MÉDITATIONS POUR CHAQUE SEMAINE


 
XXXIII. La Transfiguration
XXXIV. L'Etourderie
XXXV. L'Entêtement
XXXVI. L'Inquiétude
XXXVII. La Cène
XXXVIII. La Prière
XXXIX. La Charité
XL. L'Humilité

 


XXXIII. LA TRANSFIGURATION

« Seigneur, qu'il nous est bon d'être ici. » 
(Matthieu XVII. 4)

On ne donne pas de vin aux petits enfants. Si le Ciel Se dissimule sous l'enchevêtrement indéchiffrable des effets et des causes, sous les voiles du monde physique, du monde intelligible, du monde invisible, c'est que Sa splendeur à découvert serait éblouissante à ma faiblesse. Nul ne peut voir Dieu sans mourir. 
Si mes yeux étaient limpides, si mes regards perçaient les murs millénaires de la prison spirituelle où je me suis moi-même incarcéré, je connaîtrais que mes souffrances ne peuvent réparer les dommages dont je fus le fauteur, parce que le mal est extraordinairement prolifique en ce monde mauvais dont le terreau putréfié lui convient à merveille. A chaque minute je spolie des créatures; s'il me fallait payer ma dette jusqu'au dernier centime douloureux des intérêts composés qu'elle engendre, jamais je ne verrais la fin de mon labeur. Mais la miséricorde du Père indemnise Sa justice. 
Si je n'avançais vers le Bien suprême que par mes seules forces, la route serait indéfinie. Mais à chacun de mes pauvres pas vers Lui, mon Sauveur accourt à ma rencontre, rapide comme cette foudre où je crois apercevoir le signe de Son courroux, tandis qu'elle est seulement la colère de quelque démon à qui l'Amour vient d'enlever une proie. 
Les suavités mystiques, les ravissements, les extases sont les lointains sourires de cet Amour, que ma tiédeur seule empêche de me joindre. Par les beautés diverses du monde il resplendit, sans doute. Mais ce ne sont là que des encouragements à ma désespérante mollesse. 
Dans les solitudes intérieures, dans les sécheresses, dans les chagrins; derrière la pauvreté, le malheur et le crime, au fond de tout ce qui trouble ma lourdeur confortable, c'est là que l'Ami est le plus proche. Car Il est venu pour les malades, et Il ne viendra jamais que pour eux.

OBSERVANCE : Avant de prendre une décision. j'abandonnerai toute humaine sagesse, et je me demanderai : Que ferait Jésus à ma place ?
 
 


 


XXXIV. L'ÉTOURDERIE

« - Qui cherchez-vous ? 
- Jésus de Nazareth. 
- C'est moi. » 
(Jean XVIII, 4, 5)

Distractions, versatilité, imprudence, imprévoyance, irréflexion, inexactitudes, négligences, oublis : autant de défauts d'attention. Ils mènent à l'échec, au découragement, à l'épuisement. Accroître la puissance d'attention est une source de patience; il faut s'y mettre sans bruit, sans à-coups, avec douceur, avec ténacité; le moindre détail est important; le moindre obstacle doit recevoir mes soins minutieux. 
Les émotions, les pensées, les actes, les paroles projettent dans l'atmosphère seconde une émission dynamique qui, après une trajectoire plus ou moins sinueuse et longue, revient à son point de départ. Toute concentration produit dans l'organisme fluidique un point de vide où sont attirées ces petites comètes; ainsi naissent les associations d'idées si gênantes lorsqu'on veut s'abstraire. 
Les adeptes possèdent des méthodes pour accroître la puissance de l'attention, pour calmer ces effervescences, pour libérer la pensée; le mentalisme, le psychisme, le magnétisme personnel des Américains se sont approprié tout ce qu'ils ont pu de la psychologie orientale. Mais tout cela n'est qu'artifice et transplantation abusive d'énergies. L'homme n'a pas le droit de prendre une force, de la sortir de son domaine, de l'installer ailleurs. Il croit, en faisant cela, être très habile; il n'est que destructeur, tyran et semeur de désordres. 
L'être humain est comme toutes les autres créatures : c'est par le centre qu'il se développe et non par la circonférence; et son centre, c'est son coeur. 
Cet entraînement-là n'est plus un émondage; c'est une culture normale dans la pleine terre de l'oeuvre matérielle, sous le soleil vivifiant de la bonne volonté; il ne tue rien; il consolide, organise et unifie.

OBSERVANCE : Ne pas se laisser aller à l'inaction ou à la rêverie.
 
 


 


XXXV. L'ENTETEMENT 

« Jésus reprocha aux Onze la dureté de leur coeur, parce qu'ils n'avaient pas cru. » 
(Marc XVI, 14 )

L'entêtement n'est pas la volonté. La volonté, c'est faire de son corps, de son intelligence, de ses passions même, tout ce que la raison judicieuse indique d'opportun. Un volontaire voit net. Un entêté ne voit qu'un point. Il n'admet pas qu'un autre puisse penser juste; tout le monde doit penser comme lui. Or, ne suis-je pas convaincu de détenir l'unique vérité, tout au moins sur quelques sujets ? 
Quand même une opinion est exacte, il vaut mieux en adoucir le tranchant plutôt que d'entamer des discussions infinies, de froisser sans être certain de persuader. Toute vérité n'est pas bonne à dire. 
Si je m'acharne, envers et contre tout, à satisfaire un désir qui n'est que personnel, je risque des déceptions et des embarras. Car cet obstacle qui m'impatiente ou m'irrite, c'est un avertissement. Ou, plutôt, cette impatience aigre me devrait démontrer que mon projet n'est pas juste. 
Si je me cantonne dans des méthodes surannées, je piétine. Il faut être déférent aux opinions des vieillards, certes; mais le temps de sa jeunesse, qui apparaît à l'homme d'âge comme presque irréprochable, contenait cependant des laideurs. La différence d'hier à aujourd'hui est minime et, en tout cas, elle est à l'avantage des années actuelles, puisque l'évolution marche toujours. Seulement je n'aperçois que des coins, de tout petits coins de cette multitude de progrès particuliers. Alors je juge mal. 
Si je refuse une visite, un livre, une idée, c'est deux portes que je ferme : à moi-même et à cette chose qui m'était offerte. A cette minute naît dans mon destin une réaction qui, quelque jour, devien-dra une envie impérieuse de prendre ce que j'ai refusé aujourd'hui. 
J'accueillerai donc tout, examinant tout avec un jugement libre, comparant tout au modèle que Jésus me propose. Et rien ne me séduira, sauf ce Jésus qui contient l'idéal de tout.

OBSERVANCE : Se méfier de ses propres opinions.
 
 


 


XXXVI. L'INQUIÉTUDE

« Le lendemain aura soin de lui-même. » 
(Matthieu VI, 34)

La peur, même dans ses nuances les plus atténuées, affaiblit le moral et le physique. Qu'ai-je à craindre, puisque rien n'arrive sans la permission de Dieu ? Rien n'arrive que je ne l'aie mérité; rien n'arrive qui ne soit pour mon bien; personne ne peut m'attaquer qui soit réellement, spirituellement, plus fort que moi. 
Si je pouvais voir combien de forces et d'êtres ont travaillé pour que je naisse; combien, pour que je puisse prendre un repas; combien, pour que je puisse traverser un carrefour ! Je comprendrais alors que ma vie est précieuse et que mon Ami m'aime infiniment; mais je n'aurais plus que le mérite d'être raisonnable. Et l'Ami ne veut pas d'une amitié raisonnable : elle est naturelle; Il veut que j'entre avec Lui dans le surnaturel, là où il n'y a plus de choses raisonnables, où il n'y a plus de logiques et de convenances; Il veut que j'entre dans Son amour. C'est pourquoi Il me laisse dans l'ignorance. 
Ces inquiétudes qui m'anémient sont raisonnables; c'est pourquoi je devrais les supprimer. 
Si un rôdeur m'attaque, c'est que moi-même j'ai été brigand. Si mon associé me trompe, c'est parce que j'ai trahi des confiances. Ce que l'homme sème, il le récolte. 
L'inquiétude affole l'intelligence, aveugle l'intuition, attire le malheur, l'échec, la maladie même qu'elle appréhende. Le pressentiment net d'une catastrophe, si mon devoir m'appelle, ne doit pas me détourner de ma route, puisque je suis dans la main de Dieu. 
Je ne serai ni téméraire, ni pusillanime. Le calme attire la chance et la rayonne; il déjoue les intrigues; il dissipe les obstacles; il est le héraut de la vie intérieure. Qui peut me troubler, puisque le Maître marche avec moi ?

OBSERVANCE : Demander l'aide du Verbe, et marcher droit sur l'obstacle.
 
 


 


XXXVII. LA CENE

« Voici le pain descendu du Ciel. » 
(Jean VI, 58)

Le Verbe nourrit l'Univers. Les créatures tiennent de Lui leur existence et ne subsistent que parce qu'II Se donne perpétuellement à elles par un sacrifice indéfiniment renouvelé. C'est ainsi que le panthéiste comprend les relations de Dieu avec le monde et explique le rite de l'Eucharistie. 
Le chrétien croit à un sens plus haut de la Cène, à une vertu plus vivante, plus précise, et il a raison; il a même infiniment plus raison qu'il ne l'imagine. Prenez le premier hypnotiseur venu, un individu quelconque sous le rapport de la vie intérieure; il lui est possible de faire que son sujet reçoive d'un verre d'eau pure les sensations les plus diverses. Et le Christ, le premier des êtres, ne pourrait pas conférer au pain et au vin les vertus dont l'ensemble forme Sa propre personnalité ? 
Mais cette explication est encore une exégèse extérieure. Jésus, en disant : « Ceci est mon Corps, ceci est mon Sang », a transmué, a recréé le type spirituel de la vigne et du blé. Il y a bien autre chose encore. Entre Ses mains la matière est une poussière inerte; et je prévois, je sais qu'au fur et à mesure de mes élévations intérieures, il me sera montré des vues de plus en plus vraies du mystère de la transsubstantiation. 
De plus, lorsque ce Verbe Se créa, pour nous, une individualité, S'en revêtit et commença de descendre, ce ne fut qu'au prix de souffrances indicibles. A mesure qu'II S'enfonçait dans la matière, tout le crime universel Le martyrisait. Le Verbe, pour ainsi parler, ne S'autorisa de choisir les éléments de Sa nature humaine que par les souffrances de Sa nature divine. C'est pourquoi « Son corps est une nourriture », puisqu'il a été formé par les labeurs de la descente divine; et « Son sang est un breuvage », parce que Ses souffrances ont vitalisé Ses travaux.

0BSERVANCE : Une fois par jour, m'impose une privation charitable en souvenir du Christ.
 
 


 


XXXVIII. LA PRIERE

« Pendant qu'Il priait, le Ciel s'ouvrit... » 
(Luc III, 21 )

Jésus me dit qu'il ne faut point de longs discours pour parler à Dieu. Comme je puis et je dois Lui soumettre tous mes besoins, matériels ou spirituels, je dois aussi demander Son aide, même quand il me semble pouvoir suffire à ma tâche par mes seules forces. Mais, en tout cas, peu de paroles sont nécessaires, puisqu'II connaît mes besoins avant que je ne les Lui expose. Toutefois, parce qu'II m'aime, Il aime me voir recourir à Lui. 
Il est infiniment au-dessus de toute éloquence; je Lui parlerai donc simplement. 
Il est dans toutes les émotions que je puis ressentir à Le prier, et dans toutes les faveurs qui s'ensuivent; mais alors Il Se rapetisse à ma petitesse, Il proportionne Sa splendeur à ma bassesse. 
C'est pourquoi Il est davantage présent lorsque les suavités intérieures ne viennent point, lorsque, seul, l'extrême centre de mon coeur est fixé en Lui; car, alors, Il vient à moi avec un degré de lumière dépassant juste celui que ma pauvre nature pourrait percevoir et supporter. 
Je me paraissais languissant, solitaire et aride; mais, si je continue à m'attacher à mon Christ d'une étreinte indéfectible, cette nuit de ma nature devient le jour éclatant de la foi. C'est alors qu'il m'est donné de me dépasser moi-même, et que j'avance. Tandis que la ferveur et les ravissements ne sont que les joies de ma personnalité heureuse de son état. 
Si haut que j'aille, Dieu est encore plus loin. Lorsqu'il Se rend sensible, c'est qu'II Se baisse jusqu'à moi pour m'encourager. 
Ainsi ma prière ne sera entendue que si je suis humble. Je m'anéantirai donc toujours plus bas pour rencontrer enfin Celui qui, étant le Très--Haut, est descendu, pour moi, jusqu'au néant. L'humilité est l'assise de tout l'édifice intérieur; c'est l'atmosphère du disciple.

OBSERVANCE : Je réfléchirai chaque jour sur l'une des phrases de l'Oraison dominicale.
 
 


 


XXXIX. LA CHARITÉ

« Comme Je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. » 
(Jean XV, 12)

Toutes les vertus spirituelles ne sont qu'une seule vertu; qui possède l'une possède les autres. Mais, entre toutes, c'est la charité que Dieu me demande, parce que c'est celle-là vers l'acquisition de laquelle il m'est possible de faire les efforts les plus précis. Les formes de la charité sont innombrables. Si ce feu brûle dans mon coeur, tous mes actes, toutes mes paroles, toutes mes pensées seront des aumônes et des offrandes. S'il ne brûle pas, il me reste la ressource inestimable d'agir, de parler, de penser, comme si j'aimais. Voilà le divin mensonge auquel il faut que je m'oblige en tous temps et en tous lieux. 
La charité n'est pas la bienfaisance, ni la philanthropie. Celles-ci sont prudentes, raisonnables, humaines. La charité est folle; elle ne consulte rien que sa compassion; aucun obstacle ne l'arrête; aucune ingratitude ne la rebute; aucune récompense ne l'excite. Elle connaît de science infuse toutes les délicatesses; elle parle tous les langages; elle se met au niveau de toutes les conditions. Elle peut m'agrandir jusqu'aux bornes de l'univers; par elle Dieu S'oblige à me servir; par elle Dieu a créé le monde, et le recrée. C'est elle qui forme le corps du Fils de l'Homme et l'âme du Fils de Dieu. Par elle tous les miracles deviennent possibles, tous les mystères se dévoilent. toutes les chaînes de la matière sont brisées. 
Or, ce principe de toutes les forces, cette source de toutes les beautés, ce secret de toutes les délivrances, c'est la seule vertu entre toutes dont je puisse suivre l'entraînement avec la précision, avec toute la rigueur d'un exercice physique. Dans la culture des autres vertus, quelque chose échappe à mon contrôle. Tandis qu'une pensée, une parole, un geste d'aide à une créature souffrante sont toujours soumis à ma conscience et possibles à ma volonté.

OBSERVANCE : Ne pas laisser passer un jour sans avoir aidé quelqu'un, d'une façon ou d'une autre.
 
 


 


XL. L'HUMILITÉ

« Qui se fera humble comme cet enfant sera, lui, le plus grand dans le Royaume des Cieux.» 
(Matthieu XVIII, 4)

L'humilité ne consiste essentiellement ni dans la connaissance que je puis avoir de ma faiblesse, ou de ma méchanceté; ni dans le sentiment des grandeurs divines; ni dans la recherche du mépris, des bas emplois, d'une existence obscure ou de fatigues rebutantes; ni dans l'aveu public de mes fautes; ni dans l'oubli du bien que j'ai pu faire; ni dans le plaisir qu'on éprouve à voir les autres réussir ou être préférés; ni dans la certitude d'être le dernier des hommes. 
Tout cela, ce sont des actes d'humilité, des conditions ou des fruits de l'humilité. L'humilité est tout cela; mais autre chose encore qu'il me semble entrapercevoir mais que je ne puis définir. Savoir qu'on est humble, c'est cesser de l'être. L'humilité est un mystère dans le centre de mon être, un mystère sans fond et sans limite. Elle est la base et la vie de toutes les vertus. C'est par elle, à cause d'elle, qu'il devient possible à Dieu de résider en moi; c'est donc à Dieu de l'y établir, autant que mon incurable orgueil le Lui permet. 
Pour me disposer à recevoir ce don, j'essaierai de comprendre que c'est Dieu qui accomplit en moi et par moi tout ce que je fais de bien, et que ce que je fais de mal vient de moi. Je Le remercierai de tout : bonheurs et malheurs, dons et impuissances. Je ne laisserai apercevoir Ses bienfaits aux autres que pour les aider. Je m'attristerai des éloges reçus. Je me réjouirai des critiques. Je ne chercherai pas les postes en vue. Je n'aurai pas de vanités. Je ne craindrai pas le ridicule. 
Et je demanderai à mon Maître de me dévoiler à moi-même; de me faire voir cette perversité secrète dont je ne m'aperçois pas toujours, mais que je sais être en moi, et qui empoisonne tout ce que je veux faire de bien.

OBSERVANCE : Cultiver en soi le sentiment de l'humilité, plutôt que d'en faire le geste artificiel.