ne croit-on plus à la royauté du Vouloir ? Il faudra se garder bien plus encore des éloges : la flatterie, moins que cela même, la recherche de ceux qui nous entourent, dégagent un magnétisme capiteux, aux effluves duquel il faut être bien grand -- ou bien petit -- pour échapper. 
Les suffrages qu'on reçoit peuvent être sincères ou hypocrites. Il y a, dans les premiers, un parfum de fraîcheur qui les rend plus dangereux pour notre modestie que les seconds. Si nous étions sages, nous accueillerions tout compliment comme un piège. Car l'affection que nos amis nous portent peut être partiale; et l'intérêt des flatteurs n'est-il pas de nous séduire à leur profit ? 
Ne pas rechercher l'éloge et s'abstenir de blâme, voilà ce qui convient si l'on veut se juger avec justesse. D'autres efforts dans le même sens seront tentés plus tard. Mais cette simple attitude réservée, bien suffisante pour notre énergie actuelle, nous laissera l'esprit plus limpide et le caractère plus indépendant.

OBSERVANCE : Fuir la publicité.
 
 


 
 

XXIV. LE DÉSIR DE BRILLER

« Toutes leurs actions, ils les font pour être vus des autres. » 
(Matthieu XVI, 5)

On ne juge pas exactement le vrai sens de la toilette. L'esclavage de la mode et la parure sont vanité ou sottise, quand c'est l'amour-propre, l'arrivisme, la perversité qui les inspirent. Le dandy lui-même ne parvient qu'à un sommet tout artificiel. Et, cependant, l'on doit se vêtir, orner son logis, soutenir un train conforme à son état social. Là aussi la conscience devrait guider. 
Et puis, nous aurions besoin de courage. Toutes les femmes savent qu'un jour viendra où aucun fard ne cachera plus les rides; tous les hommes savent qu'un jour aucun tailleur ne pourra plus dissimuler leurs défauts de plastique. La mort approche, mais on se bande les yeux, on s'attache d'autant plus fort à ce que l'on a chéri, qui va nous échapper, et dont on ne veut pas s'avouer la perte fatale. 
Je ne prétends point que la vertu doive être crasseuse, quinteuse, ou ridicule. La dignité intérieure transparaît toujours dans l'aspect physique; l'élégance des pensées donne de la ligne au vêtement; le sage mène une vie commune avec un coeur resplendissant. Et l'atmosphère des sommets flotte assez visible autour de quelques surhumains, pour revêtir les pauvres habits dont ils se couvrent d'une noblesse qui frappe et qui émeut. 
Mais moi, dont l'âme médiocre m'interdit à la fois et l'azur et la boue, moi qui suis un tiède, moi qui nourris beaucoup de désirs et qui opère si peu d'actes, je me garderai de la grossièreté comme de l'afféterie; j'obéirai aux coutumes, à l'hygiène, aux convenances ordinaires; je ne me permettrai pas d'originalité; elle ne va qu'aux seuls êtres d'exception; elle fait partie de leur caractère. 
L'arbre de la foret qui dépasse les autres est aussi le plus exposé à la tempête et à la foudre.

OBSERVANCE : Rechercher l'anonymat.
 
 


 
 

XXV. L'ENSEIGNEMENT DU CHRIST

« C'est le Père, dont je suis l envoyé, qui m'a lui-même commandé de parler et qui m'a prescrit ce que j'avais à dire. » 
(Jean XII, 49)

Quand un homme enseigne, il peut distribuer de l'erreur; il peut surtout ne pas dire la vérité opportune, celle que les auditeurs, chacun et tous ensemble, peuvent recevoir; celle qui convient à leur état actuel, à leur développement futur, à leur postérité, au milieu. Personne n'arrive à la perfection, et dans l'enseignement spirituel moins encore qu'en toute autre matière. 
Mais Jésus détenait la Vérité parfaite, avec toutes ses parfaites applications, puisque le Verbe est cette Vérité. Le Savoir n'est que l'image mentale de l'Etre. Et, comme Jésus connaît ceux auxquels Il S'adresse, depuis leur centre jusqu'à leurs limites, depuis leur origine anté-séculaire jusqu à leur fin post-séculaire, Il peut dire, de cet Absolu qu'II incarne, juste ce qui est convenable à chacun et à tous. 
Mes paroles flottent autour de moi un certain temps, puis se diluent et disparaissent. Les paroles du Verbe, étant la Vie, s'implantent dans les coeurs et, comme ces graines recueillies dans les nécropoles égyptiennes, restent toujours prêtes à germer. 
Car la Vie n'est pas une abstraction; tout est réel, actif, spontané; la Vie est une dynamite; plus elle rencontre de résistance, plus elle se concentre, s'exalte, et explose. Nous autres donc, qui ne possédons dans nos discours qu'un reflet de cette énergie invincible, c'est par nos actes que nous donnerons à nos convictions la plus forte existence. Le bon exemple est le meilleur des sermons, la meilleure des prières. 
Sciences, pouvoirs, toutes les sortes de clartés ne descendent que dans la mesure où, en moi, le fini laisse place à l'Infini. Voilà l'unique méthode efficace qui me régénère, depuis mon corps jusqu'à la cime encore vierge de mon esprit; par elle seule, ment je puis devenir un guide temporaire pour les autres égarés.

OBSERVANCE : Lire à chaque réveil un verset de l'Évangile, avec la même attention neuve que si j'ouvrais le livre pour la première fois.
 
 


 


XXVI. LA MÉDISANCE

« Ce qui sort de l'homme, c'est là ce qui souille l'homme, car c est du dedans du coeur des hommes que sortent les mauvaises pensées... » 
(Marc VII. 20, 21)

L'homme est construit de telle sorte qu'il ne peut rien concevoir, ni percevoir du dehors, s'il ne possède au préalable la contrepartie au dedans. La beauté d'une musique m'émeut parce que ma sensibilité en contient l'harmonie intérieure. Et la laideur me choque par un mécanisme inverse. 
Je ne puis pas ne pas voir les vices ou les travers du prochain; mais ne porté-je pas les mêmes germes morbides ? De quel droit critiquer, mépriser, publier ces fautes ? 
La médisance est une méchanceté pusillanime, une traîtrise. Si je pense que mon voisin agit mal, pourquoi ne pas le lui dire à lui seul ? Et, au surplus, je ne suis responsable que des êtres dont j'ai la direction. 
Parler du mal le propage; les critiques, les railleries, les vexations que des tierces personnes adresseront à l'absent, à cause de ma médisance, c'est moi qui en porterai la charge. Et pourquoi ? Pour un geste dont j'ignore les motifs ou l'intention. Puis-je seulement connaître la valeur réelle de mes propres actes et discerner la vraie nature de mes mobiles profonds ? 
Juger, ce devrait être comparer avec un critérium interne exact. Mais, puisque je ne suis pas parfait, mon critérium sera forcément défectueux; une âme existe toujours quelque part qui me dépasse. Dire : « Ce n'est pas moi qui commettrai jamais une telle action ! », c'est lancer un défi au Mal. Et le Mal est vivant; il entendra ce défi; il y répondra; la tentation semblable viendra. Et les bravaches sont souvent battus. 
Ainsi, en accablant autrui, je m'enchaîne moi-même, je m'oblige à un recul, ou à un piétinement qui dureront jusqu'à ce que le jeu des circonstances me permette de réparer mes torts.

OBSERVANCE : Ne pas parler en mal des absents.
 
 


 


XXVII. LE MENSONGE

« Il ne se tient pas dans la vérité parce qu'il n'y a pas de vérité en lui; quand il profère le mensonge, il parle de son propre fonds. » 
(Jean VIII, 44)

Pourquoi l'Absolu, Se manifestant comme Créateur et Sauveur, a-t-II permis que les hommes L'appellent le Verbe ? La parole cache un mystère redoutable. On devine seulement que de la vie la sature, une vie d'autant plus féconde que cette parole est plus vraie. Image exacte, expression sincère de mes mouvements intérieurs, voilà ce que doit être ma parole. Et ma vie intérieure sera vraie et vivante à la mesure de sa conformité avec la Loi, avec la Loi suprême, Raison du Monde et Verbe formateur. 
La ruse, l'hypocrisie ne servent qu'au mal; de procédés illicites ne peut résulter que l'apparence du bien. Le chimiste sait bien extraire une médecine d'un suc vénéneux, mais qui me prouve, au surplus, que ces thérapeutiques si savantes ne guérissent pas une forme de maladie en la remplaçant par une autre ? 
L'homme est un mystère incompréhensible à l'homme. Dieu seul le connaît parce qu'II l'a fait. Si médiocre que je sois, je réunis tous les extrêmes, j'allie les antipodes : je porte les pires microbes du Néant spirituel avec le germe resplendissant de l'Etre parfait. Je suis le jouet de tous les souffles et, en même temps, le seul maître de mon propre avenir. 
Or, le mensonge, qui crée une scission entre un sentiment intérieur et un geste extérieur, n'est pas autre chose qu'un suicide moral. Il empoisonne des lumières et des vertus en moi; il en dessèche d'autres chez ceux à qui il s'adresse. 
Si je respecte ma parole en ne la faisant servir à rien d'inutile, de faux, d'égoïste, ou de méchant, elle se purifiera, elle retrouvera peu à peu son énergie native; elle redeviendra créatrice et thaumaturgique; elle sera, pour ceux qui me demandent du secours, ce que le Verbe de Dieu est pour moi : une bénédiction active et vivifiante.

OBSERVANCE : Je serai sincère dans mes pensées, dans mes oeuvres, dans mes paroles.
 
 


 


XXVIII. LA CALOMNIE 

« Ils étaient là, debout, l'accusant avec grande véhémence. » 
(Luc XXIII, 10)

Calomnier, accuser quelqu'un d'une faute qu'il n'a pas commise est un assassinat. Or, ce qui se noue en un certain lieu de l'Univers, ne peut se dénouer plus tard que dans le même lieu. L'expiation d'une calomnie exige que l'agresseur, la victime et les témoins se retrouvent ensemble, ici-bas ou ailleurs, dans un concours de circonstances analogues et alors que le calomniateur demande et obtienne son pardon. 
D'autre part, la victime d'une calomnie ne devrait ni s'en irriter, ni s'en affliger, ni s'en étonner. Personne ne peut m'attaquer si mon Destin ne l'y autorise, si moi-même, en réalité, ne lui en donne le droit. Tout est juste, absolument parlant. Les injustices sont des justices dont nous n'apercevons pas les causes. 
Extrayons l'amande de son écorce amère. Mes humiliations et mes épreuves, il est certain que c'est moi-même autrefois qui les ai semées. Il ne me reste qu'à récolter. Je ne m'abandonnerai donc à aucune des passions qui tyrannisent, qui spolient, et dont les exigences jamais satisfaites voudraient réduire tous les hommes à leur esclavage. Or, le Christ a eu raison de dire : Dieu seul est bon. Nous sommes foncièrement mauvais; et en combien de circonstances n'ai-je pas été méchant ? Si je dressais la liste des souffrances que j'ai fait subir à ceux qui m'ont approché, aux animaux, aux plantes, aux choses même, méprisant la beauté de la vie, insultant à la douceur de vivre, semant la rancune, la haine ou arrachant à l'innocence cette plainte plus terrible que tous les cris de la colère; oui, si je dressais cette liste, avec quelle honte ne me tairais-je pas devant mes possibles diffamateurs ? Je redirais alors ce mot d'un serviteur inconnu du Ciel, à qui l'on rapportait des calomnies : Ah ! ils ne diront jamais de moi tout le mal qu'il y aurait à en dire ! »

OBSERVANCE : Défendre ceux qu'on diffame, les réhabiliter, montrer leurs vertus.
 
 


 


XXIX. LES MIRACLES DE JÉSUS

« Nul ne peut faire les miracles que tu fais, si Dieu n'est pas avec lui. » 
(Jean 111. 2)

Il y a deux sortes de miracles : les miracles naturels, produits par la mise en oeuvre d'une force naturelle inconnue, qui met en mouvement des lois physiques pas encore découvertes; et les miracles surnaturels, dus à l'intervention divine directe. Les forces inconnues de la Création peuvent appartenir soit à l'être humain, soit à la Nature, soit aux puissances de Ténèbres. L'intervention divine peut se produire ou spontanément ou en réponse à la prière. 
L'ésotérisme étudie, entre autres problèmes, les moyens de produire les miracles naturels. Mais ses pratiques, toujours partiales, parce qu'humaines, jettent souvent le trouble dans les atmosphères immatérielles et occasionnent, dans le développement normal des êtres et des choses, des perturbations à longue échéance, beaucoup plus pernicieuses que le mal dont l'initié voulait la guérison. 
Le magnétisme, le spiritisme, la magie ne sont pas des choses infernales; mais ce sont des choses où l'Enfer peut entrer facilement. Et la force de volonté, indispensable à l'adepte, facilite encore les pièges de l'Adversaire. 
L'homme parfait sera le roi de la Création. Nous n'aurons le droit légitime de commander à la Nature que lorsqu'elle verra que nous sommes maîtres de nous-mêmes, quand nous aurons suivi jusqu'au bout l'école de l'Évangile. Ainsi, posséder de naissance un pouvoir spirituel signifie qu'il est normal; mais cela entraîne le devoir de l'exercer pour le bien et sans en faire une source de fortune. 
Tous les pouvoirs de Jésus étaient ainsi innés, spontanés, rayonnants sans effort, dépassant les anciennes magies et les futures sagesses, comme l'infini le plus proche dépasse le fini le plus immense. Et, cependant, jamais Il n'opéra de miracle sans en demander d'abord au Père la permission.

OBSERVANCE : Avant toute action, demander au Père Son bon plaisir.
 
 


 


XXX. LA MISANTHROPIE

« La multitude était assise tout autour de lui. » 
(Marc III, 32)

Quand la société des hommes me devient insupportable, je sens toutefois qu'il me faudrait quand même ne pas la fuir, que ma patience tient là une occasion de croître; et que peut-être mon amabilité, par la peine qu'elle me coûte, rendra possibles des améliorations inattendues chez ceux dont l'entretien m'excède. 
Les plus petites choses importent. Le regard échangé avec un passant exerce une influence mystérieuse sur lui, sur moi, sur les témoins. Se refuser aux fréquentations, c'est une sorte de mépris; or, toute plante porte des fruits conformes à sa nature. Il y a chez Alceste un sentiment exagéré de sa propre valeur. 
Si j'ai des chagrins, ou si mon humeur est morose, un effort d'amabilité me distraira ou me fortifiera contre moi-même; tandis que la solitude rendrait ma peine plus cuisante et mon caractère encore plus vulnérable. 
D'ailleurs, pourquoi les autres ne mériteraient--ils pas mon attention ? Je ne connais rien d'eux qu'un masque; leur être réel m'échappe; le devin le plus habile n'arrive jamais à entrevoir que quelques-unes des apparences de ceux qui le consultent. Pas un homme, pas une créature n'est inutile; de tous et de toutes je puis apprendre une leçon. 
Et puis, mes goûts changent plus vite que l'aspect des nuages poussés par le vent. Ceux-là mêmes qui aujourd'hui m'horripilent, peut-être demain quitterai-je mon devoir pour courir après eux. La sagesse pratique n'est-elle pas de suivre l'école de la vie telle que les leçons s'en succèdent, et de faire chaque chose en son temps ? 
Enfin, mon Maître, Lui, dont l'intelligence contenait toutes les idées, dont le coeur reflétait et rayonnait toutes les noblesses, dont le regard perçait à jour toutes les misères, Lui à qui la société des humains était certainement un martyre perpétuel, n'a-t-II pas supporté les vaniteux, les sots, les lâches et les aveulis ?

OBSERVANCE : S'abstenir de juger les hommes sur l'apparence de leur personnalité extérieure.
 
 


 


XXXI. LE DÉGOUT DE VIVRE

« J'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point. » 
(Luc XXII, 32 )

La tristesse peut devenir profonde jusqu'à ôter même le courage du suicide. Cependant, si j'ai compris quelque chose à la vie, je dois savoir que ce n'est pas la réussite qui m'élève, mais l'effort préalable; que ce n'est pas l'amour reçu qui embellit mon âme, mais l'amour donné; que ce n'est pas la science en elle-même qui développe l'intelligence, mais le travail pour l'acquérir. 
On ne désespère que parce que l'on songe trop à soi. Mais où est l'homme capable d'oublier continuellement ses espoirs et ses préférences ? Les éducateurs ne peuvent pas autre chose que suggérer à notre vouloir des motifs de plus en plus hauts, à mesure que nous avançons, indéfiniment. L'Imitation, « le plus beau livre qui soit sorti de la main des hommes », n'est-ce pas à tout prendre qu'une gymnastique intérieure pour échapper à l'atteinte des chagrins terrestres ? 
L'Évangile seul ose me montrer le but suprême; et seul il ose me dire que j'atteindrai ce but au moyen précisément de l'énergie que je dépense à poursuivre des buts provisoires et successifs, points culminants du monde, sommets de ma nature propre, et soumis comme tels au changement et à la mort. Si je vitalise cette énergie par l'intention d'atteindre Dieu, je la transmue, je la transpose du temporel à l'éternel. Or, cette intention m'est toujours accessible, dans n'importe quelle situation, dans n'importe quelle mentalité, parce que Dieu reste, en somme, mon principe et ma fin. 
Tant mieux si les joies et les ambitions communes perdent leur saveur. Ces mirages dissipés, ma méthode en sera plus lucide et plus sereine; les idoles ne m'arrêteront plus. Le disciple sait son Maître toujours proche. La souffrance ne peut plus être pour lui que le souffle béni attisant la flamme spirituelle de son amour.

OBSERVANCE : Avoir foi dans l'avenir.
 
 


 


XXXII. LE DÉSESPOIR

« Mon âme est triste jusqu'à la mort... Cependant, Père, non pas ce que je veux, mais ce que Tu veux. » 
(Marc XIV, 34, 36)

Le Père interdit au Destin de charger personne au-delà de ses forces. Ce qui alourdit mes chaînes, c'est que je ne les crois pas justes; c'est aussi la secrète espérance de m'en débarrasser; or, les contorsions où je m'exténue pour cela me blessent et me les rendent plus insupportables. 
Il suffit d'une bien petite chose pour perdre courage. Le courage n'est pas une entité abstraite; c'est un organe de ma personne psychique; il possède une forme, une existence propre, aussi réelles que mes mains ou mes jambes. De même que le muscle croît par l'exercice, de même toutes les facultés morales ou intellectuelles -- et, entre autres, le courage -- se développent quand elles travaillent, s'étiolent quand je les laisse inactives. 
Si je ne trouve pas la combinaison ingénieuse, l'énergie décisive qui me secoureraient, si je me désespère aujourd'hui, c'est parce qu'autrefois je n'ai pas su vouloir. 
Les autans obligent l'arbre à durcir ses fibres; les épreuves obligent l'homme à tendre ses énergies. 
Je ne dois pas plus désirer la mort que m'accrocher désespérément à la vie; je n'ai ni l'un ni l'autre de ces droits; mon corps ne m'appartient pas, ce n'est pas moi qui me le suis édifié; et me croirai-je plus sage que les lois rectrices de l'Univers ? 
L'ange noir du découragement me suggère que je suis abandonné. Oui, quelquefois, en effet, mes amis me quittent, ceux que j'aime ou ceux qui m'aiment. Mais pas un instant Celui qui S'est chargé de me conduire ne Se désintéresse de mon sort; et Ses anges se tiennent toujours à mes cotés. 
Les pauvres hommes même qui refusent cette aide toujours offerte, le Pasteur les regarde et les garde, de loin, sans qu'ils s'en doutent.

OBSERVANCE : Chaque jour, s'essayer à oublier les ennuis durant quelques minutes.