CHAPITRE VIII
 

DE L'INITIATION ROSICRUCIENNE



Quelle était la nature de l'admirable connaissance de Moïse et d'Elie? Quelle était cette clef de la vraie sagesse ? Fludd l'a dit dans l'Apologeticus (35). Selon le mode kabbalistique, il a montré cette clef comme ayant été donnée (traditam) au Fils par le Père et aussi qu'elle eut une efficacité d'autant plus profonde dans les coeurs de ceux à qui elle fut donnée que ces coeurs étaient plus purs et plus accomplis.

Car ce sont les coeurs les plus accomplis que ]'Esprit choisit pour tabernacle.

À cette heure Fludd se demande si ce don de Dieu a été totalement oublié par les hommes, si cette clef, soit par la jalousie des patriarches, des prophètes et des apôtres, soit plutôt à cause du silence profond gardé par les hommes de toutes les nations, n'a pas été cachée et ensevelie dans l'oubli des entrailles de l'homme, puisqu'il est dit qu'à l'origine Dieu remplit la terre d'Esprit Saint. Bien mieux, il fit descendre la Sagesse ici-bas, pour que, dès son éveil, l'homme travaillât sous sa direction à savoir ce qui serait agréable à Dieu. Et tellement fut grand l'amour de l'Esprit d'intelligence pour les hommes qu'il en fit ses enfants chéris.

« Et alors peut-on douter que cet Esprit soit resté Jusqu'aujourd'hui avec quelques hommes choisis au coeur pur et fervent ? Et peut-on penser que ceux qui jouissent de cet Esprit se puissent tromper ? En effet, l'Esprit, par sa présence, les conduit dans la voie de la vérité. Il n'est point d'exemple qu'il y ait eu un siècle où, parmi les ténèbres générales, il ne se soit pas trouvé quelques élus qui aient vu la lumière et possédé la connaissance.

» Et, dans tous les âges de l'Église, il se trouvera des hommes à qui sera donné, pour vaincre, de ce bois, qui est dans le paradis de Dieu, ou encore la manne cachée, ou l'étoile matinale, ou la domination sur les peuples, ou de blancs vêtements pour s'en habiller, ou ce don que leur nom ne soit pas rayé du Livre de Vie, ou qu'ils seront les colonnes du Temple et porteront le nom nouveau de l'Agneau.

» La Vérité elle-même nous a promis, en outre, que tout ce qui est caché serait manifesté, que tout ce qui est occulte serait livré à la connaissance.

» Il résulte de tout cela que la vérité est gardée par une élite, que cette vérité sera révélée avant la révolution cyclique du monde (ante periodum mundi), par la permission et volonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, ainsi que l'ont annoncé les prophètes et les apôtres. Ainsi que Jean-Baptiste, qui prépara et annonça la venue du Christ, ainsi l'élite en qui demeure l'Esprit prépare l'avènement de la Sion toute-puissante et du très éclatant Soleil de Vérité ; ils sont la première aube qui précède l'aurore. Mais, Dieu bon, combien sont cachées les vertus de ces hommes, combien secrètes leurs retraites dans lesquelles, pour notre siècle, l'Esprit a fixé sa demeure terrestre ! Ils jouissent de divines richesses et sont pauvres et inconnus pour le monde ; car le monde ne connaît pas les fils de Dieu, parce que les fils de Dieu n'auront pas voulu connaître le monde.

» Cependant la volonté de Dieu est que l'occulte soit manifesté. Par son prophète il a déclaré qu'avant la révolution (ou fin) du monde toute chair serait pénétrée par son Esprit. Le Psalmiste royal dit que les fils des hommes de foi seront enivrés de voluptés sous les ailes protectrices de Dieu, qui est la Source de la Vie, et que nous verrons la lumière dans sa Lumière.

» Voyons donc par quels hommes, inspirés par Dieu de la vertu de l'Esprit, l'annonce et la révélation de cette lumière peuvent s'accomplir.

» Est-ce parmi les Pères docteurs en théologie, ou même auprès du pape lui-même, qui paraît posséder et revendiquer sur la terre le siège de Jésus-Christ ?

» Je prouverai que ce n'est pas parmi ces derniers que l'on peut trouver les hommes en question qui doivent posséder pleinement tous les dons de la science, que ces derniers n'ont que peu ou point, car nous savons qu'ils manquent de la jouissance complète des dons du Saint-Esprit qui sont énumérés dans l'épître aux Corinthiens. Ce n'est pas qu'ils n'en aient quelques lueurs, l'un est plus éloquent, l'autre plus croyant, l'autre plus chaste, etc., mais ces dons sont en eux comme la représentation au rapport de l'image ou l'ombre au rapport du corps. Mais les dons efficaces et réels entraînent la prophétie, la faculté de miracle, la possession des langues, la guérison des maladies, et ce sont ces dons qu'il faut découvrir dans les annonciateurs de la vérité cachée. Il faut que ces élus de Dieu parlent la pleine vérité, prophétisent, aient de véritables visions, s'expriment en de nouvelles langues, interprètent exactement l'Écriture, chassent les démons, guérissent les malades, observent les préceptes divins, ne s'opposent pas au Verbe de Dieu. Tels sont les indices qui peuvent nous faire reconnaître les véritables disciples de l'Esprit. Et, si quelqu'un de nos sages se donne au monde vulgaire comme possesseur de tous ou de la plupart de ces dons, il mentira, car la vérité ne sera pas en lui, il ne sera pas un serviteur de Jésus-Christ, mais un esclave du monde, dont le propre est de haïr les justes.

» De ma recherche minutieuse j'ai conclu, ô Frères très illuminés, que vous êtes réellement illuminés par l'Esprit, par l'impulsion et les avertissements divins auxquels seront annoncées et dévoilées les choses que les textes sacrés ont mystiquement prédit devoir advenir immédiatement avant la fin du monde. Vous, au-dessus des hommes de cet âge, vous avez reçu du Créateur du monde une félicité, une vertu spirituelle et une grâce divine supérieures. Vous voyez dans sa lumière, vous êtes confortés par l'Esprit de Sagesse, vous menez une vie heureuse, et il apparaît que vous avez reçu tous les dons du Saint-Esprit.

» Et, si vos actes sont conformes à vos paroles, ce dont j'avoue qu'il ne m'est plus permis de douter, je dis qu'il faudra qu'on ajoute foi à vos prophéties, et d'autant plus qu'on les trouve en rapport parfait avec la source sacrée de vérité.

» Qu'entendez-vous, en effet, par votre Lion triomphant, qui doit tôt venir et qui sort de la tribu de Juda ?

» Que voulez-vous dire par votre aurore surgissante ?

» N'est-ce pas la clarté éternelle annoncée dans l'Écriture ?

» Qu'est-ce que le lever du soleil, sinon l'Ancien des Jours, sinon l'apparition totale dans le monde du vrai principe du Verbe et de la Lumière, que le monde ne connaissait pas, que les ténèbres ne comprenaient pas, c'est-à-dire Jésus-Christ dans la gloire de son avènement, c'est-à-dire l'étoile radieuse et matutinale ?

» N'est-ce pas par la bouche des prophètes et des apôtres que vous avez parlé, lorsqu'en vous faisant connaître, vous avez signifié à tous ce que infailliblement et certainement Dieu avait disposé d'offrir au monde au moment de sa fin, qui suivra immédiatement, une expansion de lumière, de vie, de vérité et de gloire, telle que la posséda et la perdit Adam ?

» Alors, dites-vous, cesseront toute fausseté, tout mensonge et toute ténèbre qui, peu à peu, avec la révolution du grand monde, se sont glissés dans les actes des hommes et ont obscuré la plupart d'entre eux. Le Psaume XXXV, 6, Joël II, Daniel II, VII, et I Corinthiens II, et une infinité d'autres passages des Écritures nous le confirment.

» Cette recherche très essentielle faite, je chercherai, Frères très sapients, avec votre licence, si la grâce de l'Esprit est en vous si pleine, qu'elle vous donne l'entrée du paradis ainsi qu'elle fut donnée à Moïse et Elie, vivant dans le monde.

» Je vois, par la lecture attentive de vos écrits, que vous n'agissez nullement par illusions ou prestiges diaboliques, comme s'avisèrent de le dire des ignorants, ou plutôt des envieux, dans leurs recherches sur votre Société. Non ! vous agissez par la véritable assistance du Saint-Esprit.

» Et, en effet, le grand arcane du règne céleste ne peut être indiqué ni par les sages du monde, mages, devins, ou aruspices : Dieu seul dans le Ciel peut en être le révélateur.

» Mes yeux se sont ouverts, et j'ai compris, par votre courte réponse, ce que (sur l'avertissement du Saint-Esprit, ainsi que vous le dites) vous livrez à deux élus, dans votre cénacle. Vous avez la science du vrai mystère et la connaissance de la clef qui conduit à la joie du paradis, tels que les patriarches et les prophètes dans les Saintes Ecritures. Puisque vous vous servez de la même voie et des mêmes moyens qu'eux pour l'acquisition du mystère, l'entrée du paradis vous est ouverte, ainsi qu'elle le fut à Elie, qui avait reçu les avertissements divins. Et voici votre doctrine à comparer avec l'admirable trésor antique :

» Vous avertissez deux hommes choisis qu'il y a une montagne, située au milieu de la terre et gardée par la jalousie du diable. De féroces et puissantes bêtes en rendent l'accès difficile. Vous leur ordonnez, après qu'ils se sont préparés par de dévotes prières à une telle tentative, de se rendre à la montagne, durant une nuit bien longue. Vous leur promettez un guide, qui viendra s'offrir lui-même et se joindre à eux et qu'ils ne connaissent pas.

» Celui-là, leur dites-vous, vous conduira à la montagne. Ayez un coeur viril, une âme héroïque, ne craignez rien de ce qui peut vous arriver, et ne reculez pas. Vous n'avez que faire d'une épée, ou de quelque autre arme matérielle ; vos armes sont vos prières dévotes et continues à Dieu. Le premier signal qui vous montrera que vous approchez de la montagne est un vent d'une violence telle qu'il fend le mont et brise les rochers. Des tigres, des dragons et autres animaux horribles et cruels s'offriront à votre vue. Ne craignez pas. Soyez fermes de coeur, car votre conducteur ne permettra qu'aucun mal ne vous soit fait. Mais le trésor n'est pas encore découvert, si tant est qu'il soit proche. Voici un tremblement de terre qui disperse et aplanit les amas que le vent avait faits. Gardez-vous de reculer. Mais le trésor ne vous est pas encore ouvert. Après le tremblement de terre, voici un feu intense qui va dévorer toute la matière et faire apparaître à vos yeux le trésor. Mais, vous, vous ne pourrez encore le voir. Puis, vers le matin, viendra un calme bienfaisant. Vous verrez l'étoile matutinale monter et s'annoncer l'aurore. A ce moment, le trésor s'offrira à vos yeux (1).

» Telle est la méthode et la formule pour acquérir la lumière divine, qui est le trésor des trésors.

» Mais, dira-t-on, les frères agissent par prestige et diablerie, car où serait cette montagne, sinon en enfer ? Qui sera le conducteur, sinon le diable ? Quels sont ce vent, ce tremblement de terre et ce feu intense ? Tout cela n'est-il pas contre la loi de Dieu ? - Je répondrai brièvement que le témoignage de l'Écriture même justifie ce mode de connaître le mystère divin. En effet, on voit au chapitre 19 du 3e livre des Rois qu'Elie, craignant la colère de Jézabel, se leva et s'en alla, etc.

» On voit qu'Elie dormait au désert, la nuit, sous un genévrier, quand un ange lui parla et lui donna le pain et l'eau.

» Or, qu'est-ce que le pain des anges, sinon la sagesse, la manne absconse qui est promise à l'Église victorieuse et qui est la véritable clef qui nous donne la contemplation du trésor ? Et le conducteur des frères, n'est-ce pas l'ange qui vient sur la route ? Ensuite l'ange et Elie ne gravissent-ils pas le mont Horeb ? De sa caverne Elie a vu comme premier signe un grand souffle agitant la montagne et fracassant les pierres, et Dieu n'était pas dans le souffle. Également Elie a ressenti une commotion dans laquelle Dieu n'était pas, comme le tremblement de terre dans lequel le trésor n'apparaît pas. En dernier lieu, Elie a vu le feu, et Dieu n'était pas dans le feu. Ensuite il entendit un doux vagissement dans l'air mollement agité, et c'est ensuite qu'Elie entend la voix de Dieu, comme les Rose-Croix ne voient le trésor qu'au point du jour.

» Que pensez-vous alors, mondains, de ces Frères, qui nous apparaissent comme jouissant de la même source et des mêmes trésors qui appartinrent jadis à Elie ? En quoi prestiges et illusions diaboliques ? Ils ne connaissent ni la psychique ni la physique et tous les mystères de la nature leur sont ouverts.

» Ils disent qu'ils n'éprouvent aucune joie de ce qu'ils peuvent faire de l'or, ni, comme le disait le Christ, de ce qu'ils peuvent se faire obéir des démons, mais que leur joie éclatera quand ils verront les cieux ouverts, les anges descendant et remontant vers Dieu et leur nom inscrit sur le Livre de Vie.

» Et, ailleurs, ils paraissent reconnaître qu'en une seule fois ils ont récupéré tous les biens que la nature a admirablement dispersés dans tous les lieux de la terre et que même ils les ont promis à leurs disciples, pour que, par leur connaissance, ils se puissent débarrasser de tout ce qui obscurcit l'intelligence.

» Et, ailleurs, dans leur Fama, que les hypocrites et les gens avides de richesses qui voudront venir à nous malgré leur volonté ne pourront nous suivre, mais se feront du mal à eux-mêmes, jusqu'à leur entière destruction. Quant à notre édifice, quand cent mille hommes voudraient le renverser, il n'en resterait pas moins debout, à l'abri du Malin, sous l'ombre de tes ailes, ô Jéhovah !

» Concluez donc avec moi, ô hommes de ce monde qu'aveugle un nuage d'ignorance, que la vertu et l'efficace du Saint-Esprit sont vraiment avec les Frères de la Rose-Croix et croyez que leur retraite est située ou aux frontières de ce lieu même de volupté terrestre où voisinent les nuages, ou aux sommets de certaines montagnes, très haut, suivant la volonté de Dieu et où les habitants respirent et dégustent un air très suave et très subtil ou souffle de la Psyché, ou les effluves de l'Esprit de la vraie Sagesse. »

LEGES SOCIETATIS

STATUTS DE LA SOCIÉTÉ POUR L'ÉTUDE DE LA SAGESSE DIVINE




Jésus a dit que, lorsque deux personnes seraient assemblées en son nom pour prier son Père, leur demande serait exaucée ; car il est alors au milieu d'elles.

1. - Chaque membre de la Société devra chérir ses frères.

2. - Les membres ne doivent pas médire les uns des autres ni se mépriser mutuellement.

3. - Ils doivent être fidèles les uns aux autres.

4. - Ils doivent être également véridiques.

5. - Humbles et obligeants entre eux.

6. - Ils ne doivent point rire de ces hautes études.

7. - Ils ont à tenir secret ce qu'ils y apprennent.

8. - Ils doivent se partager leur fortune les uns aux autres.

Le Membre le plus considérable de cette Société est le Seigneur Jésus, Fils de Dieu ; car elle est conduite en son nom et sa propre parole donne la certitude de sa présence. Ainsi tous les membres seront dans l'obligation stricte d'observer à son égard les règles de la Société. (2)
 

RÈGLES DE CONDUITE D'UN DISCIPLE DE La Magie Céleste ENVERS DIEU, ENVERS SON PRÉCEPTEUR, ENVERS SOI-MÊME ET ENVERS LES AUTRES, par l'auteur de l'Echo oder exemplarischer Beweiss (40).
 

1. - Le disciple doit craindre Dieu ; car la crainte de Dieu est le commencement, la racine et la couronne de la Sagesse.

2. - Il doit faire attention à la discipline.

3. - Il ne doit avoir que peu de relations avec le monde ; car, selon le mot de l'apôtre Jacques (IV, 4 et 5), l'amitié du monde est l'inimitié de Dieu.

4. - Il doit être pieux, pur et ne pas pêcher.

5. - Il doit être prudent et pondéré.

6. - Chaste.

7. - Il doit être humble.

8. - Il doit mépriser l'argent.

9. - II n'estime que peu la sagesse et la prévoyance des hommes.

10. - Il doit nourrir pour la Sagesse divine un ardent désir.

11. - Il doit être obéissant.

12. - Appliqué.

13. - Il ne doit pas, dès le commencement, rechercher les grands secrets.

14. - Il doit vénérer ces hautes études.

15. - Il doit être reconnaissant, doux et généreux envers son maître.

16. - II doit faire volontiers l'aumône.
 

Le Bijou symbolique de la Rose-Croix, dit Madathanus, est une rose sur laquelle se détache une croix ornée de treize joyaux.

Au centre est le diamant, signe de sagesse.

Sur la branche du haut : le jaspe vert, signe de lumière ; l'hyacinthe jaune, signe d'amour ; le chrysolithe blanc, signe de pureté.

Sur la branche de droite : le saphir bleu, signe de vérité ; l'émeraude verte, pierre de vie ; la topaze dorée, signe d'harmonie.

Sur la branche inférieure : l'améthyste violette, signe de justice ; le béryl bigarré, signe d'humilité ; le sarde rouge clair, signe de foi.

Sur la branche de gauche : la chrysoprase vert clair, force de la Loi ; la sardoine rayée, symbole de béatitude ; la chalcédoine, également rayée, signe de victoire.

OMNIA AB UNO

Ces préliminaires posés, nous allons répartir en trois groupes les documents qui nous sont parvenus:

1 ° Les caractères spirituels ou essentiels du rosicrucianisme.

2° Le processus initiatique dans ce qu'il a d'acquis par le mérite (pythagorisme) et dans ce qu'il a de donné par la grace (christianisme).

3° Les caractères particuliers du Frère de la Rose-Croix.

Les Rose-Croix habitent dans un château entouré de nuages devant lequel se trouve, sur un rocher, une plate-forme d'albâtre, supportée par quatre colonnes, avec un sceptre d'or orné de pierres précieuses. Du rocher descendent onze marches de marbre blanc ; tout autour une eau profonde, avec un grand vaisseau couvert d'un dais bleu. Le maître et ses serviteurs sont habillés de manteaux rouges. Non loin de là, une source d'eau vive avec un obélisque sur lequel sont gravés les usages de cette île en vingt-sept langues. Pour parvenir au château du Prince, il faut passer par une tour appelée l'incertaine, puis par une autre appelée la dangereuse, puis monter jusqu'au rocher, toucher le sceptre avec le doigt du milieu, vaincre le loup et le bouc ; ensuite apparaîtra une vierge qui couronnera le voyageur, le chevalier, et les nuages se dissiperont, on apercevra le château, on recevra le voyageur, dans une longue robe de soie jaune avec une haute barette brune ; il sera installé, intronisé dans la magnificence céleste et terrestre (3).

Irenxus Agnostus s'exprime ainsi :

« Celui qui s'en tient au Verbe de Dieu, qui l'étudie, le contemple de coeur, et qui cherche sans cesse la Sagesse, qui la suit, cherche à se loger près de sa maison et se bâtit une hutte adossée à son palais. II fait venir ses enfants sous son toit, et les bosquets le préservent de la chaleur. Celui qui s'attache à la parole de Dieu fait cela, trouve la Sagesse, comme une mère et elle le reçoit comme un jeune fiancé. Elle le nourrit du pain de la compréhension et de l'eau de la sagesse ; il devient fort et se tient attaché à elle ; elle l'élève au-dessus de ses proches, lui délie la langue, elle le couronne de joie et lui donne un nom éternel.
» Nous sommes heureux de ce que Michel Maïer a écrit pour nous.

» D'autres sociétés ont fait fleurir en Orient et à Alexandrie les arts libres ; Aristote prit sa science en Égypte et sut donner à Alexandre une pierre pour vaincre ses ennemis.

» Ceux-là seuls sont aptes à nos leçons que Dieu a désignés dès le commencement » (4).

Fludd va nous expliquer ceci :
« En effet, l'Apocalypse dit qu'en tout âge on trouva des hommes à qui, pour le prix de leur victoire, il fut promis :

a) le bois de vie qui est dans le paradis de Dieu

b) la manne occulte et la pierre blanche ;

c) l'étoile matutinale ;

d) des vêtements blancs pour se vêtir, et ce don que leurs noms ne soient pas effacés du Livre de vie ;

e) qu'ils seront les colonnes du temple et auront le nouveau nom de l'Agneau.

» Les Évangélistes comprennent que c'est à de tels hommes que s'appliquent ces paroles, en les commentant ainsi.

» Il sera donné à tous ceux qui sauront recevoir la lumière qui illumine tout homme arrivant dans ce monde, de devenir les fils de Dieu. Et ils pourront habiter la maison de la Sagesse, fortement bâtie sur la montagne au dire du Sauveur lui-même : « Tout homme qui reçoit mes enseignements et les suit, ressemble au vrai sage qui édifie sa demeure sur la pierre. Les pluies tomberont, les fleuves inonderont, les vents furieusement souffleront contre elle, elle n'en sera point renversée, car elle est fondée sur la pierre ».

» Mais, direz-vous, pourquoi les habitants de cette demeure métaphorique demeurent-ils aussi cachés que leur secrète demeure ? S'ils ont tant de vertus et de pouvoirs, pourquoi ne révèlent-ils pas leurs secrets pour le bien du pays qu'ils habitent (comme le veut Mersenne) ? À quoi je répondrai qu'ils sont riches des richesses divines, mais que, dans le monde, ils sont pauvres et inconnus. Et il n'y a rien d'étonnant à ce qu'ils méprisent les richesses et les pompes du monde, puisque l'Évangéliste a dit : N'aime pas le monde, ni rien de ce qui est dans le monde, car tout n'y est que concupiscence de la chair, concupiscence des yeux et motif d'orgueil ».

Schweighardt promet à celui qui, ayant lu et relu le si précieux livre de Thomas a Kempis, conforme exactement sa vie au premier chapitre, qu'un frère lui écrira et viendra à lui avec le Parergon.
« L'Ergon, qui est la purification de l'Esprit, la glorification de Dieu sur la terre, est l'oeuvre non seulement des Frères de la Rose-Croix, mais encore de tous les vrais chrétiens. L'âme humaine a deux yeux : le droit est le moyen de voir dans l'Éternel, là est l'Ergon ; le gauche regarde, dans le temps et les différences des créatures, ce qui est meilleur ou pire pour la vie du corps ; là est le Parergon. Quand l'oeil droit regarde l'Éternel, l'autre oeil est comme mort, et réciproquement. Telle est la sagesse rhodostaurotique ».

« Nous savons les choses éloignées et étrangères, supernaturellement ; nous envoyons des messages pour nous amuser, sans en avoir besoin.

» Le Livre M. nous apprend tout ; même ce qui se passe dans les conseils des Indes ; notre science s'est développée peu à peu ; mais rien ne s'est développé que nous n'en possédions le germe.

» Notre fondateur a rétabli la science qu'Adam avait au moment du Fiat. Adam n'a pas tout perdu avec la chute. Nous avons porté ce reste à sa perfection.

» Notre demeure n'est pas visible ; cependant nous l'avons fait souvent voir par compassion aux pauvres et aux malades » (Irenaeus Agnostus).

Si on l'envisage au point de vue scientifique, l'initiation des Rose-Croix se trouve indiquée dans la structure de la grande pyramide d'Égypte, dans la Table d'Émeraude, le Zodiaque et le Tarot vrai.

On comprendra que nous, qui ne sommes pas Rose-Croix et qui ne serons probablement jamais digne de l'être, nous nous bornions à indiquer ces sources, laissant à chacun le soin d'y remonter.
 

MEA VICTORIA IN CRUCE ROSEA

Processus initiatique.

CE QUI PEUT ÊTRE ACQUIS.

La vocation est générale mais l'élévation est spéciale. (Irenaeus Agnostus).

Nous n'avons pas la prétention d'écrire un traité d'initiation. Nous avons, suivant notre habitude, choisi quelques extraits suggestifs qui mettront le lecteur à même de se renseigner de visu, pour ainsi dire.

« Selon la doctrine ancienne, pour devenir tout-puissant, il faut vaincre en soi toute passion, oublier toute convoitise, détruire toute trace humaine, assujettir par le détachement. Homme, si tu cesses de limiter une chose en toi, c'est-à-dire de la désirer, si, par là, tu te retires d'elle, elle t'arrivera, féminine, comme l'eau vient remplir la place qu'on lui offre dans le creux de la main. Car tu possèdes l'être réel de toutes choses en ta pure volonté, et tu es le dieu que tu peux devenir. Oui, tel est le dogme et l'arcane premier du réel Savoir (5) ».
Cependant, « à peine en mille ans naît-il un seul être qui puisse franchir les formidables portes qui conduisent aux mondes au delà » (6).

On apprend tout d'abord au disciple à tenir sa langue ; les personnes les plus capables ne sont admises dans les grades secrets qu'après une surveillance continue d'au moins cinq ans. On accepte même des ignorants, pourvu qu'ils soient honnêtes et discrets (25).

Et Michel Maïer ajoute : Pour que les Rose-Croix acceptent un élève, il faut que le désir de science et la bonne volonté aient reçu confirmation au moyen d'une manifestation illuminative (18).

Notons ici que Maïer représente surtout le côté pythagoricien de cette tradition.

« Il existe une Société dont les statuts et les mystères sont, pour les érudits les plus curieux et les plus profonds, un impénétrable secret. En vertu de ces statuts, chaque membre est tenu de guider, d'aider, de conseiller les descendants les plus reculés de ceux qui, comme votre ancêtre, ont pris une part, si humble et si stérile qu'elle soit, aux travaux mystérieux de l'Ordre. Nous sommes engagés à les diriger vers leur bonheur ; plus encore, s'ils nous l'ordonnent, nous devons les accepter comme disciples (7).
 
« Boire à longs traits la vie intérieure, c'est voir la vie supérieure ; vivre en dépit du temps, c'est vivre de la vie universelle. Celui qui découvre l'élixir découvre ce qui est dans l'espace, car l'esprit qui vivifie le corps fortifie les sens. Il y a de l'attraction dans le principe élémentaire de la lumière. Dans les lampes du Rose-Croix, le feu est le principe pur et élémentaire. Allume les lampes pendant que tu ouvres le vase qui contient l'élixir, et la lumière attire à toi ces êtres dont cette lumière est la vie. Méfie-toi de la peur. La peur est l'ennemie mortelle de la science » (7').
Au point de vue du développement symbolique des pouvoirs magiques, on pourra étudier avec fruit l'Akedysseril de Villiers de l'Isle-Adam. Les pages suivantes de Zanoni montreront le reste ; et, enfin, L'Annonciateur du même Villiers nous dévoilera un peu les finalités dernières de l'âme dressée dans cette école.
« Pour soulever le voile, cette âme avec laquelle vous écoutez a besoin d'être retrempée dans l'enthousiasme et purifiée de tout désir terrestre. Ce n'est pas sans raison que ceux qu'on a appelés magiciens en tout temps, en tout pays, ont prescrit la chasteté, la contemplation et le jeûne, comme les sources de toute inspiration. Quand l'âme est ainsi préparée, la science peut venir l'aider, la vue peut être rendue plus pénétrante, les nerfs plus sensibles, l'esprit plus prompt et plus ouvert ; l'élément lui-même, l'air, l'espace peut devenir, par certains procédés de haute science, plus palpable et plus distinct. Ce n'est pas là de la magie, comme le pense le vulgaire crédule. Je l'ai déjà dit, la magie (ou la science qui fait violence à la nature) n'existe pas : ce n'est que la science qui maîtrise la nature. Or il y a, dans l'espace, des millions d'êtres, non pas précisément spirituels, car tous ont, comme les animalcules invisibles à l'oeil nu, certaines formes de la matière, mais d'une matière si ténue, si subtile, si délicate qu'elle n'est, pour ainsi dire, qu'une enveloppe impalpable de l'esprit, plus déliée et plus légère mille fois que ces fils aériens qui flottent et rayonnent au soleil d'été. De là, les créations charmantes des Rose-Croix, les sylphes et les gnomes. Et, pourtant, il y a, entre ces races et ces tribus diverses, des différences plus marquées qu'entre le Grec et le Kalmouck ; leurs attributs différant, leur puissance diffère. Voyez dans la goutte d'eau quelle variété d'animalcules ! combien sont de formidables colosses ! quelques-uns pourtant sont des atomes en comparaison des autres. Il en est de même pour les habitants de l'atmosphère ; les uns ont une science suprême, les autres une malice horrible ; les uns sont hostiles à l'homme, comme les démons, les autres doux et bienveillants, comme des messagers et des médiateurs entre le ciel et la terre. Celui qui veut entrer en rapport avec ces espèces diverses ressemble au voyageur qui veut pénétrer dans des terres inconnues. Il est exposé à d'étranges dangers, à des terreurs qu'il ne peut soupçonner. La communication une fois établie, je ne peux te protéger contre les chances auxquelles ton voyage est exposé. Je ne puis te diriger vers les sentiers libres des incursions des ennemis les plus acharnés. Seul et par toi-même, il te faudra tout braver, tout hasarder ; mais, si tu aimes à ce point la vie que ton unique souci soit de continuer de vivre, n'importe dans quel but, en ranimant tes nerfs et ton sang par l'élixir vivifiant de l'alchimiste, alors pourquoi t'exposer aux dangers des espaces intermédiaires ? Parce que l'élixir, qui infuse dans le corps une vie plus sublime, rend les sens tellement subtils que les fantômes de l'air deviennent pour toi perceptibles à la vue et à l'ouïe ; si bien que, sans une préparation qui te rende graduellement capable de résister à ces fantômes et de défier leur malice, une vie douée de cette faculté serait la plus épouvantable calamité que l'homme pût s'attirer. Voilà pourquoi l'élixir, quoique composé des plantes les plus simples, ne peut sans danger être pris que par celui qui a passé par les épreuves les plus sévères. Plus encore, il en est qui, effrayés et épouvantés par les visions qui se sont révélées à eux dès la première goutte, ont trouvé que la potion avait moins de puissance pour les sauver que n'en avaient la lutte et les déchirements de la nature pour les détruire. Ainsi, pour qui n'est pas préparé, l'élixir est purement un poison mortel. Parmi les gardiens du seuil, il en est un aussi qui surpasse en malice haineuse toute sa race, dont les yeux ont paralysé les plus intrépides et dont la puissance sur l'esprit augmente en proportion exacte de la peur. Ton courage est-il ébranlé ? » (8).
On sait que les âmes des hommes s'incarnent un grand nombre de fois et que leurs morts ne sont que les points de transition entre deux vies successives. On sait encore que ces multitudes d'existences ont une fin, qui est la réintégration dans l'Adam céleste. La tradition enseigne aussi qu'au moment de chaque mort deux anges viennent prendre l'âme pour la conduire au tribunal du jugement ; mais, à la fin de la dernière incarnation, lorsque l'âme va enfin goûter la vie absolue, c'est Azraël qui la vient chercher, en l'appelant par son nom véritable (9) ; et l'endroit de l'univers où elle doit alors mourir définitivement à la vie créée est le lieu même où elle est descendue pour la première fois. Car les âmes ont un nom mystérieux qui indique leur lieu d'origine, leurs travaux, et la qualité de la lumière acquise pendant leur probation. Comme une âme est le roi d'une portion de l'univers, elle entraîne avec elle ses subordonnés par les actes qu'elle accomplit, et au lieu où elle subit sa dernière mort naturelle se trouvent réunis tous les inférieurs qui lui avaient été donnés à gouverner lors de sa première descente. Ceux-ci sont alors réunis avec elle à toujours, et une portion des conséquences de la chute originelle se trouve en même temps effacée.

En résumé, tout ce que nous venons de citer se réfère au côté humain, volontaire et accessible de l'initiation. Plus loin vient une épreuve douloureuse entre toutes. Si on succombe, on entre dans le sentier de gauche ; si on est victorieux, on entre dans la voie dont nous allons essayer d'indiquer maintenant la direction.
 
 

INDEX SOMMAIRE DES POINTS PRINCIPAUX

DE L'ÉTUDE DE LA SAGESSE DIVINE

par l'auteur de l'Echo oder exemplarischer Beweiss (40).




DE DIEU.

1. - Que le disciple reconnaisse Dieu pour plus haut et plus précieux que toutes les richesses de ce monde.
2. - Qu'il croie en Dieu fermement et de tout son coeur.

3. - Que, par crainte de Dieu, il tienne à sa grâce et à sa faveur plus qu'à toute l'amitié des hommes.

4. - Qu'il s'applique à aimer et à craindre Dieu de tout son coeur et à conserver une conscience pure envers lui et envers les hommes.

5. - Qu'il soit convaincu que le Seigneur récompensera les bons et punira les méchants.

DE LA PAROLE DIVINE.
1. - Qu'il considère tout ce qui est donné dans l'Écriture comme parole divine, de la plus haute et de la plus indubitable vérité.

2. - Qu'il ajoute plus de créance à la parole divine qu'à la parole humaine ; qu'il n'abandonne jamais cette école divine pour les leçons d'un homme.

3. - Qu'il soit persuadé que la parole de Dieu lui fera concevoir, selon le sens intérieur et secret, beaucoup de grands mystères, qui passeront inaperçus de ceux qui s'en tiennent au sens extérieur de l'Écriture.

DE L'HOMME INTÉRIEUR.
1. - Qu'il croie, selon l'enseignement du Verbe, que l'homme intérieur, ou l'âme, est beaucoup plus parfait que le corps ; et que par suite on doit tenir plus à son âme qu'au monde entier et à tous les biens terrestres.

2. - Qu'il estime de la sorte non seulement le salut éternel et la béatitude de l'âme, mais encore sa culture et son illumination pendant cette vie terrestre.

DE LA VIE FUTURE ET ÉTERNELLE.
1. - Que le disciple croie à une vie future, meilleure et sans fin.

2. - Que, dans cette vie éternelle, il y a des différences entre les élus.

DE LA SAGESSE DIVINE.
1. - Qu'il ait confiance en la promesse divine qui nous dit que, si l'on cherche en toute sincérité la Sagesse, nous l'obtiendrons selon la volonté de Dieu.

2. - Qu'il désire avec zèle cette Sagesse et tous ses avantages.

3. - Qu'il tienne, en face de la Sagesse divine, la sagesse humaine pour une folie.

4. - Qu'ainsi il s'en tienne à la Sagesse divine, et la préfère à la sagesse, à la philosophie et aux arts de ce monde.

5. - Que, dans ces études, il n'ait point en vue les honneurs temporels, mais seulement la culture de son Âme et son illumination éternelle et temporelle.

6. - Qu'il préfère le trésor céleste à tous les trésors terrestres.

7. - Qu'il s'efforce de détacher de plus en plus son coeur des affaires temporelles, pour le livrer tout entier à l'étude de la Sagesse divine et pour s'y soumettre absolument.

8. - Qu'il ne s'inquiète pas si, par l'obéissance à cette Sagesse, il s'attire la risée des sages de ce monde et qu'il passe à leurs yeux pour un fou.

CE QUI PEUT ÊTRE DONNÉ

Le moi est cette pierre rejetée par les constructeurs et qui est devenue la clef de voûte. La mort du Christ sur la croix est la mort mystique de l'égo. (Fr. Hartmann).

Il faut premièrement reconnaître le Christ et se fier à lui, deuxièmement appeler Marie.

Ni Aristote, ni Luther, ni Rome, ni les moines ne serviront à quelque chose en cette affaire. (Irenaeus Agnostus).

Voici ce que dit l'auteur du Frater Rosatae Crucis (57) :

« On arrive plus vite au Christ en imitant sa vie qu'en lisant beaucoup.

» Les Rose-Croix enseignent la Bible et Tauler. »

« Celui qui ne sait pas lire, dit Julianus de Campis (39), n'a qu'à écouter le prédicateur.

» Il faut non seulement aller vers le Christ, mais encore devenir un avec lui.

» Réaliser dans notre coeur la passion du Christ.

» II y a dans l'homme : corps, âme esprit (1 ThessaIoniciens V, 25 ; 1 Corinthiens II, 14 ; Luc I, 46, 47) ou bien trois hommes :

» l'homme sensuel ;

» l'homme animal raisonnable ;

» l'homme spirituel.

» Chacun doit porter sa croix et, pour cela, crucifier les deux premiers, et passer, pour le troisième, par l'humilité, le désespoir, la mort.

» Plus l'homme monte, plus sa croix devient lourde. »

« Le collège du Saint-Esprit, dit Schweighardt, est suspendu dans l'air, où Dieu veut, car c'est Lui qui le dirige. Il est mobile et immobile, stable et instable ; il se meut sur ses roues et par ses ailes ; et, quoique les frères sèment la Vérité par de claironnantes trompettes, Julien de Campis se tient toujours de l'autre côté, armé de l'épée de l'examen. Si tu as une mauvaise conscience, aucun pont, aucune corde ne te sauvera ; tu tomberas dans le puits de l'erreur d'autant plus profondément que tu auras été plus haut, et tu y périras. Suis-moi ; imite les oiseaux de l'air pur. Ils volent ; fais de même. Il n'y a pas de danger dans la lenteur, il y en a beaucoup dans la précipitation. Laisse voler les colombes hors de ton arche, pour voir si le pays refleurit : si elles te rapportent un rameau d'olivier, c'est que Dieu t'est venu en aide. Tu dois à ton tour porter aide aux pauvres. Si elles restent dehors sans preuve de vérité, va dans ton jardin, contente-toi de tes racines, plante la patience, protège ton âme du désespoir. Quoique julien dise : « Qui n'est pas apte aujourd'hui le sera encore moins demain ; on ne lutte pas de force contre la sagesse » ; l'heure viendra.

» Les frères ont le don d'ubiquité ; ils sont plus près de toi que tu ne le penses.

» Ce temple doit être très petit, car aucun frère n'y est demeuré plus longtemps que quatre semaines. Cependant ils voient de là tes pensées mieux que tu ne pourrais les manifester. Lis donc, en attendant, les vieux ouvrages de théologie ; celui de Thomas a Kempis, par exemple ; suis-les ; tu as là-dedans tout l'enseignement aussi net et beau qu'il serait digne d'être gravé sur l'or et les pierres précieuses. Mets-le en pratique d'une façon continue ; tu seras alors plus qu'à moitié Rose-Croix ; tu trouveras bientôt les Magnalia du Grand et du Petit Monde ; bientôt un frère t'apparaîtra. Tel est le seul chemin. »

« Le Christ, dit Madathanus, est l'arbre de vie par lequel sont adoucies les eaux amères de Mara ; nous sommes ses branches et nous fructifierons par sa vertu. Nous ne formons avec lui qu'un seul être. Sa chair et son sang spirituels sont l'aliment ou la teinture dont se nourrit le véritable homme intérieur, car chaque principe se nourrit de son analogue : le corps mortel se nourrit de la terre, le corps sidérique se nourrit du firmament, et l'âme vit par l'Esprit du Seigneur.

» L'homme intérieur ou le corps dynamique pur forme avec sa céleste fiancée, par la foi, une essence spirituelle qui est la chair du Christ, la teinture de vie, un amour igné et pénétrant. C'est de l'humanité spirituelle que Jésus a donné à ses disciples un corps et une vie célestes qu'il apporta du Ciel. La loi est un feu qui réduit en cendres la nature, Adam et la chair par la souffrance et la mort ; l'Évangile est une eau qui spiritualise par la grâce du Christ et de l'Esprit et qui produit la paix, la joie, la bénédiction et la vie ».
L'Imitation de Jésus-Christ demeure le manuel de tout aspirant à la couronne invisible des Rose-Croix. Ce livre, modeste et familier, dont l'auteur s'est dérobé pendant des siècles à l'admiration des hommes, est, après le Nouveau Testament, le plus sublime que la Providence ait donné à la race blanche. Celui qui pratiquerait parfaitement tous les conseils qu'il donne, dit Schweighardt, serait déjà plus qu'à moitié Rose-Croix. La vertu secrète qui lui confère un charme divin est cette alliance unique d'idéal et de réel, cette descente continuelle du sublime dans les soins vulgaires de la vie quotidienne, cette élévation ininterrompue du coeur qui transfigure les actes les plus communs.

Thomas a Kempis, que les travaux de l'érudition moderne ont prouvé être l'auteur de ce livre admirable, appartenait à la Société des Frères de la vie commune. J'ai eu entre les mains un de ses portraits. Rien dans la figure maigre, ni dans les traits irréguliers, ni dans le maintien placide de cet initiateur, ne décèle l'effort surhumain de sa volonté, ni les souffrances continuellement renouvelées par leur acceptation consciente. La laideur physique semble être un caractère commun des êtres en qui surabonde la splendeur morale ; comme si le Ciel voulait donner à ces âmes d'élite un principe terrestre si particulièrement pervers que leur lumière seule soit assez forte pour l'évoluer et l'harmoniser.

Donner une analyse de ce livre est impossible, car tout y est essentiel ; on peut seulement y retrouver les trois grandes divisions de la vie mystique : la purgative, l'illuminative et l'unitive, à chacune desquelles est consacrée l'une de ses trois premières parties. La quatrième, qui traite du sacrement de l'Eucharistie, ne paraît pas être autre chose qu'une addition écrite par quelque théologien désireux de faire rentrer dans le ritualisme ce guide de ceux qui adorent le Père en esprit et en vérité.

C'est, en effet, dans la nudité seule de cette chambre mystique où il est prescrit de nous réfugier pour la prière que notre âme respire un air assez fort pour la faire se détourner du voeu le plus intime de la nature humaine : la recherche du bonheur. L'antique serpent tapi au centre de nous-mêmes, enroulé autour du tronc de l'arbre de la Science, nous tente par les joies de la chair, par les joies de la raison, par les joies de l'orgueil. Bien rares sont les coeurs qui aperçoivent d'autres attraits, d'autres buts à leurs efforts; plus rares encore sont ceux qui, les apercevant, ont le courage de marcher vers la maladie, vers l'ignorance humaine, vers l'humiliation. Ceux-là seuls peuvent comprendre l'Imitation et se réjouir aux sublimités de l'Évangile.

Commenter l'oeuvre de l'humble Néerlandais serait faire un cours entier de mystique ésotérique ; et, à côté des secrets que j'y pourrais découvrir, combien d'arcanes n'oublierais-je point, empêchant peut-être d'autres chercheurs de les apercevoir ?

Schweighardt parle de la Vierge Sophia et de son jardin dans lequel, dit-il, il est entré, quoique indigne, et par lequel on passe pour arriver au but. Nous traduisons la prière qu'il donne à ce moment et qui nous a semblé fort belle :

« Seigneur, Père de toute sagesse, sois pitoyable envers le pauvre pécheur que je suis, éclaire mon coeur pour qu'il contemple tes merveilles ; enlève de moi tout péché humain, que je puisse te connaître, toi et tes Magnalia, par la force de la foi et la véracité de la confiance, que je comprenne tes bontés, que je devienne utile à mon prochain, pour l'amour de Jésus-Christ, ton Fils unique, qui règne, vit et permane avec toi et l'Esprit Saint, dans l'Éternité. Amen. Amen. Amen. »
Comme nous le confirme Gutmann (10) (58), l'homme repasse pendant la nuit ses paroles et ses actions du jour ; les examine, son esprit juge le bien et le mal ; Dieu lui envoie ses instructions par le moyen de ses anges et lui montre le vrai chemin. Car il y a une telle vertu dans les ténèbres qu'un homme de raison saine peut obtenir la nuit tout ce qui est nécessaire à lui-même et au bien du prochain ; mais le devoir lui incombe d'agir, le jour suivant, selon les enseignements qui lui ont été donnés et de marcher dans la lumière qu'il a reçue. C'est ainsi que la lumière pourra sortir des ténèbres.

Madathanus raconte ainsi comment il reçut la Lumière. Comme ce que l'on va lire est d'un symbolisme élevé, je laisserai au lecteur le soin d'en extraire une interprétation soit alchimique, soit magique, soit mystique.

Après une profonde méditation sur divers passages de l'Écriture sur l'histoire de Rachel, de Jacob et des Dudaïm (11), sur la dissolution du Veau d'or par Aaron, notre auteur s'endormit et vit en songe Salomon lui apparaître dans toute sa gloire. Les femmes, les courtisans et les capitaines du Prince-des-Mages défilaient processionnellement autour du « Centrum in Trigono Centri » ; son nom était comme une huile répandue dont le parfum pénètre tout, et son esprit de feu était une clef pour ouvrir le Temple, pénétrer jusqu'au Saint des saints et saisir la corne de l'Autel. Alors l'entendement du songeur fut ouvert ; il connut que, derrière lui, se tenait une femme nue ; elle était semblable à la bien-aimée du Shir-ha-shirim ; mais à sa poitrine une blessure ouverte laissait couler du sang et de l'eau ; ses habits étaient à ses pieds, déchirés et couverts de boue. Telle est la Nature occulte dévoilée, la vierge pure dont Adam a été créé ; elle habite dans le jardin ; elle dort dans la double caverne d'Abraham aux champs d'Ephron et son palais est bâti dans les profondeurs de la mer Rouge.

Le songeur s'effraya fort de voir toutes ces choses et d'entendre ces paroles. Mais Salomon le réconforta ; avec la sueur de sang de la Vierge il éclaira son entendement et fixa sa mémoire, afin qu'il puisse connaître la grandeur du Très-Haut, la hauteur, la profondeur, le fondement de toute la Nature. Le roi prit ensuite notre songeur par la main, et descendit avec lui dans un cellier d'où ils pénétrèrent dans une salle secrète et parée, aux fenêtres de cristal, d'où l'on voyait la chambre précédente, l'épouse du Roi et la Vierge nue. Salomon le pria de choisir celle des deux femmes qui lui plairait, lui assurant qu'il les aimait également. Parmi les princesses de la cour qui assistaient à l'entretien, une très vieille dame d'atours vêtue de gris, coiffée d'une toque noire ornée de perles et de soie rouge, enveloppée dans un manteau brodé à la turque, s'avança vers notre héros et lui affirma être la mère de la Vierge nue, l'adjurant de l'élire pour son épouse. « Je vous donnerai, ajouta-t-elle, pour nettoyer ses vêtements un sel fusible, une huile incombustible et un trésor inestimable ». Salomon lui donna donc cette Vierge, selon sa demande ; il y eut alors un tumulte dans la suite du roi et le songeur dormit jusqu'au matin. En se réveillant, il ne vit plus sur son lit que les vêtements souillés de sa fiancée ; il les conserva soigneusement pendant cinq ans, malgré la mauvaise odeur qu'ils dégageaient. Au bout de ce temps, ne sachant à quel usage ils pouvaient servir, il songea à s'en défaire. Alors lui apparut la vieille dame d'atours qui lui reprocha amèrement son incurie ; sous ces vêtements, en effet, qu'il n'avait ni lavés ni rangés, sont cachés des trésors. Elle lui expliqua ensuite que le dégoût qu'il avait manifesté, lors de son mariage, pour les vêtements souillés de sa fiancée, avait irrité Saturne, le grand-père de celle-ci, qui l'avait remise dans l'état où elle était avant de naître. Puis elle lui révéla le moyen de nettoyer ces parures et de leur rendre leur éclat primitif. Ainsi le songeur trouva le trésor universel.

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SIGNES SECRETS D'UN ADEPTE



1. Le Rose-Croix est patient.

2. Bon.

3. Il ne connaît pas l'envie.

4. Il ne se hâte pas.

5. II n'est pas vain.

6. Il n'est pas désordonné.

7. Il n'est pas ambitieux.

8. Il n'est pas irritable.

9. Il ne pense pas mal des autres.

10. Il aime la justice.

11. Il aime la vérité.

12. Il sait comment être silencieux.

13. Il croit à ce qu'il sait.

14. Son espérance est ferme.

15. Il ne peut être va ont>

16. II restera toujours membre de sa Société.

Ceci a été révélé à un pèlerin par un ange qui lui enleva le coeur et mit à sa place un charbon ardent. (Madathanus).

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DEVISE DES ROSE-CROIX

Ex Deo nascimur.

In Jesu morimur.

Per Spiritum Sanctum reviviscimus(12).

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RÈGLES ROSICRUCIENNES



1. Aime Dieu par-dessus tout.

2. Consacre ton temps au développement spirituel.

3. Sois entièrement altruiste.

4. Tempéré, modeste, énergique et silencieux.

5. Apprends à connaître l'origine des métaux en toi.

6. Garde-toi des prétentions.

7. Vis dans une adoration constante du bien suprême.

8. Apprends la théorie avant la pratique.

9. Exerce la charité envers tous les êtres.

10. Lis les anciens livres de la sagesse.

11. Cherche à comprendre leur sens secret.

12. Arcane réservé aux Rose-Croix. II est purement intérieur. (Madathanus).


(1) Le Gründlicher Bericht (56) renferme la même allégorie, sous une forme à peine différente. - Il y a trois sens à cette allégorie.
(2) Ces statuts et les règles qui suivent sont traduits de Madathanus.
(3) Lettre de F. G. Menapius, 15 juillet 1617.
(4) Clypeum veritatis.
(5) VILLIERS DE LISLE-ADAM : Axël.
(6) BULWER LYTTON: Zanoni.
(7) Zanoni.
(8) Zanoni.
(9) RUYSBROECK L'ADMIRABLE et VILLIERS DE L'ISLE-ADAM : L'Annonciateur.
(10) Livre VIII.
(11) La Vulgate traduit ce terme par le mot Mandragores.
(12) Cf. p. 51.