Première partie (B) :
DIEU
 

La Divine Essence Même est l'Amour et la Sagesse

    28. Si l'on soumet toutes ses connaissances à un examen attentif, et qu'on recherche, dans une élévation de l'esprit, l'universel de toutes choses, on arrive inéluctablement à la conclusion que cet universel est l'Amour et la Sagesse, qui sont les deux essentiels de toutes les choses de la vie de l'homme. Toute la vie civile, morale et spirituelle de l'homme en dépend et ne serait rien sans eux. Il en est de même de toutes les choses de la vie d'une société grande ou petite, d'un pays, de l'Eglise, et aussi du ciel angélique. Sans l'amour et la sagesse dont ils procèdent, ils ne sont rien.

    29. Personne ne peut nier qu'en Dieu il y ait l'Amour et en même temps la Sagesse dans leur essence même, car d'après l'Amour en Soi, Dieu aime tous les hommes, et d'après la Sagesse en Soi Il les conduit tous. L'univers créé, considéré d'après l'ordre, est même tellement plein de la sagesse procédant de l'amour, que toutes les choses dans le complexe paraissent comme la sagesse même. Car elles y sont successivement et simultanément sans limite dans un tel ordre, que prises ensemble elles font un tout. C'est seulement ainsi, et non autrement, qu'elles peuvent être tenues en cohésion et être perpétuellement conservées

    30. Parce que la Divine Essence Même est l'Amour et la Sagesse, l'homme a en lui deux facultés de la vie ; d'après l'une il a l'entendement, et d'après l'autre il a la volonté. La faculté d'après laquelle il a l'entendement, tire tout ce qui lui appartient de l'influx de la sagesse procédant de Dieu, et la faculté d'après laquelle il a la volonté, tire tout ce qui lui appartient de l'influx de l'amour procédant de Dieu. Lorsque l'homme n'est pas sage et n'aime pas comme il le devrait, ces facultés ne sont pas ôtées, mais elles sont seulement fermées ; et tant qu'elles le sont, l'entendement, il est vrai, est appelé entendement, et la volonté est appelée volonté, mais toujours est-il qu'en essence ils ne le sont pas. Si ces deux facultés étaient ôtées, alors périrait tout ce qui est humain, car l'humain consiste à penser, et d'après la pensée à parler et aussi à vouloir, et d'après la volonté à agir. Il est donc évident que le Divin réside chez l'homme dans ces deux facultés, qui sont celle d'être sage et celle d'aimer, c'est-à-dire que l'homme peut être sage et peut aimer. L'homme garde toujours la possibilité d'aimer et d'être sage, même s'il ne s'en sert pas comme il le devrait ; je l'ai compris par de nombreuses expériences qui seront rapportées ailleurs.

    31. Parce que la Divine Essence Même est l'Amour et la Sagesse, toutes les choses dans l'univers se réfèrent au bien et au vrai, car tout ce qui procède de l'amour est appelé bien, et tout ce qui procède de la sagesse est appelé vrai. Mais ce sujet sera traité plus amplement dans la suite.

    32. Parce que la Divine Essence Même est l'Amour et la Sagesse, l'univers et toutes les choses qu'il renferme, tant vivantes que non vivantes, subsistent d'après la chaleur et la lumière ; car la chaleur correspond à l'amour, et la lumière correspond à la sagesse. De ce fait la chaleur spirituelle est l'amour, et la lumière spirituelle est la sagesse. Il en sera donné de plus amples détails ci-dessous.

    33. Toutes les affections et toutes les pensées de l'homme tirent leur origine du Divin Amour et de la Divine Sagesse, lesquels font la Divine Essence qui est Dieu ; les affections proviennent du Divin Amour, et les pensées de la Divine Sagesse. Toutes et chacune des choses de l'homme ne sont qu'affection et pensée, qui sont comme les sources de toutes les choses de sa vie. Tous les plaisirs de sa vie proviennent de l'affection de son amour, et tous les charmes de la pensée de cette affection. Maintenant, puisque l'homme a été créé pour être un réceptacle, et qu'il est réceptacle dans la mesure où il aime Dieu, et que d'après l'amour envers Dieu il a de la sagesse, c'est-à-dire dans la mesure où il a de l'affection pour les choses qui procèdent de Dieu, et qu'il pense d'après cette affection, il s'ensuit que la Divine Essence qui est le Créateur, est le Divin Amour et la Divine Sagesse.

Le Divin Amour appartient à la Divine Sagesse
et la Divine Sagesse appartient au Divin Amour

    34. On voit ci-dessus, aux N°s 14 à 16, que le Divin Être et le Divin Exister dans Dieu-Homme sont distinctement un. Comme le Divin Être est le Divin Amour, et que le Divin Exister est la Divine Sagesse, ainsi le Divin Amour et la Divine Sagesse sont de même distinctement un. Ils sont dits distinctement un, parce que l'amour et la sagesse sont deux choses distinctes, mais tellement unies, que l'amour appartient à la sagesse, et la sagesse à l'amour, car l'amour est dans la sagesse, et la sagesse existe dans l'amour. Comme la sagesse tire son exister de l'amour, N° 15, il en résulte que la Divine Sagesse est aussi l'Être. Il s'ensuit que l'amour et la sagesse pris ensemble sont le Divin Être, mais que pris distinctement, l'amour est appelé Divin Être, et la sagesse Divin Exister. Telle est l'idée angélique sur le Divin Amour et la Divine Sagesse.

    35. Puisque telle est l'union de l'amour avec la sagesse et de la sagesse avec l'amour dans Dieu-Homme, la Divine Essence est une. Car la Divine Essence est le Divin Amour parce que cet Amour appartient à la Divine Sagesse, et elle est la Divine Sagesse parce que cette Sagesse appartient au Divin Amour. Puisque telle est leur union, la Divine Vie aussi est Une. La vie est la Divine Essence. Le Divin Amour et la Divine Sagesse sont un parce que l'union est réciproque, et que l'union réciproque fait l'unité. Il en sera dit davantage ailleurs sur l'union réciproque.

    36. L'union de l'amour et de la sagesse est aussi dans toute œuvre Divine ; de cette union vient la perpétuité et même l'éternité de l'œuvre. S'il y avait plus de Divin Amour que de Divine Sagesse, ou plus de Divine Sagesse que de Divin Amour dans quelque œuvre créée, celle-ci ne subsisterait qu'en tant qu'il y aurait autant de l'un que de l'autre ce qu'il y a en surplus se dissiperait.

    37. La Divine Providence dans l'action de réformer, régénérer et sauver les hommes, participe également du Divin Amour et de la Divine Sagesse. Avec plus de Divin Amour que de Divine Sagesse, ou plus de Divine Sagesse que de Divin Amour, l'homme ne peut être ni réformé, ni régénéré, ni sauvé. Le Divin Amour veut sauver tous les hommes, mais il ne peut sauver que par la Divine Sagesse, et à la Divine Sagesse appartiennent toutes les lois par lesquelles se fait la salvation. L'Amour ne peut transgresser ces lois, puisque le Divin Amour et la Divine Sagesse font un, et agissent en union.

    38. Dans la Parole le Divin Amour est entendu par la justice et la Divine Sagesse par le jugement, c'est pourquoi il y est dit justice et jugement en parlant de Dieu. Par exemple, dans David La justice et le Jugement sont le soutien de ton trône. Ps. LXXXIX, 15. - Jéhovahfera sortir comme la lumière ta justice et ton jugement comme le midi. - Ps. XXXVII, 6. - Je me fiancerai à toi pour l'éternité en justice et en jugement - Osée 11, 19. Je susciterai à David un germe juste qui régnera en roi il pratiquera le jugement et la justice dans le pays - Jérémie XXIII. 5. Il sera assis sur le trône de David et sur son royaume, pour l'affermir en jugement et en justice - Esaïe IX, 6. Exalté sera Jéhovah parce qu'I1 a rempli Sion de jugement et de justice - Esaïe XXXIII, 5. - Quandj'aurai appris les jugements de ta justice : sept fois dans le jour je te loue sur les jugements de ta justice - Ps CXIX, 7, 164. - La même chose est entendue par la vie et par la lumière dans Jean 1, 4 : En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes. Par la vie est entendu le Divin Amour du Seigneur, et par la lumière sa Divine Sagesse. La même chose est encore entendue par la vie et par l'esprit dans Jean VI, 63 : Jésus dit : les Paroles que je vous ai dites sont esprit et vie.

    39. Dans l'homme, l'amour et la sagesse paraissent comme deux choses séparées, néanmoins en elles-mêmes elles sont distinctement un, parce que chez l'homme la sagesse est telle qu'est l'amour, et l'amour tel qu'est la sagesse. La sagesse qui ne fait pas un avec son amour, semble être la sagesse, cependant elle ne l'est pas ; et l'amour qui ne fait pas un avec sa sagesse, semble être l'amour de la sagesse, mais il ne l'est pas, car réciproquement, l'un doit tirer de l'autre son essence et sa vie. La sagesse et l'amour chez l'homme paraissent comme séparés, parce que chez lui la faculté de comprendre est susceptible d'être élevée dans la lumière du ciel, mais non la faculté d'aimer, si ce n'est dans la mesure ou l'homme agit d'après sa compréhension. Toute sagesse apparente qui ne fait pas un avec l'amour de la sagesse, retombe dans l'amour qui fait un avec elle ; amour qui peut être celui de la non-sagesse, et même celui de la folie. Ainsi l'homme peut savoir d'après la sagesse, qu'il doit faire telle ou telle chose, et néanmoins il ne la fait pas, parce qu'il ne l'aime pas. Mais dans la mesure où l'homme fait par amour ce que la sagesse enseigne, il est une image de Dieu.

Le Divin Amour et la Divine Sagesse
sont une substance et une forme

    40. Pour les hommes en général, l'amour et la sagesse sont comme des choses qui planent et flottent dans un air raréfié ou éther, ou comme ce qui émane de quelque chose de semblable. Très rares sont ceux qui pensent que cet amour et cette sagesse sont en réalité et en actualité une substance et une forme. Même ceux qui le pensent croient que l'amour et la sagesse sont hors du sujet et découlent de lui. Car ils nomment substance et forme ce qu'ils pensent être hors du sujet et découlant de lui, même si c'est quelque chose qui plane et flotte, ne sachant pas que l'amour et la sagesse sont le sujet lui-même, et que ce qui est perçu comme planant et flottant n'est que l'apparence de l'état du sujet en lui-même. Pour plusieurs raisons cela n'a pas été vu jusqu'à présent. Par exemple, les apparences sont les premiers rudiments par lesquels le mental humain forme son entendement, et il ne peut les dissiper que par la recherche de la cause. Si la cause est profondément cachée, le mental ne peut l'explorer, à moins qu'il ne garde longtemps son entendement dans la lumière spirituelle ; mais il ne peut l'y tenir longtemps parce que la lumière naturelle l'en retire continuellement. Néanmoins l'amour et la sagesse sont en réalité et en actualité une substance et une forme, qui constituent le sujet lui-même. Telle est la vérité.

    41. Mais comme cette vérité est contre l'apparence, elle ne peut être acceptée sans être démontrée, et elle ne peut être démontrée que par des choses que l'homme peut percevoir d'après les sens de son corps. L'homme a cinq sens externes. Le sujet du toucher est la peau dont l'homme est enveloppé ; la substance même et la forme même de la peau font qu'il sent les choses qui y sont appliquées. Le sens du toucher, n'est pas dans les choses appliquées, mais il est dans la substance et la forme de la peau, lesquelles sont le sujet. Ce sens n'est que l'impression produite sur le sujet par les choses qui ont été appliquées. Il en est de même du goût ; ce sens n'est que l'impression produite sur la substance et la forme de la langue qui, elle, est le sujet. Il en va de même de l'odorat ; on sait que l'odeur affecte les narines, qu'elle est dans les narines, et qu'elle est l'impression produite dans les narines par les particules odoriférantes qui les touchent. Il en est de même de l'ouïe ; il semble que l'ouïe soit dans le lieu où le son commence, mais l'ouïe est dans l'oreille, et elle est l'impression produite sur la substance et la forme de l'oreille. Que l'ouïe soit à distance de l'oreille n'est qu'une apparence. Il en est de même de la vue ; lorsque l'homme voit des objets, il semble que la vue soit à une certaine distance, néanmoins la vue est dans l'oeil qui est le sujet, et pareillement elle est l'impression produite sur le sujet. La distance vient seulement du jugement qui conclut sur l'espace d'après les intermédiaires, ou d'après la diminution et par suite d'après l'imprécision de l'objet, dont l'image se présente intérieurement dans l'oeil selon l'angle d'incidence. Il est donc évident que la vue ne va pas de l'oeil vers l'objet, mais que l'image de l'objet entre dans l'oeil, et en affecte la substance et la forme. En effet, il en est de la vue comme de l'ouïe, celle-ci ne sort pas non plus de l'oreille pour saisir le son, mais le son entre dans l'oreille et l'affecte.

    D'après ces explications, on peut voir que l'impression produite sur la substance et la forme, qui fait le sens, n'est pas quelque chose de séparé du sujet, mais qu'elle y occasionne seulement un changement, le sujet restant toujours le même. Il s'ensuit que la vue, l'ouïe, l'odorat, le goût et le toucher ne sont pas quelque chose de subtil effluant de leurs organes, mais qu'ils sont les organes considérés dans leur substance et dans leur forme ; quand les organes sont affectés, la sensation se produit.

    42. Il en est de même de l'amour et de la sagesse, avec la seule différence que les substances et les formes, qui sont l'amour et la sagesse, ne paraissent pas devant les yeux, comme les organes des sens externes. Néanmoins personne ne peut nier que les choses de l'amour et de la sagesse, qui sont nommées pensées, perceptions et affections, soient des substances et des formes, et non des entités subtiles qui sortent du néant ou qui proviennent de substances et de formes réelles et actuelles qui sont des sujets. En effet, il y a dans le cerveau d'innombrables substances et d'innombrables formes, dans lesquelles réside tout sens intérieur qui se réfère à l'entendement et à la volonté. On peut voir d'après ce qui vient d'être dit des sens externes, que toutes les affections, les perceptions et les pensées n'y sont pas des souffles exhalés de ces substances et de ces formes, mais qu'elles sont en actualité et en réalité des sujets qui n'émettent rien d'eux-mêmes, mais qui seulement subissent des changements selon ce qui leur parvient et les affecte. Il en sera dit davantage ci-dessous.

43. On peut voir d'après ces explications que le Divin Amour en soi et la Divine Sagesse en soi sont une substance et une forme, car ils sont l'Être même et l'Exister même. Si un tel Être et un tel Exister n'étaient, comme ils le sont, une substance et une forme, ils ne seraient qu'un être de raison, qui en soi n'est rien.

Le Divin Amour et la Divine Sagesse sont
la Substance en Soi et la Forme en Soi
ainsi le Soi-Même et l'Unique

    44. Il vient d'être confirmé que le Divin Amour et la Divine Sagesse sont une substance et une forme ; il a aussi été dit que le Divin Être et le Divin Exister sont l'Être et l'Exister en soi. Il ne peut être dit que c'est l'Être et l'Exister d'après soi, parce que cela implique un commencement, commencement d'après quelqu'un en qui serait l'Être et l'Exister en soi.

    Mais l'Être même et l'Exister même en soi est de toute éternité. L'Être même et l'Exister même en soi est aussi incréé, et toute chose créée ne peut l'être que d'après l'Incréé. Ce qui a été créé est aussi fini, et le fini ne peut non plus exister que d'après l'Infini.

    45. Celui qui peut, par une pensée profonde, percevoir et saisir l'Être et l'Exister en soi, percevra et saisira pleinement que c'est le Soi-Même et l'Unique. Est appelé le Soi-Même ce qui seul Est, et l'Unique ce dont procède tout autre. Maintenant comme le Soi-Même et l'Unique est une substance et une forme, il s'ensuit que c'est la Substance même et Unique, et la Forme même et Unique. Comme cette Substance même et cette Forme même est le Divin Amour et la Divine Sagesse, il s'ensuit que c'est l'Amour même et unique et la Sagesse même et unique. Par conséquent c'est l'Essence même et unique, et aussi la Vie même et unique, car l'Amour et la Sagesse, c'est la Vie.

    46. Ainsi, on peut voir combien ceux qui disent que la nature est d'après elle-même, pensent sensuellement, c'est-à-dire, d'après les sens du corps, et d'après l'aveuglement de ces sens dans les choses spirituelles. Ils pensent d'après l'apparence, pensée qui ferme l'entendement, et ne peuvent penser d'après l'entendement, pensée qui ouvre la vue. Ils ne peuvent penser quelque chose sur l'Être et l'Exister en soi, ni penser que c'est l'Eternel, l'Incréé et l'Infini. Ils ne peuvent également rien penser sur la vie, sinon comme d'une chose éthérée qui tombe dans le néant ; ils pensent de même de l'Amour et de la Sagesse, ne comprenant pas que de l'un et de l'autre procèdent toutes les choses de la nature. On ne peut non plus voir que toutes les choses de la nature procèdent de l'Amour et de la Sagesse, à moins que la nature ne soit considérée, non d'après quelques-unes de ses formes, qui sont les objets de l'oeil seul, mais d'après les usages dans leur série et dans leur ordre. Car les usages ne proviennent que de la vie, et leur série et leur ordre ne proviennent que de la sagesse et de l'amour, cependant que les formes ne sont que les contenants des usages. Si on ne considère donc que les formes, on ne peut voir quelque chose de la vie dans la nature, ni à plus forte raison quelque chose de l'amour et de la sagesse, ni par conséquent, quelque chose de Dieu.

Le Divin Amour et la Divine Sagesse
ne peuvent qu'Être et Exister
dans d'autres, créés par Eux.

    47. L'essentiel de l'amour n'est pas de s'aimer, mais d'aimer les autres et d'être conjoint à eux par amour. L'essentiel de l'amour est aussi d'être aimé des autres, car alors la conjonction se fait. L'essence de tout amour consiste dans la conjonction, qui est sa vie même qu'on appelle plaisir, charme, délice, douceur, béatitude, bonheur et félicité. Aimer, c'est vouloir que ce qui est sien soit à un autre, et sentir le plaisir de l'autre comme un plaisir en soi ; c'est aimer le prochain. Mais sentir son plaisir dans un autre, et non le plaisir de l'autre en soi, ce n'est pas aimer, c'est s'aimer soi-même. Ces deux amours sont diamétralement opposés. L'un et l'autre, il est vrai, conjoignent, et il ne semble pas que s'aimer dans un autre disjoigne, cependant cela disjoint au point, qu'autant quelqu'un a aimé un autre de cette façon, autant ensuite il le déteste, car une telle conjonction se dissout graduellement d'elle-même, et l'amour se change en haine dans le même degré.

    48. Celui qui peut discerner le caractère essentiel petut voir cela. En effet, n'aimer que soi et non un autre de qui on est aimé en retour, n'est-ce pas une séparation plutôt qu'une conjonction ? La conjonction de l'amour existe par la réciprocité, et il n'y a pas de réciprocité dans un seul être. Croire que cela est possible n'est que pure imagination. Il est ainsi évident que le Divin Amour doit nécessairement être et exister en d'autres, qu'il aime, et dont il est aimé. Puisque cette nécessité existe dans tout amour, elle doit être dans toute sa plénitude, c'est-à-dire, infiniment dans l'Amour Même.

    49. Quant à ce qui concerne Dieu, il lui est impossible d'aimer d'autres et d'être aimé par d'autres, dans lesquels il y aurait quelque chose de l'infini, ou quelque chose de l'essence et de la vie de l'amour en soi, ou quelque chose du Divin. Car si quelque chose de l'infini, ou de l'essence et de la vie de l'amour en soi, c'est-à-dire, quelque chose de Divin était en eux, alors Dieu ne serait pas aimé par d'autres,
mais Il s'aimerait Lui-même. Puisque l'infini ou le Divin est unique, s'Il était dans d'autres, le Soi-Même serait en eux, et ce serait l'amour même de soi, dont il ne peut y avoir la moindre trace dans Dieu, car c'est absolument l'opposé de l'essence Divine. Par conséquent, pour que cette relation d'amour ait lieu, il faut qu'il y ait des êtres n'ayant rien du Divin en eux. On verra plus loin que cela a lieu dans des êtres créés par le Divin. Mais pour cela il faut qu'il y ait la Sagesse Infinie qui fasse un avec l'Amour Infini, c'est-à-dire, qu'il y ait le Divin Amour de la Divine Sagesse, et la Divine Sagesse du Divin Amour, dont il a été traité ci-dessus, aux N°s 34 à 39.

    50. De la perception et de la connaissance de cet arcane dépendent la perception et la connaissance de toutes les choses de l'existence ou de la création, aussi de toutes celles de la subsistance ou de la conservation par Dieu, c'est-à-dire, de toutes les œuvres de Dieu dans l'univers créé, dont il sera parlé dans la suite.

    51. Mais il faut se garder d'obscurcir ses idées avec la notion de temps et d'espace. En effet, dans la mesure où cette notion occupera les idées, on ne comprendra pas ce qui va suivre, car le Divin n'est ni dans le temps ni dans l'espace. On le verra clairement tout au long de cet ouvrage, spécialement dans les explications au sujet de l'Eternité, de l'Infinité et de la Toute-Présence.

Toutes choses dans l'univers ont été créées
par le Divin Amour et par la Divine
Sagesse de Dieu-Homme

    52. L'univers, dans les très grands et dans les très petits, dans les premiers et dans les derniers, est tellement plein du Divin Amour et de la Divine Sagesse, qu'on peut dire qu'il est le Divin Amour et la Divine Sagesse en image. On voit manifestement qu'il en est ainsi d'après la correspondance de toutes les choses de l'univers avec toutes celles de l'homme. Cette correspondance est si exacte qu'on peut dire que l'homme aussi est un univers. Il y a correspondance de ses affections, et par suite de ses pensées avec toutes les choses du règne animal ; de sa volonté, et par suite de son entendement avec toutes celles du règne végétal ; et de sa vie la plus externe avec toutes celles du règne minéral. Une telle correspondance n'est pas apparente dans le monde naturel, mais elle est visible dans le monde spirituel pour quiconque y fait attention. Dans ce monde il y a toutes les choses qui existent dans les trois règnes du monde naturel, et elles sont les correspondances des affections, d'après la volonté, et des pensées d'après l'entendement, et aussi des choses les plus externes de la vie de ceux qui y sont. Les unes et les autres apparaissent autour d'eux dans un aspect tel qu'est celui de l'univers créé, avec cette différence que c'est dans une plus petite effigie. Par là il est bien évident pour les anges que l'univers créé est l'image représentative de Dieu-Homme, et que c'est son Amour et sa Sagesse qui se présentent en une image dans l'univers, non pas que l'univers créé soit Dieu-Homme, mais parce qu'il vient de Lui ; car rien dans l'univers créé n'est substance et forme en soi, ni vie en soi, ni amour et sagesse en soi ; l'homme non plus n'est pas homme en soi, mais tout vient de Dieu qui est l'Homme, la Sagesse et l'Amour, la Forme et la Substance en soi. Ce qui est l'Être-en-Soi est Incréé et Infini ; mais ce qui vient de Dieu, puisqu'il ne contient rien de l'Être-en-Soi, est créé et fini, et présente une image de Celui par qui il est et existe.

    53. L'être et l'exister, puis la substance et la forme, comme aussi la vie et même l'amour et la sagesse, peuvent être attribués aux objets créés et finis, mais ces attributs sont tous créés et finis. Si ces choses peuvent être attribuées à ces objets, ce n'est pas qu'elles possèdent quelque Divin, mais c'est qu'elles sont dans le Divin et que le Divin est en elles. En effet, tout ce qui a été créé est en soi inanimé et mort, mais il est animé et vivifié parce que le Divin est dans les choses créées et finies, et qu'elles sont dans le Divin.

    54. Le Divin est toujours le même dans tous les sujets, mais ce sont les sujets créés qui diffèrent les uns des autres, car il n'y en a pas deux qui soient semblables, par suite chaque chose est un contenant différent ; il en résulte que le Divin dans son image se présente sous des formes variées. La présence du Divin dans les opposés sera traitée ultérieurement.