DOCTRINE DE LA CHARITÉ
 

I

LA PREMIÈRE CHOSE DE LA CHARITÉ EST DE SE TOURNER VERS LE SEIGNEUR ET DE FUIR LES MAUX PARCE QU'ILS SONT DES PÉCHÉS CELA SE FAIT PAR LA PÉNITENCE.

  1°L'homme reste dans les maux, tant qu'il ne se tourne pas vers le Seigneur, et ne les fuit pas comme péchés.
   L'homme naît dans les maux de tout genre ; sa volonté, qui est son propre, n'est autre chose que le mal : si donc l'homme n'est ni réformé, ni régénéré, non-seulement il reste comme il est né, mais il devient même plus mauvais, parce qu'aux maux reçus par héritage il ajoute de soi-même les maux actuels. Tel reste l'homme, s'il ne fuit pas les maux comme péchés ; les fuir comme péchés, c'est les fuir comme diaboliques et infernaux, et ainsi comme causant la mort, surtout en ce qu'il y a en eux la damnation éternelle : si l'homme les regarde ainsi, il croit alors qu'il y a un enfer, et qu'il y a un ciel, et il croit aussi que le Seigneur peut les éloigner, si de son côté l'homme s'efforce de les éloigner comme par lui-même. Mais on peut voir ce qui a été dit et démontré sur ce sujet dans la Doctrine de Vie pour la Nouvelle Jérusalem., N° 108 à 113 ; j'y ajouterai ce qui suit : tous les maux naissent plaisirs, parce que l'homme naît dans l'amour de soi, et que cet amour se plaît dans toutes les choses qui appartiennent à son propre, par conséquent dans celles qu'il veut et dans celles qu'il pense ; et chacun reste jusquà la mort dans ces plaisirs enracinés dès la naissance, à moins qu'ils ne soient domptés ; et ils ne sont pas domptés, s'ils ne sont pas regardés comme des venins doux qui donnent la mort, ou comme des fleurs belles en apparence qui cachent en elles un poison, par conséquent si les plaisirs des maux ne sont pas regardés comme léthifères, et cela jusqu'à ce qu'ils deviennent déplaisirs.

  2° Tant que l'homme ne connaît pas et ne sait pas quels sont les péchés, il ne se voit que comme étant sans péchés.
  Il sait quil est pécheur, dans les maux de la tête aux pieds, mais c'est d'après la Parole ; et cependant il ne le sait pas, parce qu'il ne voit en lui aucun péché ; aussi prie-t-il comme une voix qui résonne, et s'avoue-t-il coupable comme une voix qui résonne, et néanmoins intimement en lui-même il croit qu'il n'est pas pécheur ; cette croyance est manifestée dans l'autre vie ; car alors il dit : " Je suis pur, je suis net, je ne suis point coupable " ; et cependant quand il est examiné, il est impur, immonde, et même comme un cadavre ; il est comme une peau brillante à lextérieur et douce, mais intérieurement affectée d'une maladie venant du coeur même; il est comme une liqueur limpide à la surface, mais intérieurement corrompue par la stagnation.

  3° Autant l'homme connaît et sait quels sont les péchés, aidant il peut, s'il le veut,les voir chez lui, les Confesser devant le Seigneur, et en faire pénitence.
  Il est dit qu'il peut, s'il le veut ; et celui qui croit à la vie éternelle le veut : mais toutefois Il doit porter sa pensée non sur les choses qu'il fait, mais sur celles quil veut faire ; car s'il les croit licites, alors aussi il les fait, et s'il ne les fait pas, c'est à cause du monde. Il y a l'effet interne et il y a l'effet externe, ou l'oeuvre interne et l'oeuvre externe. L'effet ou l'oeuvre externe procède et sort de l'effet ou de l'oeuvre interne, comme le mouvement procède et sort de l'effort; l'effort dans l'homme est la volonté; si donc il ne fait pas une chose par son corps, et que cependant il la considère comme licite, alors la volonté ou l'effort la fait, et cela est l'acte même dans l'esprit ; voilà pourquoi il doit connaître et savoir quels sont ses péchés, connaître aussi et savoir quelles sont ses pensées, et ce qu'il considère comme licite d'après elles, puis ce quil convoite, et pour quelle pensée il a de la préférence; par exemple, s'il pense que la scortation est un péché, et un péché très grave ; que la haine et la vengeance sont des péchés ; que les vols et autres actions semblables, que le faste et l'orgueil que le mépris pour les autres, que l'avarice, etc., sont des péchés ; et alors il doit écarter les voiles, si l'homme en avait mis dessus, c'est-à-dire, les confirmations, et les conférer avec la Parole, et il verra. Il est évident pour chacun que celui qui reconnaît quun péché est un péché, peut voir ses maux ; mais celui qui par la pensée considère les péchés comme licites, et qui par le corps ne les fait pas à cause du monde, celui-là ne peut pas voir ses maux : Il est comme celui qui retourne un miroir pour voir sa face, ou comme celui qui veut voir sa face dans un miroir et met une gaze devant.

  Exploration. 1° Si elle a lieu seulement quant aux actes, l'homme ne trouve pas beaucoup, et cela ne suffit pas ; 2° Si elle a lieu aussi quant aux pensées et aux intentions, alors il trouve davantage ; 3° Mais s'il recherche quelle chose il considère, comme péché ou comme n'étant pas péché, alors il trouve. Tout ce que l'homme regarde en lui-même comme licite il le fait : regarder comme licite appartient à la volonté, appartient à l'effort, appartient aussi à l'acte dans l'esprit ; et l'on met à exécution dans le corps, quand les obstacles sont éloignés. Tels aussi sont les Machiavélistes.

  4° Le bien avant la pénitence est un bien bâtard il en est de même de la charité, parce que le bien appartient à la charité.
  Au dedans de l'homme il y a le mal sans atténuation ; parce que ce mal na pas été mis à découvert et par suite n'a pas été guéri ; et jamais le bien réel ne peut jaillir du mal ; en effet, la source est impure. Le bien qui jaillit du mal peut dans la forme externe paraître un bien, mais intérieurement il y a en lui le mal ; et l'homme est tel qu'il est intérieurement. Tout ce que l'homme fait est son image ; lui même apparaît devant les Anges dans son image, et même hors de soi, ce que j'ai mille fois vu. Voilà pourquoi le bien que l'homme fait par le corps peut sembler être un bien. devant ceux qui ne voient que ce qui est externe ; mais au dedans sont cachées la volonté et l'intention, qui peuvent consister en ce qu'il veut qu'on le croie sincère et bon, afin de se concilier les hommes en vue de l'honneur et du profit. En un mot, c'est un bien ou méritoire, ou hypocrite, ou diabolique, qui consiste à tromper se venger, tuer, etc. : mais ce bien est enlevé avec la mort, lorsque l'homme est mis dans ses intérieurs, et que le mal se montre à découvert.

  Tout bien que l'homme fait au prochain appartient à la charité, ou est la charité ; et lon connaît quelle est la charité d'après les trois propositions précédentes, savoir : 1° En tant que l'homme fuit les maux comme péchés ; 2° En tant qu'il sait et connaît quels sont les péchés; 3° Et en tant qu'il les a vus chez lui, les a confessés devant le Seigneur, et a fait pénitence : ce sont là des indices par lesquels chacun peut connaître quelle charité il a.

  5° Conséquemment, la première chose de la charité est de se tourner vers le Seigneur,et de fuir les maux parce qu'ils sont des péchés.
  Tout bien que l'homme fait au prochain pour le prochain, ou pour le vrai et le bien, ainsi parce que cela est conforme à la Parole, ou pour la religion, ainsi pour Dieu, par conséquent le bien quil fait par amour ou affection spirituelle, est appelé bien de la charité ou bonne oeuvre. De là, il est le bien, non pas en tant qu'il vient de l'homme, mais en tant qu'il vient du seigneur par l'homme. Le Seigneur fait le bien à chacun principalement par les autres, mais néanmoins de manière que l'homme sache à peine autre chose, sinon qu'il agit par lui-même ; ainsi le Seigneur porte très souvent les impies à faire du bien aux autres, mais d'après l'affection de l'amour de soi et du monde : ce bien, il est vrai, appartient au Seigneur ou vient du Seigneur, mais l'homme n'est pas pour cela rémunéré ; si, au contraire, l'homme fait le bien, non par amour ou affection simplement naturelle, mais par amour ou affection spirituelle, il est rémunéré. La rémunération est un plaisir céleste dans cet amour et dans cette affection, plaisir qui lui demeure pour l'éternité ; et cela, en tant qu'il croit que tout bien vient du Seigneur, et qu'il ne place pas le mérite dans ce bien. Que personne ne puisse par soi-même faire le bien qui est le bien, mais que l'homme fasse le bien non par lui-même mais par le Seigneur, selon qu'il fuit les maux comme péchés, c'est ce qu'on voit dans la Doctrine de Vie pour la Nouvelle Jérusalem d'après les Préceptes du Décalogue N° 119 à 179 et N° 28 à 31. D'après cela, il est évident quavant la pénitence Il n'y a pas la charité dont le bien vient du Seigneur, mais il y a celle dont le bien vient de l'homme ; tandis qu'après la pénitence il y a la charité dont le bien vient du Seigneur et non de l'homme : en effet, le Seigneur ne peut entrer en l'homme et faire quelque bien venant de Lui par cet homme, avant que le diable, c'est-à-dire, le mal, ait été chassé ; mais il le peut après qu'il a été chassé. Le diable est chassé par la pénitence, et quand il a été chassé, le Seigneur entre et fait là le bien par l'homme, mais cependant toujours de manière que l'homme ne perçoive autrement que comme s'il le faisait de lui-même, mais sache néanmoins que c'est par le Seigneur. D'après ce qui précède, il est maintenant évident que la première chose de la charité est de fuir les maux comme péchés, et que cela se fait par la pénitence. Qui ne voit que l'impénitent est un méchant ? Et qui ne voit que le méchant n'a pas la charité? enfin, qui ne voit que celui qui n'a pas la charité ne peut exercer la charité ? La charité vient de la charité dans l'homme.

  6°A la fin, rapporter quelques passages de la Parole ; par exemple, quelques-unes des paroles du Seigneur aux Pharisiens, indiquant que l'homme interne doit être purifié les paroles qui sont dans Ésaie, Chap. 1; et quelques-uns des passages qui sont cités dans la Doctrine de Vie pour la Nouvelle Jérusalem,
N° 28 à 31 ; 50 à 52.