III - La Prière est supérieure aux autres Vertus.

- La force de la Prière. 
- Entretien avec Dieu. 
- Négociation des plus gros bénéfices spirituels 
ou dons plus abondants de l'Esprit-Saint.


     Il est certain que toute vertu pratiquée au nom du Christ donne la grâce du Saint-Esprit, mais la prière plus que tout autre, parce qu'elle est toujours comme une arme à portée de la main pour l'obtention de la grâce.

     Vous auriez envie, par exemple, d'aller à l'église, mais elle se trouve trop éloignée ou l'office est terminé ; vous auriez envie de faire l'aumône, mais vous ne voyez point de pauvre, ou vous n'avez point de monnaie ; vous voudriez rester vierge, mais vous n'avez point assez de force pour cela, à cause de votre constitution ou à cause des embûches de l'ennemi auquel la faiblesse de votre chair humaine ne vous permet pas de résister ; vous voudriez peut-être faire une autre bonne action, au nom du Christ, mais vous n'avez pas assez de force pour cela. ou bien l'occasion ne s'en présente pas.

     Quant à la prière, tout ceci ne l'atteint pas ; chacun en a toujours la possibilité, le riche comme le pauvre, le notable comme le simple, le fort comme le faible, le bien portant comme le malade, le vertueux comme le pécheur.

     Quelle est la force de la prière, même s'il s'agit de celle d'un pécheur, pourvu qu'elle soit adressée du fond du cœur ? Jugez-en par cet exemple donné dans la Sainte Tradition :

     « Quand elle rencontra la mère désolée de l'adolescent ravi par la mort, la courtisane, qui n'avait pas encore été purifiée du péché commis. s'écria, saisie de pitié : « Seigneur, ce n'est pas à cause de moi, pauvre pécheresse, mais en considération de la mère douloureuse qui croit en Ta puissance et en la miséricorde, accorde, Jésus-Christ, Seigneur, de ressusciter le fils ! ».
Et Jésus le ressuscite.

     Ainsi, votre Théophilie, grande est la force de la prière et elle nous apporte plus que toute autre chose l'Esprit Divin, étant à la portée de chacun. Bienheureux serons-nous quand le Seigneur Dieu nous trouvera veillant dans la plénitude des dons de Son Esprit Saint. Nous pourrons alors espérer avec une sainte témérité d'être ravis sur un nuage à la rencontre, dans les airs, du Seigneur venant avec gloire et « en force » juger les vivants et les morts selon leurs œuvres.

     Ainsi, votre Théophilie, vous considérez donc comme un grand bonheur de pouvoir vous entretenir avec moi, l'humble Séraphim, car vous êtes sûr qu'il n'est point dépourvu de grâce.

     Alors, que dirions-nous de l'entretien avec le Seigneur Dieu. source inépuisable de grâces célestes et de biens terrestres
     Et c'est justement par la prière que nous devenons dignes de nous entretenir avec lui-même, notre Dieu très Bon, Source vivifiante et notre Rédempteur.

     Mais, là aussi, il ne faut prier que jusqu'au moment où le Saint-Esprit, descendant sur nous, nous accorde dans une certaine mesure connue de Lui, Sa grâce céleste. En effet, à quoi bon L'implorer : « Viens et demeure en nous et purifie-nous de toute souillure, et sauve, ô Très Bon, nos âmes ! », quand déjà Il a daigné venir vers nous pour nous sauver, confiants et implorants en humilité et amour Son Saint Nom, afin de Le recevoir dans le temple intérieur de nos âmes assoiffées et affamées de Sa venue.

     Je veux expliquer cela à votre Théophilie par un exemple : Supposez que vous m'eussiez invité chez vous, que je me fusse rendu à votre invitation et eusse voulu m'entretenir avec vous. Et vous, malgré cela, auriez quand même continué à m'inviter : « Veuillez venir chez moi ! ». J'aurais dit certainement : « Qu'a-t-il ? Il n'est plus en possession de sa tête : je suis venu chez lui, et voilà qu'il continue à m'inviter ! ». C'est la même chose avec le Seigneur Dieu, l'Esprit Saint.

     C'est pour cela qu'il est dit : « Effacez-vous et comprenez que Je suis Dieu J'apparaîtrai aux peuples. J'apparaîtrai sur la terre. » Cela veut dire Je vais apparaître à celui qui croit en Moi, qui M'appelle, et Je vais m'entretenir avec lui, comme Je me suis entretenu avec Adam au Paradis, avec Abraham, Jacob et mes autres serviteurs Moïse, Jacob, et ceux qui leur ressemblent. Beaucoup de personnes expliquent qu' « annulation » concerne seulement les affaires de ce monde, c'est-à-dire que pour un entretien en prière avec Dieu, il faut s'écarter de toute chose terrestre. Mais je vous dirai, selon Dieu : certainement, il faut annuler tout cela, mais quand, appelé par la puissante force de la foi et de la prière, le Seigneur Dieu Saint-Esprit nous visitera, viendra vers nous, dans la plénitude ineffable de Sa Grâce, alors il faut supprimer la prière même.

     L'âme parle et profère des paroles quand elle est en prière ; et à la descente de l'Esprit Saint, il convient d'être absolument silencieux, écouter clairement et s'instruire des paroles de la vie éternelle qu'il voudra alors vous annoncer. Il convient d'être pleinement éveillé en son âme, son esprit, et par son corps. Ainsi, à la montagne de Chorive, on a dit aux Hébreux de ne pas toucher leurs femmes pendant trois jours avant l'apparition de Dieu au mont Sinaï, puisque notre Dieu est un feu dévorant toute impureté et rien d'impur de corps ou d'esprit ne peut entrer en contact avec Lui.

     - Mais comment pratiquer, mon Père, les autres vertus au nom du Christ, pour l'obtention de la grâce du Saint-Esprit ? Vous venez de me parler seulement de la prière.

     - Négociez aussi la grâce du Saint-Esprit par toutes les autres vertus pratiquées au nom du Christ. Négociez ces biens spirituels en employant de préférence ceux qui vous apportent un bénéfice plus grand. Ramassez le capital de ces bénéfices, bienheureux de la grâce divine, déposez-les dans l'épargne éternelle divine, aux pourcentages immatériels, et non à 4 ou 6% mais au moins à 100 % et encore infiniment plus que cela.

     Par exemple : la prière en veillant vous apporte plus de grâce : veillez et priez ! Le jeûne vous apporte-t-il beaucoup de grâce ? Alors, jeûnez ! La charité vous en apporte-t-elle plus encore ? Faites la charité ! Et ainsi, considérez chaque bonne action faite au nom du Christ. Ainsi vous donnerai-je l'exemple de ma propre vie, celle de l'humble Séraphim :

     Je suis d'une famille de commerçants de la ville de Koursk et, avant que je n'entre au couvent, nous négociions ainsi les marchandises qui nous rapportaient les plus gros bénéfices. Faites de même , petit Père, et, de même que dans le commerce il est question non seulement de transaction, mais encore de réaliser de meilleurs bénéfices, ainsi dans votre vie chrétienne le but n'est-il pas seulement de prier ou de faire du bien, mais d'obtenir le plus de grâce possible.

     Bien que l'Apôtre dise : « Priez sans cesse », il vous souvient qu'il ajoute aussi Il vaut mieux que cinq mots soient dits avec le concours de toute mon intelligence, que mille mots avec la langue seulement. »

     Et le Seigneur dit : « Ce n'est pas celui qui m'appelle « Seigneur, Seigneur », qui sera sauvé, mais celui qui accomplit la volonté de mon Père. » Cela veut dire - faisant l'œuvre de Dieu avec piété - car, « condamné est celui qui fait l'œuvre de Dieu sans zèle ».
Et l'œuvre de Dieu, c'est de « croire en Dieu et en Celui qu'Il a envoyé, Jésus-Christ ».

     Si l'on réfléchit correctement sur les commandements du Christ et sur ceux des Apôtres, on voit alors que notre activité chrétienne ne réside pas dans l'accroissement du nombre des bonnes actions, « qui ne sont que des moyens pour arriver au but principal de la vie chrétienne, mais réside dans le profit que l'on en retire, c'est-à-dire dans l'acquisition des dons tellement abondants du Saint-Esprit.

     J'aurais tant voulu, votre Théophilie, que vous ayez trouvé cette Source intarissable de grâce et que, constamment, vous vous interrogiez : « L'Esprit-Saint est-il avec moi ou non ? Et si l'Esprit est avec moi, que Dieu soit alors béni ! ».

     De quoi nous inquiéterions-nous ? On peut même aussitôt se présenter devant le Jugement dernier du Christ, puisqu'il est dit :
     « Je jugerai selon l'état dans lequel Je vous trouverai ! » (1)

     Sinon il faut trouver la cause pour laquelle l'Esprit-Saint vous a quitté et le rechercher à nouveau et sans relâche jusqu'à ce que le Seigneur Saint-Esprit soit retrouvé et demeure à nouveau avec nous par Sa Grâce.

     Il faut pourchasser les ennemis qui nous empêchent d'aller vers Lui, j'usqu'à leur anéantissement. Comme l'a dit le prophète David : « Je poursuivrai les ennemis et je les atteindrai, et ne reviendrai pas tant qu'ils ne seront pas exterminés ; je les offenserai et ils ne pourront se relever : Ils tomberont sous mes pieds ». 

     Ainsi, petit Père, faites du commerce spirituel avec de la vertu. Distribuez les dons de la Grâce de l'Esprit Saint à qui les demande, en vous inspirant de cet exemple : le cierge allumé, tout en brûlant lui-même d'un feu terrestre, allume d'autres cierges qui éclaireront d'autres endroits, sans pour cela amoindrir son éclat. Si telles sont les propriétés du feu terrestre, que dirions-nous du feu de la Grâce du très Saint-Esprit de Dieu ?

     De même, par exemple, la richesse terrestre distribuée diminue et la richesse céleste de la Grâce divine augmente au contraire chez celui qui la donne. Ainsi le Seigneur Lui-même a daigné dire à la Samaritaine : « Celui qui boit cette eau aura à nouveau soif ; celui qui sera abreuvé par l'eau que je lui donnerai n'aura plus jamais soif, car cette eau sera en lui la source s'écoulant dans la vie éternelle.

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(1) L'évangile de Luc (XIX 22) nous dit : « Tu seras jugé par tes propres paroles ». Cette phrase peut nous aider à comprendre ce que nous dit saint Séraphim de Sarov. Atteindre cette compréhension est difficile, car le jugement de Dieu ne provient pas de l'extérieur, même celui d'un officier de justice, mais de l'intérieur, du tréfonds de nous-mêmes.