CRESCONIUS III
Précédente Accueil Remonter Suivante


rte de l'église 38 - CH-1897 Le Bouveret (VS)

Accueil
Remonter
CRESCONIUS I
CRESCONIUS II
CRESCONIUS III
CRESCONIUS IV

 

LIVRE TROISIÈME Suite de la réfutation de la lettre de Cresconius.

 

I. Si je n'avais pas à convaincre certains esprits lents qui ne comprennent que très-difficilement, les deux livres précédents me paraîtraient plus que suffisants à la cause que vous combattez dans votre lettre ; et, sûr de la victoire, je n'ajouterais rien à ma réplique. Mais nous sommes les humbles serviteurs de chacun de nos frères, et comme parmi eux il en est un grand nombre qui regarderaient la réfutation comme incomplète, si chaque passage de votre lettre n'était pas l’objet d'une discussion spéciale, je continuerai brièvement la discussion de chacune des propositions que vous avez formulées.

II. Vous nous avez présenté le vénérable martyr Cyprien et certains évêques orientaux, comme invalidant le baptême conféré par des hérétiques ou des schismatiques. Mais cette opinion, qui leur est purement personnelle, ne compromet nullement notre cause, si nous restons fidèles à cette Eglise que Cyprien n'a point abandonnée, quoique beaucoup de ses collègues aient refusé d'adhérer à ses principes. N'est-ce pas lui qui a dit au sein même du concile : « Ne jugeons personne, et lors même que quelqu'un aurait une opinion différente de la nôtre, ne le séparons pas de notre communion ? » Quant à sa lettre à Jubaianus, voici comme il la termine : « C'est là, mon très-cher, ce que, dans notre humilité, nous avons cru devoir vous répondre, n'imposant nos ordres à personne, ne préjugeant personne, laissant à chaque évêque le droit d'agir comme il le juge à propos, car il peut user de toute la plénitude de sa liberté ». Rangez-nous donc au nombre de ceux que Cyprien n'a pu persuader, ce qui ne l'a pas empêché de rester en communion avec nous, quoique nous ayons refusé d'adhérer à sa doctrine.

Quant à vos ancêtres, à qui vous rendez le témoignage qu'« ils se sont séparés de la communion des Orientaux, parce que ces derniers avaient refusé de souscrire, sur la question du baptême, à la doctrine formulés, dans le concile, par Cyprien et par vos  évêques », vous devez convenir qu'en suivant la doctrine de Cyprien, ils n'ont pas imité sa conduite. A l'exemple de ce bienheureux martyr, ne devaient-ils pas rester en communion avec ceux même de leurs collègues qui étaient d'un avis opposé? Ils répondent que si, dans ses lettres, Cyprien tient le langage qu'on connaît, « c'était de peur que, retenus par la crainte de l'excommunication, ils n'osassent formuler librement leur opinion; mais quant à demeurer réellement en communion avec ceux qui embrasseraient le sentiment contraire, il n'en avait nullement la pensée ». N'est-ce pas là évidemment accuser Cyprien de mensonge ? Comme nous le lisons dans le texte même du concile, il déclare qu' « ils ne doivent juger personne, ni emparer de leur communion ceux qui partageront l'opinion contraire » ; et cependant s'il était arrivé à quelqu'un de formuler une doctrine opposée, il aurait cessé à l'instant même de participer avec lui aux sacrements de Jésus-Christ; il mentait donc, puisque sa promesse n'était qu'une ruse et qu'il n'avait aucune intention d'y rester fidèle. Ce qui donne même à ce mensonge un caractère plus hideux, c'est que dans la duplicité de son coeur il trompait la simplicité de ses frères, et faisait consigner par écrit tout ce qui se disait. En effet, si quelqu'un avait pensé autrement que le concile, comment Cyprien aurait-il pu le condamner ou l'excommunier, puisque, dès l'ouverture du concile, il avait pris des engagements contraires ? De quel côté Cyprien trouve-t-il donc le plus de tolérance ? Est-ce parmi nous qui ne craignons pas d'avouer que dans cette obscure question du baptême un homme a pu se tromper? est-ce parmi vous, qui osez soutenir qu'en promettant la communion chrétienne un évêque a voulu tromper, non pas seulement tel de ses frères, mais toute la société de ses collègues dans l'épiscopat? Une telle affirmation de votre part serait un crime manifeste; d'où il suit que vos ancêtres ont été à l’encontre de la doctrine de Cyprien, quand ils ont rompu (402) toute communion avec les Orientaux, parce que ceux-ci étaient restés fidèles à la doctrine opposée.

III. Lors même qu'il nous faudrait admettre que cinquante évêques orientaux ont réellement partagé l'opinion de soixante-dix ou même d'un plus grand nombre d'évêques africains, nous demanderions toujours ce qu'est ce petit nombre de réfractaires, en face de tant de milliers d'évêques qui, dans le monde tout entier, ont protesté contre cette erreur. Et encore ne devons-nous pas dire que ces quelques évêques orientaux ont corrigé leur premier jugement, saris rompre aucunement avec l'Eglise, comme vous l'affirmez témérairement? En effet, autant il est digne d'éloges de rester inébranlable dans la vérité, autant on est coupable de s'obstiner dans l'erreur. Par rapport à cette dernière, le premier mérite c'est de ne jamais l'embrasser; le second, c'est d'y renoncer quand on s'est laissé surprendre ; ou bien restez toujours dans la vérité, ou rejetez l'erreur pour rentrer clans la vérité. Nous n'avons pas à nous occuper de savoir dans quelle mesure le peuple chrétien a pu suivre les errements de ces évêques orientaux. En effet, si notre doctrine sur le baptême est la doctrine véritable à laquelle nous devons irrévocablement nous attacher, nous avons le droit de vous adresser deux graves reproches : le premier, c'est votre erreur sur la question du baptême; le second, c'est le schisme qui vous sépare de ceux qui sont dans la vérité sur ce point important. Je vais plus loin. supposé même, comme vous le prétendez, que vous soyez dans la vérité, un grand crime pèserait encore sur votre conscience, le crime de votre séparation de l'Eglise, dont Cyprien a toujours voulu la paix et l'union, et pour laquelle vous auriez dû souffrir, malgré la divergence de vos opinions.

IV. Maintenant, libre à vous de me prêter ces paroles qui vous arrachent de si violentes exclamations : « Ne mettez aucune distinction entre le fidèle et l'apostat, que le juste et l'impie soient à vos yeux sur le même rang ». Or, je proteste contre de semblables paroles, prises dans le sens que vous leur donnez. Rétablissez les choses comme elles sont; voici ce que j'ai dit : « Peu importe, en soi, que le ministre des sacrements soit juste ou pécheur (1) ». Il ne s'agissait donc

 

1. Rép. à la lettre de Pétil. ch. VI, n. 7.

 

pour moi d'aucune distinction essentielle à établir entre le fidèle et l'apostat, entre le juste et l'impie, il me suffisait de constater que les uns et les 'autres peuvent avoir le même sacrement, et vous l'admettez vous-même, puisque vous ne refusez pas la réitération du baptême quand il a été conféré par des pécheurs occultes. C'est donc à tort que, continuant votre prétendue citation, vous ajoutez : « Il ne sert à rien de mener une vie sainte, puisque tout ce que peut le juste, l'impie le peut lui-même ». C'est là une erreur, et jamais elle ne m'est échappée. Ce qui sépare les justes des pécheurs, ce sont les bonnes moeurs qui conduisent à des résultats si différents. Ce qui est permis au juste, le pécheur ne peut pas toujours l'accomplir, car pour accomplir la loi de Jésus-Christ, le juste est mû par la charité dont est privé le pécheur. Cependant certaines choses sont communes aux uns et aux autres, comme le pouvoir de baptiser et d'annoncer les volontés du Seigneur ; au contraire, s'agit-il d'accomplir ces volontés, les pécheurs doivent reconnaître leur impuissance, car c'est d'eux qu'il a été dit : « Faites ce qu'ils vous disent, mais ne faites pas ce qu'ils font (1) ».

V. Admettez donc que le pécheur qui s'est fait connaître de quelques justes par des séditions ou des révoltes, ne peut se séparer de l'Eglise. Soyez docile à la parole de Cyprien, tolérez la zizanie, soyez le froment véritable. Que pensez-vous donc des contradictions que vous vous permettez sur une seule et même matière ? « Peut-on », dites-vous, «imaginer quelque chose de plus inique qu'un prétexte comme celui-ci : Qu'un homme souillé justifie ; qu'un homme noirci lave ; qu'un homme impur purifie ; qu'un infidèle donne la foi; qu'un criminel confère l'innocence ? » Je réponds en deux mots : Ne parlez ni de tache, ni de souillure, ni d'impureté, ni d'infidélité, ni de péché, quand il s'agit de Jésus-Christ qui a aimé son Eglise et qui s'est livré pour elle, la purifiant dans le bain salutaire et dans la parole de vie (2), et qui nous a garanti la possession de ses biens, pour nous soustraire à la contagion des péchés d'autrui. S'il s'agit d'un ministre dont les crimes soient secrets, vous n'invalidez pas le baptême qu'il a conféré. Ne pouvons-nous donc pas retourner, contre vous toutes vos

 

1.Matt. XXIII, 3. — 2. Eph. V, 25.

 

403

 

paroles, et vous dire que dans votre opinion l'homme souillé justifie, l'homme noirci par le péché lave les consciences, l'homme impur purifie, l'infidèle donne la foi, le criminel confère l'innocence ? « Ce n'est pas lui », dites-vous, « mais la bonne renommée dont il jouit, quoique cette renommée soit vaine et fausse ». Et vous ne voudriez pas que je m'écriasse: O crime, ô monstruosité, non pas à reléguer aux confins de la terre, comme dit Cicéron (1), mais au-delà du ciel et du monde, s'il était possible ! Ce n'est pas de vous que je parle, car je ne demande que votre conversion; mais de l'erreur que vous partagez et dont je voudrais vous voir délivré. Supposons qu'il n'y a là aucun ministre vertueux dont la vie soit réellement bonne, la fausse renommée d'un homme pécheur suffit donc pour justifier l'homme ; elle aura autant d'efficacité qu'une vie sincèrement chrétienne ; et, pourvu que l'iniquité du ministre soit inconnue, le mensonge sera tout-puissant auprès de Dieu pour produire par lui-même la sanctification de l'homme ? Voilà cependant à quel degré d'absurdité vous vous condamnez, uniquement parce que vous refusez de dire avec nous que, quel que soit le dispensateur des sacrements, fût-il juste ou pécheur, celui qui sanctifie c'est Dieu seul.

VI. Vous citez ensuite quelques-unes de mes paroles : « Que Jésus-Christ donne toujours la foi, que Jésus-Christ est l'origine du chrétien, que le chrétien ente ses racines en Jésus-Christ, que Jésus-Christ est le chef du chrétien (2)». Oui, c'est là ce que j'ai dit, et je le dis encore, et vous ne pouvez rien y répondre. Ne paraissez-vous pas courber vous-même sous le poids de la vérité quand vous ajoutez : « C'est là aussi ce que nous conseillons, c'est là ce que nous voulons ? »

Vous vous occupez ensuite du ministre même, en qui le sujet puisse placer son espérance : « Mais nous cherchons », dites-vous, « par qui ces effets seront plus sûrement produits ». Et parce que nous disons que le baptême exige toujours un ministre qui le confère, vous me demandez lequel on doit préférer du pécheur ou du juste. Je vous réponds que si le sacrement est également produit par l'un et par l'autre ; cependant, eu égard à la faiblesse humaine qui a besoin de

 

1. Contre Verrès. — 2. Rép. à Pétil. liv. II, n. 11.

 

bons exemples, pour trouver plus facile l'accomplissement de la volonté de Dieu, il est de tous points préférable que le ministre offre le modèle d'une vie pieuse et sainte. De là cette parole de saint Paul: « Soyez mes imitateurs, comme je le suis de        Jésus-Christ (1) ». Quant à celui qui doit recevoir le baptême et la sanctification ; si, eu égard à l'efficacité essentielle du sacrement, l'oeuvre qu'il accomplit est pour lui d'alitant plus salutaire que le ministre lui offre de plus beaux exemples, on doit conclure, sous ce rapport, que les effets essentiels du baptême dans le sujet sont aussi variés que le sont les mérites de ceux qui le confèrent. Ainsi personne ne doute que Paul ne fût plus saint qu'Apollo ; d'où il faudrait conclure, d'après votre opinion vaine et perverse, que le baptême donné par Paul était meilleur que celui donné par Apollo ; et quand nous entendons Paul féliciter ceux qui n'ont pas été baptisés par lui (2), on ne doit voir dans ses paroles qu'une jalousie déguisée. Au contraire, si malgré la différence des mérites qui se trouve parmi les bons ministres, le baptême n'est pas essentiellement meilleur quand il est conféré par les uns plutôt que par les autres, on doit conclure que le baptême donné par un mauvais ministre n'est pas pour cela essentiellement mauvais. De là cette conclusion importante

Le don de Dieu, dût-il passer par des ministres inégaux en mérites, est égal à lui-même toujours, parce que ce don ne vient pas des ministres mais de Dieu seul.

C'est donc à tort que vous nous reprochez si amèrement de ne mettre aucune différence entre le fidèle et l'apostat ; nous les distinguons parfaitement quant à leurs propres mérites, mais non quant à l'efficacité des sacrements divins qu'ils confèrent. Vaincu par la force de la vérité, et oubliant vos intentions hérétiques, n'avez-vous pas confessé qu'entre vos sacrements et les nôtres il y a identité parfaite?

VII. Mais je reviens à ces paroles : « Nous conseillons et nous voulons que Jésus-Christ donne toujours la foi, qu'il soit l'origine du chrétien, que le chrétien ente ses racines en Jésus-Christ, que Jésus-Christ soit le chef du chrétien ». Comment donc pouvez-vous tenir ce langage, quand d'un autre côté vous prenez la défense de la lettre dans

 

1. I Cor. IV, 16. — 2. Id. I, 14.

 

404

 

laquelle Pétilien exalte le mérite du ministre du baptême, et pour prouver sa thèse erronée ne craint pas dire: « Dans la justification du pécheur, ce qu'il faut considérer, c'est la conscience du ministre. Car celui qui, avec une pleine connaissance; demande la foi à un coupable, ne reçoit point la foi, mais la souillure de son crime (1) ». Puis, comme si on lui disait: « Et la preuve ? » il ajoute: « Chaque chose en effet a sa racine et son origine,  et ce qui est sans chef n'est rien (2) ». Quoi ! parce que vous avez entrepris la défense d'une opinion fausse et téméraire, faut-il donc que vous entassiez les ténèbres les plus épaisses sur les vérités les plus évidentes? Pétilien déclare formellement que c'est uniquement dans le ministre du baptême que le néophyte trouve son origine, sa racine et son chef; et vous dites : « Nous voulons que Jésus-Christ soit l'origine, la racine et le chef du chrétien, et nous demandons quel est celui qui peut produire ces effets ». Votre langage est en contradiction manifeste avec celui de Pétilien ; en supposant que le vôtre soit vrai, n'est-il pas tout différent de celui de votre docteur ?

VIII. Si donc, vous aussi, vous soutenez que Jésus-Christ doit être l'origine, la racine et la tête du chrétien, c'est à Pétilien et non pas à moi que vous devez faire opposition, car « ce n'est ni celui qui plante ni celui qui arrose qui est quelque chose, mais celui qui donne l'accroissement (3) ». En retrouvant ce passage de l'Apôtre dans ma lettre, vous avez osé répondre : « Il est vrai qu'il appartient à Dieu de donner l'accroissement; mais, de même que pour planter et pour arroser on ne prend qu'un colon fidèle et diligent, de même on ne doit choisir comme ministre du sacrement de baptême qu'un ouvrier fidèle et d'une sainteté parfaite ». Ne dirait-on pas que si c'est un colon infidèle qui a planté, son infidélité empêchera la semence de germer; que la fécondité de la terre et la température du ciel subordonnent leur efficacité dans la multiplication des fruits, à la qualité de celui qui plante ou qui arrose, à l'esprit qui l'anime, à l'intention qui le dirige, à la question de savoir s'il travaille par amour pour son maître ou uniquement dans des vues d'intérêt propre ? Vous citez encore ces paroles du Prophète : « Je vous donnerai des pasteurs

 

1. Réfutation de la lettre de Pétilien, liv. I, n. 2, 3. — 2. Ibid. n. 5. — 3. I Cor. III, 7.

 

selon mon coeur, et ils paîtront leur trou« peau dans l'amour de la discipline (1) ». Je le sais, cette prophétie a été accomplie; tels furent les Apôtres, tels sont encore quelques-uns des pasteurs actuels, quoiqu'en petit nombre, eu égard à la prodigieuse diffusion de l'Eglise. Mais ne devez-vous pas également chercher, lire et méditer les anathèmes portés par Ezéchiel contre les mauvais pasteurs? Ne dit-il pas : « Je paîtrai moi-même, ce ne seront pas les pasteurs (2) ? »

IX. Il suit de là que quand, parle ministère des bons pasteurs ou des pasteurs mauvais, il dispense sa parole et ses sacrements, c'est lui-même qui paît, et cela « afin », comme il l'a dit formellement, « qu'il n'y ait qu'un seul troupeau et un seul pasteur (3). Car il est mieux de se confier en Dieu plutôt que dans les hommes (4) » ; et : « Malheur à celui qui place dans l'homme sa confiance (5) ». J'ai cité tous ces passages dans ma lettre. Mais vous en avez conclu que vous devez chercher un homme juste et fidèle pour administrer ce sacrement, « parce que ce n'est pas dans l'homme mais en Dieu que vous placez votre espérance et votre confiance, car Dieu possède essentiellement cette foi et cette justice que vous cherchez dans ses ministres ». Ce langage est de toute vérité; car, parmi tous les biens, nous n'en possédons que ce que nous avons reçu (6); d'où il suit que la foi et la justice nous viennent de Dieu. D'un autre côté, quand vous affirmez que Dieu ne nous donne cette justice qu'autant que le ministre  du sacrement la possède déjà, il n'est que trop évident que vous placez votre confiance dans l'homme, quoique vous ignoriez s'il possède la justice. S'il ne la possède pas, vous avez recours à sa réputation, et quand vous trouvez qu'un pécheur occulte jouit d'une bonne réputation, vous n'en demandez pas davantage. Ainsi donc, ce n'est pas dans les hommes, mais en Dieu, que vous placez votre confiance, et par conséquent vous demandez que le ministre de ce sacrement soit doué d'une justice, d'une bonté et d'une fidélité d'autant plus grandes que c'est de Dieu que découlent là foi et la justice. Mais alors, je vous en prie, est-ce que la fausseté de la réputation vient aussi de Dieu, puisque vous déclarez que, pour l'oeuvre de votre sanctification,

1. Jérém. III, 15. — 2. Ezéch. XXXIV, 13. — 3. Jean, X, 16. — 4. Ps. CXVII, 8. — 5. Jér. XVII, 5. — 6. I Cor. IV, 7.

 

405

 

il suffit qu'un ministre mauvais jouisse d'une bonne réputation? J'attaquais vivement la confiance que vous placiez, mais pourtant je préférerais encore vous la voir placer dans l’homme plutôt que dans la fausseté de la réputation. Enfin l'homme, comme tel et quel qu'il puisse être, est toujours la créature de Dieu, tandis qu'aucune fausseté ne saurait être l'œuvre de Dieu. Si donc, « maudit est celui qui place sa confiance dans l'homme », que doit-il en être de celui qui place son espérance dans la fausseté de l'opinion humaine, car il retombe directement sous les coups de cet autre anathème : « Celui qui place sa confiance dans les mensonges nourrit les vents et la tempête (1) », c'est-à-dire qu'il devient la pâture des esprits mauvais?

X. « Si », dites-vous, « le baptême une fois donné par qui que ce soit ou de quelque manière que ce soit, ne doit jamais être invalidé, pourquoi donc les Apôtres ont-ils baptisé après saint Jean? » Ne pouviez-vous pas donner à votre question un tour encore plus hardi ? Pourquoi le baptême conféré par un saint n'est-il pas réitéré par un ministre d'une sainteté supérieure ou égale ? Ou bien, pourquoi refuser de comprendre que le baptême de Jean n'a aucun rapport avec cette question? Vous ajoutez : « Les Juifs avaient reçu le baptême de Moïse, et cependant Pierre leur dit: Faites pénitence et que chacun d'entre vous soit baptisé au nom de « Jésus-Christ (2) ». Si les Juifs étaient baptisés par cela seul que leurs ancêtres, longtemps auparavant, avaient reçu le baptême des mains de Moïse au moment du passage de là Mer Rouge (3), ne faut-il pas conclure qu'il est fort inutile de baptiser aujourd'hui les fils qui naissent de parents chrétiens? Eh bien ! c'est là ce que vous dites, c'est là ce que vous écrivez, et l'on vous écoute, et l'on vous lit, et l'on s'imagine que vous répondez à notre lettre; à ce prix il suffira donc, pour répondre, de ne pas vouloir se taire.

XI. Cependant permettez-moi de vous dire que vous avez laissé sans réponse, et sans doute pour de bonnes raisons, ce passage de ma lettre : « Si c'était une grave erreur de la part des chrétiens de vouloir appartenir à Paul, quelle espérance reste-t-il à ceux qui veulent appartenir à Donat (4)? » N'est-il pas

 

1. Prov. X, 4. — 2. Act. II, 38. — 3. Exod. XIV, 22. — 4. Réfut. de Pétil., liv. I, n. 5.

 

évident que la cause du schisme qui existe aujourd'hui, et dans lequel un trop grand nombre de malheureux s'obstinent aveuglément, c'est la prétention de placer son espérance dans la justice de l'homme, d'où l'on conclut que, pour être acceptable, le baptême de Jésus-Christ doit être conféré par un juste ? Contre cette erreur et contre le schisme de ceux qui diversifient les sacrements suivant la différence des mérites humains, l'Apôtre s'indigne avec raison et s'écrie : « Je rends grâces à Dieu de ce que, n'ayant baptisé personne d'entre vous, on ne dira pas que j'ai baptisé en mon nom (1) ». C'était dire clairement que le baptême de Jésus-Christ ne doit être attribué qu'à celui au nom de qui il est conféré, et qu'il ne devient ni meilleur ni plus mauvais, suivant qu'il est donné par un ministre plus parfait ou plus coupable.

XII. C'est donc en vain que vous vous écriez avec un accent de véritable triomphe : « J'ai donc le droit de conclure à l'exacte vérité de tout ce qui a été écrit par saint Pétilien ou par tout autre en son nom ». Ne voyez-vous pas qu'ils sont eux-mêmes convaincus de la fausseté de ce que vous regardez comme étant d'une vérité évidente? En effet, quand la conscience du ministre est secrètement souillée, il m'est plus vrai de dire que « dans la justification du pécheur on ne doit considérer que la conscience du ministre ». Vaincu sur ce point, au lieu de vous jeter dans les bras de la vérité, vous recourez à la fausse réputation du ministre, comme si vous en appeliez à un malheureux juge trompé par le mensonge. Ne voyez-vous donc pas que ce n'est pas à la conscience elle-même, mais à sa réputation, que vous en appelez, et qu'on ne peut pas plus être justifié par une fausse réputation que par une vie coupable ? D'ailleurs, la foi chrétienne n'est donnée par aucun homme, traître ou fidèle, mais uniquement, par. Celui dont il est écrit : « Il purifie leur coeur par la foi (2) ». On peut bien apprendre d'un fidèle ce que l'on doit croire; on peut bien imiter sa foi, mais on ne saurait recevoir de lui la justification. En effet, si c'est le ministre lui-même qui justifie le pécheur, on peut en toute justice mettre sa foi et sa croyance dans le ministre, car rien de plus clair que cette parole de l'Apôtre: «Croyez en celui qui justifie l'impie, et votre foi sera regardée en vous comme

 

1. I Cor. I, 14, 15. — 2. Act. XV, 9.

 

406

 

une justification véritable (1) ». Si donc le ministre n'ose dire : Croyez en moi, qu'il n'ose pas dire davantage : Vous êtes justifié par moi.

XIII. Vous ajoutez : « Toute chose repose sur son origine et sur sa racine; si la tête manque, tout disparaît ». De là je conclus que si le ministre du baptême est l'origine, la racine et le chef du baptisé, ce n'est plus Jésus-Christ; si c'est Jésus-Christ, ce n'est pas le ministre. Et quand le ministre est un pécheur occulte, qu’elle est donc l'origine, la racine et le chef du baptisé? Est-ce la fausse réputation du ministre? Je sais que Cresconius l'affirme, mais il a contre lui l'évidence. Si donc c'est Jésus-Christ qui est l'origine, la racine et la tête; il l'est même quand le ministre est bon, car autrement on devrait conclure, et c'est l'absurdité la plus énorme, que la condition de celui qui est baptisé par un pécheur occulte est préférable à la condition de celui qui est baptisé par un juste, puisque le premier aurait pour chef Jésus-Christ, tandis que le second n'aurait pour chef que le ministre lui-même. J'en dirais autant d'une bonne semence, selon cette autre parole : « On ne peut régénérer véritablement que quand on a été soi-même régénéré par une bonne semence »

XIV. Vous continuez, comme il suit, la citation des paroles de Pétilien : « S'il en est ainsi, mes frères, quelle n'est pas la perversité de celui qui étant coupable lui-même, s'attribue le droit de donner l'innocence ? N'est-il pas écrit : Un bon arbre donne de bons fruits, et le mauvais arbre donne de mauvais fruits? Cueille-t-on des raisins sur les épines (2)? et encore : Tout homme bon tire le bien du trésor de son coeur; et l'homme mauvais tire le mal du trésor de son coeur (3) ». Il est évident que Pétilien n'applique ces paroles qu'au ministre du baptême ; d'où il suit que si le ministre est innocent, il rend innocent celui qu'il baptise; il est l'arbre bon, qui a pour fruit le baptisé lui-même; il est l'homme bon qui tire du trésor de son coeur la sanctification du baptisé. Mais quand le ministre est un pécheur occulte, dites-moi donc où le sujet peut puiser l'innocence ? de quel arbre sera-t-il te fruit? dans quel trésor et dans quel coeur trouvera-t-il la sanctification? Direz-vous que c'est Jésus-Christ lui-même qui lui confère

 

1. Rem. IV, 5. — 2. Matt.XVII, 17, 16. — 3. Id. XII, 35.

 

l'innocence, qui est l'arbre dont il est le fruit? Alors il ne pouvait pas lui arriver de bonheur plus grand que d'être baptisé par un pécheur occulte. Trouvez-vous cette conclusion par trop absurde? avouez donc que quiconque est sanctifié dans le baptême, peu importe par qui il soit baptisé, devient en réalité le fruit de Jésus-Christ. Je pense, en effet, que pour échapper à cette conclusion, vous ne ferez pas appel de nouveau à la fausse réputation dont jouit le pécheur occulte. Si vous admettiez qu'elle fût l'arbre dont il est parlé, je vous dirais d'en chercher la racine et vous la trouveriez dans l'astuce d'un menteur. Et si d'un tel arbre peut naître un bon fruit, ce qu'à Dieu ne plaise, Jésus-Christ était donc un menteur quand il a dit : « Un mauvais arbre ne saurait produire de bons fruits (1) ». Puisque Jésus-Christ a dit vrai, que l'homme bon, comme le bon arbre, produise de bons fruits, c'est-à-dire des bonnes oeuvres, de même que l'homme mauvais, comme le mauvais arbre, en produit de mauvais, c'est-à-dire le péché. Quant à celui qui est baptisé, qu'il naisse non pas de l'esprit de l'homme, mais de l'esprit de Jésus-Christ, s'il veut être un fruit que le vent n'abatte point et un arbre qui ne se déracine pas. Et vous concluez : « Il suit de là que je dois regarder comme vrai tout ce qui a été écrit par saint Pétilien ou par tout autre en son nom », et moi je pense au contraire, et je l'ai suffisamment prouvé, que votre conclusion est fausse et que les prémisses en sont menteuses.

XV. Vous nous apprenez ensuite, dans votre lettre, comment vous avez connu par les vôtres la cause d'Optat et des Maximianistes, ou plutôt des Maximiens, car c'est ainsi que vous voulez que je dise. Quant à Optat, sans m'occuper aucunement de ce que vous en avez écrit, j'accède facilement à toutes vos opinions. Je ne sais qu'une chose, c'est que s'il faut en croire non pas ce qui a été prouvé, mais ce, qui a été dit de lui, non-seulement il n'était pas un homme de bien, mais il n'avait pas même une bonne réputation. Il suit de là que ceux qu'il a baptisés n'ont pu être purifiés ni par sa conscience, comme le veut Pétilien, ni par sa réputation, comme vous le demandez vous-même. Quant aux fautes qui lui sont reprochées, si elles n'existent pas, il faut en accuser,

 

1.  Matt. VII, 18.

 

407

 

comme il arrive souvent, une renommé jalouse. Reconnaissez, du moins, que nous nous montrons très-difficiles quand il s'agit d'ajouter foi aux accusations sans preuve que vous avez pu lancer contre les traîtres; ne savons-nous pas que la renommée n'est souvent pas avare de mensonges quand il s'agit de noircir les gens de bien ? Si donc ce n'est ni leur innocence, ni la grâce de Dieu, ni votre conscience qui valide le baptême que nous avons reçu, du moins, que votre opinion produise en nous cet heureux effet.

XVI. En parlant d'Optat, vous avez dit : « Je ne l'absous ni ne le condamne ». Si je puis en dire autant, et avec moi toute l'Eglise catholique d'Afrique, à combien plus forte raison, parlant de Cécilianus et de ses ordonnateurs, l'Eglise universelle, répandue dans toutes les contrées au-delà de la mer, ne pourra-t-elle pas dire : de ne les absous ni ne les condamne. Pensez-vous que ceux qu'ils ont baptisés et dont aucun n'a vu Cécilianus, ne doivent attacher qu'une médiocre importance à un témoignage que vous croyez suffisant pour justifier Optat aux yeux de ceux qu'il a lui-même baptisés de ses propres mains? Parce que vous citez un concile tenu par vos ancêtres contre Cécilianus, et que nous n'en citons aucun tenu par les nôtres contre Optat, croyez-vous que personne d'entre nous n'ait le droit de dire : de n'absous ni ne condamne Cécilianus, tandis que vous usez largement de ce droit en faveur d'Optat? Mais n'oubliez pas que, sur les instances réitérées des vôtres auprès de l'empereur Constantin, un jugement a été postérieurement rendu au-delà des mers, sur la cause de Cécilianus. Répondrez-vous que les jugements ecclésiastiques, une fois formulés, ne peuvent plus être annulés ? Mais alors qu'allez-vous faire de Primianus, votre évêque de Carthage, et qui fut condamné par un concile de cent évêques, bien plus nombreux, dès lors, que n'étaient ceux qui condamnèrent Cécilianus? on les vit même déposer Primianus de l'épiscopat et lui donner Maximien pour successeur. Est-ce que Primianus n'allègue pas un jugement postérieur, rendu en sa faveur dans la ville de Bagaïum? Appuyé sur ce jugement il soutient qu'on ne doit plus douter ni de son innocence ni de sa réintégration, et exige de vous tous une absolution générale. Par la inême raison nous absolvons également Cécilianus sur la foi du jugement qui fut depuis rendu en sa faveur. Mais, sans aller jusque-là, il suffit, pour la victoire de notre cause, que nous disions de lui ce que vous avez dit d'Optat : quant à Cécilianus, nous ne l'absolvons ni ne le condamnons. Que vos partisans ou les autres révisent la teneur de ce jugement; qu'ils rendent raison de leurs opinions, qui portent la responsabilité de leur oeuvre, bonne ou mauvaise; tout ce que nous vous demandons, c'est de nous permettre quelques doutes sur les actes d'autrui, si vous ne voulez pas nous contraindre à condamner en nous des sacrements sur lesquels il ne nous est pas possible d'élever le moindre doute. Pourtant, je vous l'ai déjà dit : Faites-vous d'Optat l'opinion qui vous plaira, car aucun monument public n'est là pour nous fournir des arguments contre lui; cependant les faits ne manquent pas, puisqu'il est hors de doute qu'il devint l'un des principaux satellites de Gildon, fut jeté dans les fers et y rendit le dernier soupir. Est-ce que trois cent dix de vos évêques, dans ce même concile de Bagaïum, n'ont pas rendu une sentence authentique de condamnation contre les deux partisans de Maximien, Félicianus et Prétextat, et peu de temps après ne les ont-ils pas réintégrés avec leur titre et leurs droits d'évêques? Et après des faits semblables vous vous permettez encore de lancer contre nous de vaines accusations?

XVII. Maintenant si j'examine tout ce que vous avez dit contre nous ou contre les nôtres avec un certain ton d'indulgence et de pitié, sans citer aucun nom, aucun témoin, tantôt incriminant ce qui ne mérite aucun reproche, tantôt réprouvant ce qui est réellement condamnable, je ne trouve véritablement aucune utilité, ni à vous réfuter ni à vous répondre. Ceux que vous devriez citer à votre barre, c'est Félicianus et Prétextat, dont je dresserai le réquisitoire en son lieu et place, si Dieu me le permet, de manière à vous ôter toute possibilité de défendre ou de nier le mensonge de vos évêques, lors même que vous voudriez vous poser en ennemi déclaré de la vérité. Pour le moment je ne discute pas leur langage, je ne cherche pas à faire ressortir l'impudence et l'absurdité de leurs mensonges ; je me contente de vous rappeler ce qu'ils vous ont dit. « Vous avouez avoir été vivement ému en lisant dans ma lettre le (408) jugement que je porte sur ceux que j'ai appelé Maimianistes et qui, après avoir été condamnés dans un de vos conciles, ont été par la suite réintégrés; ce qui prouve — je cite toujours vos propres paroles — que vous n'avez aucune connaissance de la vérité des faits. En conséquence », dites-vous toujours, vous avez pris des informations plus précises auprès de vos évêques ; et alors seulement vous avez connu le décret du concile, la sentence rendue contre ceux qui furent condamnés, et la suite des événements». Parce que vous pensiez que j'ignorais ce qui s'était passé, vous m'engagiez à chercher la vérité, et plus loin vous preniez la peine de tout me raconter. En tout cas vous voyez que sur ce point encore je reproduis textuellement les termes mêmes de votre lettre, et en effet ils sont pour moi d'une absolue nécessité.

XVIII. Je cite vos paroles : « Comme Maximien redoublait d'efforts pour associer à son erreur le plus grand nombre possible d'évêques, les nôtres tinrent un concile, et une sentence fut rendue contre ceux qui s'obstineraient dans le schisme ; vous avouerez vous-même avoir lu cette sentence. Elle fut approuvée à l'unanimité, cependant le concile crut devoir accorder un délai jusqu'à l'expiration duquel tous ceux qui voudraient se convertir seraient regardés comme innocents. C'est ce qui eut lieu; car pendant ce délai les deux évêques dont vous parlez et un grand nombre d'autres rentrèrent dans le sein de l'Eglise et trouvèrent leur justification et l'innocence. Dès lors le baptême conféré par eux ne dut pas être invalidé, puisqu'ils avaient fait leur soumission dans le délai prescrit, et que la sentence était restée pour eux purement comminatoire. Quoiqu'ils eussent continué à baptiser, ils nef tirent pas retranchés de l'Eglise, puisque le délai n'était pas encore expiré. Quant à ceux qui, comme Maximien, s'obstinèrent dans l'erreur, au-delà de l'époque fixée, la sentence de condamnation leur fut appliquée dans toute sa rigueur, et ils perdirent le droit de conférer le baptême et d'appartenir à l'Eglise ». Mon cher Cresconius, ce sont bien là vos paroles, vous reconnaissez qu'elles sont tirées textuellement de votre lettre.

XIX. Puisque ces hérétiques n'étaient point encore séparés de l'Eglise, expliquez-moi donc ce que signifie cette sentence portée à l'unanimité contre ceux qui persévéreraient dans le schisme de Maximien, mais à cette restriction qu'un délai leur était accordé pour se corriger; et, s'ils se corrigeaient, ils seraient réputés innocents ». Vous prouvez par ces paroles que ceux qui, dans le délai fixé, après avoir appartenu au schisme de Maximien, y renonceraient franchement, seraient réputés innocents. Ce qu'on leur demandait, c'était de quitter ce schisme auquel ils appartenaient ; avant de se corriger ils étaient donc schismatiques, dussiez-vous ne pas les appeler schismatiques obstinés, parce qu'ils ont opéré leur conversion dans le délai déterminé. Parlant ensuite des obstinés, vous ajoutez : « Quant à ceux qui après le délai fixé persévérèrent dans le schisme avec Maximien, ils furent retranchés du baptême et de l'Eglise ». Entre les uns et les autres vous ne mettez qu'une différence, c'est l'obstination. Toujours est-il que la sentence fut rendue contre tous et à l'unanimité, sauf le délai accordé pour se convertir. Mais comment donc pouvaient appartenir à l'Eglise ceux qui, avant de se corriger, persévéraient dans le schisme avec Maximien ? Et s'ils n'appartenaient pas à l'Eglise, comment donc baptisaient-ils ? Comment encore pouvez-vous dire que les deux dont nous parlons et une multitude d'autres furent purifiés et rendus innocents à l'Eglise, s'ils n'en avaient pas été séparés? Ont-ils pu rentrer, puisqu'ils n'étaient pas sortis ? Ou, s'ils étaient sortis de l'Eglise avant d'y rentrer, de quel droit baptisaient-ils ? Or, dites-vous, « le baptême conféré par eux ne doit pas être invalidé, parce qu'ils furent réintégrés dans le délai fixé, et qu'ils ne furent pas tenus par une sentence   comminatoire.  Où donc furent-ils réintégrés ? Je vous en prie, sortez de votre sommeil et dites-nous où ils furent réintégrés ? Vous allez me dire que c'est dans l'Eglise, dans le sein de laquelle ils se rendirent. Mais peut-on être réintégré dans l'Eglise quand on n'en a pas été séparé? Peut-on, sans être séparé de l'Eglise, persévérer quelque temps dans le schisme ? Et peut-on rentrer dans l'Eglise si l'on n'en est pas sorti au moins pendant quelques jours ».

XX. Il me semble, mon cher, que vous n'avez pas pesé ce que vous écriviez, et que vous n'avez pas lu ce que vous aviez écrit. Du reste, que pouviez-vous faire, obligé, comme (409) vous l'étiez, de justifier une sentence rendue non pas par vous, mais par d'autres, contre Maximien et ses complices? Si vous aviez reculé devant les expressions que vous employez, je vous aurais cité le décret même du concile de Bagaïum, ainsi conçu : « Nous avons permis de rentrer dans le sein de l'Eglise leur mère, à ceux qu'un rejeton sacrilège n'avait pas souillés, c'est-à-dire à ceux qui par un sentiment de foi pudibonde ont retiré leurs propres mains de la tête de Maximien ».

XXI. Lors même que je n'aurais pas à vous alléguer vos propres paroles, je m'écrierais encore, au nom de la vérité : Comment permet-on de rentrer dans l'Eglise à ceux qui n'en sont jamais sortis? Et s'ils en sont sortis, de quel droit, avant d'y rentrer, ont-ils conféré le baptême? Sans doute que dans le but de mettre fin à ce schisme, vous avez oublié pour un instant vos prétentions égoïstes et vaniteuses, vous avez compris qu'après cette série d'évêques qui continuent jusqu'à nous la tradition apostolique, il ne s'agissait pas de, baptiser seulement un seul homme, une seule famille, un seul peuple, mais toutes les nations de la terre. Peut-être encore qu'en voyant un si grand nombre de partisans de Maximien rentrer dans vos rangs, vous avez bien consenti à les réintégrer, mais vous auriez eu honte de réitérer à tous le baptême. Et pourtant, si vous croyez la réitération du baptême nécessaire pour tous ceux qui ne l'ont pas reçu dans votre Eglise, quand il s'agit du salut de tant de milliers d'hommes, doit-on calculer avec la honte? ce n'est donc pas elle qui vous a retenus, mais l'évidence de la vérité et l'intime conviction de votre erreur. Dans ce retour des Maximiens à votre communion, vous voyez donc que notre doctrine sur le baptême est la doctrine véritable. Pour peu que nous supposions d'intelligence dans un orateur ou dans un auditeur, ne comprendra-t-il pas que tout homme qui baptise avant de rentrer dans l'Eglise, baptise réellement hors de l'Eglise? et puisque vous n'avez pas invalidé le baptême conféré de cette manière, il en conclura que ce baptême ne doit pas être invalidé. Et puisque ce baptême ne change pas, c'est donc que le ministre le confère non pas en son nom, ni au nom de quelque créature que ce soit, mais uniquement au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Laissant même de côté le sacrement de baptême, qui dans les méchants n'est qu'un titre de plus à la condamnation, tandis que pour les convertis, il est un gage et un moyen de salut. Je veux dire un mot de l'expiation ou de la purification des convertis. En effet, vous n'avez pas oublié que sans cesse vous nous faisiez un crime de n'exiger aucune expiation de la part de ceux qui quittaient votre hérésie pour rentrer dans nos rangs. Eh bien ! quand il vous plaisait de réintégrer dans leurs premiers honneurs ceux qui renonçaient au schisme de Maximien pour se ranger sous votre bannière, quelle expiation, dites-moi, leur imposiez-vous, pour les purifier? Après avoir participé à un crime aussi grand, ils n'avaient donc contracté aucune souillure dans une secte aussi criminelle ?

XXII. Mais écoutez la sentence redoutable fulminée par la bouche véridique de vos évêques : « Maximien, le bourreau de la foi, l'adultère de la vérité, l'ennemi de notre mère l'Eglise, le ministre de Coré, Dathan et Abiron, a été frappé par la foudre d'une sentence sortie du sein de la paix; et si la a terre jusque-là refuse de s'entr'ouvrir et de l'engloutir dans ses entrailles (1), c'est que Dieu lui réserve un supplice plus grand encore. La mort en le frappant sur-le-champ ne lui eût imposé que le capital de sa peine; maintenant qu'il reste mort parmi a les vivants, il amasse sur sa tête des trésors de vengeance qui lui seront payés avec usure ». Et vous pouvez dire que ceux qui après avoir persévéré dans un schisme semblable, pourvu qu'ils soient revenus à l'Eglise dans le délai fixé, n'ont contracté aucune tache, aucune souillure? Mais écoutez la suite, écoutez les propres expressions du rapporteur de la sentence. « Or, ce n'est pas sur lui seul que frappent les coups de la mort, trop juste châtiment de son crime; armé de la chaîne du sacrilège il entraîne à sa suite ceux dont il est écrit : Leurs lèvres distillent un venin d'aspic, leur bouche est remplie de malédiction et d'amertume, leurs pieds se portent rapides à l'effusion du sang; leur vie est couverte de honte et d'infortune, ils n'ont pas connu le chemin de la paix (2). Nous voudrions n'avoir à retrancher aucun membre de notre propre « corps, mais puisque l'infection purulente

 

1. Nomb. XVI. — 2. Ps. XIII, 3, 4.

 

410

 

de la blessure exige plutôt le retranchement que les lenteurs de la médecine, il nous faut empêcher que le poison ne se glisse dans tous les membres, et pour cela nous devons couper le mal dans sa source. Nous déclarons donc coupables de ce crime horrible Victorien de Carchabianum, Martianus de Sullect, Beïanus de Baïanum, Salvius d'Ausafe, Théodore d'Usule, Donat de Sabrate, Miggène d'Eléphantarie, Prétextat d'Assurium, Salvius de Membrèse, et Martial de Pertusium, qui par leurs oeuvres criminelles sont devenus des vases d'ignominie remplis de toute la lie de la corruption; nous déclarons également coupables les clercs de l'Eglise de Carthage, qui, par leur coopération au crime, ont favorisé toutes les hontes d'un inceste criminel, et voulons que vous les regardiez tous comme condamnés par la sentence véridique dictée au concile universel par l'assistance du Dieu tout-puissant ». Pouvait-on lancer contre eux de plus terribles anathèmes? Peut-on nous charger de plus graves accusations ? Mais, dites-vous : « Ils se sont convertis dans le délai fixé ». Je verrai s'ils sont convertis, car s'ils étaient réellement convertis, ils seraient rentrés dans le sein de la véritable Eglise. Mais si votre Eglise est la véritable, dites-moi par quelle expiation ils se sont purifiés d'un crime aussi horrible. S'ils n'ont été soumis à aucune expiation, selon vos propres principes vous partagez la souillure de leur crime; s'ils ont subi une expiation, vous admettez donc que parle fait seul de leur retour ils ont pu être purifiés par la charité qui couvre la multitude des péchés. Et quand revenant à la vérité, les vôtres passent dans nos rangs, vous nous accusez hautement. Mais peut-être, comme le dit votre concile, que malgré la perpétration du schisme ils n'avaient pas été souillés de crime avant le jour fixé pour l'échéance du délai, et dès lors on n'était obligé de leur imposer aucune expiation.

XXIII. S'il en est ainsi, comment ne pas admirer la puissance étonnante que vous avez reçue sur les hommes ? Ils pèchent quand ils veulent, et ils ne sont souillés que quand vous voulez. Et dans cette doctrine, rien de secret, tout est parfaitement connu, tout est divulgué. Grâce à la faconde qui l'a promulguée, cette maxime est aujourd'hui partout, elle circule sur toutes les lèvres, elle pique la curiosité de tous les lecteurs. Ne voyez-vous pas que je n'avais que trop raison de dire que « ses auteurs ne devraient pas se réjouir de l'avoir enfantée, dans la crainte que plus tard ils n'aient à pleurer de l'avoir divulguée (1) ? » Examinez-la avec soin, méditez-en la formule.

XXIV. « La foudre sortie du sein de la paix a frappé Maximien, ce bourreau de la foi, cet adultère de la vérité, cet ennemi de « l'Eglise notre Mère, ce ministre de Dathan, Coré et Abiron ». Quiconque le connaissait, pouvait-il un seul jour communiquer avec lui au sacrement de l'autel, sans se trouver souillé du même crime, et devenir semblable à lui? Que sont donc devenus ceux qui, non-seulement se sont approchés avec lui de l'autel, mais l'ont promu à l'épiscopat et l'ont opposé à votre Primianus, en érigeant pour lui autel contre autel? Mais pourquoi vous adresser de semblables questions ? Qu'il nous suffise d'entendre la sentence elle-même, dont les termes sont si clairs que la pensée jaillirait d'elle-même, dans tout son éclat, quelque effort que l'on dût faire pour l'ensevelir dans l'obscurité. Voyons donc la teneur de la condamnation fulminée contre les complices de Maximien.

XXV. « Il n'est pas le seul frappé par la mort, trop juste châtiment de son crime, car armé de la chaîne du sacrilège, il associe à son péché ceux dont il est écrit : Leurs lèvres distillent un venin d'aspic; leur bouche est pleine de malédiction et d'amertume; leurs, pieds se portent rapides à l'effusion du sang ; leurs voies sont couvertes de honte et d'infortune, et ils n'ont pas connu le chemin de la paix ». Puis, après avoir décliné le nom de tous les ordonnateurs de Maximien, au nombre desquels se trouvent Félicianus et Prétextat, la sentence spécifie le crime qui leur a attiré cette condamnation : « Par une oeuvre criminelle ils ont formé ce vase de perdition tout rempli de la lie la plus infecte » ; c'est ainsi qu'elle désigne l'ordination qu'ils ont conférée à Maximien. Puis au sujet des clercs de Carthage elle ajoute : « Nous condamnons également les clercs de l'Eglise de Carthage qui, en prenant part « au crime, ont rendu plus séduisants les attraits de cet inceste criminel ».

 

1. Réfut. de Pétil., liv. I, n. 11.

 

 

411

 

XXVI. Dites-moi, Cresconius, trouvez-vous dans mes paroles la plus légère exagération du crime? Cette ruse m'eût été très-facile, car les expressions, quoique différentes, ne me faisaient pas défaut. Avant donc que ces deux évêques dont je parle ne fussent rentrés dans votre communion, au moment même où leurs lèvres distillaient un venin d'aspic, où leur bouche était pleine de malédiction et d'amertume, où leurs pieds se portaient rapides à l'effusion du sang, où ils étaient enlacés dans les chaînes du sacrilège, dites-moi, comment ont-ils pu baptiser? Pour purifier les néophytes avaient-ils la conscience de ceux qui baptisent saintement? Avaient-ils du moins pour eux une bonne réputation, fût-elle aussi fausse que possible ? Non, rien de tout cela; il ne vous reste aucune excuse, aucune issue pour échapper aux embarras qui vous enserrent ; car l'illustre concile lui-même a déclaré le crime public et manifeste. Maintenant, en faisant leur soumission avant le terme fixé, n'en déplaise aux absurdités débitées par vos évêques et acceptées par vous, comment ont-ils pu être réintégrés dans leurs anciens honneurs, avec ceux à qui ils avaient conféré le baptême pendant qu'ils étaient retenus hors de l'Église, dans le schisme sacrilège de Maximien ? Qu'ont-ils fait pour expier leur crime? comment leurs lèvres, tout imprégnées d'un venin d'aspic; leur bouche, toute pleine de malédiction et d'amertume, ont-elles été purifiées ? Comment leurs pieds, si prompts à courir à l'effusion du sang, ont-ils recouvré leur innocence? comment leurs mains, souillées parla formation d'un vase d'ignominie, ont-elles été lavées? comment, je ne dis pas leur corps, mais leur âme, tout infectée d'amours incestueux, a-t-elle retrouvé sa blancheur première ?

XXVII. Pour justifier votre conduite, bon gré mal gré, il faut que vous fassiez appel à la saine doctrine qui nous enseigne que le baptême de Jésus-Christ, fût-il conféré par des pécheurs non-seulement occultes, mais publics; non-seulement après leur conversion, mais même dans le cours de leurs crimes, reste toujours ce qu'il est dans sa force inébranlable. Elle enseigne également que le baptême peut exister dans ces pécheurs, mais qu'il ne produit ses heureux fruits que dans les convertis; que cette conversion peut être obtenue par l'efficacité des prières fraternelles des justes et réalisée par la charité qui couvre la multitude des péchés. Avant de vous montrer à quels impudents mensonges vos évêques ont eu recours pour vous tromper sur la réintégration des Maximiens, je tiens à vous prouver avec la dernière évidence que leur mensonge même détruit par sa base la cause que vous soutenez ; et que loin de penser à une réfutation, vous devez uniquement vous préoccuper de votre conversion. Comprenez-vous maintenant combien j'avais raison de vous dire : « Si pour l'unité de la secte de Donat, personne ne pense à réitérer le baptême à ceux qui l'ont reçu dans un schisme criminel, pourquoi, quand. il s'agit d'assister l'unité de l'héritage de Jésus-Christ, cette même règle n'est-elle pas observée dans toute sa rigueur (1) ? » Vous avouez vous-même que la sentence portée contre les fauteurs du schisme de Maximien, ne frappait pas ceux qui, dans le délai fixé, revenaient à l'unité de l'Église. Vous avouez par là même qu'avant de se soumettre ils étaient dans le schisme et y avaient baptisé ceux avec lesquels ils furent reçus dans votre communion. Comprenez-vous comment des morts ont réellement conféré le baptême, puisque c'est en parlant de ceux qui avaient adhéré au schisme de Maximien avant de rentrer dans vos rangs, qu'a été formulée cette sentence du concile de Bagaïum : « Le rivage est couvert des débris de ceux qui périssent, comme il le fut autrefois par les cadavres des Égyptiens? »

XXVIII. Je me suis permis d'ajouter: « Quand on donna parmi eux lecture de cette sentence, tous jetèrent un cri l'applaudissement; mais maintenant, quand nous leur opposons cette même sentence, ils gardent le silence le plus profond (2) ». C'est une preuve évidente que le parti le plus sage pour eux serait de garder le plus profond silence sur ces châtiments, plutôt que de s'exposer, s'ils en parlent, à montrer qu'ils ne les ont que trop mérités. Cela vous prouve de nouveau combien j'ai eu raison de dire : « Ils devraient enfin comprendre qu'on doit s'imposer souvent bien des sacrifices pour conserver la paix et rentrer dans l'Église de Jésus-Christ, laquelle n'a jamais condamné personne qu'après mûre connaissance des

 

1, Réfut. de Pétil., liv. I, n. 14. — 2. Id. n. 11.

 

412

 

a faits. Peut-on en douter quand on vous voit annuler des condamnations antérieures, afin de ne pas troubler la paix dans la secte de Donat (1) ? » Mais ce qui le prouve encore mieux, ce sont vos propres paroles, car vous n'hésitez pas à nous dire que tous ceux qui firent leur soumission dans le délai fixé furent accueillis avec empressement, malgré cette sentence portée contre eux nominativement . « Sachez que sous l'inspiration de Dieu le concile universel les a tous condamnés ». Puisque ce n'est qu'après ces paroles que le délai dont nous parlons leur a été accordé, n'était-il pas plus simple de révoquer la sentence elle-même? Si, du moins, on voulait admettre qu'il nous est bien permis à nous, venus au monde si longtemps après les événements, et à l'univers tout entier, d'ignorer les accusations soulevées contre Cécilianus et dont aucune n'a pu être prouvée, même dans le jugement qui plus tard fut rendu au-delà des mers, ce ne serait pas trop nous accorder, puisque vous déclarez vous-même ignorer entièrement, quoique vous soyez africain, tout ce qui s'est passé de nos jours et en Afrique même, au sujet des Maximiens. Nous aurions pu vous édifier parfaitement à ce sujet, mais vous êtes encore dans l'ignorance, parce que vous n'avez voulu ajouter foi qu'aux récits menteurs de vos évêques.

XXlX. Mais voici que vous me reprochez d'accuser « vos ancêtres d'un crime qui a été commis par les nôtres, le crime de tradition, et de suivre en cela les usages de l'école qui procède toujours par genres de causes et par questions de mots, tandis que dans l'Eglise c'est la vérité seule que l'on doit chercher ». Ce qui me rassure, c'est que vous pourriez adresser le même reproche au prophète Elie qui, se voyant accusé par un impie de détruire le royaume d'Israël, lui répondit: « Ce n'est pas moi qui le détruis, c'est vous et la maison de votre père (2)». Si donc, comme parlent les Grecs, nous nous permettons de rétorquer contre vous votre propre argument, pourquoi nous en tourmenter, puisque nous avons pour nous l'autorité d'un prophète? Et quand on se sert de cette forme de raisonnement : Ce n'est pas moi qui agis ainsi, c'est vous; pourvu qu'on dise la vérité, on ne doit pas craindre ce que ce langage a trop de personnel. Si donc vous entreprenez de justifier vos ancêtres

 

1. Réfut, de Pétil., liv. I, n. 14. — 2. III Rois, XVIII, 18.

 

d'un crime qu'ils avouent eux-mêmes dans toutes leurs confessions publiques, pesez mûrement vos preuves, plutôt que de persuader à ceux qui ne connaissent pas la langue grecque qu'ils ne doivent point nous prêter leur attention. Vous n'osez pas même affirmer que nos ancêtres aient apostasié; vous vous contentez de dire qu'on pourrait citer un grand nombre de lettres à l'appui de cette apostasie; mais gardez-vous de croire qu'une accusation aussi vague équivaut à une démonstration. Or, s'il s'agit de vos ancêtres, nous avons le concile de Sécundus de Tigisit, tenu à Cirté après la persécution dans laquelle on exigeait l'extradition des manuscrits. Ce concile, tenu du reste par un petit nombre d'évêques, avait pour but l'ordination d'un évêque, en remplacement d'un autre évêque décédé.

XXX. Voici ce qui s'est passé dans ce concile, on du moins ce qu'il est -nécessaire que vous sachiez: « Sous le huitième consulat de Dioclétien et le septième de Maximien, le quatre des nones de mars, le concile se tenant à Cirté, dans la maison d'Urbain Donat, sous la présidence de Sécundus, évêque de Tigisit, Sécundus s'exprima ainsi : Assurons-nous d'abord que nous pouvons faire ici l'ordination d'un évêque. Il dit ensuite à Donat de Masculum : On vous accuse d'avoir apostasié. Donat répondit: Vous savez avec quelle insistance Florus me pressa d'offrir de l'encens, mais Diéu ne m'a pas livré entre ses mains ; puisque Dieu m'a pardonné, conservez-moi à Dieu. Sécundus ajouta: Que devons-nous donc faire à l'égard des martyrs? Parce qu'ils n'ont pas trahi, ils ont reçu la couronne de la victoire. Donat répondit: Citez-moi au tribunal de Dieu, là j'expliquerai ma conduite. Sécundus répliqua: Placez-vous de ce côté. Puis, s'adressant à Marinus des Eaux-Tibilitiennes : On rapporte que vous aussi vous avez apostasié. Marinus répondit: « J'ai livré les chartes à Pollus; quant à mes a manuscrits, ils sont sauvés. Sécundus répliqua: Passez de ce côté. Puis, s'adressant à Donat de Calamée : On rapporte que vous avez apostasié. Donat répondit: J'ai livré des manuscrits de médecine. Passez de ce côté, répliqua Sécundus». Dans un autre passage nous lisons également: « Sécundus dit à Victor de Rusiccade : On rapporte que vous avez livré les quatre évangiles. Victor (413)  répondit: Valentianus me servit de procureur et me contraignit à les jeter au feu. Je savais qu'ils étaient interpolés. Pardonnez-moi cette faute et Dieu me la pardonnera également. Sécundus lui dit: Passez de ce côté». Ailleurs encore : « Sécundus dit à Purpurins de Lima : On rapporte que vous avez mis à mort les deux fils de votre sueur. Purpurius répondit : Pensez-vous m'effrayer comme vous avez effrayé les autres ? Vous-même qu'avez-vous fait, vous qu'ont saisi le procureur et l'official, pour vous contraindre à livrer les Ecritures? Comment vous êtes-vous échappé de leurs mains, n'est-ce pas en leur livrant ou en ordonnant de leur livrer n'importe quoi ? Ils ne vous ont pas relâché sans condition. Pour moi j'ai frappé et je frappe de mort ceux qui me font violence. Ne me forcez pas à en dire davantage. Vous savez que je ne relève de personne. Le jeune Sécundus dit à Sécundus son oncle: Vous entendez ses outrages à votre égard. Il est tout disposé à se retirer et à faire schisme, lui et tous ceux que vous réprimandez. Je sais qu'ils sont tout prêts à vous quitter, à lancer une sentence de condamnation contre vous, et il n'y aura plus que vous qui soyez hérétique. Pourquoi donc vous occuper de sa conduite? Il rendra compte à Dieu de sa conduite. Sécundus s'adressant à Félix et à Victor de Garbé leur dit: Qu'en pensez-vous donc? Ils répondirent: Dieu leur demandera compte de leur conduite. Sécundus ajouta : « Vous seuls et Dieu savez ce qu'il en est. Asseyez-vous. Et tous répondirent: Deo gratias. »

XXXI. Ces apostats et beaucoup d'autres, tels que Silvanus de Cirté, dont je rapporterai plus loin la trahison, ce sont ceux mêmes qui à Carthage ont lancé une sentence de condamnation contre Cécilianus et ses partisans, et vous les justifiez hautement, comme vous en justifierez beaucoup d'autres et Silvanus en particulier, en prétendant qu'ils ne peuvent être apostats puisqu'ils accusent précisément leurs adversaires du crime d'apostasie, sans en excepter Cécilianus et ses partisans déclarés coupables par l'unanimité du concile. Est-ce- donc que vous ne croyez pas possible qu'un apostat condamne d'autres apostats ? Alors vous devez vous regarder comme plus prudent que l'apôtre saint Paul, car il ne craignait pas d'adresser des reproches qui devront vous paraître, à vous, d'énormes absurdités « Vous qui prêchez contre le vol, vous volez; vous défendez l'adultère et vous le commettez ; vous avez en horreur les idoles, et vous commettez le sacrilège »; et surtout : « Vous vous condamnez sur le point même sur lequel vous jugez votre frère, puisque vous commettez les crimes que vous jugez (1) ». Ces apostats s'avouèrent coupables, mais Sécundus effrayé pour lui-même leur pardonna, et ce sont eux qui l'assistèrent au concile de Carthage, et jugeant la cause de personnes absentes qui n'avaient fait aucun aveu, ils ne rougirent          pas de les - condamner, eux qui avaient reçu le pardon des crimes qu'ils avaient avoués dans un concile auquel ils assistaient. Ce concile serait à tout jamais tombé dans l'oubli le plus complet, si la teneur n'en avait pas été transcrite et conservée par ceux qui, dans la crainte qu'on ne les accusât un jour des mêmes crimes, avaient cru devoir préparer leur propre défense.

XXXII. Mais il importait à Sécundus lui-même, dans la crainte d'un schisme que les gens pacifiques redoutent par-dessus tout, de donner au pardon qu'il accordait les apparences d'une sentence divine. Que n'en faisait-il autant dans le concile de Carthage, quand il avait à juger des absents dont les inculpations n'avaient aucun fondement ? Mais la puissante et riche Lucille, animée de haines furibondes, voulait la condamnation de Cécilianus et l'ordination d'un autre évêque. C'est ce que nous apprend, dans le jugement du consulaire Zénophile, un certain Nundinarius, alors diacre de votre évêque, mais qui dans la suite ne crut pas devoir supporter plus longtemps son inimitié, ni vivre avec lui en bonne harmonie. Sans doute que cet évêque, plutôt que de prendre la voie de la prière pour mériter son pardon, avait eu recours à la violence pour empêcher son diacre de révéler ses crimes en face des autres évêques.

XXXIII. J'emprunte â la teneur de ce jugement les passages suivants: «Sous le consulat de Constantin le Grand, Auguste, et de Constantin le Jeune, très-illustre César, aux ides de décembre, s'adressant au grammairien Victor, assisté du diacre Nundinarius, le consulaire Zénophile s'exprima ainsi : Comment vous appelez-vous ? Victor, répondit-il ». Un peu plus loin: « Nundinarius répondit: Qu'on

 

1. Rom. II, 21, 22, 1.

 

414

 

lise les actes. Zénophile ajouta: Qu'on les lise. Le notaire Nundinius lut en ces termes

Sous le huitième consulat de Dioclétien et le septième de Maximien, le quatorze des calendes de juin, d'après les actes de Munatius Félix, flamine perpétuel de la colonie de Cirté. Quand on fut parvenu à la maison où les chrétiens se rassemblaient, Félix dit à Paul évêque : Présentez les Ecritures de la loi, et si vous avez autre chose encore, empressez-vous de tout remettre entre nos mains. Paul répondit: Les lecteurs ont les Ecritures; quant à nous, nous donnons tout ce que nous avons. Félix dit à Paul : Présentez-nous les lecteurs, ou envoyez-les-nous. Paul répondit: Vous les connaissez tous. Félix répliqua : Nous ne les connaissons pas. Paul répondit: Le ministère public les connaît, je parle des notaires Edesius et Junius. Félix insista: Laissons de côté les lecteurs que le ministère nous montrera, mais en, attendant, remettez-nous tout ce que vous avez. Pendant qu'on voyait assis Paul évêque, Montanus, Victor de Castellus et Mémorius prêtres; debout à leurs côtés, Mars, Elius et Mars diacre ; les sous-diacres Marcuclius, Catulinus, Silvanus et Carosus; les fossoyeurs Januarius, Marculius, Fructuosus, Miggène, Saturninus, Victor de Samsuricum et autres, Victor d'Aufidium écrivait en face: Deux calices d'or, six calices en argent, etc. » Ailleurs encore nous lisons également: « Quand on fut arrivé à la bibliothèque, on y aperçut d'immenses armoires, et Silvanus produisit un capitulaire d'argent et une lampe de même métal, et prétendait qu'il avait trouvé ces objets derrière le coffre. Victor dit à Silvanus : Si vous ne les aviez pas trouvés, vous auriez été puni de mort. Félix dit également à Silvanus : Cherchez avec plus de soin encore, car je ne veux pas qu'il reste ici quoi que ce soit. Silvanus répondit: Il ne reste rien, nous avons tout remis ». Ailleurs encore: « Exemplaire du libelle livré aux évêques par le diacre Nundinarius. Jésus-Christ et ses anges nous sont témoins que vous avez communiqué avec les apostats; de même Silvanus de Cirté est un apostat, lui, l'usurpateur des biens des pauvres, vous le savez tous, vous évêques, prêtres, diacres et vieillards; vous savez également que c'est à l'occasion des u quatre cents pièces de monnaie de l'illustre Lucille que vous vous êtes ligués pour le faire parvenir à l'épiscopat, et c'est là ce qui a déterminé le schisme. En effet, c'est en votre présence et en présence du peuple que Victor, simple foulon, donna vingt pièces de monnaie pour être ordonné prêtre ; Jésus-Christ et ses anges le savent, etc. » Ailleurs encore : « Après cette lecture le consulaire Zénophile ajouta : De la lecture de ces actes et de ces lettres il résulte que Silvanus est certainement un apostat ». Et plus loin : « Zénophile demanda: Quelle fonction Silvanus remplissait-il dans la cléricature? Victor répondit: La persécution s'éleva sous l'épiscopat de Paul, et Silvanus était sous-diacre ».

XXXIII. A ces témoignages, qu'avez-vous donc à répondre? Pour justifier Silvanus, porterez-vous l'audace jusqu'à alléguer la sentence qu'il a prononcée contre Cécilianus et ses partisans qu'il condamna comme apostats? Bien plutôt faites-nous remarquer qu'il a réalisé à sa manière ces paroles de l'Apôtre : « Vous qui défendez l'apostasie, vous apostasiez, etc., et vous vous condamnez vous-même sur le point que vous jugez, car vous faites ce que vous condamnez». «Mais », dites-vous, « il refusa de communiquer avec Ursacius et Zénophile devenus persécuteurs, et voilà pourquoi il fut exilé ». Je vais plus loin: celui qui était déjà apostat, a voulu rester hérétique, afin de pouvoir jouir d'un faux honneur dans la secte de Donat; il n'en eût pas été de même s'il fût revenu à l'Eglise catholique, car on n'avait que des preuves trop authentiques et trop solennelles de son apostasie. Il est certain que-vous accuserez de fausseté ces documents, par cela seul qu'ils plaident contre vos ancêtres, tandis que vous recueillerez contre les nôtres toutes les accusations que vous rencontrerez. Il est possible que vos efforts ne soient pas couronnés de succès, mais ils n'en seront pas moins réels. Mais supposons que vous avez rencontré de ces chefs d'accusation, et que vous les avez exhibés; pousserez-vous l'impudence jusqu'à soutenir que les pièces que vous fournissez contre nous sont authentiques, tandis que les nôtres ne sont d'aucune valeur contre vous? Présentez-nous des preuves qui attestent que les nôtres ont avoué leur apostasie, et nous en conclurons qu'il y a eu des apostats des deux côtés; ou bien si vous supposez que les  (415) nôtres ont inventé des charges contre vous, pourquoi ne pas admettre que les vôtres ont pu en faire autant contre nous? Ainsi donc, pour de pures actions humaines, qu'elles soient prouvées de part et d'autre ou qu'elles restent voilées de certaines obscurités, pourquoi nous faire la guerre les uns aux autres, nous qui croyons tous en un seul et même Dieu? ne serait-il pas, au contraire, de notre devoir, de vivre dans la concorde avec la grâce de Jésus-Christ? A nous tous qui sommes venus si longtemps après les événements on nous raconte de part et d'autre des choses qui compromettent gravement vos ancêtres et les nôtres ; s'il ne nous est pas permis de douter de la véracité de ces récits, pouvons-nous supposer de plus grandes iniquités ? s'il nous est permis d'en douter, ce doute seul ne doit-il pas nous suffire? Si, en effet, nous ne connaissons pas les auteurs de l'apostasie, nous connaissons celui qui nous ordonne de travailler au bien de la paix réciproque.

XXXV. Il suit de là que celui qui, à l'occasion du mal incertain des autres repousse la paix de Jésus-Christ, se rend certainement coupable lui-même. Cyprien voyait clairement le mélange de la zizanie et du bon grain, et cependant loin de renoncer à la paix du froment il écrit à Maxime : « Quoique la zizanie apparaisse dans l'Eglise, notre foi ni notre charité ne doivent pas en souffrir, gardons-nous surtout de sortir du sein de l'Eglise ». Il y avait plus pour lui qu'un soupçon, qu'une opinion, qu'une conjecture ; il a pu dire Nous voyons. Ce mot détruit tout soupçon, et cependant le saint martyr ne veut pas que le corps de Jésus-Christ soit divisé ! Si vous ne voulez voir que du froment, gémissez sur le labeur du champ, réjouissez-vous dans l'espérance du grenier éternel, tolérez les méchants dans la communion des sacrements de Jésus-Christ, dans la crainte qu'en brisant les filets avant de les avoir jetés sur le rivage, vous ne deveniez ce que vous ne voulez pas tolérer. C'est ainsi que je parlerais si vous pouviez prouver les accusations d'apostasie que vous intentez contre nos évêques. Et même je pourrais m'en dispenser, car je ne suis pas obligé de tolérer ceux avec lesquels je ne suis pas obligé de vivre. Qu'on me prouve aujourd'hui que tel évêque a apostasié, de quel droit me séparerais-je de tant de nations chrétiennes dont rien ne me prouve (415) la défaillance dans la foi ? Enfin, si j'apprends en ce moment ce que j'ignorais peu de temps auparavant, est-ce pour vous une raison de détruire ce que je savais? Je savais avoir reçu le baptême de Jésus-Christ : et vous, vous connaissiez un crime étranger, qui, vous en conviendrez assurément, ne pouvait nuire à ceux qui l'ignoraient.

XXXVI. Pourquoi donc rebaptisez-vous aujourd'hui celui qui a été baptisé hier, sous le vain prétexte que vous lui donnez aujourd'hui connaissance d'un crime étranger qu'il ignorait hier ? Puisqu'il était dans la bonne foi à l'égard du ministre, il ne pouvait avoir la responsabilité du baptême qu'il recevait. Il n'y a qu'un instant que vous l'avez fait sortir de cette bonne foi, pourquoi donc le rendez-vous coupable jusqu'à invalider son baptême? Soit qu'il agrée vos preuves ou qu'il les repousse, tant que vous n'aurez pas clairement démontré qu'il connaissait celui qui lui conférait le baptême, vous n'aurez aucun droit, même selon votre opinion, de réitérer ce sacrement à celui qui l'a reçu de la main d'un apostat. Faites trêve un instant à vos préjugés de secte, et veuillez remarquer que, même en Afrique, une immense multitude de chrétiens ignorent absolument quels sont ceux qui ont apostasié. Que devez-vous penser des chrétiens de l'univers tout entier ? Prouvez donc que cette innombrable multitude, en recevant le baptême, en connaissait le ministre ; si non, ne parlez plus de lui réitérer le baptême, ou déclarez hautement que vous avez le droit de juger des secrets les plus profonds du coeur de l'homme. Mais alors, que faites-vous donc de cette sentence que vous invoquez vous-même : « A vous de juger de ce qui est public, mais ce qui est caché ne relève que du Seigneur votre Dieu (1) ? » L'univers chrétien vous crie : Je connais le baptême de Jésus-Christ, mais j'ignore quels furent les apostats de l'Afrique ou d'ailleurs; croyez à la sincérité de cette parole. Quoi donc, pour invalider en moi les oeuvres les plus manifestes de Dieu, vous vous donnerez le droit de juger ce qu'il y a de plus secret dans mon coeur ! Que m'importe que vous prouviez la réalité de tel crime dans les autres ? ce crime m'était inconnu quand je recevais le baptême, et cela me suffit. Si vous exigez qu'on me réitère le baptême, uniquement à

 

1. Deut. XXIX, 29.

 

416

 

cause de ceux que vous me présentez comme coupables, réitérez-le donc également à tous ceux qui sans le savoir ont été baptisés par les adultères que vous allez bientôt nous signaler. A cet argument que pouvez-vous répondre? Je l'ignore, à moins que vous ne disiez : Il n'y a de saint, il n'y a de pur que ce que je veux et comme je le veux.

XXXVII. « Ces faits », dites-vous, « sont attestés par la conscience de l'univers tout entier». On vous répond : La conscience du genre humain n'est aucunement impliquée dans cette affaire. « Nos ancêtres », dites-vous, « ont appris cela de leurs pères ». On vous répond Des trompeurs l'ont appris d'autres trompeurs ou de calomniateurs. Les ancêtres des Juifs ont aussi appris de leurs ancêtres que les Apôtres ont enlevé furtivement du sépulcre le corps de Jésus-Christ. « Mais », dites-vous, « ce n'est que depuis peu que sont morts ceux qui ont parfaitement connu les auteurs et le théâtre de cette apostasie criminelle ». On répond : Les nôtres tiennent en leur faveur absolument le même langage. « Bien plus », dites-vous, « nous avons entre les mains les livres où l'ordre des faits est parfaitement transcrit; nous conservons les dépositions, les lettres et les aveux les plus explicites d'un grand nombre de coupables ». On vous répond que les nôtres possèdent les mêmes documents en faveur de leur parti. Ainsi donc, ou bien croyons à ceux qui ont pu convaincre de la justice de leur cause ces Eglises dont le nom est inscrit dans les livres divins ou canoniques; ou bien, mettant en pratique ce que vous avez dit d'Optat, n'absolvons ni ne condamnons ce qui nous paraît douteux, et conservons dans une charité réciproque et fraternelle cette paix de Jésus-Christ, laquelle est pour nous le plus précieux de tous les biens.

XXXVIII. Quant aux Orientaux que pourtant vous rangez de notre côté, vous soutenez qu'« ils ont eu connaissance de ce crime d'apostasie ». Comme preuve vous citez « le commencement d'une lettre du concile de Sardique, dans laquelle il est fait mention de Donat, votre évêque de Carthage ». Vous en concluez que « les Orientaux ont protesté par cette lettre contre le crime des apostats, ont brisé toute relation avec eux, et par conséquent sont restés en communion avec votre Donat ». Laissez-moi donc vous apprendre ce que vous ignorez : Le concile de Sardique était formé d'Ariens, et les actes que nous avons entre les mains prouvent assez qu'il fut tenu contre l'évêque catholique d'Alexandrie, Athanase, qui se montra toujours l'ennemi le plus redoutable de cette hérésie qui avait pris naissance dans cette même ville d'Alexandrie. Il ne faut donc pas s'étonner que ces évêques Ariens, que l'Eglise condamnait sur toute là face de la terre, aient tenté de s'adjoindre Donat. Remarquons cependant que cette lettre ne dit pas où siégeaient ces évêques auxquels elle est adressée. Il peut donc se faire que hors de l'Afrique il y ait eu un autre Donat, évêque, que vos sectaires ont injustement placé à Carthage ; ou bien, comme je l'ai dit plus haut, l'hérésie orientale a cherché à s'adjoindre l'hérésie africaine. Ce qui donne à cette conclusion le caractère de la plus haute probabilité, c'est que jamais l'Eglise Orientale ne se serait permis d'écrire à l'évêque de Carthage, sans avoir écrit d'abord à l'évêque de Rome; vous-mêmes, n'est-ce pas toujours à Rome que vous écrivez ou que vous envoyez vos défenseurs ? Mais j'en rends à Dieu de continuelles actions de grâces, jamais n'a pu se faire, si elle fut commencée, cette conspiration des hérétiques de l'Orient avec les hérétiques de l'Afrique.Vous-même vous proclamez les Ariens dignes de vos anathèmes et des nôtres ; d'où il suit que je n'ai nul besoin de discuter ici cette matière importante. Pourtant vous supposez que nous vous faisons l'objection suivante: « S'il en est ainsi, comment par la suite les Orientaux ont-ils été distraits de votre communion? » Vous répondez : « Pour favoriser la réception des nôtres, ils ont dû modifier leur opinion sur la cause condamnée ». Or, je vous le demande, est-il étonnant qu'en parlant de ces contrées lointaines vos évêques vous racontent impunément tout ce qu'ils veulent? S'il faut prendre ces assertions à la lettre, qu'ont donc pu faire tant de peuples qui malgré leur ignorance de ces événements se voient obligés par vous à se faire réitérer le baptême? Ne peut-on pas admettre parfaitement cette ignorance de la part de ces peuples, quand on voit que vous-même, malgré votre attrait pour toutes les connaissances, vous seriez resté complètement étranger à ce qui s'est passé en Afrique entre vos évêques et les Maximiens, si vous n'aviez pas entrepris de réfuter une de mes lettres ?

 

417

 

XXXIX. En répondant à Pétilien (1) j'avais dit hardiment : « En admettant que quelques-uns de ceux qui sont morts dans notre communion fussent réellement convaincus du crime d'apostasie, nous réprouverions ce crime, mais nous n'en serions souillés en aucune manière ». Cette affirmation « vous a paru ridicule et indigne de ma prudence ». Or, je voudrais savoir sur quoi se fonde votre prudence dans ce démenti qu'elle m'oppose. Sur ceci, dites-vous : « C'est que vous ne voyez pas comment nous pouvons désapprouver et condamner ce que jamais nous n'avons condamné, malgré notre parfaite connaissance de l'erreur, parce que nous partagions les mêmes opinions schismatiques ». Ma réponse sera courte, vous en jugerez vous-même. Je suis en communion avec cette Eglise qui a pour membres toutes les Eglises que les travaux des Apôtres ont fondées et affermies, comme nous l'apprenons par les livres canoniques; et cette communion, si Dieu m'en fait la grâce, je ne la quitterai ni en Afrique, ni nulle part ailleurs. S'il y a eu des apostats dans cette communion, je ne les connais pas; mais quand vous m'aurez prouvé leur crime, je les poursuivrai jusqu'au-delà du tombeau de tous les anathèmes de mon corps et de mon coeur ; mais je le dis sans crainte, jamais les crimes commis par les morts ne m'empêcheront de rester en communion avec les vivants qui font partie de la sainte unité de l'Eglise. Est-ce donc par ces morts que l'église a été fondée ? Ont-ils été des hommes de bien? ils étaient alors le froment; ont-ils été pécheurs ? ils n'étaient alors que la paille condamnée à périr. Quant à vous, que ni la zizanie ni la paille ne pouvaient souiller dans l'Eglise visible, peut-on donner à votre séparation une autre cause que le désir d'un schisme sacrilège? « Si la trahison vous déplaît », dites-vous, « réprouvez, fuyez et abandonnez l'église des apostats. Gardez-vous de suivre les traces trompeuses de vos ancêtres ». A cela je réponds: Ils sont mes ancêtres, s'ils n'ont pas été traditeurs; s'ils l'ont été, comme je ne le suis pas, ils ne sont pas mes ancêtres. J'adhère à l'Eglise qui renferme tout à la fois le bon grain et la paille. Sans parler des autres qui ont assez du propre fardeau qu'ils traînent, mais ne parlant que de moi-même, je dis que si vous pouviez me

 

1. Réfut. de Pétilien, liv. I, n. 19.

 

convaincre d'avoir été traditeur, le seul parti que je devrais prendre serait de devenir meilleur et non de me séparer. Et si dans notre communion je rencontre parfois de ces malheureux qui ont trahi leur foi, armé de la parole et de la doctrine du Sauveur, je convertis ceux que je puis et je tolère ceux que je ne puis changer. Je fuis la paille, dans la crainte de le devenir, mais je ne fuis pas l'aire, de peur de devenir rien.

XL. N'insistez donc pas sur cette maxime, si vous ne voulez pas en subir le châtiment. Sur ce point ma conduite m'est toute tracée par le précepte de l'Apôtre, tel que vous le citez vous-même: « Ne participez point aux péchés d'autrui, et conservez-vous chaste (1) ». C'est pour me faire comprendre comment je dois me soustraire au contact des péchés des autres, que Paul a ajouté : « Conservez-vous chaste ». En effet, celui qui se conserve chaste ne communique aucunement aux péchés d'autrui, ce qui ne l'empêche pas, quant aux sacrements divins, d'être en communication avec tous, même avec ceux qui, à cause de leurs péchés; ne les reçoivent que pour leur condamnation; et c'est en évitant ces mêmes péchés qu'il se conserve chaste. S'il n'en était pas ainsi, il faudrait dire, ce qu'à Dieu ne plaise, que Cyprien participait aux péchés des voleurs et des usuriers, en raison seule de leur communication aux mêmes sacrements, et cependant c'est de ces impies que cet évêque a dit : « Plusieurs évêques, qui devaient servir d'ornement et d'exemple à leurs ouailles, ont négligé leur mission divine, sont devenus les procurateurs des choses séculières, ont abandonné leur siège, délaissé leur peuple, et erré à travers des provinces étrangères, dans le but de s'occuper d'affaires séculières et de commerce; pendant que beaucoup de leurs frères sont indigents, ils aspirent à conquérir beaucoup d'argent ; ils ravissent le bien d'autrui par des fraudes insidieuses, et augmentent leurs richesses en multipliant l'usure (2) ». Cyprien communiquait-il avec les péchés de ces hommes? suivait-il les erreurs de leur secte ? Et cependant il continuait à rester en communion avec eux, par cette simple raison que ce n'étaient pas eux qui avaient institué les sacrements, et que leur conduite mauvaise faisait pour eux de ces sacrements un titre

 

1. I Tim. V, 22. — 2. Discours les Tombés.

 

418

 

véritable aux châtiments les plus rigoureux.

XLI. Une difficulté toute naturelle se présentait à vous; car, en ce qui me concerne personnellement, il est bien certain que je n'ai pas livré le Testament divin. Vous n'en doutez pas : « Mais », ajoutez-vous, « celui qui vous a fait chrétien avait commis ce crime ». Et aussitôt vous donnez libre cours à votre plume éloquente : « Le ruisseau découle de sa source, et les membres suivent la tête. Quand la tête est saine, le corps est sain; tandis que si la tête est malade ou viciée, tous les membres tombent dans la défaillance. — Tout ce qui croît subit toujours l'influence de son origine ». Enfin, comme pour frapper le dernier coup, vous ajoutez : « Ne peut être innocent celui qui est enrôlé dans la secte d'un coupable ». Toutes ces expressions indiquent clairement que c'est purement un apostat que vous me donnez pour maître et pour chef; m'accuser c'était facile ; mais quant à fournir des preuves vous avez dû y renoncer. De mon côté, je n'ai jamais attribué à l'innocence du ministre de mon baptême mi ma création chrétienne, ni la source de la vie spirituelle qui circule en moi.Je vous prie seulement de remarquer que vous tombez dans l'erreur de Pétilien, qui ne voulait pas que dans la sanctification du baptême Jésus-Christ seul fût la source et la tête de celui qui renaît; et malgré cela vous prétendez que ce n'est pas à vous que s'applique cette parole : « Maudit soit celui qui place dans l'homme sa confiance (1) ! » Si vous ne voulez pas tomber sous l'anathème de ce texte, cherchez donc ailleurs un refuge assuré.

XLII. Du reste vous me fournissez vous-même dans l'Ecriture un autre témoignage qui doit me servir de réplique. En effet, vous soutenez que c'est à notre adresse qu'il a été dit : « Ne marchez pas dans les prescriptions légales de vos pères (2) ». Vous ne comprenez donc pas que le Prophète défend aux Juifs d'imiter les péchés de leurs pères, sans leur conseiller aucunement de se séparer de ce peuple de Dieu ? Si donc il a été permis au roi David, à Samuël, à Isaïe, à Jérémie, à Zacharie, à tous les saints et aux Prophètes du Seigneur, quoique jetés au milieu des profanateurs de la loi, d'observer les préceptes du Seigneur, de lancer contre les transgresseurs eux-mêmes des reproches aussi amers

 

1. Jérém. XVII, 5. — 2. Ezéch. XX, 18.

 

que mérités, de détester et de fuir, loin de les imiter, les péchés que leurs pères avaient commis du temps de Moïse et qui les avaient rendus indignes d'entrer dans la terre promise, et enfin de menacer ceux qui s'en rendaient encore coupables sous leurs yeux, de tous les châtiments qui avaient frappé leurs pères ; si, dis-je, ils purent agir ainsi sans se croire le droit de faire schisme sous prétexte de se choisir un autre peuple plus saint et plus pur; comment alors ne nous serait-il pas permis de ne pas imiter les oeuvres de je ne sais quels personnages que vous nous opposez sans les approuver, sans cependant.nous séparer de la sainte Eglise qui, selon la parole de l'Apôtre, « fructifie et croit dans le monde tout entier (1) ? » Est-ce donc que les traditeurs auraient institué certains sacrements par lesquels je dusse être baptisé? Ont-ils composé quelques ouvrages sur la nécessité de suivre la tradition des ancêtres, et dans ce cas suivons-nous leur doctrine? Supposé qu'ils l'aient fait et qu'ils aient établi que pour communiquer avec eux il faudrait lire ces ouvrages et les approuver, par le fait même ils se seraient séparés de l'Eglise, et alors si vous me voyiez devenir leur adepte, vous devriez me regarder comme un membre de l'Eglise des traditeurs. Et si enfin, formulant par écrit leur détestable doctrine sur la tradition des livres sacrés, ils refusaient de former hors de l'Eglise une société, une communion particulière, alors nous devrions simplement les regarder comme étant la zizanie, dont la présence ne nous obligerait aucunement à nous séparer du bon grain.

XLIII. Je dis donc de nouveau ce que vous me défendez de répéter davantage : « Vous accusez devant moi des hommes morts depuis longtemps et que je ne puis juger, puisque je ne les connais pas ». Vous répondez : « Vous pouvez juger aujourd'hui même, car on peut toujours juger, non-seulement les vivants, mais encore les morts. En effet, quoique celui qui a péché soit mort, la faute qu'il a commise ne meurt jamais ». Et si pendant sa vie il s'était converti et eût apaisé le Seigneur, est-ce que la faute qu'il a commise ne serait pas morte et effacée? N'avez-vous pas admis vous-même que Félicianus et Prétextat, les consécrateurs de Maximien, ont profité du délai qui leur

 

1. Coloss. I, 6.

 

419

 

était offert et ont expié leur crime? Or, ne serait-il pas bien étonnant que les pécheurs eux-mêmes puissent se convertir et empêcher ainsi que leurs péchés leur causent le moindre désavantage, tandis que ces mêmes péchés nuiraient à ceux qui ne les ont pis commis, (je vais plus loin, et il s'agit de nous), nuiraient à ceux mêmes qui n'en ont eu aucune connaissance? Mais vous soutenez que « je puis porter mon jugement aujourd'hui, parce qu'il est toujours permis de juger, non-seulement les vivants, mais les morts eux-mêmes ». Eh bien ! me voici décidé à juger, mais aussitôt vous refusez de plaider la cause; c'est même en vain que nous vous prouvons que la cause est finie, qu'elle est parfaitement terminée, vous refusez d'accepter nos conclusions et nos preuves. Je vais donc vous mettre en demeure d'enseigner vous-mêmes. Voici des chrétiens que vous n'avez pas encore instruits, pourquoi les obligez-vous à recevoir de nouveau le baptême, puisque c'est dans la plus complète ignorance qu'ils ont été baptisés par des traditeurs, et que vous ne devez pas les rebaptiser, même quand vous les avez instruits? Et en effet vous ne réitérez pas le baptême à ceux qui, sans le savoir, ont été baptisés par des adultères, même quand le crime est connu et parfaitement constaté.

XLIV. Vous allez me dire sans doute : La cause de Cécilianus est depuis longtemps jugée. Je vous réponds que celle de Primianus avait été jugée par cent de vos évêques qui, sur les dépositions de Maximien, l'avaient déclaré gravement coupable, avant que vous teniez le concile de Bagaïum. Mais dans le premier jugement il fut condamné par contumace, tandis qu'il assista au second et fut déclaré innocent. Si donc vos évêques ne peuvent réitérer le baptême à ceux que Primianus a baptisés après son premier jugement, à plus forte raison quand il s'agit de ceux qu'il a baptisés après le second jugement! De même, dans un premier jugement rendu à Carthage par Sécundus de Tigisit, Cécilianus fut condamné par contumace, tandis que dans un second jugement rendu à Rome en sa présence, il fut déclaré innocent par Miltiade. Si vous ne voulez pas que nous soyons convaincus de son innocence, du moins permettez-nous d'en douter. Et en effet, pour vous vaincre il n'est pas nécessaire de connaître l'innocence de Cécilianus : il suffit d'ignorer sa culpabilité. Et cependant vous affirmez que l'on doit réitérer le baptême non-seulement à ceux qui disent: Nous savons; mais même à ceux qui disent : Nous ne savons ce que fut Cécilianus. On ne doit pas rebaptiser ceux que Primianus a baptisés après le premier jugement, dans lequel il fut condamné par contumace, et on devra rebaptiser ceux que Cécilianus a baptisés après le second jugement, dans lequel en sa propre présence il a été déclaré innocent? Admettons qu'il n'ait pas été permis de condamner Primianus après sa condamnation, mais au moins qu'on nous permette de douter de l'innocence de Cécilianus, après qu'il a été déclaré innocent. Ses crimes, du reste, fussent-ils parfaitement prouvés, l'Esprit-Saint nous enseigne que la paille peut exister avec le bon grain, et que nous ne pouvons être souillés par les péchés d'autrui, quand nous ne les imitons pas. Or, voici que ces crimes sont à nos yeux pour le moins incertains, et non-seulement nous sommes coupables, mais encore condamnés à nous faire réitérer le baptême. Est-ce donc ainsi que vous agissez? Est-ce ainsi que vous pervertissez toutes choses ? Avez-vous donc le droit de déclarer arbitrairement qu'il n'y a de saint que ce que vous voulez? et d'impur que ce que vous voulez encore? Mettez un frein à vos extravagances ; ne flattez pas ainsi les méchants, si vous ne voulez pas être exclus à jamais de la société des bons.

XLV. En réfutant Pétilien ! j'avais dit : « Quant aux persécutions, je réponds que si vous avez souffert quelque chose injustement, on ne doit point en faire retomber la responsabilité sur ceux qui, tout en condamnant de semblables iniquités, en tolèrent cependant les auteurs ». Cette proposition n'a pas manqué de soulever toutes vos colères, ce qui prouve que vous avez oublié que votre lettre aurait pour lecteur une saine intelligence. En effet, votre réplique prouve évidemment que vous me prêtez la pensée de soutenir que l'on doit vous persécuter pour assurer la paix et l'unité. C'est là une pure calomnie, car voici comment je me suis exprimé : « Si vous avez souffert quelque injuste persécution, on ne doit point en faire retomber la responsabilité sur ceux qui, tout en condamnant de semblables iniquités, en tolèrent cependant les auteurs. »

 

1. Réfut, de Pétilien, liv. I, n. 20.

 

420

 

 Après un langage aussi clair, je ne vois pas que ceux que vous avez voulu tromper puissent encore se faire illusion. Vous avez parfaitement compris vous-même le sens de mes paroles; mais, profitant de la concision de mon langage, vous avez cru qu'on pouvait le couvrir d'une profonde obscurité, et que d'après le sens de votre réponse on déterminerait le sens de l'attaque. Or, si je soutiens que nous tolérons parmi nous des pécheurs, c'est-à-dire de la paille dans l'aire du Seigneur, afin d'y assurer la paix et l'unité, ai je besoin de justifier ma proposition, quand j'entends le bienheureux Cyprien déclarer formellement que, lors même que l'on voit des méchants dans l'Eglise, on ne doit point à cause d'eux se séparer de l'Eglise (1) ? N'est-ce pas dire avec moi qu'on doit les tolérer pour la paix de l'unité? S'ils vous persécutent, croyez bien qu'ils ne nous épargnent pas davantage, car en vous persécutant injustement, ils vous fournissent l'occasion de tromper les faibles et de vous couvrir des fausses apparences de la gloire; tandis que nous, ils nous plongent dans une tristesse profonde.

XLVI. Rappelant ensuite je ne sais quels morts auxquels quelques-uns des nôtres auraient arraché la vie, vous donnez libre cours aux élans de votre éloquence, et vous vous couronnez avec ostentation de toutes les palmes du martyre. Vous oubliez donc que, de la part. de vos clercs et des Circoncellions, nous subissons chaque jour des traitements comme savent à peine en infliger des voleurs et des brigands? Munis d'armes de toute sorte et des plus terribles, ils sèment partout la frayeur et l'effroi, troublent le repos et la paix, je ne dis pas seulement de l'Eglise, mais de la société tout entière, envahissent pendant la nuit la demeure des clercs catholiques et enlèvent tout ce qu'ils peuvent emporter; quant aux personnes qui tombent entre leurs mains, ils les frappent de verges, déchirent leurs corps avec des ongles de fer et les laissent à demi mortes. Mais voici un de leurs moyens favoris et d'une barbarie sans exemple : Dans les yeux de leurs victimes ils jettent de la chaux imbibée de vinaigre; il eût été plus simple et plus facile de leur arracher les yeux, mais ils veulent prolonger le plaisir qu'ils trouvent dans de semblables spectacles. Ils n'employaient d'abord que la chaux; mais,

 

1. Lettre à Maxime.

 

apprenant qu'on pouvait y apporter remède et sauver encore les victimes, à la chaux ils ont ajouté du vinaigre.

XLVII. Je passe sous silence tous les autres crimes qu'ils ont commis précédemment, ce qui a déterminé à fulminer contre votre erreur ces lois qui sont encore plutôt empreintes de mansuétude chrétienne qu'elles ne sont armées de toute la sévérité que réclament des crimes aussi horribles. L'évêque catholique de Thubursicubure, nommé Servus, se dirigeait vers un lieu que les vôtres venaient d'envahir, et les procurateurs de chaque parti attendaient les secours de l'armée proconsulaire, mais aussitôt les Donatiens se précipitent en armes, et c'est à peine si l'évêque put avoir la vie sauve. Le père de cet évêque était prêtre lui-même, d'un âge avancé et vénérable par ses vertus; à la nouvelle de ce massacre il fut tellement atterré, qu'il mourut quelques jours après. Maximien, évêque catholique de Bagaïum, après mûre délibération, avait porté une sentence qui rendait à son légitime possesseur la basilique de Calvianum, injustement usurpée par vos sectaires. Ses droits de possession étaient évidents; cependant, poursuivi par ses ennemis, il s'était réfugié sous l'autel de cette basilique ; cet autel fut brisé sur son corps; le bois, les cordes, le fer, tout fut employé pour le meurtrir, son sang coula en grande abondance. Il avait reçu à l'aine une large blessure, des flots de sang noir en jaillissaient; et il fût mort immédiatement, si leur cruauté n'avait pas été rendue inutile par l'immense miséricorde du Seigneur. En effet, pendant qu'on le traînait ainsi à demi mort et dépouillé de ses vêtements, la plaie se trouva secrètement fermée par la poussière du chemin. Bientôt les nôtres le recueillirent dans leurs bras, mais ses bourreaux se précipitent de nouveau pour tenter un dernier effort; ils le frappent avec une rage satanique, et pendant la nuit le précipitent du sommet d'une tour; il tomba sur un monceau de poussière et d'ordures, n'ayant plus que le dernier souffle de vie. Un pauvre voyageur pressé de se détourner du grand chemin l'aperçut. A cette vue il appela sa femme que la pudeur avait retenue sur la voie et qui portait une torche à la main: Soit par compassion, soit dans l'espérance d'une récompense, ils le transportèrent dans leur demeure, avec l'intention de le rendre aux catholiques, mort ou vivant. Que (421) dirai-je encore? Il guérit par miracle, il vit encore et il porte plus de cicatrices que de membres à son corps. La renommée publia au-delà des mers que cet évêque avait été tué par vos sicaires, et la nouvelle de tant de barbarie et de cruauté avait pénétré tous les cœurs de l'horreur la plus profonde. Bientôt il se transporta lui-même au-delà de la mer, et la vue de ses plaies récemment cicatrisées, convainquit la renommée de mensonge. Cependant, comme on en croyait à peine à ses yeux pour l'accepter comme vivant, on comprenait facilement que la renommée avait pu le faire passer pour mort. Sur ces plages lointaines il rencontra son collègue de Thubursicum, et quelques autres personnages qui, eux aussi, avaient été persécutés à peu près de la même manière, sans qu'il leur fût possible de retourner dans leur patrie. On acquit ainsi partout la preuve évidente que la fureur de vos Circoncellions se mettait entièrement au service de vos clercs. De là cette haine qui s'alluma partout contre vous et dicta toutes ces lois anciennes et nouvelles dans le but d'enchaîner vos vengeances. Je ne nie pas la sévérité de ces lois; mais, si on la rapproche de votre cruauté toujours croissante, cette sévérité pourra bien s'appeler de la douceur. En effet, l'application de ces lois est tellement dirigée par la mansuétude catholique, qu'il semblerait que, loin de calmer la cruauté de l'hérésie, celle-ci ne fait que se déchaîner de plus en plus audacieusement contre nous par des meurtres, des rapines, des incendies, et tout cela après mûre délibération, après des menaces publiques et des faits à l'appui.

XLVIII. En rappelant ces faits je me proposais uniquement de vous expliquer l'origine et le motif de ces statuts impériaux qui de nos jours ont été lancés contre vous et contre votre hérésie. Pour peu que vous vouliez y réfléchir, vous en serez convaincu vous-même. Du reste, s'il s'agissait de rappeler tous les faits mentionnés dans les lettres de nos ancêtres, et tous ceux dont j'ai été témoin moi-même, et qui rappellent la persécution que vous avez toujours soufflée contre l'Eglise catholique depuis le commencement de votre schisme jusqu'aujourd'hui, quelle langue, quelle plume, quels loisirs pourraient y suffire ?

XLIX. J'ai également fait mention d'Optat. Mais, plus désireux d'excuser que de justifier, vous avez répondu que « les vôtres ne peuvent pas être coupables sur ce point, puisqu'on n'a exercé contre eux aucune vengeance ». Les            archives publiques sont remplies de nos protestations contre les violences barbares de vos adeptes; mais il est plus facile de déposer que d'infliger à ces traits de cruauté le châtiment qu'ils méritent. Vous objecterez peut-être que si ces dépositions furent faites, aucune ne réclamait vengeance. Eh bien ! voici des faits dont j'ai été témoin moi-même. Après avoir pris connaissance des pièces relatives à la réintégration des Maximiens qu'ils avaient condamnés, nous avions entrepris de donner à cette affaire toute la publicité possible. A des faits si récents et si manifestes ils ne trouvèrent à opposer aucune réponse, mais aussitôt ils déchaînèrent toutes les violences et toutes les cruautés des Circoncellions, pour nous détourner de prêcher la vérité catholique, et soyez assuré qu'ils n'ont rien omis pour nous empêcher par la terreur de mettre à nu leurs fourberies et leurs mensonges. Quand nous travaillions à arracher à leur esclavage les malheureux qu'ils retenaient captifs dans les filets de l'erreur, un grand nombre d'entre eux nous répondaient que nous devrions traiter cette affaire avec leurs évêques, et qu'ils désiraient vivement qu'il se tînt une conférence qui leur permît de distinguer la vérité de l'erreur et de s'y attacher. Nous crûmes donc devoir convoquer à Carthage un concile de toute l'Afrique, dans lequel on produirait tous les documents publics, on ferait droit à leur demande, dans lequel aussi viendraient en toute sûreté prendre place vos évêques aussi bien que les nôtres. Cette conférence devait dissiper toutes les erreurs et nous rendre l'unité, la charité et la paix dans une véritable société chrétienne et fraternelle. Nous comprenions parfaitement que s'ils voulaient adopter cette mesure,-notre cause pourrait très-facilement s'élucider, avec le secours de la miséricorde divine. Au contraire, s'ils refusaient la conférence, ce refus serait déjà capable de dessiller les yeux de ceux qui nous avaient fait cette demande. Le concile eut lieu : ils s'assemblèrent et refusèrent la discussion; mais il serait trop long de rappeler en quels termes pleins de ruse, de malédiction et d'amertumes ils opposèrent cet insolent refus.

 

422

 

Cependant Crispinus de Calamée, votre évêque, avait été invité à la conférence par Possidius, mon collègue dans la même ville. Mais tout d'abord il s'était rendu à votre concile pour s'entendre avec ses collègues sur le parti qu'il avait à prendre et la réponse qu'il devait faire. Peu de temps après il se présenta à la réunion et s'exprima ainsi: « Ne craignez point les paroles d'un pécheur (1). Prenez garde de dire quoi que ce soit à l'oreille d'un imprudent, de crainte qu'après vous avoir entendu il ne se rie de la sagesse de vos discours (2). Enfin je résume ma réponse par cette parole patriarcale : Que les impies se retirent loin de moi, car je ne veux point connaître leurs voies ». A ces paroles, tous, savants et ignorants, se prirent d'un violent éclat de rire. Et comment se maîtriser quand on l'entendait s'écrier qu'il ne craignait point les paroles du pécheur, lui qui n'osait pas répondre ; refuser de confier quoi que ce fût à l'oreille d'un imprudent, comme s'il pouvait confier témérairement quelque secret à l'oreille d'un imprudent, alors qu'il pouvait être entendu par une multitude d'hommes sages, alors surtout que le Sauveur ne craignait pas de s'entretenir avec les pharisiens imprudents ; quand enfin on l'entendait déchirer qu'il ne voulait pas connaître les voies des impies, comme si vraiment ceux qu'il regardait comme des impies eussent voulu lui enseigner leurs voies, tandis que c'était à lui, s'il marchait dans les voies de Dieu, à enseigner les impies et à réaliser ainsi cette parole : « J'enseignerai vos voies aux impies, et les impies se convertiront à vous (3) ». Tous ceux qui comprirent cette réponse en sentirent aussitôt l'inutilité par rapport à la cause qui se débattait ; comme aussi ils remarquèrent qu'elle était inspirée par une malveillance et une méchanceté qui n'étaient plus du domaine de la question. Il n'y a donc pas lieu de s'étonner, pas même parmi vous, qu'en voyant un vieillard, bercé dans toutes les sciences et habitué à la discussion, s'avouer vaincu en face d'un jeune adversaire, et réduit au silence par la force de la vérité, quelque léger sourire soit venu courir sur les lèvres de l'auditoire. Mais à quelques jours de là, pendant un voyage que fit Possidius, un autre Crispinus, prêtre, et même son parent, lui tendit adroitement des embûches. Possidius

 

1. Mach II, 62. — 2. Prov. XXIII, 9. — 3. Ps. L, 15.

 

était sur le point d'y tomber, quand, averti du danger qu'il courait, il chercha un refuge dans un endroit où son ennemi n'oserait pas l'attaquer; ou du moins, s'il l'attaquait, il serait vaincu, et vaincu en présence de témoins qui ne lui permettraient pas de rester dans son système de négations. A peine donc l'eut-il aperçu qu'il le poursuivit avec un tel aveuglement qu'il aurait été honteux de se cacher. Aussi la maison dans laquelle Possidius s'était renfermé fut-elle aussitôt enveloppée d'hommes armés, fermée avec des pierres, entourée de flammes, et n'offrit plus d'issue d'aucun côté. Quant à la multitude qui y était renfermée, elle comprit rapidement le danger qui la menaçait, si le crime dont elle voyait les prémices venait à s'accomplir ; aussi se mit-elle à implorer merci de la part de celui qu'elle n'osait offenser en lui résistant; c'était à peine si elle essayait d'éteindre les flammes qui s'approchaient de plus en plus. Mais Crispinus n'en continuait sa lutte qu'avec plus d'ardeur ; bientôt la porte céda sous la violence des coups qui lui étaient portés ; l'ennemi envahit la maison, tua d'abord les animaux qui se trouvaient au premier étage; puis, s'emparant de l'évêque qu'ils trouvèrent dans la partie supérieure, ils le, précipitèrent du haut en bas, après l'avoir meurtri de coups, de blessures et d'outrages. Les choses en vinrent au point que Crispinus lui-même intercéda bientôt en sa faveur, comme s'il eût été fléchi par les prières de ceux qu'il méprisait souverainement dans sa colère, mais dont il redoutait le témoignage sur la matière de son crime.

LI. Quand ces faits furent connus dans la ville de Calamée, on se demanda quelle vengeance votre évêque Crispinus allait tirer contre son prêtre. On fit même circuler une pétition qui fut signée par toute la municipalité, et qui réclamait toutes les rigueurs de la discipline ecclésiastique. Au nom de la crainte ou de la honte qu'inspirait un pareil crime, le châtiment paraissait assuré, mais l'évêque méprisa toutes les remontrances; c'en était trop pour les catholiques, aussi soulevèrent-ils un effroyable tumulte en déclarant qu'ils voulaient que la vérité pût être prêchée en toute liberté, dût-elle écraser ses ennemis et leur interdire toute réponse. Les lois ne manquaient pas; mais, déposées entre nos mains, elles étaient absolument sans (423) vigueur. On les invoqua contre votre évêque Crispinus, plutôt pour prouver notre mansuétude, que pour punir leur audace. Cependant c'était le seul moyen de montrer ce que, avec le secours de Jésus-Christ, l'Eglise catholique pouvait contre ses ennemis ; libre à elle de ne pas user de ce pouvoir, mais toujours est-il qu'elle tenait ce pouvoir, non pas, comme les Circoncellions, d'une présomption hérétique ou de la fureur, mais des rois eux-mêmes soumis au joug du Seigneur selon toute la vérité des prophéties. Crispinus comparut donc, et malgré ses protestations d'orthodoxie il fut facilement convaincu d’hérésie; et, conformément au décret de Théodose l'Ancien, condamné à une amende de dix livres d'or ; mais Possidius intercéda en sa faveur, et il reçut condonation de cette amende. Cette sentence était loin d'être rigoureuse, cependant je ne sais dans quelle vue il en rappela au tribunal des enfants de ce même Théodose, et tous vous avez condamné cette démarche. Enfin le rappel fut accepté, et la sentence fut confirmée. Est-ce que la secte des Donatiens ne savait pas que cette peine pécuniaire lui était commune avec tous les autres hérétiques ? Puisque sur ce point elle est l'objet de la même persécution que ces derniers, qu'elle soutienne donc qu'une même justice leur est commune à tous ; si elle n'ose pas aller jusque-là, oserat-elle se proclamer juste par cela même qu'elle est frappée d'une peine qui lui est commune avec les hérésies qu'elle condamne comme injustes ? Qu'elle comprenne donc enfin que ce qui fait le caractère propre du martyr de Jésus-Christ, ce n'est pas précisément la peine qu'il subit, mais la cause pour laquelle il la subit. Quant à nous, libre aux Donatistes de nous faire passer pour des persécuteurs et des hommes cruels ; qu'ils n'oublient pas du moins que, si Crispinus a reçu condonation de l'amende qu'il devait payer, il n'a dû cette faveur qu'à la médiation des évêques catholiques. Dans ces derniers temps de nouvelles lois ont été portées, et menacent de proscription vos évêques; mais que Crispinus jouisse en toute sécurité de ses richesses, tandis que les clercs catholiques, tombés entre les mains des Circoncellions et de vos clercs, se verront privés de leur demeure, de toute nourriture, souvent même de la lumière du corps et de la vie.

LII. Ceux qui se font les auteurs de pareils crimes, les comparerai-je à des brigands, à des pirates, à une race de barbares, quand je ne pourrais même pas les comparer au démon, l'instigateur et le maître de toutes les cruautés? On vit le saint homme Job dépouillé de tous ses biens, couvert de plaies depuis les pieds jusqu'à la tête; cependant le démon qui avait reçu pleine et entière puissance sur son corps, lui conserva les yeux et la lumière. Toutefois on se garde bien de raconter à vos coréligionnaires que Crispinus préféra se rendre à Carthage, se séparer par obstination, récuser une sentence qui avait été extrêmement adoucie par l'intercession des évêques catholiques, en appeler devant les enfants d'une loi portée par leur père, et dont la violation était manifeste, soulever enfin toute la secte des Donatiens plutôt que de punir par la dégradation un de ses prêtres, qui s'était rendu coupable du forfait le plus indigne et le plus atroce.

LIII. Dans la province d'Hippone, avant même la promulgation des lois impériales, un de vos prêtres, ouvrant les yeux à l'évidence de la vérité, était rentré de son plein gré dans le sein de la paix catholique; mais bientôt il fut arraché à sa demeure par vos clercs et vos Circoncellions, conduit en plein jour au village voisin, et en face de toute la multitude, sans que personne essayât de s'y opposer, il fut frappé avec des cordes, comme il plut à ses bourreaux, jeté dans une marre d'ordure, et coiffé par dérision d'un bonnet de jonc. Enfin, quand des témoins de ce cruel spectacle les uns eurent assez souffert et les autres assez ri, les bourreaux le conduisirent dans un lieu dont nul des nôtres n'osait approcher, et ce ne fut que le douzième jour qu'ils le mirent en liberté. J'ai porté plainte de ce fait à votre évêque d'Hippone, Proculianus, après m'être pourvu de toutes les formalités municipales, afin qu'il ne pût nier que ce fait avait été porté à son tribunal. Que m'a-t-il répondu ? par quelle ruse a-t-il éludé l'enquête, repoussé ma demande? les actes publics ne laissent sur tous ces points aucun doute. Maintenant comment pourrions-nous suffire à raconter les tourments de toute sorte que vos sectaires font subir aux clercs qui reviennent à l'unité catholique? Enfin, s'il n'est pas vrai de dire que tous ceux qui reviennent à nous (424) cèdent à la persécution et 'abandonnent la vérité, on peut, au contraire, affirmer en toute assurance que beaucoup restent dans vos filets, parce qu'ils craignent, en se convertissant, d'avoir à souffrir de la part des vôtres, et pour la vérité, de trop cruelles persécutions.

LIV. Ne parlez donc plus de ces légères contradictions que votre erreur vous attire de la part du gouvernement civil; ces contradictions ne sont assurément rien si on les compare aux excès de votre fureur, à l'iniquité avec laquelle vous nous imputez ces châtiments mêmes dont vous frappent les puissances humaines, non pas arbitrairement, mais par nécessité et pour se protéger elles-mêmes contre les violences continuelles de vos adeptes. En vérité, d'après vos principes, si ces quarante malfaiteurs qui avaient juré la mort de l'apôtre saint Paul, s'étaient 'précipités les premiers sur les soldats qui le conduisaient et qu'ils les eussent mis à mort, il faudrait donc imputer à Paul la mort de ces assassins (1). Je ne dis rien de ces suicides en trop grand nombre parmi vous, et que vous nous imputez calomnieusement. Pour ne parler que de Marculus, j'ai appris qu'il s'était lui-même précipité du sommet d'un rocher. Et en effet, comment croire que ce genre de mort lui eût été appliqué par l'autorité romaine, quand il est formellement contraire aux usages reçus; quand surtout on remarque que le suicide est devenu comme une épidémie particulière à votre, secte, à l'exclusion de toutes les autres? Peu importe donc que vos évêques se flattent orgueilleusement d'avoir, dans leurs conciles, défendu et condamné ce genre de mort; l'exemple de Marculus a été efficace, et de nombreux rochers ont été souillés depuis du sang de leurs malheureuses victimes. J'ai dit ce qui m'avait été raconté sur le compte de Marculus, et sur les raisons qui rendent ce récit plus vraisemblable. Au fond, qu'y a-t-il de vrai? Dieu seul le sait. Vous nous reprochez également la mort de trois autres Donatistes; j'avoue franchement que sur ce point je n'ai pris aucun renseignement auprès des personnes qui auraient pu m'en donner de très-positifs.

LV. Quoi qu'il en soit, il n'est aucun bon catholique qui ne déplore tout châtiment qui

 

1. Act. XXIII, 12 31,

 

va jusqu'à frapper de mort, fût-ce même un hérétique. Bien plus, lors même qu'il ne s'agirait aucunement de la mort, nous condamnons toujours tout désir de se venger et de rendre le mal pour le mal; à plus forte raison réprouvons-nous de toutes nos forces ces injustices qui se commettent à l'égard du bien d'autrui, même dans le but d'assurer l'unité; je parle des biens qui appartiennent à tel homme en particulier, car pour ce qui regarde les biens de l'Eglise, il est hors de doute que la possession en est interdite aux hérétiques. Tous ces crimes, les bons catholiques les ont en horreur et s'y opposent de tout leur pouvoir. Quant à ce qu'ils ne peuvent empêcher, ils le tolèrent, et comme je l'ai dit, cette tolérance est de tout point légitime; car, loin d'approuver le mal, elle le repousse d'une manière absolue. De cette manière les catholiques se gardent bien d'abandonner la maison de Jésus-Christ à cause de la zizanie, l'aire de Jésus-Christ à cause de la paille, la grande demeure de Jésus-Christ à cause des vases d'ignominie qu'elle renferme, enfin les filets de Jésus-Christ à cause des mauvais poissons qu'ils, contiennent.

LVI. Les rois, quand ils sont dans l'erreur, portent des lois contre la vérité en faveur de l'erreur; quand ils sont dans la vérité, ils se prononcent contre l'erreur en faveur de la vérité. Il suit de là que les bons sont éprouvés par les lois mauvaises, et que les méchants sont corrigés par les lois équitables et bonnes. Le roi Nabuchodonosor, s'inspirant de l'idolâtrie qu'il professait, rendit une loi sévère qui prescrivait d'adorer les idoles; et quand il fut converti, il défendit, sous des peines rigoureuses, de blasphémer le Dieu véritable (1). C'est donc un précepte divin pour les rois, s'ils veulent servir Dieu en rois (2), de commander le bien dans leur empire et d'y défendre le mal, et cela, non-seulement en ce qui concerne la société humaine, mais aussi en ce qui concerne la religion divine.

LVII. C'est en vain que vous dites: « Qu'on m'abandonne à mon libre arbitre ». En effet, pourquoi donc ne soutenez-vous pas qu'on doit vous abandonner à votre libre arbitre, même quand il vous entraîne à l'homicide, au libertinage et à toute sorte de crimes et de  hontes ? Vous avouez cependant

 

1. Dan. III, 5, 6, 96. — 2. Ps. II, 10.

 

425

 

qu'il est très-utile et très-salutaire de réprimer tous ces crimes par des lois équitables. Il est vrai que Dieu a donné à l'homme une volonté libre, mais malgré cette liberté Dieu n'a pas voulu que la volonté bonne restât sans récompense, et la volonté mauvaise sans châtiment. «Quiconque», dites-vous, « persécute un chrétien, devient l'ennemi de Jésus-Christ ». Vous êtes parfaitement dans la vérité, pourvu toutefois que ce que l'on persécute en lui, ne soit pas précisément ce qui le rend l'ennemi de Jésus-Christ. Ne doit-on pas en effet poursuivre partout les vices contraires à la vérité chrétienne ? le maître le doit à l'égard de son serviteur, le père à l'égard de son fils, l'époux à l'égard de son épouse, quand tous sont véritablement chrétiens. Et s'ils négligent cette surveillance, n'auront-ils, pas à rendre compte de cette négligence ? Toutefois, en tout et partout on doit, suivre le mode le mieux adapté à l'humanité, le plus convenable à la charité; qu'on n'arrache pas tout ce qu'on a le pouvoir d'arracher; et quand on arrache, qu'on ne perde pas de vue la charité ; et quand on s'abstient, qu'on fasse preuve d'une grande mansuétude. Enfin, dans les choses qui ne sont soumises à aucune loi divine et humaine, qu'on consulte toujours les règles de la probité et de la prudence.

LVIII. Reprenant la question des Maximiens dont j'ai parlé plus haut, je veux vous faire remarquer que vos évêques vous ont joué sur ce point par d'indignes mensonges, non-seulement au sujet du baptême et de la tolérance dont on peut user, sans se souiller aucunement, à l'égard des péchés que d'autres commettent dans l'Eglise, mais encore au sujet de la persécution pendant laquelle les vôtres se sont flattés d'appliquer contre nous tous les droits et tous les avantages de la loi romaine. Or, il est facile de vous prouver que la cause des Maximiens a tranché toutes ces questions. Je vous ai déjà cité, et sans doute vous avez lu vous-même la sentence portée au concile de Bagaïum par trois cent dix de vos évêques. Or, cette sentence condamne évidemment Maximien et les douze évêques qui lui ont imposé les mains. Quant au délai qui y est accordé, il ne regarde certainement que ceux de votre communion qui n'ont pris aucune part à l'ordination de Maximien, quoiqu'ils eussent fait schisme avec lui et condamné Primianus; tous, en effet, ne pouvaient y assister; et, l'eussent-ils pu, qu'ils auraient dû s'abstenir par respect pour les anciennes coutumes. Or, en présence d'un texte de la dernière clarté, avec une intelligence perspicace et capable de tout comprendre, comment donc avez-vous pu vous laisser tromper par je ne sais quel imposteur, et citer, sans aucun examen préalable, une pareille sentence sur une matière où l'erreur entraîne les plus fâcheuses conséquences ? Mais comme il peut se faire que vous ne l'ayez pas même lue et que vous ayez accepté dans la plus entière bonne foi ce que votre évêque ou vos évêques vous en ont dit, permettez-moi de vous la présenter, veuillez la lire, et pesez attentivement les réflexions qu'elle me suggère. Quelque désir qu'ils aient de justifier leur mensonge, ils ne peuvent fausser complètement un texte qu'ils ont cité à un proconsul, en séance publique, qu'ils ont fait transcrire plusieurs fois dans les archives municipales, pour la nécessité de leur cause, quand ils cherchaient contre eux tous les moyens de les chasser de toutes les basiliques.

LIX. Voici le prélude de cette sentence « Par la volonté du Dieu tout-puissant et de  Jésus-Christ, nous nous sommes réunis en concile à Bagaïum, savoir : Gamalius, Primianus, Pontius, Sécundianus, Januarius, Saturninus, Félix, Pégasius, Rufinus, Fortunius, Crispinus, Florentius, Optat, Donat, Donatianus et autres, au nombre de trois cent dix. Or, il a plu au Saint-Esprit, qui habite en nous, d'affermir une paix perpétuelle et de détruire des schismes sacriléges ». Après avoir lancé contre les coupables d'horribles malédictions, la sentence continue : « Maximien, le bourreau de la foi, l'adultère de la vérité, l'ennemi de notre mère l’Eglise, le ministre de Dathan, Coré et Abiron, a été frappé par une sentence de condamnation sortie du sein de la paix ». Vous ne doutez plus, je pense, que Maximien ait été formellement condamné. Suivent certaines autres accusations formulées contre lui; puis, s'adressant à ses consécrateurs, la même sentence les condamne également d'une manière absolue : « Ce n'est pas sur lui seul que frappent les coups de la mort, trop juste châtiment de son crime; armé de la chaîne du sacrilège il en entraîne un grand (426) nombre d'autres à sa suite ». Vient ensuite l'énumération de leurs crimes; puis la sentence formule ainsi le nom des coupables : « Nous déclarons coupables de ce crime horrible Victorien de Carcabianum, Martianus de Sullect, Beïanus de Baïanum, Salvius d'Ausafe, Théodore d'Usule, Donat de Sabrate, Miggène d'Eléphantarie, Prétextat d'Assurium, Salvius de Membrèse, Valérius de Melzit, Félicianus de Mustitanum et Martial de Pertusium qui, par leurs oeuvres criminelles, sont devenus des vases d'ignominie, remplis de toute la lie de la corruption; nous déclarons également coupables les clercs de l'Eglise de Carthage, lesquels, par leur coopération au crime, ont favorisé toutes les hontes d'un inceste criminel, et voulons que vous les regardiez tous comme condamnés par la sentence véridique dictée au concile universel par l'assistance du Dieu tout-puissant ». Que pouvez-vous demander de plus clair, de plus manifeste,de plus formel?

LX. Maintenant, voyez en faveur de qui le délai fut accordé, et vous comprendrez qu'il ne s'appliquait qu'à ceux qui n'étaient point présents à l'ordination de Maximien, pour lui imposer les mains. « Quant à ceux qui résistèrent aux séductions du sacrilège, c'est-à-dire qui auraient rougi pour leur foi d'imposer les mains à Maximien, nous leur avons permis de rentrer dans le sein de l'Eglise notre mère ». Vous voyez que, à proprement parler, ces derniers ne sont pas condamnés, et que la sentence ne pourrait les atteindre qu'autant qu'ils ne feraient pas leur soumission dans le délai fixé. Quant à ce délai, voici ce que nous lisons: « Dans la crainte qu'un intervalle de temps trop restreint ne leur enlève toute espérance de salut, tout en confirmant les décrets précédents, nous accordons à tous, jusqu'au huit des calendes de janvier, le droit de rentrer en eux-mêmes, de prendre place de nouveau parmi nous et de recouvrer leurs anciens honneurs et leur foi précédente. Que si, retenu par une coupable paresse, quelqu'un d'entre eux a omis d'opérer son retour pour cette époque, qu'il sache que désormais toutes les voies au pardon lui seront impitoyablement fermées. La sentence continuera à peser sur eux, et s'ils reviennent après le jour fixé, le châtiment leur sera infligé dans toute sa rigueur ».

LXI. Vous voyez donc que toutes les conclusions que vous avez tirées contre nous, jusqu'à nous accuser de mensonge en cette matière, ne s'appliquent point à nous, mais à vos évêques qui ont faussé à vos yeux les vérités les plus évidentes. Vous voyez également que ces deux évêques dont nous parlons sont compris dans les douze qui furent condamnés d'une manière absolue avec Maximien, et qu'aucun délai ne leur fut accordé. La sentence est sur ce point d'une évidente qui frappe tous les yeux et que rien ne saurait obscurcir. Pourquoi donc de nouvelles discussions? Pourquoi essayer de justifier une erreur manifeste aux dépens de la vérité la plus éclatante? Pourquoi les hommes se trompent-ils eux-mêmes ? Puisqu'ils ne s'appliquent qu'à resserrer toujours davantage les liens du démon, qu'ils devraient au contraire rompre et déjouer; permettez qu'on vous mette entre les mains des arguments propres à les faire rougir profondément, et Dieu veuille que ce soit pour leur conversion !

LXII. Dans le texte du concile de Bagaïum il est fait mention du jour et du consulat dans lequel, non-seulement le décret fut porté, mais aussi dans lequel le délai fut accordé, Le concile se tint le huitième jour des calendes de mai, après le troisième consulat de Théodose Auguste, sous le troisième consulat d'Arcadius et le second d'Honorius. Or, depuis ce jour jusqu'au huitième des calendes de janvier, dernier terme du délai, nous comptons huit mois. D'un autre côté, et remarquez la différence des dates, nous trouvons une supplique adressée au proconsul Hérode, tendant à faire expulser Félicianus et Prétextat de leurs basiliques de Mustitanum et d'Assuritanum. Un mot seulement de cette supplique : « Après le troisième consulat d'Arcadius et le second d'Honorius, le sixième jour des nones de mars, Titianus,  admis au secrétariat du prétoire à Carthage, s'exprima en ces termes : Le prêtre Pérégrinus et les anciens de l’Eglise de Mustitanum adressent cette demande : Quand Donat, de glorieuse mémoire, eut assuré la sainteté de l'Eglise catholique contre la perfidie de l'erreur, l'univers presque tout entier se rangea de son côté et embrassa son culte. Cependant ce renouvellement admirable de la religion fut arrêté par les (427) funestes prédications d'un certain   Maximien. Aussitôt, sous l'inspiration de Dieu, une multitude d'évêques se réunirent en concile et condamnèrent, dans toute la sincérité de leur âme, cet homme, ou plutôt ce fléau, devenu un objet d'horreur aux yeux de Dieu et des hommes. Quant à ceux qu'il avait imbus de ses erreurs, le concile les frappa avec la même vigueur, mais en leur offrant la ressource de la pénitence, s'ils voulaient opérer leur retour dans le délai fixé. Mais l'iniquité trouve ses délices dans ses œuvres, et loin de s'abdiquer elle-même, elle accélère continuellement sa course. Il n'est donc pas étonnant de voir ce même a Maximien redoubler d'audace et commua niquer à d'autres les élans de sa fureur. a Parmi eux se distingue un certain Félicianus, qui, après avoir suivi le droit chemin, s'est laissé séduire aux attraits de la dépravation, déshonore la cité de Mustitanum, souille les pierres consacrées au Dieu tout-puissant et se flatte de conserver par la force cette Eglise vénérable. Il trouve également un imitateur à Assuritanum, dans la personne de Prétextat. Votre haute équité a été instruite de ces faits par une protestation unanime des prêtres; et, si nous en croyons les actes publics, vous avez ordonné de faire cesser ces contradictions et de rendre aux saints prêtres les églises jusque-là occupées par des âmes profanes n. Or, vous pouvez remarquer que depuis l'expiration du délai jusqu'à l'apparition de cette supplique il s'écoula un intervalle d'environ trois mois. De plus, si nous en croyons les actes proconsulaires et municipaux, ce conflit continua jusqu'au proconsulat de Théodore, c'est-à-dire jusqu'au onzième jour des calendes de janvier de l'année suivante. Ce jour-là les clercs et les anciens, sous la conduite de l'évêque Rogatus, substitué à Prétextat d'Assurium, rappelèrent l'ordonnance du proconsul cité plus haut, et demandèrent que ceux qui n'appartenaient pas à votre communion et étaient accusés, dans les actes publics, d'en être les ennemis, fussent chassés, comme sacrilèges, de tous les lieux consacrés à la gloire du Dieu tout-puissant.

LXIII. Sans rechercher inutilement à quelle catégorie appartenaient ceux qui ne vous ont pas fait leur soumission dans le délai fixé, je demande uniquement comment, avant de les recevoir, eux et ceux qu'ils avaient baptisés en dehors de votre communion, vous, ne les avez pas purifiés par un second baptême. Cependant croyez bien que je ne vous fais pas un reproche d'avoir reconnu que le baptême de Jésus-Christ en soi n'est jamais sacrilège, alors même qu'il serait conféré dans un schisme sacrilège ; d'en avoir reconnu la validité après la conversion des coupables, car il est toujours valide, même dans les coupables ; de n'avoir pas confondu les vices de l'homme avec les sacrements divins ; je ne vous blâme pas enfin d'avoir cru que les dons de l'Eglise ne doivent jamais être condamnés dans les coupables qu'on condamne, ni changés dans les coupables qui reviennent, quoiqu'il soit vrai de dire qu'ils sont un titre au châtiment pour ceux qui les confèrent comme pour ceux qui les reçoivent en dehors de la véritable Eglise.

LXIV. Quant à ceux qui se sont rendus coupables de ce crime fameux, après avoir porté contre eux une sentence de condamnation, après avoir attendu en vain leur retour dans le délai fixé, vous avez senti, je crois, et je ne vous en blâme pas, se réveiller en vous toute la sollicitude du père de famille, vous avez craint d'arracher le bon grain avec la zizanie, et préférant moissonner plutôt que de détruire, vous avez fait appel à toute l'abondance de la charité pour leur offrir une expiation convenable. Nous ne vous reprochons pas davantage de vous être appuyés sur le bras séculier pour poursuivre ceux qui étaient retenus dans les liens de ce schisme sacrilège. En effet, à en juger par les faits, vous aviez pour but non pas de nuire, mais de corriger ; vous vouliez, en soulevant en eux de violents remords, les contraindre de sonder la profondeur de leur crime, et d'étouffer les élans de leur détestable fureur. Mais par cela même que nous évitons de vous adresser de semblables reproches, nous ne faisons qu'user de notre droit en condamnant votre schisme, en le réprouvant de toutes nos forces, en le réfutant de toute manière, en vous faisant un crime d'avoir rompu toute communion, non-seulement avec nous, mais avec tous les catholiques de l'univers. Nous vous reprochons surtout de justifier votre crime en nous objectant une conduite que vous avouez avoir tenue vous-mêmes à l'égard des Maximens. En effet, si le (428) baptême conféré par Félicianus et par Prétextat, devenus les adeptes de Maximien et condamnés par vous comme coupables de schisme; si, dis-je, ce baptême était réellement le baptême de Jésus-Christ, et à ce titre ne pouvait être invalidé, comment ne pas reconnaître les mêmes propriétés au baptême conféré par cette Eglise qui, selon la belle expression de saint Cyprien, déploie ses rameaux et projette son abondance jusqu'aux extrémités de la terre (1)? Comment enfin osez-vous invalider le baptême conféré dans le sein de ces églises dont vous lisez sans cesse le nom dans les lettres apostoliques, et que vous n'avez jamais condamnées? Pour reconstituer la secte de Donat, vous n'hésitez pas un instant à réintégrer ceux que vous aviez frappés d'une condamnation solennelle ; que pouvez-vous donc reprocher à cette unité de Jésus-Christ répandue sur toute la terre? a-t-elle jamais condamné quelqu'un sans l'entendre ? a-t-elle jamais condamné ou absous des inconnus? a-t-elle jamais regardé comme absolument innocents ceux qu'elle n'a réintégrés qu'après les avoir absous? Si vous avez eu recours à l'autorité des juges pour. chasser de leur siège les Maximiens séparés de vous par le schisme, pourquoi vous plaindre si amèrement d'avoir eu à subir d'indignes traitements de la part de ces mêmes empereurs de qui les juges tiennent leur autorité, vous qu'un schisme criminel a séparés de cette Eglise de Jésus-Christ dont il est écrit : « Tous les rois de la terre l'adoreront, toutes les nations le serviront; il étendra son empire d'une mer à l'autre mer, et du fleuve jusqu'aux extrémités de la terre (2) ? »

LXV. Je ne vous ferai pas remarquer qu'Optat n'a pas reculé devant la persécution, quoique la persécution soit une injustice; car vous vous empresseriez de me répondre que les vôtres ne sont pas responsables de la conduite tenue par Optat à l'égard de personnes qu'ils ne connaissent pas, tandis que vous refusez ce moyen de justification aux églises les plus éloignées de l'Afrique. Or, nous ne connaissons pas le nom des traditeurs africains, nous ignorons les crimes accomplis par les évêques de l'Afrique. Néanmoins j'affirme hardiment que s'il est défendu de persécuter, vous n'aurez jamais la témérité de soutenir que vos évêques n'ont pas persécuté les Maximiens.

 

1. Unité de l'Eglise. — 2. Ps. LXXI, 11.

 

Si donc on doit regarder comme innocents tous ceux qui souffrent persécution, que direz-vous des Maximiens qui l'ont évidemment soufferte ? Nous répondriez-vous par hasard « que si le peuple a détruit la basilique ou la caverne de Maximien, il n'y a été déterminé par aucun des vôtres? » Mais si l'on se demande a quelle communion cette foule appartenait, hésitera-t-on à répondre qu'elle appartenait à la vôtre, ou du moins qu'ils étaient venus prêter main-forte à vos coréligionnaires ? Et après tout, que nous importe ? En effet, dites-vous, « cette destruction n'est pas notre couvre, nous ne l'avons commandée à personne, nous ignorons même le nom de ses auteurs ». Toujours est-il que la persécution a été soulevée contre cet homme que vous déclarez pécheur, parce que ce point est de la dernière évidence; mais me prouveriez-vous bien que les maux que vous souffrez peuvent démontrer votre. innocence? D'ailleurs, pour préciser davantage, n'est-il pas vrai que les fastes consulaires nous font connaître le nom des persécuteurs de Maximien? La cause fut instruite par des avocats; des jugements furent rendus, et la guerre fut déclarée à ces hérétiques, Ceux-ci invoquaient leur sauf-conduit. Les vôtres en appelaient au concile de Bagaïum, exigeaient que ceux qui y avaient été condamnés fussent chassés des lieux saints; les instances se renouvelèrent et la cause fut jugée. Après avoir en sa présence convaincu d’hérésie Salvius de Membrèse, vous l'avez confondu et chassé. Je dois donc reconnaître que les Maximiens ont été persécutés, et que vous êtes vous-mêmes les auteurs de cette persécution. Je cherche de quel côté se trouve la justice, et vous m'affirmez que c'est du vôtre. D'où je conclus que pour être juste il ne suffit pas de souffrir persécution, et que celui qui persécute n'est pas par cela seul toujours injuste et criminel.

LXVI.  Vous allez sans doute accuser de nouveau la dialectique; mais cela ne vous: empêchera pas, au moins dans le secret de votre conscience, de reconnaître la vérité de mes paroles ; et, changeant subitement du langage, vous aimerez mieux vous rétractez que de dire que les persécuteurs des Maximiens furent des hommes injustes, car les fastes proconsulaires prouvent évidemment que ces persécuteurs ne furent autres que vos (429) évêques. Avouez cependant que votre persécution n'a pas laissé que de produire des fruits parmi vos schismatiques. En effet, c'est par ce moyen que vous avez converti Félicianus et Prétextat. Il n'est pas jusqu'à Optat qui, comme je l'ai appris des Mustitiens et des Assuritains, n'ait tremblé pour lui-même et forcé ses évêques à rentrer dans la communion de Primianus. Mais ces variations d'Optat ne sont consignées dans aucun registre public; aussi je ne chercherai pas à les retourner contre vous, car je sais que vous êtes toujours disposés à nier ce qui ne peut être prouvé juridiquement. Contentons-nous des actes proconsulaires et municipaux que nous avons entre les mains : ils nous suffisent pour prouver toutes les violences employées par les vôtres contre les Maximiens pour les expulser de leurs sièges. Nous n'incriminons rien, nous ne reprochons rien; vos fatigues n'ont pas été stériles, vos terreurs n'ont pas été vaines, votre agitation n'a pas été sans résultat. Sous le coup de leurs afflictions vos ennemis ont rougi de leur animosité ; ils furent brisés, corrigés et réintégrés après leur condamnation, après le délai laissé aux autres, après la persécution que vous aviez soulevée contre eux. Or, ils rentrèrent dans leur état primitif et dans leurs anciens honneurs, ne subirent aucune humiliation, aucune expiation, aucune dégradation. Il en fut de même de ceux qu'ils avaient entraînés dans le schisme contre vous, de ceux qu'ils avaient baptisés hors de votre église, de ceux même à qui peut-être ils avaient réitéré le baptême déjà conféré par vous.

LXVII. Renoncez donc désormais à ces ténébreux mensonges au moyen desquels vous surprenez la bonne foi des simples Sur des événements depuis longtemps accomplis. Les monuments publics attestent que vos évêques ont accusé Cécilianus auprès de l'empereur Constantin. La cause fut jugée et complètement épuisée, car les débats justifièrent pleinement Félix d'Aptonge, le prélat consécrateur de Cécilianus, que l'on avait dépeint à l'empereur, au concile de Carthage, comme étant la source de tous les maux qui affligeaient l'Église, et contre lequel ils avaient dressé de nombreux et violents réquisitoires. Toutes mes affirmations s'appuient sur des pièces authentiques. Mais vous résistez, vous réclamez, vous fermez les yeux à l'évidence de la vérité. Vous allez jusqu'à dire que les juges d'au-delà de la mer se sont laissé corrompre par Cécilianus; que l'empereur lui-même a subi la même influence. N'est-ce pas l'occasion de dire qu'un accusateur vaincu ne saurait porter plus loin l'impudence qu'en se faisant calomniateur de son juge? Mais malgré tous ces mensonges et ces calomnies dont vous essayez de flétrir les juges d'outre-mer, il est un point pour nous irrévocablement acquis, c'est que ce sont vos ancêtres qui les premiers ont déféré cette cause au tribunal de l'empereur; ce sont eux les premiers qui ont accusé auprès de l'empereur Cécilianus et son consécrateur; ce sont eux les premiers qui ont persécuté auprès de l'empereur Cécilianus et ses amis. Et maintenant, dans votre défaite, il vous parait trop lourd de subir ce que vous nous auriez fait subir si vous eussiez été vainqueurs. J'aimerais autant voir les ennemis de Daniel vociférer contre ce dernier, parce qu'ils sont condamnés à périr sous la dent de ces mêmes lions auxquels ils l'avaient condamné les premiers (1). Un autre point également acquis, ce sont les appréciations, ou plutôt les calomnies, que vous formulez soit contre les juges d'outre-mer devant lesquels Cécilianus comparut et fut justifié, soit contre l'empereur lui-même, dont le jugement fut plus tard confirmé par la sentence des évêques, et que vous accusez de s'être laissé corrompre. Mais appréciations et calomnies tombent devant l'évidence des faits. D'ailleurs, qu'il s'agisse des catholiques de l'Afrique ou des contrées les plus lointaines, du moment qu'ils entendirent parler de Cécilianus et de ses amis, ils durent ajouter foi, non pas aux protestations d'accusateurs vaincus, mais à la sentence des juges ecclésiastiques. En effet, du moment que nous ne pouvons pas tous être juges, le seul parti que nous puissions prendre, c'est de croire à ceux qui ont pu être juges, plutôt qu'à des accusateurs vaincus ; puisque nous n'avons pu être les juges de ces derniers, ne serait-ce pas une insigne témérité de notre part de vouloir juger les juges eux-mêmes?

LXVIII. Ce n'est qu'après avoir été entendu en personne que Cécilianus fut déclaré innocent. Cependant ses accusateurs ne craignirent point de tourner leur haine, non-seulement contre ceux qui l'avaient absous, mais encore

 

1. Dan. VI.

 

430

 

contre les catholiques de toutes les nations, soit ceux qui n'avaient aucune connaissance du schisme africain, soit ceux qui, suivant en cela les lumières du bon sens, comprirent que le témoignage de juges qui prononcent à leur risque et péril l'emportait de beaucoup sur le témoignage intéressé d'accusateurs vaincus. Poussant donc la témérité à son extrême limite, ils rendirent le monde entier responsable des crimes vrais ou faux, mais assurément sans preuve, de Cécilianus, et refusèrent le titre de chrétiens à tous ceux qui ne pensaient pas comme eux. Enfin s'éleva fort à propos la cause des Maximiens. Alors il leur fut donné de porter eux-mêmes une sentence de condamnation, de persécuter ceux qu'ils avaient condamnés, de les réintégrer ensuite dans leurs anciens honneurs, et d'accepter comme valide le baptême de ceux qui avaient été frappés par la sentence. De cette manière ils se virent contraints d'absoudre comme innocents ceux qu'ils avaient osé attaquer quoique innocents. Non-seulement ils ont absous ceux qu'ils avaient crus innocents, mais encore ceux, comme ils le disent, « qu'ils ont condamnés avec l'assistance de Dieu et à l'unanimité véridique d'un concile général ». Quand donc a-t-on osé dire à quelqu'un Puisque vous avez cru de préférence à celui qui absolvait plutôt qu'à moi qui accusais, vous partagez la culpabilité de ceux que j'ai accusés? Et c'est là cependant le langage que l'on tient à l'univers tout entier; dût-on ne le tenir qu'à un seul homme, ce serait déjà une profonde iniquité, une insigne folie. O monstruosité ! Ils ont accusé des Africains du crime de trahison, des juges d'outre-mer ont absous les accusés, et voilà que tous les peuples sont devenus des apostats, parce qu'ils ont cru à la parole des juges qui absolvaient plutôt qu'à celle des accusateurs qui calomniaient 1

LXIX. Jugez, ô Donatistes, avec quel à-propos fut soulevée devant vous la cause des Maximiens. Buvez le calice que Dieu vous présente dans sa justice et sa colère. Si vous voulez comprendre et acquiescer, vous y verrez l'oeuvre de la miséricorde qui veut vous sauver et vous arracher à une condamnation et à un châtiment sans retour. Dans votre orgueil et votre dureté il vous est dit: Réconciliez-vous avec les peuples chrétiens par vous iniquement accusés, puisque vous vous êtes déjà  réconciliés avec ceux que vous aviez condamnés. Pourquoi invalider le baptême conféré dans ou par ces Eglises fondées par les Apôtres ? Déjà vous avez ratifié le baptême conféré par vos excommuniés, avant même qu'ils se fussent réconciliés avec vous. Pourquoi vous glorifier de la persécution que vous subissez ? Si la persécution soufferte est le signe de la justice, les Maximiens étaient plus justes que vous. En effet, vous les avez persécutés, vous les persécutez encore. Entendez donc cette parole du Psalmiste : «Ne devenez pas semblables au cheval et au mulet qui n'ont point l'intelligence (1) ». Vous dites de nous que nous sommes vos persécuteurs, quand cependant nous ne cherchons que votre salut, quand nous ne voulons que guérir les plaies qui vous dévorent. C'est là aussi ce qui nous attire la haine de vos clercs et des Circoncellions qui nous déchirent P à belles dents, au moment même où nous vous entourons de notre sollicitude. Ne rejetez pas ce remède que vous avez pratiqué vous-mêmes. C'est par vos persécutions que vous avez corrigé Félicianus et Prétextat: que ne vous est-il donné de guérir la plaie tout entière ! Plaise à Dieu que, comme ils sont revenus à vous, eux et vous vous revu niez à notre mère l'Eglise catholique !

LXX. C'est contre cette Eglise, ô mon frère, que vous vous êtes élevé avec tant d'audace, que vous avez tenté de réfuter les témoignages que je vous alléguais en sa faveur et d'étouffer la grande voix de Dieu. Dans cette lettre (2) qui vous révolte je citais ces paroles empruntées au saint Livre et adressées à Abraham au sujet de sa race : « Toutes les nations seront bénies dans votre race (3) ». Ce même témoignage est invoqué par l'Apôtre en ces termes: « Mes frères, je parle selon l'homme, cependant personne n'annule le testament de l'homme quand il est ratifié. Les promesses furent adressées à Abraham et à sa postérité. Il n'est pas dit : A ses postérités, comme s'il en eût plusieurs, mais à sa postérité, à une seule, et cette postérité c'est Jésus-Christ (4)». Pour annoncer la fécondité prodigieuse de cette postérité, il lui est dit: « Votre postérité sera comme les étoiles du ciel, et, comme les grains de sable de la mer, que l'on ne saurait compter (5) ». Cette diffusion, cette

 

1. Ps. XXXI, 9. — 2. Réfut. de Pétilien, liv. I, n. 25. — 3. Gen. XXII, 18. — 4. Gal. III, 15, 16. — 5. Gen. XXII, 17.

 

431

 

fécondité de l'Eglise est telle aujourd'hui que, conformément à la prophétie, elle couvre toute la terre ; elle frappe même tellement les regards des infidèles que les quelques païens que nous trouvons encore parmi nous se voient réduits au plus profond silence. Et voici que vous abaissez cette Eglise au-dessous même de la secte de Donat ; vous soutenez qu'en dehors même de l'Afrique vous avez des coreligionnaires que je ne connais pas, qui ne sont pas visibles et auxquels vous envoyez un ou deux, ou, au plus, trois évêques de l'Afrique. Puis vous argumentez follement contre l'évidence de la vérité ; vous nous objectez que nous ne sommes pas en communion avec le monde tout entier, parce qu'il existe encore un grand nombre de nations barbares qui ne croient point en Jésus-Christ, ou parce qu'il y a de nombreuses hérésies qui sont séparées de notre communion.

LXXI. Vous ne remarquez donc pas, vous ne vous laissez pas dire par ceux qui le savent, que beaucoup de ces nations barbares que vous énumérez sont déjà affiliées quelque peu au nom de Jésus-Christ, que parmi les autres l'Evangile du Sauveur va sans cesse fructifiant toujours davantage, jusqu'à ce qu'il soit promulgué partout, et alors ce sera la fin. Le Seigneur a dit lui-même : « Cet Evangile sera prêché dans l'univers tout entier, pour servir de témoignage à toutes les nations; et alors viendra la fin (1) ». Mais peut-être que dans l'aveuglement de votre orgueil vous allez appliquer cette prophétie à la secte de Donat et non à ces Eglises fondées par les Apôtres et dont cette secte est séparée. Pour que votre secte remplisse le monde, ne tenterez-vous pas de rebaptiser ces Eglises, car vous devez vous apercevoir que, tandis que l'Eglise étend de plus en plus ses rameaux sur le monde, votre secte va toujours diminuant dans l'Afrique elle-même ? O terrible perversité des hommes ! Vous vous faites un grand mérite de croire au sujet de Jésus-Christ ce que vous ne voyez pas; et vous ne croyez pas que ce soit pour vous un titre à la damnation de nier au sujet de l'Eglise ce que vous voyez; Jésus-Christ chef de l'Eglise est au ciel, mais son corps n'est-il pas sur la terre, et ce corps c'est l'Eglise?

LXXII. Vous reconnaissez Jésus-Christ dans ces paroles: « O Dieu, élevez-vous au-dessus des

 

1. Matt. XXIV, 14.

 

cieux », et vous ne reconnaissez pas l'Eglise dans ce qui suit immédiatement : « Et que votre gloire se répande sur toute la terre (1)? » Vous reconnaissez Jésus-Christ dans ces paroles : « Ils ont percé mes mains et mes pieds, et ils ont compté tous mes os ; ils m'ont regardé et considéré attentivement; ils se sont partagé mes vêtements et ont tiré ma robe au sort » ; et vous ne reconnaissez pas l'Eglise dans ce qui suit immédiatement: « Tous les confins de la terre se souviendront et se tourneront vers le Seigneur, et toutes les nations adoreront en sa présence (2) ? » Vous reconnaissez Jésus-Christ dans ces paroles : « O Dieu, donnez votre jugement au roi, et votre justice au fils du roi » ; et vous ne reconnaissez pas l'Eglise dans ces attestations du psaume : « Il dominera d'une mer à une autre mer, et du fleuve jusqu'aux derniers confins de la terre; les Ethiopiens tomberont à genoux devant lui, et ses ennemis lécheront la terre. Les rois de Tharse et les îles apporteront leurs présents; les a rois d'Arabie et de Saba présenteront leurs offrandes, et tous les rois de la terre l'adoreront, toutes les nations le serviront (3) ? » Vous reconnaissez Jésus-Christ dans ces paroles adressées aux Juifs : « Ma volonté ne se trouve point en vous, dit le Seigneur tout-puissant, et je ne recevrai pas de sacrifice de vos mains » ; et, en effet, la venue de Jésus-Christ sur la terre a aboli tous ces sacrifices judaïques, et vous ne reconnaissez pas l'Eglise dans ce qui suit : « Depuis l'orient jusqu'au couchant mon nom a été glorifié parmi les nations, dit le Seigneur tout-puissant (4) ? » Vous reconnaissez Jésus-Christ dans cette parole du Prophète : « Il a été «conduit comme un agneau au sacrifice (5) », et autres paroles semblables que l'on croirait tirées de l'Evangile même; et vous ne reconnaissez pas l'Eglise dans ce que nous lisons un peu plus loin : « Réjouissez-vous, stérile qui n'enfantez point; chantez des cantiques de louange et poussez des cris de joie, vous qui n'aviez point d'enfants, parce que celle qui était abandonnée a plus d'enfants que celle qui a un mari, dit le Seigneur. Prenez un lieu plus grand pour dresser vos tentes; élargissez le plus que vous pourrez les peaux de vos tabernacles ;

 

1. Ps. CVII, 6. — 2. Id. XXI, 17, 18, 19, 28. —  3. Id. LXXI, 2, 8, 11. — 4. Malach. I, 10, 11. — 5. Isa. LIII, 7.

 

 

432

 

rendez-en les cordages plus longs et les pieux bien affermis. Car vous vous étendrez à droite et à gauche; votre postérité aura les nations pour héritage, et elle remplira les villes désertes. Ne craignez point, parce que vous ne serez point confondue, et vous ne rougirez point, car il ne vous restera plus de sujet de honte, parce que vous oublierez la confusion de votre jeunesse et vous perdrez le souvenir de l'opprobre de votre veuvage. Car celui qui vous a créée vous dominera; son nom est le Dieu des armées, et le saint d'Israël qui vous rachètera s'appellera le Dieu de toute la terre (1) ».

LXXIII. C'est dans ces saints livres que l'Eglise s'est révélée à Cyprien, voilà pourquoi il s'écrie : « Ainsi inondée de la lumière du Seigneur, l'Eglise a projeté ses rayons jusqu'aux extrémités de la terre, elle a déployé ses rameaux abondants jusqu'aux derniers confins du monde (2) ». Vous calomniez donc l'évidence de ces divins oracles, quand vous nous objectez les nations lointaines dans lesquelles l'Eglise n'a pas encore établi son empire, tandis que vous affectez de passer sous silence les nombreuses régions déjà soumises à ses lois, et d'où elle tend sans cesse à se répandre au dehors. Comment ne niez-vous pas le futur accomplissement de ces prophéties, vous qui n'hésitez pas à nier la rapide propagation de l'Evangile, dussiez-vous pour cela vous mettre en contradiction, non-seulement avec les oracles divins, mais même avec votre propre langage ? N'est-ce.pas à vous que l'évidence de la vérité a arraché ce témoignage que vous n'avez pas compris ou qui vous est échappé par inadvertance : « Le monde tend chaque jour à mériter le nom de chrétien ? » Pourquoi donc la secte de Donat refuse-t-elle de se mettre en communion avec cette Eglise qui se répand sur toute la terre? Sans doute qu'elle craindrait de se souiller au contact des pécheurs. Je demande alors qu'on m'explique pourquoi saint Cyprien a refusé de se séparer, non pas de votre Eglise qui, reléguée en Afrique, calomnie l'univers tout entier et ne lance au dehors que quelques rares et obscurs missionnaires, mais de cette Eglise qui couvre de ses rameaux l'univers, sans nier aucunement qu'il y ait dans son sein des pécheurs, voire même des pécheurs Publics. C'est à cette vue qu'il s'écriait :

 

1. Isa. LIV, 1-5. — 2. Unité de l'Eglise.

 

« Quoique la zizanie soit visible dans l'Eglise, que votre foi, que votre charité n'en soient point ébranlées; gardons-nous surtout de sortir de l'Eglise, parce que nous y voyons de la zizanie (1) ».

LXXIV. Dites-nous, si vous le pouvez, comment vous entendez l'accomplissement de cette parole : « L'enfant mauvais se dit juste, mais il ne justifie pas pour cela sa séparation (2) ». Présentez donc un enfant mauvais, qu'il condamne et persécute les Maximiens, et puis qu'il se réconcilie avec ceux qu'il a condamnés et persécutés; ou bien qu'il ouvre les yeux à la lumière, qu'il sente le poids de sa confusion et qu'il se corrige. « Comment», dites-vous, « l'univers peut-il être en communion avec vous, puisqu'il existe encore un si grand nombre d'hérésies qui n'ont avec vous aucune relation? » Outre les hérétiques, le monde ne porte-t-il pas également d'autres hommes, et en particulier les saints et fidèles serviteurs de Dieu? La mer est remplie de flots amers, mais elle est remplie aussi d'excellents poissons.

LXXV. « Souvent, dites-vous, la vérité est avec le petit nombre, et l'erreur avec la multitude ». Puis, voulant sans doute dissiper la contradiction que présentent vos paroles avec ce qui est dit de la prodigieuse fécondité de celle qui auparavant était stérile : « Celle qui était sans époux a plus d'enfants que, celle qui avait un mari », vous invoquez ce passage de l'Evangile : « Ce n'est que le petit nombre qui est sauvé (3). » Si d'un côté le Sauveur a dit : « Le chemin qui conduit à la vie est étroit et resserré, et il n'y en a que bien peu qui le trouvent (4) », n'a-t-il pas dit également : « Beaucoup viendront de l'Orient et de l'Occident, et reposeront dans le royaume des cieux avec Abraham, Isaac et Jacob (5)? » Expliquez-moi cette apparente contradiction. Dites-nous comment l'Apocalypse peut nous parler de cette multitude innombrable formée de toutes les nations, de toutes les tribus, de toutes les langues,  portant des robes blanches et des palmes à la main, et comprenant tous ceux qui ont souffert persécution pour Jésus-Christ (6); dites-nous comment ils peuvent être tout à la fois en petit  nombre et en grand nombre? On ne dira pas que de ces deux propositions l'une, est vraie

 

1. Lettre à Maxime. — 2. Prov. XXIV, vers. des Sept. — 3. Luc, XIII, 23. — 4. Matt. VII, 19. — 5. Id. VIII, 11. — 6. Apoc. VII, 9.

 

433

 

tandis que l'autre est fausse, puisque toutes deux sont formulées parla Vérité même. Pour: concilier ces deux textes, il faut admettre que les bons et véritables chrétiens, quoique par eux-mêmes très-nombreux, ne composent qu'un nombre respectivement petit, par rapport à la multitude des mauvais chrétiens. C'est ainsi que dans une aire les grains de froment, quoique très-nombreux, paraissent en petit nombre par rapport à la paille. De même, pour me servir de la prophétie relative, à la race d'Abraham, les étoiles qui scintillent sous la voûte des cieux sont assurément en très-grand nombre, et cependant ce nombre devient respectivement petit quand on le compare à celui des grains de sable de la mer. Peut-être les étoiles désignent-elles les chrétiens spirituels, tandis que les grains de sable désignent-elles les chrétiens charnels, les principaux auteurs des hérésies et des schismes. Toutefois les uns et les autres se trouvent confondus dans le monde, car le Seigneur a dit : « Le champ c'est ce monde »; vous-même, vaincu par la vérité, vous avez fait cet aveu : « Le monde tout entier tend à mériter le nom de chrétien ». Dans toute l'étendue de ce champ que nous appelons le monde, nous rencontrons le froment comme nous y rencontrons la zizanie; car c'est du froment tout à la fois et de la zizanie, que l'infaillible vérité nous a dit : « Laissez-les croître jusqu'à la moisson (1) ».

LXXVI. Ainsi donc, que tous ceux qui, par impiété, se sont séparés du froment qui croit avec une si grande fécondité sur toute la face de ce monde, se prennent à rougir et n'aient plus la témérité de se glorifier de former le petit nombre de zizanies séparées. S'ils s'en glorifient encore, qu'ils n'oublient pas que Dieu, dans sa justice, leur oppose ces mêmes Maximiens pour les confondre ; et s'ils sont sages, pour les corriger et les convertir. Profitant du petit nombre de leurs adversaires, ils les ont persécutés, et en les persécutant ils en ont ramené quelques-uns à leur communion et ont délaissé les autres dont la justice, à en croire vos principes, était d'autant plus éclatante qu'ils étaient eux-mêmes en plus petit nombre.

LXXVII. « L'Orient », dites-vous, « ne communique point avec l'Afrique, ni l'Afrique avec l'Orient ». C'est vrai ; mais uniquement

 

1. Matt. XIII, 38, 30.

 

quand il s'agit des pailles hérétiques séparées de l'aire du Seigneur. Au contraire, s'il s'agit des froments catholiques et des paillés encolle renfermées dans l'aire, on peut affirmer sans crainte que l'Orient communique avec l'Afrique et l'Afrique avec l'Orient. En effet, ici, ailleurs, partout, les hérétiques combattent contre l'unité catholique; car, eux qui ne peuvent être nulle part, rencontrent partout cette unité et proclament ainsi dans leur personne la réalisation de ce mot prophétique : « Le Christ est ici, le Christ est là (1) », tandis que pour eux-mêmes ils ne peuvent montrer partout que les traces de leur présomption, ou plutôt les débris de leurs divisions, sauf à pousser l'impiété de leur orgueil jusqu'à renier le tronc dont ils ne sont puisque les rameaux desséchés. Telle est donc cette Eglise dont l'immense fécondité enfante sur toute la terre, dans toutes les nations, dans toutes les tribus, dans toutes les langues, cette multitude innombrable d'élus aux robes blanches et aux palmes triomphales dont parle l'Apocalypse. Or, il n'est que trop évident que les Donatistes ne communiquent point avec celte Eglise; et, pour se justifier, vos ancêtres n'auraient-ils pas dû prouver par des documents authentiques toutes les accusations qu'ils ont formulées contre les traditeurs ? Moyennant cette preuve ils seraient restés dans l'Église, et les traditeurs en auraient été exclus. Mais aujourd'hui que nous voyons les accusés inébranlablement attachés à l'Église, quelle bonne opinion pouvons-nous avoir de leurs accusateurs qui ont fait schisme avec l'Église? Quant à ces quatre classes de documents dont j'ai parle à l'occasion des prétendus traditeurs, ou bien tous sont vrais, ou bien tous sont faux, ou bien les nôtres sont vrais et les vôtres faux ou bien les vôtres sont vrais et les nôtres faux. Quelle que soit celle des trois premières hypothèses que vous acceptiez, votre défaite est assurée; aussi était-il naturel de croire que vous choisiriez la quatrième. Vous reconnaissez vous-même l'absurdité de cette prétention de votre part; mais supposé qu'elle soit juste, il vous resterait toujours à prouver la vérité de ces documents humains que vous alléguez contre l'Église inébranlablement fondée sur les documents divins.

LXXVIII. Du moins, ce que je vous demande c'est de ne point jeter les simples dans les

 

1. Matt. XXIV, 23.

 

434

 

ténèbres, en vous prenant à accuser la dialectique, pour vous venger de l'impuissance où vous êtes de justifier vos accusations d'apostasie contre nos ancêtres. Dites-moi, est-il vrai, oui ou non, que votre affaire avec tous les documents véritables fournis par vous, a été portée au tribunal des Eglises d'outre-mer fondées par les Apôtres? Et dans le jugement qui a été rendu, avez-vous été vainqueurs ou vaincus? Si vous avez été vainqueurs; pourquoi n'êtes-vous point en communion avec ces Eglises qui vous ont donné gain de cause? Mais si vous avez été vaincus, et votre schisme ne le prouve que trop, pourquoi nous opposer sans cesse votre cause perdue, fût-elle bonne ou mauvaise? Et pour mettre le comble à votre crime, parce que, malgré les documents véritables que vous avez produits, vous n'avez pu convaincre de trahison vos ennemis, devant ces églises d'outre-mer, vous attaquez l'univers chrétien tout entier, en lui reprochant, dans une cause à laquelle il n'a pas assisté, de croire plutôt à la sentence des juges, qu'aux récriminations des accusateurs vaincus? Votre crime n'est 'donc pas d'avoir, dans un jugement d'outre-mer, perdu votre cause, fût-elle bonne comme vous le prétendez; mais de faire retomber sur:tant de peuples innocents, répandus sur toute la terre, la responsabilité du crime des coupables et même des juges. Vous deviez, au contraire, rester dans la communion de ces Eglises; et, suivant le précepte évangélique et le conseil de Cyprien, tolérer jusqu'au jour de la ventilation ces traîtres et ces mauvais juges comme on tolère la paille avec le bon grain. Que si votre cause, accompagnée des documents véridiques que vous avez choisis pour votre part, n'a pas été soumise au jugement des Eglises d'outre-mer, comment donc pouvez-vous y trouver la condamnation de tant d'évêques qui, absorbés dans les soucis de leur ministère, n'ont pu avoir aucune connaissance d'une cause qui ne leur a pas été déférée? Ou bien comment tes chrétiens de l'Afrique, non-seulement ceux qui croyaient à l'innocence des accusés, mais ceux mêmes qui les croyaient coupables, ont-ils dû, à cause de la zizanie qu'ils voyaient dans l'Eglise, se séparer d'un froment qui se multipliait avec une fécondité si prodigieuse, d'un froment qui ne les connaissait pas? Une telle séparation enfin peut-elle être innocente, quand, d'un côté, il est évident qu'on ne saurait être souillé par un crime étranger que l'on tolère par respect pour l'unité, tandis que, d'un 'autre côté, la violation de l'unité est un crime qui doit retomber de tout son poids sur ses auteurs?

LXXIX. Vous voyez donc que, même dans la quatrième hypothèse, vous n'avez rien à gagner à soutenir que vos documents sont véridiques, tandis que les nôtres seraient faux. Je dis même que cette hypothèse se tourne contre vous. En effet, fussent-ils vrais comme vous le croyez, vos documents n'ont pu convaincre d'apostasie les accusés; soit que ces' documents fussent inconnus à vos ancêtres, soit que les traditeurs fussent parvenus par la ruse à surprendre les juges; soit que les juges eux-mêmes se fussent laissé corrompre. Quoi qu'il en soit, voyez comme, selon la prophétie, la race d'Abraham se multiplie à travers les nations, à l'égal des étoiles du ciel et des grains de sable de la mer (1) ; à ce spectacle, s'il vous reste encore quelque crainte de Dieu, osez dire, osez croire, osez même penser que cette abondante moisson a pu périr dans le monde, à cause de certaines zizanies en Afrique, restées cachées je ne sais trop pour quels motifs.

LXXX. Vous exagérez les persécutions dont vous prétendez être les victimes, car vous devriez plutôt reconnaître que, malgré la sacrilège et évidente obstination avec laquelle vous luttez contre la paix de l'Eglise, on use à votre égard d'une mansuétude étonnante. D'un autre côté, dans la première partie de votre lettre, vous dites que «l'empereur Constantin, convaincu du crime de Cécilianus, l'exila à Brixia ». Peut-on, sur ce point, vous accuser d'erreur ou de mensonge, quand, d'ailleurs, on vous entend affirmer que dans un jugement proconsulaire, Félix d'Aptonge a été convaincu d'apostasie par je ne sais quel magistrat du nom de Vincent?

Maintenant je vais vous transcrire la sentence par laquelle le proconsul Aelianus reconnaît l'innocence de Félix. Si vous voulez du reste prendre connaissance de toute cette affaire, adressez-vous aux archives proconsulaires. « Le proconsul Elianus s'exprima en ces termes : D'après la déposition de Cécilianus qui affirme la fausseté des actes et les nombreuses additions de, la lettre, on voit

 

1. Gen. XXII, 17.

 

435

 

clairement le but poursuivi par Ingentius. Il a sera donc renvoyé en prison, car il est nécessafre de recourir à un interrogatoire plus rigoureux. Quant à Félix, ce pieux évêque, il est évident qu'on ne saurait l'accuser d'avoir brûlé les instruments divins, car personne ne peut le convaincre d'avoir livré ou brûlé les saintes Ecritures. En effet, de l'interrogatoire ci-dessus transcrit, il résulte qu'il n'y a eu a aucun manuscrit sacré ni trouvé, ni corrompu, ni brûlé. Les actes prouvent clairement qu'à cette époque ce religieux évêque Félix était absent, qu'il n'a compromis sa conscience en quoi que ce fût, et qu'aucun ordre de ce genre n'est sorti de ses lèvres ».

LXXXI. Je transcris également le décret de l'empereur Constantin à Probianus, dans lequel il atteste la même vérité et rappelle toutes les tentatives faites auprès de lui par vos ancêtres contre des innocents. « Les empereurs Césars Flaviens, Constantin, Maximien, Valérius Licinianus Licinius au proconsul d'Afrique Probianus. Votre prédécesseur zElianus, voyant que l'illustre Verus, a vicaire des préfets d'Afrique, était retenu a par la maladie, lui vint en aide dans ses fonctions, et se chargea en particulier d'examiner par lui-même le procès intenté à l'évêque Cécilianus par la jalousie de ses ennemis et au grand scandale de l'Eglise catholique. Il convoqua donc le centurion Supérius, Cécilianus magistrat d'Aptonge, Saturninus ex-curateur, Calibius le jeune, curateur de la même cité, et Solon serviteur public. La séance s'ouvrit. Cécilianus fut sur-le-champ accusé d'avoir reçu l'épiscopat des mains de Félix à qui on reprochait d'avoir livré et brûlé les manuscrits sacrés. Mais Félix fut promptement justifié de cette accusation. Ensuite Maxime accusa Ingentius, décurion de Ziquée, d'avoir falsifié la lettre de l'ex-duumvir Félicianus. Aussitôt nous avons suspendu Ingentius et annulé ses actes, sans cependant le châtier comme il le méritait pour s'être attribué le titre de décurion a de Ziquée. Nous voulons donc que vous envoyiez ce même Ingentius sous bonne garde à mon tribunal, de moi Constantin, Auguste, afin de lui faire subir un interrogatoire en présence de nos juges ordinaires. En face de la foule des auditeurs on pourra lui prouver que c'est en vain qu'il a tramé d'injustes machinations contre Cécilianus, et qu'il a usé envers lui de violences aussi indignes que criminelles. De cette manière on mettra fin aux débats de ce genre, le peuple rentrera dans sa tranquillité ordinaire et reprendra l'observation calme et paisible des pratiques religieuses ».

LXXXII. Je transcris également quelques passages d'une lettre du même Constantin à son vicaire Eumalius, dans laquelle il déclare avoir étudié les débats et reconnu la complète innocence de Cécilianus. Après avoir raconté comment l'affaire fut transportée à son tribunal nonobstant les jugements épiscopaux antérieurs, il ajoute : « Dans tout cela nous avons reconnu que Cécilianus jouit de l'innocence la plus parfaite, qu'il remplit parfaitement les fonctions de son ministère et qu'en cela il ne mérite aucun reproche ; qu'enfin on ne saurait le convaincre d'aucun des crimes dont l'accuse la malveillance de ses ennemis ».

LXXXIII. Pourquoi donc n'avez-vous pas transcrit la prétendue sentence de condamnation rendue par Constantin contre Cécilianus et l'arrêt qui l'exile à Brixia? N'eût-il pas mieux valu transcrire ce décret que celui, je ne sais trop lequel, du concile de Sardique, qui ne vous intéresse, ni vous, ni la cause qui se débat entre vous et nous? Vous appelez calomnieusement du nom d'exil le séjour de Cécilianus à Brixia, mais quel besoin ai-je de vous faire connaître le motif de ce séjour, quand il n'est que trop évident que Cécilianus crut devoir s'éloigner de son église plutôt que d'y être une occasion de trouble? Mais ce que je ne comprends pas, c'est que vous ne citiez nullement la sentence de condamnation rendue par l'empereur, et que vous vous permettiez; non-seulement de dire, mais encore d'écrire que Cécilianus a été réellement condamné. Mais soit, admettons que Cécilianus fut exilé par décret impérial ; dites-moi donc alors quels furent ses accusateurs; et quand vous m'aurez répondu, posez-moi la question que vous formulez si inutilement dans votre lettre : « Quel est celui qui a consent moins à l'exhibition d'un testament? Est-ce celui qui souffre la persécution ou a celui qui la soulève? » Vous reconnaissez là votre propre langage. Eh bien ! contemplez Cécilianus subissant la persécution, et, comme vous l'avez dit, condamné à l'exil. Contemplez vos évêques qui, selon la déclaration de (436) l'empereur, ne cessent leurs accusations contre Cécilianus. Je vous pose alors votre propre question dans les mêmes termes : « Quel est celui qui consent moins à l'exhibition d'un testament? Est-ce -celui qui subit la persécution ou celui qui la soulève ? » Or, si vous prenez la peine de lire attentivement toutes les pièces du procès, vous serez convaincu que Cécilianus a été auprès de l'empereur, de la part de vos évêques, l'objet d'une incessante persécution. Mais soyez assuré que loin de trouver la trace d'une seule condamnation lancée contre lui, vous trouverez au contraire un décret authentique constatant sa parfaite innocence.

LXXXIV. En admettant donc que vous ayez choisi de préférence celle de mes quatre hypothèses qui vous concède la vérité des documents que vous, produisez contre les traditeurs, tandis que les nôtres seraient convaincus de fausseté, vous voyez que même alors la vérité de Dieu vous confond honteusement. En effet, après avoir prédit la diffusion de l'Eglise, n'est-ce pas cette même vérité qui lui donne cette étonnante et prodigieuse fécondité? Cette fécondité, du reste, ne peut recevoir aucune atteinte, dans son extension, des péchés des hommes, alors même que, la réalité de ces péchés reposerait sur des documents authentiques parfaitement connus des évêques voisins d'outre-mer, par l'organe desquels la renommée de ces fautes se répandrait au loin ou serait étouffée dans le silence. A plus forte raison en serait-il ainsi, si ces documents :ne reposaient pas sur des preuves suffisantes, s'ils n'étaient pas acceptés par ceux qui en auraient pris connaissance, ou s'ils restaient ensevelis dans le mystère et le secret le plus profond. Concluez, dès lors, qu'il est impossible qu'un seul homme, à plus forte raison la foule innombrable des chrétiens répandus sur toute la terre, se trouve souillé par le crime d'autrui, alors surtout qu'il n'a aucune connaissance certaine de ce crime, ou qu'il a vu surprendre sa bonne foi par une fausse innocence dissimulée par des documents apocryphes. Si donc, je le répète, l'hypothèse que vous avez adoptée et en vertu de laquelle vous vous flattez de la véracité de vos documents contre les traditeurs, et de la fausseté de ceux qu'on vous oppose ; si, dis-je, cette hypothèse reste impuissante contre l'Eglise catholique répandue sur toute la terre, et contre la Providence divine qui, pour me servir de vos propres, expressions, dispose chaque jour le inonde à embrasser la religion chrétienne » ; combien plus devez-vous avouer votre impuissance et l'inutilité de vos accusations, quand nous vous opposons à notre tour cette même apostasie dont l'horreur prétendue a précipité dans le schisme ceux qui, se séparant du corps de Jésus-Christ, se sont eux-mêmes livrés au démon. Au lieu de nous fournir des preuves certaines, vous vous contentiez de nous citer des noms, de nous décrire les crimes de ces- traditeurs ; autre est notre manière d'agir envers vous, car nous produisons les actes ecclésiastiques où se trouvent consignés leurs aveux, et les actes municipaux où vos crimes se trouvent relatés et jugés.

LXXXV. En votre qualité de critique habile et d'appréciateur consommé de la valeur des termes, vous nous révélez l'importance relative des degrés de comparaison; et, triomphant soudain, vous vous écriez que je ne pourrais vous, dire : « Nous vous objectons avec plus de probabilité l'apostasie », si je n'étais contraint d'avouer que vous nous l'objectez avec toutes les garanties de la probabilité. « En effet», dites-vous, « si vous avez plus de probabilité, nous sommes donc nous-mêmes dans la probabilité ». D'après vous; « il n'y a ici que pure question de degré de probabilité, comme si vous disiez: Ceci est vrai, cela est plus vrai; de telle manière que la différence de degré augmente seulement la probabilité ou la vérité de l'affirmation et ne détruise pas l'affirmation contraire ». Pour mieux faire comprendre votre pensée, vous ajoutez: «De même qu'on distingue ce qui est bien et ce qui est mieux, ce qui est mal et ce qui est pire, ce qui est horrible et ce qui est plus horrible; de même on doit distinguer ce qui est probable et ce qui est plus probables. Vous en concluez que s'il est plus probable que ce que j'objecte est faux, il est probable que ce que vous affirmez est réellement vrai. De mon côté, n'ai-je pas dit que dans une question ou une discussion ecclésiastique vous recourez à tous les artifices de la rhétorique pour nous apprendre la puissance des différents degrés de comparaison, puissance telle que le degré augmente ce qui a été posé, mais ne détruit pas ce qui a été dit auparavant?» Je comprends qu'une telle objection de ma part ne serait qu'une ineptie; mais il paraît (437) que vous n'en jugez pas ainsi pour vous-même, puisque vous ne craignez pas d'emprunter à la rhétorique les subtilités des anticatégories. Mais je ne vois pas ce que viennent faire ici ces subtilités, quand la discussion roule sur ces simples paroles : Le crime n'a pas été commis par moi, mais par vous; et que, pour le prouver, j'invoque l'imposante autorité des prophéties (1).

LXXXVI. Cependant, si vous vouliez vous livrer à un examen plus attentif, ne trouveriez-vous pas dans les bons auteurs latins, même quand ils empruntent aux grammairiens leurs artifices, des exemples qui prouvent que le degré dont nous parlons n'ajoute pas toujours à ce qui a été dit, mais quelquefois le détruit et l'annule? J'en trouve la preuve dans la lettre de saint Paul aux Hébreux. En effet, parlant de la bénédiction de la terre et de la pluie qui lui fait produire des fruits abondants, l'Apôtre ajoute : « Mais quand elle produit des ronces et des épines, elle touche à la réprobation et à la malédiction et finira par le feu». Craignant ensuite que ses auditeurs ne crussent qu'il manifestait un désir, il ajoute : « Or, nous avons une meilleure opinion de vous et de votre salut (2) ». Vous comprenez certainement ce que signifie ce mot : « une meilleure opinion ». Evidemment il ne veut pas dire que ce soit une chose bonne de produire des ronces et des épines et de mériter le feu ; il veut au contraire leur faire éviter ces maux et choisir les biens qui leur sont opposés. Mais peut-être allez vous dire que l'Apôtre, parlant ici comme homme, s'il fait preuve de science, ne prouve pas une grande habileté de langage (3) ; d'où il suit qu'on ne doit pas l'interpréter à la lettre, mais voir uniquement les choses et les faits, de telle sorte que le mot « meilleure » doive se remplacer par le mot bonne. Mais si, de mon côté, avouant que j'ai pris l'habitude du langage sacré et oublié les notions littéraires apprises dans mon enfance, je déclare que ces paroles : « Vous objectez l'apostasie des nôtres et nous vous la reprochons avec plus, de probabilité », doivent être interprétées comme si j'avais dit: probablement, me servant du positif au lieu du comparatif, et indiquant que loin de regarder votre objection comme probable, je la regarde comme réellement improbable; qu'aurez-vous

 

1. Plus haut, n. 29. — 2. Hébr. VI, 7-9. — 3. II Cor. XI, 6.

 

à répondre ? Pourrez-vous dire encore que j'ai regardé votre objection comme probable, puisque je traite la mienne de plus probable?

LXXXVII. Il n'est pas même jusqu'aux grammairiens qui ne justifient mon langage, si vous vouliez rappeler vos souvenirs; ou relire attentivement leurs écrits. Dans ces poésies offertes à la jeunesse, ne trouvons-nous pas cette parole d'un auteur qu'on ne traitera pas d'enfant inexpérimenté : « O Dieu, donnez aux hommes pieux un sort meilleur, et réservez cette erreur pour vos ennemis ! Ils déchiraient avec leurs propres dents ces membres en lambeaux (1) ? » Il implore un meilleur sort pour les hommes pieux; regardez-vous comme bons et non pas comme horriblement mauvais, le sort de ceux qui de leurs propres dents déchiraient des membres en lambeaux? Si donc ce grand poète a pu désirer pour les hommes pieux un sort meilleur, quoique le sort de ceux qui formaient le second terme de comparaison fût horrible; n'ai-je pas pu, pour la même raison, vous objecter votre apostasie en me servant de ce mot: plus probable, quoique celle que nous vous objectez ne reposât sur aucune probabilité ? Je puis ajouter que dans le langage ordinaire on ne dit. d'une chose qu'elle est probable que quand on n'est pas sûr qu'elle soit vraie; en disant qu'elle est probable on admet seulement qu'elle peut exister, que son existence, loin de soulever aucune contradiction, pourrait être admise et prouvée. Au contraire, s'il s'agit de ce qui est vrai réellement, dès l'instant qu'une chose apparaît dans sa vérité, elle apparaît dans toutes les conditions, non-seulement de la probabilité, mais de la plus haute probabilité. Consultez vos auteurs classiques, et vous resterez convaincu que je ne vous en impose aucunement.

Ainsi donc, je pourrais admettre qu'en nous objectant l'apostasie, les vôtres ne heurtaient pas les règles de la probabilité; et cependant j'aurais le droit de soutenir qu'ils sont dans l'erreur, tandis que la plus grande probabilité vous autorise à leur objecter la même apostasie. Et effet, ils peuvent bien nous traiter de traditeurs, décliner le nom de ceux qu'ils flétrissent de ce crime, mais ils avouent eux-mêmes qu'ils ne peuvent prouver leurs accusations par aucun monument

 

1. Vir. Géorg. liv. III, v. 513, 514.

 

438

 

ecclésiastique ou public. Il n'en est pas ainsi pour nous, car nous avons contre eux les documents publics et ecclésiastiques où sont consignés leurs aveux à la suite desquels ils furent abandonnés à la justice de Dieu.

LXXXVIII. Mais je me garderai bien de ne pas me servir de l'arme puissante que vous remettez entre nos mains, quand, nous apprenant les règles du degré comparatif, vous nous dites qu' « il augmente le terme qu'il affecte », sans désapprouver ce qui a été dit précédemment. Ainsi donc, à nous en tenir à cette règle et à certaines des expressions de votre lettre, la victoire nous appartient sans combat. En effet, dans la première partie de votre lettre, nous reprochant notre obstination, vous nous dites « que tant de documents légaux ne peuvent nous persuader ce qui est mieux, ce qui est plus vrai ». J'invoque alors vos subtilités et je conclus que le parti que nous suivons est bore et vrai, puisque c'est celui qui est le meilleur et le plus vrai que l'on ne peut nous persuader. Si donc, toujours pour me servir de vos expressions, nous n'annulons pas votre baptême qui est le vrai et le meilleur, pourquoi annulez-vous le nôtre qui est bon et vrai ? De même vous avez dit. « Nous voulons que Jésus-Christ soit le principe, la racine et la tête ou le chef du chrétien », puis vous ajoutez aussitôt mais nous cherchons par quel ministre cette oeuvre peut le plus sûrement s'accomplir ». Vous convenez donc que cette oeuvre s'accomplit sûrement par notre ministre, quoique mauvais, bien qu'elle s'accomplisse mieux par un bon ministre. Si donc nous n'annulons pas votre baptême, que vous proclamez conféré par un bots ministre, pourquoi annulez-vous le baptême conféré chez nous, quoiqu'il le soit, selon vous, par un mauvais ministre? « Nous cherchons », dites-vous, « par quel ministre cette oeuvre peut le plus sûrement s'accomplir ». Et votre règle de prédilection est celle-ci : « Ce degré augmente le terme qui le précède ». Si donc votre ministre fait mieux, convenez au moins que le nôtre fait bien. Ainsi, quand vous réitérez le baptême à celui que nous avons baptisé, vous annulez, par une présomption sacrilège, un sacrement dont vous reconnaissez, d'après votre principe, la légitimité.

LXXXIX. Je craindrais de pousser à bout votre modestie, si je vous montrais avec quelle légèreté et quelle suffisance vous vous êtes permis, tout poli et habile que vous êtes, de chicaner sur certaines expressions métaphoriques échappées de ma plume, comme, par exemple, quand je prends le front pour la pudeur, la bouche pour le langage, le trident pour le discours à trois parties, la bête à trois têtes pour l'erreur qui s'arme de trois calomnies, pour sévir contre l'innocence de peuples si nombreux. Laissez plutôt vos enfantillages aux enfants. Que m'importe après tout que vous trouviez malséant sur les lèvres d'un évêque le trait de Neptune à cause de ses trois pointes, sous prétexte que tout évêque doit être pêcheur, c'est-à-dire un homme apostolique, puisque Jésus-Christ a fait de ses Apôtres des pêcheurs d'hommes (1) ? La sainte Ecriture donne bien à notre Dieu des ailes (2) et des flèches (3), et cependant ce n'est pas un Cupidon que nous adorons.

CX. Vous me reprochez également de ne pas pratiquer la douceur, à laquelle je m'étais engagé dès le début, et cela parce que, véritablement indigné que l'on fît mention des Manichéens, je me suis écrié : « De même que, selon la parole du Seigneur, Satan ne peut chasser Satan (4), de même l'erreur des Manichéens ne peut détruire l'erreur des Donatistes (5)». J'aurais donc été assez malheureux pour comparer Pétilien à Satan, sans préciser que je parlais de son erreur dont je voudrais rompre les chaînes. C'est bien vrai, l'Apôtre, dans ce passage que j'ai cité, nous invite à la douceur, à la patience et à la modestie, quand nous entreprenons de ramener un fugitif dans la bonne voie. « Il ne convient pas», dit-il, «qu'un serviteur de Dieu prenne des airs belliqueux; il doit au contraire se montrer doux envers tous, souple, patient et modeste à l'égard de ceux qu'il veut corriger ». Puis il ajoute aussitôt: « Ne peut-il pas arriver que Dieu leur accorde la grâce de se repentir, de reconnaître la vérité, de rompre les chaînes du démon, et de se laisser captiver par le Seigneur selon sa volonté (6)? » Voilà la mansuétude apostolique: il ne craint pas de dire que ceux avec qui l'on doit se comporter doucement, patiemment et modestement, sont les esclaves du démon. Et malgré la

 

1. Matt. IV, 19. — 2. Ps. XVI, 8; XXXV, 8. — 3. Id. XVII, 15. — 4. Matt. XII, 26. — 5. Réfut. de Pétil. n. 28. — 6. II Tim. II, 24-26.

 

439

 

sévérité de cette parole qui lui est arrachée par le besoin de dire la vérité qu'il enseignait, on peut affirmer qu'il ne s'est pas départi des règles de la douceur.

XCI. Maintenant, voyez vous-même de quel côté vous prenez place, vous qui, en taxant mes paroles d'être injurieuses et cruelles, ne négligez rien pour exciter au combat ceux que vous ne voulez pas voir se réunir pour discuter. Je ne dirai pas que vous savourez les plaisirs du combat. Car si vous m'objectez des erreurs dont je suis innocent, vous procédez avec la plus grande réserve, avec une sorte de honte, et en suivant les voies les plus détournées. Lors même que, renouvelant ce que j'ai fait par écrit dans de nombreux ouvrages, je prononcerais condamnation et anathème contre cette secte manichéenne, dont les doctrines empoisonnées soulèvent la répulsion dans le coeur de tous les chrétiens, je ne vous croirais pas encore le droit de me salir de vos calomnies. De plus, l'univers catholique n'éprouverait aucune surprise s'il me voyait en butte à vos fausses accusations, car ne sait-on pas que vous inculpez de crimes imaginaires le monde chrétien tout entier, sans en excepter ces églises fondées au prix des sueurs et du sang des Apôtres. Quant à mes écrits contre les Manichéens qui abusèrent si indignement de l'inexpérience de ma jeunesse pour me séduire, quiconque prendra la peine de les lire, pourra juger par lui-même, sans recourir à vos paroles pour se former une conviction.

XCII. « Mais », dites-vous, « un grand nombre des nôtres ont entre les mains une lettre dont je ne connais pas la teneur, et dans laquelle votre prince s'opposait à votre ordination ». Je ne m'occuperais pas de cette lettre, quand même celui que l'on prétend l'avoir écrite ne se serait pas déclaré si formellement en notre faveur, et n'aurait pas protesté aussi énergiquement contre cette calomnie et ce mensonge. Combien moins l'Eglise catholique prend-elle peu souci de cette lettre; et cependant, c'est la cause de l'Eglise que nous soutenons contre vous, de l'Eglise qui ne s'appuie que sur des témoignages divins; sans craindre jamais que la vérité qui la soutient puisse être ébranlée par des témoignages humains, vrais ou faux? Renoncez à de tels moyens de défense ; je ne suis qu'un homme, ce n'est pas la cause, mais celle de l'Eglise que nous débattons, de l'Eglise qui a appris de son Rédempteur à ne fonder son espérance sur aucun homme. Lors même que vous connaîtriez mes pensées les plus intimes, il suffit que vous soyez mes ennemis pour qu'on n'ajoute aucune croyance à ce que vous pouvez dire de moi. Si je cherchais le témoignage de la renommée, je pourrais invoquer la multitude des témoins qui m'ont connu; mais je ne cherche que Dieu ; et, pour arriver à lui, je n'ai besoin que de ma conscience, qui ne fléchira jamais devant vos accusations calomnieuses. Toutefois, je n'ose me justifier aux yeux du Tout-Puissant, et ce que j'implore, ce n'est point l'examen suprême du jugement, mais l'abondance de sa miséricorde; sans cesse, en effet, j'ai présente à la pensée cette parole : « Quand le roi a siégera sur le trône de sa justice, qui donc osera se glorifier de la pureté de son coeur, ou qui se glorifiera d'être sans péché (1)? »

XCIII. Mais en quoi ma personne intéresse-t-elle la question qui s'agite entre nous? Si je suis mauvais, je suis la paille dans l'aire du père de famille; j'en suis le froment si je suis bon. Quant à vous, si-vous étiez le bon grain, vous obéiriez au précepte de Cyprien, et vous ne vous sépareriez pas de la paille avant le moment de la ventilation. D'un autre côté, si parmi vous nous rencontrons un homme notoirement mauvais, nous avons le droit de vous l'opposer. Car le seul moyen que vous alléguez pour justifier votre séparation, c'est la crainte de périr par la contagion des péchés des autres. C'est ainsi que vous vous vantez d'avoir créé une aire d'un genre nouveau, qui ne renferme que du froment, ou du moins dans laquelle on n'aperçoit que du froment, sans qu'il soit jamais besoin d'un ventilateur ou d'un scrutateur. Comparant votre innocence à notre culpabilité, Parménien osa alléguer (2) la sentence du prophète Jérémie : « Qu'est-ce que la paille mêlée au bon grain (3)? » En lisant le contexte, on voit clairement que le Prophète s'attaquait à ceux qui plaçaient leurs songes sur le même rang que les oracles divins. Pour stigmatiser votre arrogance et votre orgueil démesuré, il suffirait donc de cette lettre dans laquelle, se mettant en opposition évidente contre les saintes Ecritures et contre les avertissements de Cyprien, Parmenien, sans attendre la purification

 

1. Prov. XX, 8, 9. — 2. Réfut. de la lettre de Parménien, liv. III, n. 17. — 3. Jérém. XXIII, 28.

 

440

 

dernière, déclare hautement que vous êtes tous le pur froment, complètement séparé de la paille destinée aux flammes.

XCIV. Pour réprimer une telle prétention, se pouvait-il quelque chose de plus à propos que l'affaire des Maximiens? Si vous nous adressez tous les reproches que mériteraient des traditeurs, il faut avouer que vous en avez adressé de plus sanglants encore aux Maximiens, ce qui n'a pas empêché qu'après les avoir condamnés, vous les avez accueillis. Inspirés sans doute par la jalousie, vous nous faites un crime des persécutions soulevées par les empereurs en faveur de notre cause, mais n'avez-vous pas persécuté les Maximiens au tribunal des juges envoyés par les empereurs? Vous prétendez qu'on ne peut conférer le baptême hors de l'Eglise, et vous n'avez pas invalidé celui que les Maximiens ont conféré en plein schisme, puisque vous ne l'avez pas réitéré à ceux qui, après avoir été baptisés par eux, sont rentrés dans votre secte. Direz-vous qu'une telle conduite vous était imposée par la nécessité de conserver la paix? Alors, sur quoi peuvent s'appuyer vos accusations contre nous? Si, au contraire, vous soutenez que ce n'est point ainsi qu'il fallait agir, alors, avant de nous accuser, commencez par vous condamner vous-mêmes. Je n'entends pas vous faire penser à tant de choses à la fois, je pourrais du reste me rappeler brièvement tous les arguments dont se compose la réfutation de votre doctrine. Arrêtez-vous donc à ce seul point; ne perdez pas de vue un seul instant la cause des Maximiens. Quand vous aurez pu nous répondre sur ce sujet, vous passerez à d'autres. Mais si vous ne pouvez me répondre, n'est-il pas mieux que vous gardiez le silence que de regimber contre l'aiguillon ?

 

Haut du document

 

 

 

Précédente Accueil Remonter Suivante