CHAPITRE IX
 

THÉOLOGIE



La Théologie rosicrucienne est basée sur le ternaire.

Les Rose-Croix reconnaissent, au centre absolu du plan divin, la Nature éternelle et incréée qui se distribue de la façon suivante:

- l'Esprit, l'éternelle Quintessence ;

- Dieu, l'éternelle Substance ;

- le Verbe, l'Essence des trois personnes divines, triple et une;

- l'Humanité divine, vie de feu, de lumière et d'esprit.

Cette sphère du soleil divin rayonne la Lumière de la Grâce, dont le Fiat produit le Temps et l'Espace. En elle sont contenues toutes les possibilités imaginables ; ce sont les eaux décrites dans les cosmogonies, sur lesquelles plane le souffle des Elohim et qui engendrent la Lumière de la Nature, qui est la première chose créée contenant les quatre qualités le froid, le chaud, le sec et l'humide. Ici se placent les opérations du Soleil naturel, à la fois feu, lumière, esprit et vie. L'Hylé primitive, centre de la Lumière de la Nature, est le principe du monde supérieur spirituel, le palais indicible de la Nature céleste zodiacale, réservoir des semences célestes, animales, végétales et minérales. Le corps de la Lumière de la Nature est le monde inférieur, corporel, composé de forme et de matière, des quatre éléments et des trois principes : sel, soufre et mercure.

Ces deux mondes, le supérieur et l'inférieur, sont semblables ; on y trouve une substance et trois principes dont l'ensemble forme le chaos d'où jaillit la fontaine d'eau vive, le Mercure des philosophes. Le Soufre des philosophes procède de la putréfaction ; il est l'âme. Le Sel procède de la calcination ; il est la forme. Le Mercure, l'enfant, provient de la conjonction ; lorsqu'on le coagule, on obtient l'Archée fixe et la Teinture.

Les manifestations du Tétragramme sont toujours à demi voilées ; elles envoient leurs rayons sur ce monde pendant leur jour, et ces rayons sont assimilés pendant leur nuit ; l'homme reçoit ces rayons par la prière et se les assimile par le travail.

La prière, c'est l'Ash, un feu alimenté par le Chaos, et qui volatilise les terres fixes ; le travail, c'est le fixateur du fluide, qui reproduit l'image des choses supérieures ; il doit être guidé par Rouach Hochmael, l'esprit de la Sagesse, et son type est la pyramide lumineuse, symbole immobile de la Trinité infiniment active.

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Résumons toutes ces idées par des extraits de Joachim de Flore qui a le mérite d'employer un langage assez clair et peu technique. On les trouvera exprimées également dans les écrits des Frères du Libre-Esprit.
 
 

DU FILS FAIT CHAIR ET DE L'ESPRIT FAIT SOUFFLE. LES SEPT DONS DE L'ESPRIT.


« Le Verbe s'étant fait chair habita parmi nous. II fut un Dieu-Né ; lui qui était invisible par la simplicité de sa nature, il se fit visible par son assimilation à la nature humaine. II voulut être personnifié par le mystère de la voix parmi les hommes visibles, de telle façon que ceux qui ne pouvaient pas arriver par la contemplation à pénétrer les mystères divins fussent amenés au sublime par de visibles exemples.

» Car il n'en est pas de même de ceux qui sont spirituels et de ceux qui sont charnels. Les yeux des spirituels sont ouverts aux choses divines. Mais pour cela les sept dons du Saint-Esprit leur sont nécessaires, dons que l'Esprit qui est Dieu distribue à chacun comme il lui plaît.

» Quand l'Esprit se répand dans les coeurs des fidèles à la Pentecôte, il s'y effuse.

» Ainsi il est insufflation alors que le Fils est incarnation et ce n'est pas par l'exemple de choses visibles qu'il rend meilleur, mais par l'insufflation de ses dons. » (Apocalypsis).


L'AMOUR SUBSTANCE DE L'ESPRIT

« Pour tous ceux qui voudront avoir la connaissance de l'Amour, qui est l'origine et la fin de toutes les vertus et de tous les efforts, ils n'ont qu'à voir ce qu'est la haine. Car la haine est de toutes choses la plus odieuse, celle qui ne doit jamais être pardonnée. Ainsi, que l'homme ne considère rien de plus détestable que la haine, ainsi il en est de Dieu, qui ne se manifeste entièrement que par l'Amour. Je te dis, s'il arrive que ton proche, si même il est ton frère, se montre de caractère difficile dans ses relations avec toi, et si pourtant tu sais qu'il t'aime au fond de son coeur, tu supporteras ses acrimonies avec une certaine indulgence. Si au contraire tu sais qu'il te hait, de quelques soins, de quelques caresses qu'il t'entoure, tu ne pourras supporter sa présence. II est certain que la haine est la pire iniquité, elle est telle que le gouffre de Charybde, quelque chose de monstrueux qui enveloppe, étouffe et tue. Et l'on ne peut vivre que par l'Esprit, qui est l'Amour dans sa substance.

» Il n'y a point de péché plus grave que la haine. On me dit qu'il y en a d'autres. Non pas, et, à mon tour, je dis que ceux qui veulent devenir les adeptes de la Vérité ont d'abord à écouter la vérité.

» Car il est certain qu'il n'y a point de rémission pour qui pèche contre l'Esprit, ni maintenant, ni jamais, car l'Esprit est l'Amour de Dieu et celui qui n'a pas l'Esprit n'a pas l'Amour. Or, l'Amour va vers l'Amour. Où il y a la haine, il n'y a pas l'Esprit, c'est-à-dire qu'il n'y a que la mort. » (Apocalypsis Nova)
 

LE PÈRE EST FORCE --- LE FILS, SAPIENCE --- L'ESPRIT, AMOUR.
« Sans l'Amour, la religion n'est qu'une apparence extérieure. Or, l'Amour vient et procède de la Sagesse, mais non de la sagesse puérile des hommes ; il vient de la Sagesse divine et c'est pourquoi la Sagesse divine le précède. II n'y a pas de vertu plus haute. On peut dire que la Sapience et l'Amour sont deux biens inestimables. Cependant des deux l'Amour est le plus haut, parce qu'il est l'émanation du Saint-Esprit.

» Ainsi, la Sagesse a procédé de la Force, car la Force inspire la crainte qui pousse à la Sagesse ; puis la Sagesse a une fin qui est l'Amour. L'âge du Père est celui de la Puissance, origine de la crainte ; l'âge du Fils est celui de la Sapience, et celui de l'Esprit se révèlera par l'Amour.

» Anciennement, le peuple des juifs n'avait connaissance de Dieu que par sa puissance qui inspirait la crainte ; il adorait dans la peur. Ce n'était qu'une partie de Dieu. Aujourd'hui, par le Fils, les chrétiens connaissent la Sapience. Mais ceux-là seuls connaîtront véritablement Dieu, et entièrement, qui connaîtront son Amour en connaissant le Saint-Esprit. Et cette lumière ne brillera pleinement que dans le troisième âge ». (Psalterion Décacorde).
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Dieu, selon Fludd, est cette pure et catholique unité qui comprend toute multiplicité et qui, avant la Création, doit être considérée comme un être transcendant, vivant en soi-même, d'une vie sans limites, en qui toutes les choses qui doivent devenir explicites sont implicitement contenues.

L'univers a été formé par Lui sur le modèle d'un monde archétype préexistant dans l'idée divine et extériorisé d'une manière triple. La Monade éternelle, sans sortir de sa propre profondité centrale, possède les trois dimensions : le point, le carré et le cube. L'unité multipliée par elle-même donne pour carré l'unité ; et ce carré multiplié par l'unité donne le cube, c'est-à-dire une autre unité. Telle est l'image suivant laquelle le monde créé sort de sa source première et y rentre.

Le Verbe de Dieu est triple. Il est d'abord le Seigneur Jésus-Christ, notre Sauveur ; il est ensuite ce par quoi Dieu a créé le monde et par quoi il conserve toute chose ; il est enfin la parole de la Loi, qui instruit les hommes et les élève jusqu'au Royaume éternel. Or la parole de Dieu est sa volonté ; et sa volonté, ce sont les anges revêtus de sa puissance ; mais les hommes n'entendent pas physiquement sa parole parce qu'ils seraient pulvérisés ; Adam est le seul avec qui il ait conversé. Il ne parle plus aux hommes qu'intérieurement, dans une langue universelle que chacun traduit aussitôt dans sa langue particulière ; ceux auxquels il parle sont dès lors illuminés et deviennent prophètes et voyants.

Le Verbe de Dieu, dans son action créatrice, est une lumière éternelle et invisible qui illumine les mondes et les hommes. La parole de l'homme dirige les animaux et agit sur ses semblables ; mais, s'il pouvait réaliser, par la foi christique, les oeuvres de Dieu, sa parole accomplirait miracles sur miracles ; si nous avions seulement de la foi gros comme un grain de sénevé, nous serions maîtres de la terre entière et de ses habitants

Pour les Rose-Croix, l'énigme du monde n'était que la descente perpétuelle du Verbe dans la chair et la régénération de celle-ci par l'Esprit ; l'Abîme devient la Lumière par miséricorde ; Dieu se réalise dans l'Homme par le Messie. Cette sortie, pour employer le langage de Boehme, s'effectue de toute éternité.

Le plan divin, d'après les Rose-Croix, est rempli par la triple essence de Jéhovah, de l'Esprit Saint et de Jésus. Pour l'école du XVIIe siècle, ce ternaire se résout en quaternaire par Maria, et en quinaire lorsque cette Maria descend dans le microcosme où elle prend le nom de Sophia.

Ainsi, l'essence divine qui, dans l'Éternité, se compose de Dieu, de la Personne et du Verbe, se manifeste, dans le Temps, comme Père, Fils et Esprit, et devient visible dans notre monde sous la forme du Christ Jésus, Dieu et homme. Tels sont les deux Paradis, céleste et terrestre. (Madathanus).

Le Dieu tri-un, ou Jéhovah, a tout créé de rien, dans le Chaos, par l'action de l'Esprit. Le primum Hyle des Sages en est extrait ; là se trouvent le firmament, les animaux, les minéraux, les végétaux, le macrocosme dont le centre est la quintessence ; le microcosme, la plus parfaite des créatures ; l'homme, l'image de Dieu, avec son âme immortelle qui est un feu céleste et invisible. Cette créature humaine est tombée ; mais vient le Messie, lumière de la grâce et de la nature ; ainsi, nous devons prendre conscience du Grand Livre de la Nature en commençant par l'Oméga, ou l'astre des nuits, puis en méditant par les vertus de la Rose crucifiée ; puis en taisant l'Alpha, le résultat. de la méditation, le soleil fécondant (1) (Madathanus).

Il y a trois choses admirables : Dieu et l'Homme, la Mère et la Vierge, la Trinité et l'Unité ; de même qu'il y a trois couleurs fondamentales : le jaune, le bleu et le rouge. (Madathanus). La Vierge, l'Église et l'Âme sont les trois épouses du Verbe, dans le Ciel, sur la Terre et dans l'Homme. C'est cette triple spécification de la Nature Essence que les Kabbalistes appellent la Shekinah, ou splendeur divine ; ils représentent la Shekinah sous la forme d'une rose.

Aucun oeil humain n'a vu Dieu ; les prophètes et les saints n'ont vu que la gloire qui l'enveloppe; son image la plus ressemblante est l'âme de l'homme. Seuls ceux qui ont le coeur pur verront Dieu, quand ils seront parvenus à la perfection. Sur cette terre Il daigne se révéler parfois aux justes pendant leur sommeil.

On voit immédiatement qu'il y a, dans le phénomène de la rédemption des hommes, deux éléments opposés : l'un venant d'en haut, la Grâce; l'autre venant d'en bas, de nous-mêmes, le Mérite. Quand le Verbe nous aide au moyen de la première, il apparaît comme Fils de Dieu ; quand il descend à notre niveau pour acquérir le second, il apparaît comme Sauveur. C'est de là que viennent les distinctions de la grâce efficiente et de la grâce efficace. Tous nos efforts se réduisent à obtenir, du côté de la grâce, la soumission aux peines, ou expiations, et, du côté du mérite, la libération du pacte formé avec le Mal. Ainsi les extrêmes du Fils de Dieu et du Sauveur se combinent dans une unité de troisième ordre, qui se produit dans l'âme humaine par la régénération, et qui a été figurée physiquement par la Transfiguration de Jésus-Christ.

Voyons maintenant de quelle façon peut ce décomposer l'action vivante du Sauveur sur le monde.

Nous sommes spectateurs et acteurs d'une lutte morale entre les puissances bonnes et les puissances mauvaises, devant aboutir soit au triomphe du Bien, soit au triomphe du Mal. Un succès momentané du Mal sur le Bien produit le Martyre; au contraire, une victoire du Bien sur le Mal ne se remporte pas sans que le vainqueur souffre une Passion. Dans les deux cas, c'est la souffrance pour l'homme ; dans le premier, en mode matériel. dans le second, en mode divin.

Martyre et Passion ont chacun leur résultat : le premier, par le mystère de la propagation de la foi; la seconde, en provoquant la descente d'une assistance surnaturelle. Ainsi s'évoque l'action sur la terre de la justice éternelle qui inaugure l'ère, attendue de tous les mystiques, du Règne de Dieu.

Le commencement de toutes choses et leur développement sont inscrits dans le Livre éternel de la mémoire de Dieu ; c'est le même que le Livre de Vie dont parle certaine école mystique. Bienheureux ceux qui peuvent y tracer leurs noms. Ceux-là sont les enfants de Dieu ; à eux seuls sont révélés quelques-uns des secrets de la Sagesse, mais quelques-uns seulement, car il y en a un si grand nombre qu'il faudrait cinq cents ans pour les énumérer. Ces secrets sont très occultes, parce qu'ils pourraient être mal employés et que les hommes, qui méprisent déjà les deux ou trois qu'ils connaissent, les profaneraient tous (2).

Ce Livre de Vie a, comme toutes les réalités spirituelles, son représentant sur terre, ainsi que l'explique le passage suivant :

« Le livre de l'Apocalypse scellé de sept sceaux est le Livre de Vie qui contient toutes les activités de la Teinture, selon l'Éternité et le Temps. Cette teinture est l'homme, dont le nombre est 666. Ainsi :

» Toute sagesse est contenue dans un seul livre, toute vertu dans une seule pierre, toute beauté dans une seule fleur, toute richesse dans un seul trésor, et toute béatitude dans un seul bien, qui sont Jésus-Christ, l'alpha et l'oméga, crucifié et ressuscité, source, arbre, lumière et livre de la vie. » (Madathanus)

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Si maintenant l'on interroge la commune doctrine d'Hénoch et de Moïse, ces deux hommes mystérieux dont le genre de mort indique l'initiation, on verra que la théologie primitive, antédiluvienne puis-je dire, de l'Institut rosicrucien se réduit aux données suivantes, en admettant toutefois que je n'aie pas commis d'erreurs dans la lecture de ces textes vénérables.

Et, tout d'abord, il existe un seul vrai Dieu dont tous les autres ne sont que les lieutenants. Ce Dieu un se manifeste à l'homme par le fait seul de la réciprocité de leurs existences à l'un et à l'autre. Et l'homme, qui le cherche à travers les innombrables formes de l'existence universelle, le découvre en s'apercevant que ces formes ne sont que les signes relatifs de ses perfections absolues.

Ainsi le Maitre du monde apparaissait aux patriarches préhistoriques, tout d'abord comme la Réalité absolue, puis comme la Vie universelle, enfin comme l'ensemble des rapports incessants qui unissent toutes les étincelles de cette Réalité avec toutes les formes de cette Vie. C'est ce que le christianisme nommera, dans l'année platonique suivante : le Père, le Fils et le Saint-Esprit, se déployant selon l'harmonie dans le Royaume des Cieux.

Ces trois pôles de la divinité s'expriment dans l'enceinte de l'Absolu, si je puis employer cette formule ; et cette expression, ce sont les anges, lesquels deviennent, en passant dans l'enceinte du Relatif, des démons, des hommes ou des dieux, par une dépolarisation de leur volonté.

Le dénombrement, ou plutôt la classification de ces anges diffère suivant l'aspect sous lequel on les envisage ; car leur nombre demeure constant, puisque le point de vue d'où on les observe est fixe. Ceux-là seuls qui ont parcouru l'univers tout entier et qui ont reçu des propres mains du Verbe éternel le baptême de l'Esprit peuvent changer sans fin leurs postes d'observation.

Le Père est la base indispensable de tout ; il est au centre, ou plutôt à l'origine de tout être, caché sous un mystère inviolable ; il crée tout, il qualifie tout, il modifie tout, il mobilise tout : il est le foyer de tous les pôles, le mètre de toutes les quantités, l'origine de tous les mouvements, le schéma de tous les organismes.

L'Esprit est partout ; il constitue la substance même et l'atmosphère du Royaume de Dieu ; il établit toutes les relations entre les habitants de ce Royaume, sans jamais revêtir de forme ; il spécifie, dans l'Absolu, les volontés du Père ; il est le grand organisateur et le grand semeur des étincelles de la Lumière divine ; il unit le Père au Fils et le Fils au Père ; il supplée même, pour ainsi dire, le Verbe dans l'oeuvre de la création ; il l'accommode, l'adapte, le rend assimilable aux êtres surnaturels et aux naturels ; il localise et il universalise ; il limite enfin la portion du Néant sur laquelle l'Exister va se produire.

Le Fils ou Verbe, l'aspect de Dieu le plus proche de nous et le moins incompréhensible, est unique dans son essence : la Vie absolue, l'Être. Lorsqu'il reste indépendant de toute substance, il est immuable ; lorsqu'il le décide, il revêt des formes, des mouvements et des temps. C'est alors que l'âme de l'homme peut, non pas le comprendre, mais le sentir. Il est faction du Père et tous les êtres tiennent de lui la faculté d'agir ; dans cet état, il revêt une triple forme, ce qui fait que les hommes l'adorent sous des noms différents, soit qu'il se manifeste dans la pureté où il sort du sein du Père, soit qu'il se cache sous les dissonances du concert universel, dans le monde du binaire, soit qu'il s'efforce de reprendre les volontés irrégulières des êtres pour les ramener à l'unité primitive. Chacune de ces trois formes se déploie selon un mode qui lui est propre, mais dont l'examen nous entrainerait à tracer toute une ontologie. Enfin, ce Verbe et ses sous-multiples se modifient, de quatre façons, dans leur activité : soit qu'ils se présentent simplement au milieu qu'ils se proposent d'évertuer, soit qu'ils s'entourent d'abord pour cela de leurs auxiliaires subordonnés, soit qu'ils se revêtent de la substance des créatures sur lesquelles ils veulent agir pour se mettre tout à fait à leur portée, soit enfin qu'ils s'incarnent dans l'esprit même d'une ou plusieurs de ces dernières, afin de leur porter un secours plus efficace. Ces verbes, le central et ses innombrables sous-multiples, agissent toujours, dans un lieu donné, au centre de ce lieu, dans l'endroit qui offre l'image temporelle de la perpétuellement active Éternité ; ils sont toujours au présent ; ce sont leurs rayons émanés qui subissent l'action du Temps. Enfin, ils achèvent de s'individualiser, toujours afin d'être mieux utilisés par les créatures individualistes, en se spécialisant selon les modes intellectuels propres à chaque classe de ces dernières.

Ainsi l'univers est le signe de Dieu ; l'agglomération du chaos reçoit la lumière vitalisante du Verbe : toutes les molécules substantielles s'animent dès lors ; elles prennent contact, se mêlent, se séparent, se groupent, luttent, se transforment et s'harmonisent peu à peu, selon que l'Esprit les pénètre et les attire vers le centre éternel qui leur a donné naissance.
 


(1) Lege, judice, tace.
(2) GUTMANN, livre I.