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DE LA FOI ET DU SYMBOLE.

Traduit par M. l'abbé DEVOILLE.

 

Oeuvres Complètes de Saint Augustin, Traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Tome Vème, Commentaires sur l'Écriture, Bar-Le-Duc, L. Guérins & Cie éditeurs, 1867. p. 543-552

 

DE LA FOI ET DU SYMBOLE.

CHAPITRE PREMIER. MOTIF ET BUT DU PRÉSENT OUVRAGE.

CHAPITRE II. PRINCIPE UNIQUE DE L'UNIVERS.

CHAPITRE III. EGALITÉ DU PÈRE ET DU FILS.

CHAPITRE IV. INCARNATION DU FILS.

CHAPITRE V. SA PASSION ET SA RÉSURRECTION.

CHAPITRE VI. SON ASCENSION.

CHAPITRE VII. LA DROITE DU PÈRE.

CHAPITRE VIII. LE JUGEMENT DERNIER.

CHAPITRE IX. LE SAINT-ESPRIT. — LA TRINITÉ.

CHAPITRE X. L'ÉGLISE. —  LA RÉSURRECTION DE LA CHAIR.

 

 

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DE LA FOI ET DU SYMBOLE.

Traduit par M. l'abbé DEVOILLE.

 

Cet ouvrage explique chaque article du symbole et réfute en même temps les erreurs qu'y opposent les hérétiques, surtout les Manichéens.

CHAPITRE PREMIER. MOTIF ET BUT DU PRÉSENT OUVRAGE.

 

1. Comme il est écrit et confirmé par l'irréfragable autorité de l'enseignement de l'Apôtre « que le juste vit de foi (1) » et que cette foi exige de nous l'hommage du coeur et de la bouche : car le même Apôtre nous dit: « On croit de coeur pour  être justifié, et on confesse de bouche pour être sauvée; » il est nécessaire de ne point perdre de vue la justice et le salut. Destinés à régner au sein de la justice éternelle, nous ne pouvons échapper à la malice du siècle présent, qu'en travaillant au salut du prochain et en confessant de bouche la foi que nous portons dans le coeur Et celte foi, il faut veiller pieusement et avec le plus grand soin à la préserver en nous des atteintes perfides de l'astuce hérétique. Or la foi catholique, consignée dans le symbole, est connue des fidèles et confiée à leur mémoire, sous une formé aussi abrégée que possible; afin que les novices et les enfants au berceau, ceux qui sont régénérés dans le Christ et qui ne sont point encore fortifiés par la connaissance et l'étude approfondie des divines Ecritures, aient en quelques mots la formule de leur foi : formule qui doit ensuite être longuement expliquée à ceux qui sont plus avancés, et nui s'élèvent jusqu'à la doctrine céleste sur le fondement assuré de l'humilité et de la charité.

Or c'est précisément dans ce symbole abrégé de la foi que la plupart des hérétiques se sont efforcés de cacher leurs poisons. Mais la divine miséricorde leur a opposé et leur oppose encore une énergique résistance dans la personne des hommes spirituels, qui ont mérité, non-seulement d'accepter et de croire, mais encore de comprendre et de pénétrer, par l'inspiration du Seigneur, la

 

1 Hab. II, 4 ; Gal. III, 11 — 2 Rom. X, 10.

 

foi catholique renfermée dans ces paroles. Car il est écrit : « Si vous ne croyez pas, vous ne coin« prendrez pas (1). » Mais une exposition de la foi fortifie le symbole ; non qu'elle doive te remplacer dans la mémoire de ceux qui obtiennent  la grâce de Dieu, mais afin de mieux asseoir la doctrine même du symbole sur l'autorité catholique, et de le défendre plus sûrement contre les embûches des hérétiques.

 

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CHAPITRE II. PRINCIPE UNIQUE DE L'UNIVERS.

 

Quelques-uns en effet ont cherché à prouver que Dieu le Père n'est pas tout-puissant ; non qu'ils aient osé le dire, mais leurs doctrines démontrent que c'est là leur pensée et leur croyance. Car en disant qu'il existe une nature que le Dieu tout-puissant n'a pas créée et qui lui a servi à former le monde, dont ils reconnaissent, du reste, la belle ordonnance, ils nient par là même le Dieu-tout-puissant, puisqu'ils ne croient pas qu’il eût pu façonner le monde, sans avoir à sa disposition une autre nature déjà existante et qu'il n'aurait point créée. Ils jugent ici d'après l'habitude charnelle de voir des artisans, des constructeurs de maisons, des ouvriers quelconques.  Ils ne pourraient atteindre au but de leur art, s'ils n’avaient des matériaux tout prêts. Ainsi s'imaginent-ils que l'architecte du monde n'est pas tout-puissant, puisqu'il n'aurait pu venir à bout de son oeuvre sans avoir également sous la main, en guise de matériaux, quelque élément qu'il n'eût pas formé. Conviennent-ils que l'architecte de l'univers est tout-puissant? ils sont forcés d'avouer qu'il a tiré du néant tous ses ouvrages. En effet, s'il est tout-puissant, il ne peut rien exister qu'il n'ait créé. Car s'il a fait une chose d'une

 

1 Is. VII, 9, selon les Sept.

 

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autre, par exemple l'homme de limon, il ne l'a pas fait d'une chose qu'il n'eût pas créée lui-même, puisqu'il avait fait de rien la terre d'où sort le limon.

Et s'il a fait le ciel même et la terre, c'est-à-dire le monde et tout ce qu'il contient, de quelque matière, selon ce qui est écrit : « Vous, qui avez fait le monde d'une matière invisible (1), » ou in forme, comme partout quelques exemptait es: il n'en faut nullement conclure que cette matière dont le monde a été fait, quoique informe, quoique invisible, quelle qu'elle fût enfin, ait pu exister par elle-même, comme coéternelle à Dieu; mais quelque fût son mode d'être, réel ou possible, de quelque forme distincte qu'elle fût susceptible, elle tenait tout du Dieu tout-puissant, à qui est due toute chose, non-seulement formée, mais formable. Or la différence entre ce qui est formé et ce qui est formable, c'est que l'un a déjà reçu une forme et que l'autre est seulement susceptible d'en recevoir une. Mais celui qui donne la forme aux choses, donne aussi la capacité de recevoir une forme, parce que de lui et en lui est le type immuable et parfaitement beau de toutes choses ; par conséquent il est le seul qui donne chaque chose, non seulement d'être belle, mais môme de pouvoir être belle. Nous avons donc toute raison de croire que Dieu a tout fait de rien ; car si le monde a été fait d'une certaine matière, cette matière elle-même a été faite de rien; en sorte que, dans sa munificence infinie, Dieu a d'abord produit la capacité des formes, et ensuite les formes mêmes propres à chaque objet. Nous disons ceci pour que personne ne s'imagine voir une contradiction dans les divines Ecritures, en ce que, d'une part, nous y lisons que Dieu a tout fait de rien, et, de l'autre, que le monde a été tiré d'une matière informe.

3. Ainsi en croyant en Dieu le Père tout-puissant, nous devons en même temps croire qu'il n'existe aucune créature qui ne soit l'oeuvre de sa toute-puissance, et qu'il a tout créé par son Verbe, qui est appelé Verbe et Vérité (2), et Vertu et Sagesse de Dieu (3), qui est encore proposé à notre foi sous beaucoup d'autres noms ; Jésus-Christ le Seigneur, notre libérateur et notre guide, le Fils de Dieu : car le Verbe par qui tout a été fait n'a pu être engendré que par Celui qui a tout fait par lui.

 

1 Sag. XI, 18. — 2 Jean,  XIV, 8. — 3 I Cor. I, 2, 4.

 

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CHAPITRE III. EGALITÉ DU PÈRE ET DU FILS.

 

Nous croyons aussi en Jésus-Christ, Fils de Dieu, Fils unique du Père, notre Seigneur. Ce mot de Verbe cependant ne doit pas s'entendre ici dans le sens des paroles, que nous prononçons de la voix et de la bouche, qui passent en frappant l'air et ne durent pas plus que le son qui les produit. Car ce Verbe est permanent et immuable; c'est de lui qu'on a dit, en parlant de la Sagesse « Immuable en elle-même, elle renouvelle toutes choses (1). » Or on lui a donné le nom de Verbe du Père, parce que c'est par lui que  le Père se manifeste. De même donc que, quand nous disons la vérité, nous faisons connaître noire âme à celui qui nous écoute, et que tout ce que nous avons de secret dans le coeur parvient à la connaissance d'un autre, au moyen de signes de ce genre : ainsi la Sagesse, que le Père a engendrée, est très-justement nommée Verbe du Père, parce que c'est par elle qu'il manifeste ses secrets les plus intimes aux âmes qui en sont dignes.

4. Or, il y a une grande différence entre notre âme et les paroles par lesquelles nous tâchons de la faire connaître. En effet, nous n'engendrons pas les paroles que nous faisons entendre, mais nous les produisons, et, pour les produire,  le corps nous sert de matière. Or il y aune grande différence entre l'âme et le corps. Mais Dieu en engendrant son Verbe a engendré ce qu'il est lui-même ; il ne l'a point tiré du néant ni de quelque matière déjà faite et créée; mais il a produit de lui-même ce qu'il est lui-même. Et c'est à cela aussi que tendent nos efforts quand nous parlons, si nous examinons elle près le désir de notre volonté ; non toutefois quand nous mentons, mais quand nous disons la vérité A quoi travaillons-nous en effet sinon à donner notre âme à connaître et à voir à l’âme de l'auditeur, autant que faire se peut; en sorte que, tout en restant en nous, sans sortir de nous, nous produisons ,des signes qui nous révèlent à un autre, et que notre âme produit comme une autre âme par laquelle elle se manifeste ? C'est ce que nous nous efforçons de faire par les paroles, par l'accent de la voix, par la physionomie, par le geste; autant de moyens que nous employons dans le désir de montrer ce qui est au dedans de nous: chose, au fait, impossible, puisque l'âme de celui qui parle ne peut pas être connue

 

1 Sag. VII, 37.

 

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entièrement : ce qui laisse place aux mensonges. Mais Dieu le Père, qui a voulu et pu se révéler parfaitement aux âmes qui doivent le connaître, a engendré, pour se révéler, ce qu'il est lui-même: et on appelle Celui qu'il engendre sa Vertu et sa Sagesse, parce que c'est par lui qu'il a fait et réglé toutes choses, et voilà pourquoi on dit : « Il atteint d'une extrémité à l'autre avec force, et dispose toutes choses avec douceur (1). »

 

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CHAPITRE IV. INCARNATION DU FILS.

 

5. C'est pourquoi le Fils unique de Dieu n'a point Méfait parle Père, puisque l'évangéliste nous dit que « tout a été fait par lui (2) ; » il n'a point non plus été engendré dans le temps, parce que Dieu, éternellement sage, a avec lui sa sagesse éternelle; il n'est point inférieur au Père, c'est-à-dire moindre que lui en quoi que ce soit, puisque l'Apôtre nous dit : « Qu'ayant la nature de Dieu, il n'a pas cru que ce fût une usurpation de se faire égal à Dieu (3). » Ceux-là sont donc en dehors de la foi catholique, qui prétendent que le Fils est le même que le Père, puisque ce Verbe ne pourrait être en Dieu si ce n'était en Dieu le Père et que celui qui existe seul ne peut être égal à personne. Ceux-là sont également en de hors de la foi qui soutiennent que le Fils est une créature bien, qu'ils disent cette créature différente des autres. En effet quelque grande qu'elle puisse être, si c'est une créature, elle a été créée et faite. Car faire et créer, c'est la même chose ; quoique dans la langue latine on emploie quelquefois le mot créer pour engendrer; mais le grec maintient la distinction. Au fait nous appelons créature ce que les Grecs expriment par ktisma, ou ktisin ; et quand nous voulons éviter  toute équivoque, nous ne disons pas créer, mais faire. Donc si le Fils est une créature, quelque grand qu'il soit, il a été fait. Or nous croyons en Celui par qui tout a été fait et non  en Celui par qui a été lait le reste : car, il nous est impossible de ne pas entendre par « tout » ce qui a été fait.

6. Mais comme « le Verbe a été fait chair et a habité parmi nous (4), » cette même Sagesse qui a été engendrée de Dieu a daigné être créée parmi les hommes. C'est à cela que se rapportent ces paroles:« Le Seigneur m'a créée au commencement de ses voies (1). » Or ce commencement

 

1 Sag. VIII, 1. — 2 Jean, I, 3. — 3 Phil. II, 8. — 4 Jean, I, 14.

 

de ses voies c'est le chef de l'Eglise, c'est-à-dire le Christ revêtu de l'humanité, lequel devait nous donner un modèle de vie, c'est-à-dire une voie assurée pour parvenir à Dieu. En effet l'humilité seule a pu nous relever de la chute que nous avons faite par orgueil au jour. l'on dit à nos parents : «Goutez-en, et vous serez comme des Dieux (2). » Cet exemple d'humilité, c'est-à-dire de retour dans la voie, c'est notre Rédempteur qui a bien voulu nous l'offrir en sa personne : « Lui qui n'a pas cru que ce fût une usurpation « de se faire égal à Dieu, mais s'est anéanti, prenant la forme d'esclave (3) ; » afin que Verbe par qui tout a été fait, il fût créé homme au commencement des voies de Dieu. Ainsi donc, en tant que Fils unique, il n'a pas de frères ; mais en tant que premier-né, il a bien voulu appeler frères tous ceux qui, après et par sa primogéniture, renaissent à la grâce en qualité d'enfants d'adoption (4), selon l'enseignement de l'Apôtre (5). Donc aussi, comme Fils, par nature il est Fils unique, issu de la substance même du Père, étant .ce qu'est le Père, Dieu de Dieu, Lumière de Lumière; et nous nous ne sommes point lumière, mais éclairés par cette lumière, afin de pouvoir briller de l'éclat de la Sagesse. Car, dit l'Evangile il,était « la vraie lumière qui illumine tout homme venant en ce monde (6).» A la foi aux choses éternelles, nous ajoutons donc la croyance à l'incarnation de Notre-Seigneur dans le temps, à la forme humaine qu'il a daigné prendre et employer pour notre salut. Car en tant qu'il est Fils unique de Dieu, on ne peut dire de lui: Il a été, ni : Il sera, mais seulement : Il est ; parce que ce qui a été n'est déjà plus, et que ce qui sera n'est pas encore. Il est donc immuable, sans aucune condition ni différence de temps. Voilà, je pense, pourquoi et en quel sens il a indiqué son nom à son serviteur Moïse. Car celui-ci lui demandant par qui il devrait se dire envoyé, dans le cas où le peuple à qui on l'adressait, refuserait de croire à sa mission, il reçut cette réponse : « Je suis celui qui suis. » Puis aussitôt après : « Voici ce que tu diras aux enfants d'Israël : Celui qui est m'a envoyé vers vous (7). »

7. De là, j'en ai la confiance, il résulte clairement pour les âmes spirituelles qu'il ne peut y avoir de nature contraire à Dieu. En effet si Dieu est, et que ce mot ne puisse proprement s'appliquer qu'à lui (car ce qui est réellement, demeure immuable ;puisque ce qui changé a été quelque

 

1 Prov. VIII, 22. — 2 Gen. III, b. — 3 Philip. II, 6, 7. — 4 Luc, VIII, 21. — 5 Héb. III, 11. —  6 Jean, I, 9. — 7 Ex. III, 14.

 

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chose qu'il n'est plus et sera ce qu'il n'est pas encore,) il n'a donc rien qui lui soit contraire. Car si on nous demandait quel est l'opposé du blanc nous répondrions le noir ; du chaud, nous répondrions le froid; de la vitesse, nous dirions le lenteur, et ainsi du reste. Donc quand on nous demande quel est le contraire de ce qui est, nous avons raison de répondre : ce qui n'est pas.

8. Mais comme dans des vues de Providence, ainsi que je l'ai dit, et pour notre salut et notre réparation, l'immuable Sagesse de Dieu s'est revêtue, dans-le temps, de notre nature changeante, nous avons, de plus, foi à l'oeuvre temporelle entreprise pour notre bien, et nous croyons en ce Fils de Dieu qui est né par le Saint-Esprit de la vierge Marie. Car, par le don de Dieu, c'est-à-dire par le Saint-Esprit c'est pour nous qu' un Dieu si grand s'est abaissé au point de vouloir bien prendre notre humanité tout entière dans le sein d'une vierge, entrant dans ce corps maternel et en sortant, sans avoir porté atteinte à son intégrité.. Les hérétiques attaquent de mille façons ce mystère opéré dans le temps. Mais quiconque reste fidèle à la foi catholique, en croyant que le Verbe de Dieu a pris l'humanité tout entière, corps, âme, esprit, celui-là est suffisamment protégé contre leurs embûches. En effet, puisque l'Incarnation a notre salut pour but, il faut prendre garde de manquer ce salut, en croyant que quelque partie de notre nature n'a pas été prise par le Christ. Et comme l'homme, à part la forme des membres qui varie suivant l'espèce des êtres animés, ne diffère des brutes que par son âme raisonnable qu'on nomme aussi esprit ; comment serait-il raisonnable de croire que la Sagesse n'ait pris de nous que ce que nous avons de commun avec les animaux, et non ce qui est éclairé parla lumière de la sagesse et ce qui constitue l'homme proprement ?

9. Il faut aussi s'éloigner de ceux qui nient que Notre-Seigneur Jésus-Christ ait eu Marie pour mère sur la terre, quand ce mystère est un honneur pour les deux sexes, masculin et féminin, et prouve que Dieu porte intérêt non-seulement à celui qu'il a bien voulu prendre, mais encore à celui par qui il l'a pris, en se faisant homme et en naissant d'une femme. Nous ne sommes point du tout forcés de rejeter la mère du Christ, à cause de ce texte : « Femme, qu’importe à moi et à vous ? Mon heure n'est pas encore venue (1). » Nous y voyons plutôt une preuve que le Christ n'a

 

1 Jean, II, 4.

 

point eu de mère en qualité de Dieu, et c'était sa divinité qu'il avait intention de manifester alors en changeant l'eau en vin. Mais c'est comme homme qu'il a été crucifié, et cette heure était celle dont il parlait quand il disait : « Qu'importe à vous et à moi ? Mon heure n'est pas encore venue, » c'est-à-dire l'heure où je vous reconnaîtrai. En effet en ce moment, homme crucifié, il reconnut la femme qui était sa mère, et la recommanda avec une grande bonté à son disciple chéri (1); Ne nous troublons pas davantage de cette réponse qu'il fit quand on lui annonça sa mère et ses frères : « Qui est ma mère? qui sont mes frères, etc (2)? » Voyons-y plutôt cette leçon: que quand nos parents sont un obstacle au ministère de la parole que nous exerçons à l'égard de nos frères, nous ne devons pas les reconnaître. En effet, si l'on s'imagine que le Christ n'a pas eu de mère sur la terre parce qu'il a dit . « Qui est ma mère ? » il faudra nécessairement nier aussi que les apôtres aient eu des pères sur la terre, puisqu'il leur adonné cet ordre : « N'appelez sur la terre personne votre père.; car un seul est votre Père, lequel est dans les cieux (3). »

10. Que la pensée du sein d'une femme n'ébranle pas non plus notre foi et ne nous fasse pas rejeter l'incarnation de Notre-Seigneur, parce que des hommes impurs la jugent impure. « Car ce qui est folie en Dieu est plus sage que les hommes (4), » et: « Tout est pur pour ceux qui sont purs (5), » a dit l'Apôtre avec la plus grande vérité. Ceux qui pensent ainsi n'ont qu'à regarder les rayons de ce soleil qu'ils ne se contentent pas d'admirer comme une créature de Dieu, mais qu'ils adorent comme Dieu (6) ; ils les verront pénétrer de part en part les cloaques fétides et tout ce qu'il y a de plus horrible, y exercer leur action naturelle, sans en contracter la moindre souillure, bien qu'il y ait naturellement moins de distance entre une lumière visible et des ordures. A combien plus forte raison le Verbe de Dieu, incorporel, invisible, a-t-il pu n'être pas souillé par un corps de femme, où il a pris la chair de l'homme, avec une âme et un esprit, au moyen desquels la majesté du Verbe est venue habiter àune plus grande distance de la fragilité du corps humain? D'où il résulte clairement que le Verbe de Dieu a pu n'être en aucune façon souillé par un corps humain, dont l'âme humaine elle-même n'était point souillée. Car l'âme n'est souillée par le corps que quand elle convoite

 

1 Jean, XIX, 38, 27. —  2 Matt. VII, 48. — 11b. XXIII, 9. —  4 1 Cor, I, 26. —  $ Tit.1,16. —  6 Les Manichéens.

 

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ses biens mortels, et non quand elle le dirige et le vivifie. Si ces hérétiques voulaient éviter de souiller la leur, ils auraient en horreur ces mensonges et ces sacrilèges.

 

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CHAPITRE V. SA PASSION ET SA RÉSURRECTION.

 

11. Mais c'était peu que le Seigneur se fût abaissé jusqu'à naître pour nous, il a fait plus : il a daigné mourir pour des mortels. « En effet il s'est humilié lui-même, s'étant fait obéissant jusqu'à la mort et à la mort de la croix (1); » afin qu'aucun de nous, fût-il d'ailleurs exempt de la crainte de la mort, ne redoutât un genre de mort réputé chez les hommes le,plus ignominieux. Nous croyons donc en Celui qui a été crucifié sous Ponce-Pilate et enseveli. Il fallait en effet marquer le nom du juge pour fixer l'époque. En croyant à cette sépulture, on se souvient du sépulcre neuf, qui devait rendre témoignage au Christ ressuscitant à une vie nouvelle, comme le sein de la vierge l'avait rendu au Christ naissant. Car comme aucun autre mort n'avait été et ne fut depuis enseveli dans ce sépulcre (2); ainsi aucune conception mortelle n'avait eu lieu auparavant, et n'eut lieu depuis, dans ce sein maternel.

12. Nous croyons encore que le Christ ressuscita d'entre les morts le troisième jour, premier-né de ses frères à venir, de ceux qu'il a appelés à l'adoption des enfants de Dieu (3), qu'il a daigné choisir pour ses copartageants et ses cohéritiers.

 

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CHAPITRE VI. SON ASCENSION.

 

13. Nous croyons qu'il est monté au ciel, au ciel qu'il nous a promis comme séjour du bonheur, quand il a dit : « Et ils seront comme des anges dans les cieux (4), dans cette cité qui est notre mère, à tous, la Jérusalem éternelle et célestes. Les païens impies et les hérétiques sont choqués de ce que nous croyons qu'un corps terrestre est monté au ciel. Mais généralement les Gentils, pour soutenir qu'il ne peut rien y avoir de terrestre dans le ciel, ne nous opposent que les arguments des philosophes , car ils ne connaissent pas nos saintes Ecritures, ils ne savent pas ce que nous y lisons : « Il

 

1 Philip. II, 8. — 2 Jean, XIX, 41. —  3 Eph. I, 6. —  4 Matt. XXII, 30. —  5 Gal. IV, 26.

 

est semé corps animal, il ressuscite corps spirituel. » Ce qui ne veut pas dire que le corps soit changé en esprit et devienne esprit ; car ce corps que nous avons et qu'on appelle animal, n'est point changé en âme, ne devient point une âme. Mais par ces mots corps spirituel, on entend qu'il est tellement. soumis à l'esprit qu'il est propre à habiter dans le ciel ; car toute sa fragilité, toute sa souillure terrestre sont transformées et ont fait place à une pureté et à une stabilité célestes. Voilà le changement dont le même Apôtre a dit: « Nous ressusciterons bien tous, mais nous ne serons pas tous changés. » Changement en mieux et non en pire, comme il nous le dit encore: « Et nous, nous serons changés (1). » Mais où et comment le corps du Seigneur est-il dans le ciel ? c'est une vaine et inutile curiosité de chercher à le savoir ; il suffit de croire qu'il est au ciel. Car il n'appartient pas à notre fragilité de discuter les mystères célestes ; mais il appartient à notre foi d'avoir, de la dignité du corps de Notre-Seigneur, des idées élevées et honorables.

 

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CHAPITRE VII. LA DROITE DU PÈRE.

 

14. Nous croyons aussi, qu'il est assis à la droite du Père. Il ne faut cependant pas s'imaginer pour cela que Dieu le Père soit circonscrit dans une forme humaine, nous, figurer en lui un côté droit et un côté gauche ; ou encore, sur ce qu'on dit que le Père est assis, voir en lui des genoux pliés. Ce serait tomber dans le sacrilège, qui inspirait une si vive horreur à l'Apôtre, de ceux qui ont changé la gloire du Dieu incorruptible contre une image représentant un homme corruptible (2). C'est un crime pour un chrétien de placer dans un temple de tels simulacres de la divinité; à bien plus forte raison dans un coeur qui est le vrai sanctuaire de Dieu, quand il est pur de passion terrestre et d'erreur. Il faut donc entendre par droite la souveraine félicité, où règnent la justice, la paix et le contentement, dans le sens où il est dit que les boucs seront placés à gauche (3), c'est-à-dire dans la misère, à raison de leurs iniquités, des souffrances et des tortures qu'ils endureront. Par conséquent, en Dieù, être assis ne signifie pas une certaine position de membres,

 

1  I Cor. XV, 44, 51, 52. — 2 Rom. I, 23. — 3 Matt. XXV, 33.

 

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mais le pouvoir du juge, inséparable de la divine majesté, qui rend toujours à chacun selon ses mérites ; bien que ce soit surtout au dernier jugement qu'éclatera, aux yeux des hommes, d'une manière irrésistible, la. gloire du Fils de Dieu, Juge des vivants et des morts.

 

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CHAPITRE VIII. LE JUGEMENT DERNIER.

 

15. Nous croyons aussi qu'il viendra delà, dans le temps le plus convenable, et qu'il jugera les vivants et morts. Soit que par ces mots on entende les justes et les pécheurs;  soit qu'on appelle vivants ceux qu'il trouvera encore sur la terreau moment de son arrivée, et morts ceux qui devront ressusciter alors : ce sera là une oeuvre opérée dans le temps, de laquelle on ne' peut pas dire simplement qu'elle est, comme on le dit de la génération du Verbe, mais qu'elle a été et qu'elle sera. Car Notre-Seigneur a été sur la terre, et il est maintenant dans le ciel, et il sera, dans sa gloire, juge des vivants et des morts. En effet il viendra comme il est monté, d'après l'autorité des Actes des Apôtres (1). C'est à ce rôle exercé dans le temps que fait allusion ce passage de l'Apocalypse : « Voici ce que dit Celui qui est, et qui doit venir (2). »

 

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CHAPITRE IX. LE SAINT-ESPRIT. — LA TRINITÉ.

 

16. La génération de Notre-Seigneur comme Dieu et ses opérations comme homme étant ainsi exposées et imposées à notre foi, il faut encore, pour compléter cette foi que nous avons de Dieu, confesser le Saint-Esprit, qui n'est point inférieur en nature au Père et au Fils, mais leur est pour ainsi dire consubstantiel et coéternel ; parce que cette Trinité n'est qu'un seul Dieu ; non en ce sens que le Père soit le Fils et le Saint-Esprit, mais en ce sens que le Père est le Père, le Fils le Fils, le Saint-Esprit le Saint-Esprit, et que cette Trinité est un seul Dieu, comme il est écrit : « Ecoute, Israël, le Seigneur ton Dieu est un Dieu unique (3). » Cependant si on nous interroge en détail et qu'on nous dise : Le Père est-il Dieu? Nous répondrons : Oui. Le Fils est-il Dieu ? Oui, encore. Et si on nous en demande autant du Saint-Esprit, nous devons faire la même ré

 

1 Act. I, 11. — 2 Apoc. I, 8. — 3 Deut. VI, 4.

 

réponse; en prenant bien garde d'appliquer ici ce qu'on a dit des hommes : « Vous êtes des dieux (1). » En effet tous ceux qui ont été formés et créés du Père par le Fils, dans le don du Saint-Esprit, ne sont point dieux par.nature. Car c'est la Trinité elle-même que l'Apôtre a en vue quand il dit : « Puisque c'est de lui et en lui et par lui que sont toutes choses (2). » Ainsi donc quoique à chaque question de détail nous répondions que le Père est Dieu, que le Fils est Dieu, que le Saint-Esprit est Dieu; cependant personne ne doit croire que nous adorions trois dieux.

17. Tout ce que nous disons là d'une nature ineffable ne doit point étonner, quand des réalités de ce genre se rencontrent même dans des objets que nous voyons des yeux du corps et que nous jugeons par nos sens. En effet quand on nous questionne sur une source, nous ne pouvons dire que c'est le fleuve même; questionnés sur le fleuve lui-même, nous ne pouvons pas dire que c'est la source; et le breuvage que nous puisons à la source ou au fleuve, nous ne pouvons l'appeler ni fleuve ni source. Néanmoins dans cette espèce de trinité ce que nous nommons de l'eau est de l'eau, et aux questions qu'on nous adresse en détail nous pouvons répondre que c'est de l'eau. Car, quand je demande s'il y a de l'eau dans la source, on me répond affirmativement; s'il yen a dans le fleuve, on me répond de même; et s'il s'agit de ce que je bois, ce sera encore de l'eau ; et cependant on ne dira pas qu'il y a trois eaux, mais une seule eau. Sans doute il faut bien prendre garde d'assimiler la substance ineffable de la Majesté divine à cette source visible et matérielle, ou à. ce fleuve, ou à ce breuvage. Car ici l'eau qui est maintenant à la source, passe dans la fleuve et ne demeure point où elle était; et quand elle est prise au fleuve, ou à la source pour servir de boisson, elle n'est plus à l'endroit d'où on l'a tirée. Il peut donc arriver que la même eau soit tour à tour nommée source, fleuve, breuvage; tandis que nous avons dit que dans la Sainte-Trinité il ne peut jamais se faire que le Père soit le Fils ou le Saint-Esprit; de même que, dans un arbre, la racine n'est que la racine, le tronc que le tronc, la branche que la branche, car ce qu'on appelle racine, ne peut être appelé tronc ou branche, et la partie du bois qui appartient à la racine né saurait être tantôt dans la racine, tantôt dans les branches, mais est uniquement dans la racine bien que le

 

1 Ps. LXXXI, 6. —  2 Rom. XI, 36.

 

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même nom subsiste et qu'en règle la racine soit du bois, le tronc du bois, les branches du bois, et qu'il n'y ait pas trois bois, mais un seul bois.

Si cette comparaison n'est pas exacte et qu'on puisse avec raison dire qu'il y a trois bois, vu la différence de force ; du moins tout le monde accorde que, si on emplit trois vases à une même fontaine, on peut bien dire trois vases, mais non trois eaux ; car n'y a réellement qu'une eau; quoique, interrogé sur le contenu de chaque vase, vous répondiez trois fois que c'est de l'eau et qu'il n'y ait pas de déplacement, comme nous le disions en parlant de la source qui passe dans le fleuve. Nous donnons ces exemples pris du monde matériel, non pour établir une comparaison avec la nature divine, mais pour montrer que ce genre d'unité existe même dans les corps; pour faire comprendre que certaines choses qui sont trois, prises en détail, peuvent cependant s'entendre sous un seul nom employé au singulier, et qu'ainsi l'on ne trouve ni étonnant ni absurde que nous disions que le Père est Dieu, que le Fils est Dieu, que l'Esprit-Saint est Dieu, et qu'il n'y a cependant pas trois Dieux dans la Sainte-Trinité, mais et un seul Dieu et une seule substance

18. Des hommes spirituels et instruits ont disserté sur le Père et le Fils dans de nombreux ouvrages et autant que des hommes le peuvent, s'adressant à des hommes. Ils ont dit comment le Père et le Fils ne sont pas une seule personne, mais une seule substance; ils se sont efforcés de donner une idée de ce qu'est proprement le Père, de ce qu'est le Fils : ils ont dit que l'un engendre, que l'autre est engendré; que le Père n'est point du Fils, mais le Fils du Père; que le Père est le principe du Fils, ce qui fait que l'Apôtre l'appelle le chef du Christ (1), bien que le Christ aussi soit principe (2), mais non du Père; que le Fils est l'image du Père, mais sans aucune dissemblance et avec une parfaite égalité. Tout cela est traité avec plus d'étendue par des écrivains qui n'ont pas, comme nous, l'intention d'expliquer en abrégé tout l'ensemble de la foi chrétienne. Ainsi donc le Fils, en tant que Fils, a reçu l'être du Père, bien que le Père n'ait rien reçu du Fils; et en tant que celui-ci a pris dans le temps, par l'effet de son ineffable miséricorde, la nature changeante de l'homme pour la rendre meilleure, on trouve à son sujet bien des passages dans les Ecritures qui ont pu induire en erreur d'impies hérétiques, plus pressés d'enseigner

 

1 Cor. XI, 3. — 2 Jean, VIII, 25.

 

que de s'instruire, et leur faire croire qu'il n'est point égal au Père, ni de la même substance que lui. Tels sont, par exemple, ces textes : « Parce que mon Père est plus grand que moi (1); — Le chef de la femme, est l'homme; le chef de l'homme, le Christ; et le chef du Christ Dieu (2);  — Alors il sera lui-même soumis à Celui qui lui a tout soumis (3) ; — Je vais à mon Père et votre Père, à mon Dieu et votre Dieu (4); » et quelques autres de ce genre, qui tous ont pour objet, non de marquer une inégalité de nature ou de substance, ce qui rendrait faux ceux-ci : « Moi et mon Père nous sommes une seule chose (5); Celui qui m'a vu, a aussi vu mon Père (6) ; — Le Verbe était Dieu, » car il n'a pas été fait, puisque tout a été fait par lui (7) ; « — Il n'a pas cru que ce fût une usurpation de se faire égal à Dieu (8) ,» et autres semblables ; mais, ces textes ont rapport au mystère de l'Incarnation dont l'Apôtre dit : « Il s'est anéanti lui-même (9), » non que cette Sagesse, essentiellement immuable ait subi aucun changement, mais parce qu'elle a voulu se manifester aux hommes dans une si profonde humilité; ou encore ils signifient que le Fils doit au Père ce qu'il est, même de lui être égal ou semblable, tandis que le Père ne doit ce qu'il est à personne .

19. Quant au Saint-Esprit, les savants et illustres commentateurs des divines Ecritures n'en ont point parlé assez longuement et assez spécialement pour qu'on puisse facilement comprendre ce qui lui est propre, et en vertu de quoi nous ne pouvons dire qu'il soit le Père ou le Fils, mais seulement le Saint-Esprit ; néanmoins ils proclament qu'il est le don de Dieu; en sorte que nous sommes obligés de croire que Dieu ne fait pas un don inférieur à lui-même: Toutefois ils maintiennent et ont soin de dire que le Saint-Esprit n'est pas comme le Fils, engendré du Père, car le Christ est fils unique; ni engendré du Fils, de manière à être petit-fils au Père suprême; ils ne disent pas non plus qu'il ne doit à personne ce qu'il est, mais bien au Père, de qui tout vient ; ne voulant pas admettre deux principes sans principe, ce qui serait le comble de l'erreur et de l'absurdité, ce qui contredit la foi catholique et reste le propre de la doctrine de certains hérétiques. Cependant quelques-uns ont osé croire que le Saint-Esprit est l'union même du Père et du Fils, et pour ainsi parler, leur divinité, ce que

 

1 Jean, XIV, 28. — 2 I Cor. XI, 3. — 3 Ib. XV, 28. — 4 Jean, XX, 17. — 5 Ib. X, 30. — 6 Ib. XIV, 9. — 7 Ib. I, 1-3. — 8 Philip. II, 6. — 9 Ib.

 

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les grecs, appellent theoteta) : en sorte que le Père      étant  Dieu et    le Fils   étant Dieu, la divinité par laquelle ils sont unis, l'un en enfantant son Fils, et. le Fils en restant uni à son Père, est égale à celui par qui le Fils est engendré.

Ils prétendent donc que cette divinité, dans laquelle ils veulent aussi qu'on entende l'amour réciproque et la charité mutuelle du Père et du Fils, est ce qu'on appelle l'Esprit-Saint, et leur opinion s'appuie sur de nombreux passages des Ecritures, comme celui-ci par exemple : « Parce que la charité de Dieu est répandue en nos coeurs par l'Esprit-Saint qui nous a été donné (1), » et beaucoup d'autres de ce genre. Ils se fondent encore sur ce que nous sommes réconciliés avec Dieu par l'Esprit-Saint ; et comme on l'appelle aussi don de Dieu, ils pensent que c'est assez indiquer que l'amour de Dieu c'est l'Esprit-Saint. En effet nous ne pouvons être réconciliés avec Dieu que par la charité à raison de laquelle nous sommes appelés ses enfants (2); et non plus ses esclaves asservis par la crainte, vu que la charité parfaite chasse la crainte (3), et que nous avons reçu l'Esprit de liberté, dans lequel nous crions Abba, Père (4). Et comme, une fois réconciliés et rétablis dans l'amitié par la charité (5), nous pouvons connaître tous les secrets de Dieu, c'est pour cela qu'on dit, du Saint-Esprit : « Il nous enseignera lui même toute vérité (6). » C'est pour cela aussi que l'assurance dans la prédication de la vérité, dont les apôtres furent remplis lorsqu'il descendit sur, eux (7), est à juste titre attribuée à la charité parce que la défiance. est le produit de la crainte, que la charité parfaite exclut. Voilà pourquoi encore il est appelé don de Dieu, En effet, pour jouir de ce qu'on sait, il faut l'aimer. Or jouir de la Sagesse de Dieu n'est pas autre chose que lui être uni par l'amour, et sans l'amour personne ne persévère dans ce qu'il apprend. Aussi l'appelle-t-on Esprit-Saint, parce que tout ce qui est sanctionné est sanctionné pour durer et que, sans aucun doute, sainteté vient de sanctionner, sancire. Les partisans de cette opinion s'appuient surtout de ces textes : « Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l'Esprit est esprit (8) ; — parce que Di eu est esprit (9). » En effet il s'agit de notre génération, non de celle de la chair selon Adam, mais de la génération selon le Christ par le Saint-Esprit. Donc, s'il est question du Saint-Esprit dans ce passage

 

1 Rom. V, 5.  — 2 I Jean, III, 1. — 3 Ib. IV, 18. — 4 Rom.VIII, 16. — 5 Ib. V, 8-10. — 6 Jean, XVI, 13. — 7 Act. II, 4. — 8 Jean, III, 6. — 9 Ib. IV, 24.

 

Parce que Dieu est esprit, » il faut remarquer qu'on ne dit pas: parce que l'Esprit est Dieu, mais: « Parce que Dieu est Esprit; » en sorte que la divinité même du Père et du Fils, laquelle divinité est le Saint-Esprit, serait là appelée Dieu. A quoi il faut ajouter un autre témoignage de l'apôtre saint Jean: « Parce que Dieu est amour (1). » Ici encore on ne dit pas: L'amour est Dieu, mais: « Dieu est amour, » pour faire comprendre que la divinité même est amour. Quant à cette énumération de choses connexes où il est dit: « Tout est à vous, mais vous au Christ et le Christ à Dieu (2), » et encore : « Le chef de la femme c'est l'homme; le chef de l'homme le Christ; « et le chef du Christ, Dieu, » s'il n'y est pas fait mention du Saint-Esprit, ils disent que ce n'était point le cas, parce que dans les choses liées entre elles on n'a pas l'usage de mentionner le lien qui les unit. Aussi,en lisant attentivement, semble-t-on reconnaître la Trinité dans ce texte : « Puisque c'est de lui, et par lui et en lui que sont toutes choses (3). De lui, c'est-à-dire de celui qui ne doit à personne ce qu'il est; par lui,c'est-à-dire par le médiateur; en lui, en celui qui renferme, c'est-à-dire forme le lien qui unit.

20. Les adversaires de cette opinion objectent que ce lien, soit qu'on l'appelle divinité ou amour ou charité, n'est pas une substance; ils demandent qu'on leu fasse voir une substance dans l'Esprit-Saint, et ne comprennent pas qu'on n'aurait pas pu dire : « Dieu est amour, » si l'amour n'était pas une substance. Ils jugent par analogie d'après le monde matériel ; car si deux corps sont unis de manière à être l'un près de l'autre, cette union n'est pas un corps, puisqu'elle n'est plus dès qu'on les sépare, sans qu'on puisse dire qu'elle s'est retirée ou éloignée comme on le dit des deux corps. Mais que ceux qui pensent ainsi purifient leur coeur, autant qu'ils le peuvent, de manière à voir qu'on ne raisonne pas ainsi de la substance de Dieu, comme s'il y avait en lui une substance et quelque accident de substance, qui ne soit pas substance; tandis que tout ce qu'on peut imaginer de lui est substance. Il est vrai que tout cela est facile à dire, et même à croire : mais on n'en peut voir la raison que par un cœur pur. En résumé, que cette opinion soit vraie ou non, il faut tenir comme incontestable que nous devons dire Dieu le Père, Dieu le Fils, Dieu le

 

1 I Jean, IV, 16. — 2 I Cor. III, 22, 23. — 3 Rom. XI, 36.

 

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Saint-Esprit; que cependant il n'y a pas trois dieux, mais,que cette Trinité est un seul Dieu; que les trois personnes ne sont point de nature différente, mais de même substance ; que le Père n'est jamais le Fils ni le Saint-Esprit, mais que le Père est toujours le Père, le Fils toujours le Fils et le Saint-Esprit toujours le Saint-Esprit. N'affirmons rien au hasard sur les choses invisibles comme si nous les connaissions; contentons-nous de croire, car on ne peut les voir qu'avec un coeur purifié,  et celui qui tes voit en cette vie, imparfaitement et en énigme, comme on l'a dit (1), ne peut faire que celui à qui il parle les voie, si les souillures du coeur l'en empêchent. « Mais bienheureux ceux qui ont le coeur pur, parce qu'ils verront Dieu (2). » Voilà ce que nous croyons de Dieu notre créateur et notre rédempteur.

 

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CHAPITRE X. L'ÉGLISE. —  LA RÉSURRECTION DE LA CHAIR.

 

21. Néanmoins, comme on ne nous a pas commandé seulement d'aimer Dieu, en disant: «Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, et de toute ton âme et de tout ton esprit, » mais aussi notre prochain, puisqu'on ajoute : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même (3); » notre foi serait moins fructueuse, si elle n'embrassait aussi la société humaine pour y exercer les oeuvres de la charité fraternelle.

Nous croyons donc encore à la sainte Eglise, qui est certainement catholique ; car les hérétiques et les schismatiques donnent aussi à leurs sectes le nom d'églises. Mais les hérétiques blessent la foi par leurs opinions erronées sur Dieu; et les schismatiques, tout en croyant ce que nous croyons, détruisent la charité fraternelle par leurs coupables dissensions. C'est pourquoi les hérétiques n'appartiennent point à l'Eglise catholique, parce quelle aime Dieu ; ni les, schismatiques, parce qu'elle aime le prochain ; aussi pardonne-t-elle facilement les fautes du prochain, parce qu'elle demande elle-même à être pardonnée par Celui qui nous a réconciliés avec lui, en effaçant tout le passé et en nous appelant à une vie nouvelle. Mais tant que nous ne serons pas arrivés à la perfection de cette vie, nous ne pouvons être sans péchés. Entre ceux-ci cependant, il y a des différences.

22. Ce n'est point-le lien de traiter ici de cette différence des péchés. Mais il faut croire fermement que nos fautes ne peuvent en aucune façon

 

1 I Cor. XIII, 12. — 2 Matt. VI, 8. —  3 Luc, X, 27.

 

nous être pardonnées, si nous nous montrons inexorables pour pardonner aux autres  (1). Nous croyons donc encore la rémission des péchés.

23. Et comme l'homme est un composé de trois choses, l'esprit, l'âme et le corps, qui du reste se réduisent à deux, parce que l'âme est souvent prise pour l'esprit , car l'esprit est la partie raisonnable de l’âme, dont les animaux sont privés; de ces trois choses, l'esprit est la première, la seconde est la vie qui résulte de l'union au corps et qui s'appelle âme, et la troisième le corps, la moins importante des trois, parce qu'elle est visible. Or toute cette créature gémit et est dans le travail de l'enfantement jusqu'à cette heure (2) ; cependant elle a donné les prémices de l'esprit, en croyant à Dieu et en acquérant déjà la bonne volonté. Cet esprit est aussi celui dont parle l'Apôtre quand il dit : « J'obéis par l'esprit à loi de Dieu (3); » et ailleurs:  « Car le Dieu que je sers en mon esprit m'est  témoin (4). » Mais quand l'âme convoite encore les biens charnels, on l'appelle chair. En effet certaine partie en elle résiste à l'esprit, non d'après la nature, mais par l'habitude du péché. Ce qui fait dire à l'Apôtre: « Par l'esprit j'obéis à la loi de Dieu, mais, par la chair, à la loi du péché. » Or cette habitude devient une nature par l'effet de la génération mortelle, résultat du péché du premier père. Voilà pourquoi il est écrit : « Et nous étions autrefois par nature enfants de colère (5), » c'est-à-dire de vengeance; ce qui nous a rendus esclaves de la loi du péché. Or la nature de l'âme est parfaite, quand elle est soumise à son esprit et qu'elle le suit dans son obéissance à Dieu. C'est pourquoi l'homme animal ne perçoit pas ce qui est de l'esprit de Dieu (6). » Mais l'âme ne se soumet pas aussi vite à l'esprit pour faire le, Lien, que l'esprit se soumet à Dieu pour la vraie foi et la bonne volonté; quelquefois on ne réprime qu'avec peine l'entraînement qui la porte aux choses charnelles et passagères. Cependant, comme elle se purifie en recouvrant la stabilité de sa nature sous la domination de l'esprit qui est son chef, ainsi que le Christ est le chef de l'esprit, il ne faut pas désespérer de voir le corps rendu à sa nature propre, moins promptement cependant que l'âme, et celle-ci moins encore que l'esprit, toutefois en temps opportun, au son de la dernière trompette, « quand les morts ressusciteront incorruptibles et que nous serons

 

1 Matt. VI, 16. — 2 Rom. VIII, 22. — 3 Ib. VII, 26. — 4 Ib. I, 9. —  5 Eph. II, 3. — 6 I Cor. II, 14.

 

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changés. » Voilà pourquoi nous croyons la résurrection de la chair, non-seulement en ce sens que l'âme, maintenant appelée chair à cause de ses affections charnelles, sera: restaurée; mais  parce que nous devons admettre sans hésitation que cette. chair visible ressuscitera, elle qui est chair par nature, et dont l'âme prend le nom à raison de ses affections charnelles, mais non à cause de sa nature; cette partie visible de nous-mêmes enfin, appelée proprement la chair. C'est elle en effet que l'apôtre Paul semble en quelque sorte indiquer du doigt, quand il dit: « Il faut que ce corps corruptible revête l'incorruptibilité. m Par cette expression ce, il dirige, pour ainsi dire son doigt sur elle. Or ce qui est visible peut se montrer du doigt ; car on pourrait dire que l'âme elle-même est aussi corruptible, puisque des moeurs.vicieuses la corrompent. Quand l'Apôtre ajoute: « Et que ce corps mortel revête l'immortalité (1), » il indique encore cette même chair visible et semble une fois encore la: montrer du doigt ; car si On peut dire que l'âme est corruptible à cause de ses vices, on peut également l'appeler mortelle, puisque se séparer de Dieu est la mort de l'âme (2); et que c'est là son premier péché dans le paradis terrestre; au rapport des saintes Ecritures.

24. Donc, selon la foi chrétienne qui ne peut tromper, le corps ressuscitera. Celui qui trouve cela incroyable ne considère que la chair telle qu'elle est aujourd'hui, et non ce qu'elle sera un jour: car lorsqu'elle sera transformée en la nature des anges, ce sera simplement un corps, et non plus de la chair et du sang. En effet l'Apôtre, en parlant de la chair, dit: « Autre est la chair des brebis, autre celle des oiseaux, autre celle des poissons, autre celle des serpents ; il y a aussi des corps célestes et des corps terrestres ; » il ne dit pas : Il y a aussi une chair céleste, mais : « des corps terrestres et des corps célestes. » Car toute chair est corps, mais tout corps n'est pas chair; d'abord, dans les choses terrestres, le bois est un corps et n'est point une chair; mais l'homme et l'animal sont corps et chair; tandis que dans le ciel, il n'y a pas de chair, mais des corps simples et transparents, que l'Apôtre appelle spirituels, et que quelques-uns, nomment

 

1 I Cor. V, 52, 53. — 2 Eccli. X, 14.

éthérés. L'Apôtre ne contredit donc pas le dogme de la résurrection, quand il dit. « La chair et le sang ne posséderont pas le royaume de Dieu; » il exprime simplement ce que deviendra un jour ce qui est aujourd'hui chair et sang (1).

Il faut conduire pas à pas à la foi celui qui ne croit pas à cette transformation de la nature de la chair. Demandez-lui d'abord si la terre peut-être changée en eau; cela lui paraîtra possible, à cause de l'analogie de ces deux éléments. Demandez-lui ensuite si l'eau peut se changer en air; il répondra que cela n'est pas incroyable, parce que ce sont deux choses rapprochées l'une de l'autre. Demandez-lui enfin, si l’air peut se transformer en un corps éthéré, c'est-à-dire céleste; le rapport de similitude le lui fera admettre volontiers. Or ce qu'il croit possible par gradation, à savoir que la terre soit convertie en un corps éthéré, pourquoi ne reconnaîtrait-il pas que la volonté du Dieu qui a fait marcher un corps humain sur les eaux, peut en faire autant, instantanément, « en un clin-d'oeil, » comme dit l'Apôtre, sans transition, avec la rapidité merveilleuse que met ordinairement la fumée à se changer en feu? Notre chair est en effet certainement faite de terre; or les philosophes, sur l'autorité desquels on combat ordinairement le dogme de la résurrection, et qui prétendent qu'il ne peut y avoir de corps terrestres dans le ciel, les philosophes, dis-je, accordent qu'un corps peut-être changé et transformé en toute autre espèce de corps. La résurrection une fois opérée, nous serons affranchis de la condition du temps, et nous jouirons d'une vie éternelle, d'une charité ineffable et d'un état permanent et incorruptible. C'est alors que s'accomplira cette parole de l'Ecriture: « La mort a été absorbée dans sa victoire. O mort, où est ton aiguillon? O mort, où est ta puissance (2) ?»

25. Telle est la foi que l'on propose aux néophytes chrétiens dans un symbole abrégé. Ce symbole abrégé est connu des fidèles; par lui ils croient pour se soumettre à Dieu, ils se soumettent à Dieu pour bien vivre, ils vivent bien pour purifier leur coeur, et ils purifient leur coeur pour comprendre ce qu'ils croient.

 

1 Rét. l. I, ch. 17. —  2 I Cor. XV, 39, 40 ; 50-54.

 

Traduit par M. l'abbé DEVOILLE.

 

 

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