Tome 3 - Livre 5 - Chapitre 1 à 13
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Révélations Célestes de Sainte Brigitte de Suède
les Apparitions, extases et locutions sont approuvées par trois papes et par le concile de Bâles,

 

 

Chapitre : 12345678910111213

Interrogation : 12345678910111213141516

 

 

 

 

PROLOGUE DU LIVRE DES QUESTIONS

 

 

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Le livre V des célestes Révélations de Jésus-Christ à sainte Brigitte, du royaume de Suède, est intitulé à juste raison LIVRE DES QUESTIONS ,d’autant qu’il traite en questions tous les sujets auxquels Notre-Seigneur donne d’admirables solutions, et a été révélé à ladite dame d’une manière tout à fait admirable, comme elle et ses confesseurs l’ont témoigné de vive voix ; car une fois il arriva qu’étan,t en chemin à cheval, elle s’en allait à son bourg à Uvatzsten, étant accompagnée de plusieurs de ses familiers amis, qui étaient à cheval. Or, elle, allant ainsi à cheval, éleva son esprit à Dieu, et soudain elle fut ravie et comme aliénée des sens d’une manière signalée, suspendue en la contemplation. Elle voyait comme une échelle fichée en terre, le bout de laquelle touchait au ciel ; et dans les hauteurs du ciel, elle voyait Notre-Seigneur Jésus-Christ assis sur un trône sublime et admirable, comme un juge jugeant, aux pieds duquel la Sainte Vierge était assise ; et autour du trône était une innombrable compagnie d’anges et une très-grande assemblée de saints ; et au milieu de l’échelle, elle voyait un religieux qu’elle connaissait, qui vivait encore, savant en théologie, fin et trompeur, rempli de malice diabolique, qui marquait en sa mine et en sa façon d’être impatient, plus diable que religieux. Elle voyait lors les pensées et les affections intérieures de ce religieux, et comment lui-même les déclarait à Jésus-Christ, juge séant au trône avec un geste déréglé et inquiet par manière de question, comme nous le verrons dans le cours de ce livre. Elle voyait et oyait en esprit comme Jésus-Christ, juge, répondait doucement et honnêtement à ces questions avec brièveté et sagesse, et comment quelquefois Notre-Dame disait quelques paroles à Brigitte, comme ce livre le déclarera très bien.

 

 

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Mais en même instant que cette sainte eut conçu en esprit le contenu de ce livre, il arriva qu’elle fut ravie en la connaissance d’icelui à son bourg. Or, lors, ses familiers amis arrêtant le cheval, excitant cette sainte en la secouant pour la faire revenir du ravissement, elle fut très marrié d’avoir été privée se si grandes douceurs divines. CE livre des Questions demeura tellement imprimé dans son cœur, gravé dans sa mémoire, comme s’il eût été buriné sur le marbre. Or, elle l’écrivit soudain en son langage vulgaire, que son confesseur traduisit ensuite en latin, comme il avait coutume de traduire les autres livres.

Ce livre des Questions se partage par demandes et se subdivise par questions. Il contient size interrogations, en chacune desquelles Jésus-Christ est interrogé, auxquelles, comme juge, il répond distinctement et admirablement, de sorte que chaque interrogation contient un certain nombre de questions. Et après suivent les solutions et les réponses, comme on le verra au progrès du livre.

 

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Chapitre 1

 

INTERROGATION I.

 

Sainte Brigitte vit au Ciel un trône sur lequel était assis Notre Seigneur Jésus-Christ comme juge, aux pieds duquel était assise la Sainte Vierge Marie. Autour du trône étaient une grande compagnie d’anges et une nombre infini de bienheureux. Un théologien, religieux fort savant, et qui était en un haut degré d’une échelle fichée en terre, le haut bout de laquelle touchait au ciel, et qui avait une façon très impatiente et inquiète, comme plein de tromperie et de malice, interroge Jésus-Christ.

 

I. O Juge, je vous interroge. Vous m’avez donné la bouche : ne dois-je pas parler des choses plaisantes ?

II. Vous m’avez donné des yeux : ne dois-je pas voir les objets qui me délectent ?

III. Vous m’avez donné des oreilles : pourquoi n’écouterai-je pas les sons et les harmonies qui me plaisent

IV. Vous m’avez donné les mains : pourquoi ne ferai-je d’elles ce qu’il me plaît ?

V. Vous m’avez donné les pieds : pourquoi n’irai je pas selon mes désirs ?

 

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REPONSE DE JESUS-CHRIST

 

I. Le Juge , assis au trône sublime, et dont les gestes étaient très-doux et très-honnêtes, répond, disant: Mon ami, je vous ai donné la bouche pour parler raisonnablement des choses utiles à l’âme et au corps, et des choses qui avancent mon honneur.

II. Je vous ai donné des yeux, afin que vous voyiez les malheurs pour les éviter, et les bonheurs pour y aspirer.

III. Je vous ai donné des oreilles, pour ouïr la vérité et pour écouter ce qui est honnête.

IV. Je vous ai donné des mains, afin que, par elles, vous fassiez ce qui est nécessaire au corps et ce qui ne nuit pas à l’âme.

V. Je vous ai donné des pieds, afin de vous retirer de l’amour du monde , et que vous soupiriez au repos éternel, à  l’amour de votre âme et de moi, votre Créateur.
 

INERROGATION II.

 

I. D’ailleurs, le religieux susdit apparut au même degré, disant : O Jésus-Christ, Juge, vous avez souffert volontairement une peine très-amère : pourquoi ne pourrai-je, à raison de cela, me comporter honorablement et m’enorgueillir ?

II. Vous m’avez donné les biens temporels :pourquoi don ne posséderai-je ce que je désire ?

 

III. Pourquoi avez-vous donné des membres à mon corps, si je ne les dois mouvoir et les exciter selon mes désirs ?

IV. Pourquoi avez-vous donné la loi et la justice , sinon pour faire vengeance ?

V. Vous avez permis qu’on pris le repos : pourquoi avez-vous ordonné aussi que nous ressentions la lassitude et les tribulations ?

 

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REPONSE

 

I. Le juge répondit : Mon ami, la superbe des hommes est tolérée dès longtemps par ma patience, afin que l’humilité soit exaltée et que ma vertu soit manifestée ; et d’autant que la superbe n’est pas créée par moi, mais inventée par le diable, il la faut fuir, car elle conduit dans l’enfer ; et on doit avoir et garder l’humilité, d’autant qu’elle conduit dans le ciel ; c’est cette vertu que j’ai enseignée par parole et par exemple.

II. J’ai donné les biens temporels à l’homme afin d’en avoir raisonnablement l’usage, afin que les choses créées soient changées en honneur, savoir, en moi, leur Dieu, me louant, me remerciant et honorant de tant de biens dont je les ai comblés, et non vivant et usant d’iceux selon les désirs de la chair.

III. Les membres du corps sont donnés à l’homme, afin qu’ils montrent quelque similitude de l’âme et des vertus, et afin qu’ils fussent les instruments de l’âme pour son office et vertu

IV. La justice et la loi sont établies par moi, afin qu’elles fussent accomplies par la charité suprême et ma compassion admirable, et afin qu’entre les hommes, l’unité divine et la concorde fussent affermies.

V. Si j’ai donné à l’homme le repos corporel, je l’ai fait pour affermir l’infirmité de la chair, et afin que l’âme fût plus forte et plus vertueuse. Mais d’autant que la chair se rend souvent insolente, c’est pourquoi il faut endurer les tribulations, les angoisses, et tout ce qui sert à la correction.

 

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INTERROGATION III.

 

I. D’ailleurs, le même religieux apparut comme dessus, disant : O Juge, je vous demande pourquoi vous nous avez donné les sens corporels, si nous ne devons, ni nous mouvoir, ni vivre selon les sens corporels.

II. Pourquoi nous avez-vous donné les viandes et les autres soutiens de la chair, si vous ne voulez pas que nous nous assouvissions, et que nous vivions selon les appétits désordonnés de notre chair ?

III. Pourquoi nous avez-vous donné le libre arbitre, si ce n’est pour suivre vos volontés ?

IV. Pourquoi avez-vous donné le cœur et la volonté, si ce n’est pour aimer plus chèrement ce que nous goûtons le plus, et pour que nous chérissions ce dont nous jouissons avec plus de délectation ?

 

REPONSE

 

I. Le Juge répond : Mon ami, j’ai donné à l’homme le sens et l’intelligence, pour imiter les voies de la vie et pour fuir les voies de la mort.

II
. J’ai donné les viandes et les choses nécessaires à la chair avec modération, afin que l’âme acquît avec plus de force les vertus, et qu’elle ne fût affaiblie et opprimée par la quantité excessive.

III. J’ai donné à l’homme le libre arbitre, afin qu’il quittât sa propre volonté pour l’amour de moi, qui suis son Dieu, et que de là, l’homme augmentât en mérite.

IV. J’ai donné à l’homme le cœur, afin que moi, Dieu, qui suis partout et qui suis incompréhensible, je me contienne par amour dans son cœur, et que, pensant être en moi, cela lui donne des plaisirs indicibles.

 

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REVELATION PREMIERE DE CE LIVRE DES QUESTIONS

 

La Sainte Vierge Marie parle à sainte Brigitte, lui enseignant cinq vertus qu’elle doit avoir intérieurement, et cinq extérieurement.

 

La Mère de Dieu parle à sainte Brigitte, disant : Ma fille, vous devez avoir cinq vertus intérieures et cinq extérieures. Les extérieures : une bouche pure et exempte de médisance ; les oreilles closes aux vaines paroles ; les yeux chastes et pudiques ; vos mains aux bonnes œuvres, et vos pieds éloignés de la conversation humaine.

Au dedans, il vous faut avoir cinq autres vertus : aimer Dieu avec ferveur ; le désirer avec sagesse ; donner des biens temporels avec juste ;

droite, et raisonnable intention ; fuir le monde avec humilité, et attendre fermement et patiemment mes promesses.

 

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INTERROGATION IV.

 

I. Le susdit religieux apparut au même échelon, disant : O Juge, pourquoi dois-je rechercher la sapience divine, puisque j’ai la sapience du monde ?

II. Pourquoi dois-je pleurer, puisque la gloire et la joie du monde abondent en moi ?

III. Dites-moi pourquoi et comment je me dois réjouir dans les afflictions de la chair.

IV. Pourquoi dois-je craindre, puisque j’ai des forces assez grandes ?

V. Pourquoi obéirais-je aux autres, si ma volonté est en ma propre puissance.
 

 

REPONSE

 

I. Le Juge répondit et dit : Mon ami, celui qui est sage selon le monde, est aveugle et fou devant moi. Et partant, afin d’acquérir ma divine sagesse, il est nécessaire qu’on la cherche diligemment et humblement.

II. Celui qui possède les honneurs du monde et sa joie, est souvent agité de divers soins, et est enveloppé en des amertumes qui conduisent dans l’enfer. Partant, de peur qu’on ne s’écarte de la voie du ciel et qu’on ne se fourvoie, il est nécessaire qu’il prie, qu’il pleure et qu’il heurte pieusement.

III. Il est fort utile de se réjouir en l’affliction et en l’infirmité de la chair, d’autant que ma divine miséricorde s’approche de ceux qui souffrent des afflictions de la chair , et par icelle, il s’approche plus facilement de la vie éternelle.

IV. Tous ceux sui sont forts, sont forts de ma force, mais je suis plus fort qu’eux. Partant ils doivent craindre partout que leur force ne leur soit ôtée.

V. Quiconque a en main le libre arbitre, doit craindre et entendre véritablement qu’il n’y a rien qui conduise plus facilement à la damnation éternelle , que la volonté propre qui est sans conducteur. Partant, celui qui laisse sa propre volonté et la résigne en mes mains, de moi qui suis son Dieu, aura le ciel sans peine.

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INTERROGATION V.

 

I. Le même religieux apparut , disant : O Juge, pourquoi avez-vous créé les vermisseaux qui peuvent nuire et ne rien profiter ?

II. Pourquoi avez-vous créé les bêtes farouches qui nuisent aussi aux hommes ?

III. Pourquoi permettez-vous que le corps pâtisse ?

IV. Pourquoi souffrez-vous l’iniquité des jugements iniques, qui affligent les sujets et les fouettent comme des serfs achetés ?

V. Pourquoi le corps de l’homme est-il affligé au dernier point de sa vie ?

 

REPONSE

 

I. Le Juge répondit : Mon ami, Dieu, Juge, a créé le ciel, la terre, et tout ce qui est compris en leur pourpris, mais il n’a rien créé sans quelque sujet, sans quelque esprit, sans quelque rapport ; car comme les âmes des saints ont semblables aux anges qui sont ,en la vie, dans les bonheurs et les félicités, de même les âmes des injustes sont semblables aux démons qui sont ensevelis et plongés dans la mort éternelle. Mais  d’autant que vous m’avez demandé pourquoi j’ai créé les vermisseaux, je vous réponds que je les ai créés pour manifester aux hommes les effets de ma sagesse et les pouvoirs de ma bonté, car bien qu’ils puissent nuire, ils ne nuisent pas pourtant, si ce n’est par ma permission et le péché des hommes, l’exigeant de la sorte, afin que l’homme qui méprise de soumettre à Dieu, son souverain supérieur, gémisse de voir qu’il faut être affligé par de petits vermisseaux, et afin que l’homme sache que , sans moi, il n’est rien, et que des choses irraisonnables me servent , et que toutes choses s’arrêtent à mon commandement.

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II. Toutes les choses que j’ai créées, non seulement étaient bonnes, mais étaient grandement bonnes, et sont créées, ou pour l’utilité de l’homme, ou pour la probation, ou pour les commodités des autres créatures, et afin que l’homme servît d’autant plus humblement son Dieu, qui excelle par-dessus tous en félicité. Néanmoins, les bêtes nuisent aux choses temporelles à double sujet : le premier , pour la correction et pour la connaissance de nos malheurs, afin que, par les afflictions, les méchants entendent et comprennent qu’il faut obéir à Dieu, leur souverain supérieur ; le deuxième : elles nuisent aussi aux bons, pour les purifier et les avancer au comble des vertus ; et d’autant que l’homme, en péchant, s’est élevé contre moi, son Dieu, c’est pourquoi toutes se sont élevées contre lui.

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III. L’infirmité afflige le corps, afin que l’homme prenne garde de conserver en soi, par le châtiment et la retenue de la chair, la modération spirituelle, et la patience, qui est assaillie souvent à raison du vive de l’incontinence et de la superfluité.

IV. Pourquoi tolère-t-on les juges iniques ? Certes, c’est pour l’épurement d’autrui, et pour manifester la grandeur de ma patience, afin que, comme l’or est purifié par le feu, de même, par la malice des méchants, les âmes soient purifiées, soient instruites et soient retirées des choses illicites. Il tolère encore les méchants, et que les épis du diable soient séparés du froment des bons, afin que leur insatiable cupidité soit remplis par les jugements occultes de ma divine justice.

V. Le corps souffre de la peine en la mort. Certainement, il est juste que l’homme soit puni par les mêmes choses dont il m’a offensé ; et d’autant que, par sa délectation désordonnée, il m’a offensé, il mérite d’être puni par l’amertume et peine ordonnées, de sorte que celui qui commence ici la mort criminelle, elle lui durera sans fin, et ceux qui meurent en grâce sans une entière purification, se purifieront dans les feux du purgatoire pour passer et commencer une joie éternelle.

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CHAPITRE II.

 

La Vierge Marie parle à sainte Brigitte, disant que celui qui désire goûter la douceur divine doit souffrir plutôt les amertumes.

 

La Sainte Vierge Marie dit : Quel est celui des saints qui ait jamais goûté les douceurs divines, qui n’ai plutôt goûté les amertumes ? Celui donc qui désire les douceurs n ne doit point fuir les amertumes.

 

INTERROGATION VI.

 

I. Le même religieux apparut, disant : O Juge, je vous demande pourquoi un enfant sort sain du ventre de la mère , arrivant au baptême, et pourquoi l’autre, ayant reçu l’âme meurt.

II. Pourquoi les adversités assaillent-elles le juste, et pourquoi les prospérités sourient-elles au méchant ?

III. Pourquoi la peste, la famine et autres incommodités, affligent-elles les corps ?

IV. Pourquoi la mort arrive-t-elle lorsqu’on y pense le moins, de sorte que rarement on la peut prévoir ?

V. Pourquoi souffrez-vous que les hommes forcenés et armés de fureur et d’envie, viennent à la guerre avec esprit de vengeance ?

 

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REPONSE

 

I. Le Juge répondit, disant : Mon ami, votre demande ne vient point de la charité, bien que de ma permission. C’est pourquoi je vous le veux faire entendre par quelques similitudes. Vous demandez pourquoi un enfant sort vivant des entrailles de la mère, et l’autre mort . C’est qu’il arrive souvent beaucoup de négligences et faute de peu de soin des parents, et ma divine justice permet, à raison du péché, que ce qui a été uni soit séparé. Néanmoins, l’âme, pour cela, bien qu’elle ait eu si peu de temps pour animer le corps, n’est pas envoyée dans les supplices très-cuisants, mais je manifeste encore en elle ma miséricorde ; car comme le soleil, jetant ses rayons sur une maison, n’est pas vu en son éclat et en sa beauté merveilleuse, mais bien ses rayons, si ce n’est par ceux qui étant dehors de la maison , élèvent les yeux au ciel, de même ces âmes, bien qu’elles ne voient la gloire incomparable de ma face, parce qu’elles n’ont pas été baptisées, s’approchent néanmoins plus de la miséricorde que de la peine, mais non pas tant que ms élus.

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II. Pourquoi les adversités assaillent-elles l’homme juste ? Je réponds : Ma justice veut que chaque juste obtienne ce qu’il désire ; mais celui-là n’est pas juste qui ne désire souffrir pour l’amour de l’obéissance. Et pour la perfection de la justice, ni celui-là n’est pas juste qui ne fait du bien à son prochain, poussé à cela par la charité.

 

C’est pourquoi mes amis, considérant que je suis leur Dieu et leur Rédempteur, ce que j’ai fait pour eux et ce que je leur ai promis, et voyant la malice dont le monde est animé, demandent plus franchement de pâtir des adversités du monde, pour éviter les péchés pour leur salut éternel et pour être plus avisés. C’est aussi que je permets, pour les mêmes raisons,  que les tribulations leur soient plus fréquentes, bien que quelques-uns les souffrent, non avec tant de patience que je voudrais ; je les permets néanmoins avec sujet et raison et les assiste en icelles. Car comme la mère , pleine de charité, corrige son fils en l’adolescence, et le fils ne sait point l’en remercier, d’autant qu’il ne sait connaître la raison pourquoi sa mère le fait, mais étant arrivé aux années de discrétion, l’en remercie, connaissant bien que, par la correction de sa mère, il s’est retiré des mœurs mauvaises et s’est accoutumé aux bonnes : j’en fais de même à mes élus, car ils résignent leur volonté  à la mienne, et ils m’aiment sur toutes choses . C’est aussi pour cela que je permets qu’ils soient affligés quelques temps ; et bien que maintenant ils n’entendent entièrement la grandeur de ce bienfait, je fais néanmoins pour eux  ce que je sais qui leur profite pour l’avenir. Mais les impies, qui ne soucient de ma justice, et qui ne  craignent point d’injurier leur prochain, qui désirent avec passion les choses passagères, et se lient par amour aux choses terrestres, prospèrent pour quelques temps et sont exemptés de mes verges, de peur que, si les adversités les pressent ils ne pèchent davantage. Néanmoins, ils ne peuvent pas faire le mal qu’ils désirent, afin qu’ils connaissent qu’ils sont sous ma puissance, auxquels bien qu’ingrats, je donne, quand je veux, quelque chose, bien qu’ils ne le méritent pas.

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III. Pourquoi la peste et le feu nous oppriment-ils ? Je réponds : il est écrit en la loi que celui qui dérobera, rendra plus qu’il n’aura dérobé. D’autant donc que les hommes ingrats reçoivent mes dons et en abusent, ils ne me rendent pont l’honneur qui m’est dû. C’est pour cela aussi que je permets plus de peines au corps afin que l’âme soit sauvée en l’autre monde. Souvent aussi, pardonnant au corps, je punis l’homme dans les choses qu’il aime le plus, afin que celui qui ne m’a pas voulu reconnaître en joie, me reconnaisse en tristesse.

IV. Pourquoi la mort est-elle soudaine ?Si l’homme savait le jour de sa mort, il me servirait par l’esprit de crainte et défaudrait de douleur. Que l’homme donc me serve par l’esprit d’amour, et qu’il soit toujours soigneux de lui et assuré de moi ; c’est pour cela que l’heure de la mort est incertaine, et à juste sujet, car quand l’homme a laissé ce qui était vrai et certain, il a été nécessaire et digne qu’il fût affligé de ce qui était incertain.

V. Pourquoi je promets qu’on aille au combat avec une fureur parfaite ? Celui qui a une parfaite et déterminée volonté de nuire à son prochain, est semblable au diable, est son membre et son instrument . Je ferai injure au diable, si je lui étais son serviteur sans droit ni justice. Comme donc j’use de mon instrument à tout ce qui me plaît, de même la justice veut que le diable opère en celui qui veut être plut^to son membre que le mien , et fasse ce qui est de sa part, et fasse ce qui est de as part, ou bien pour purifier les autres, ou bien pour accomplir la malice, le péché l’exigeant ainsi, et moi le permettant de la sorte.

 

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INTERROGATION VII.

 

I. Le même religieux apparut, disant : O Juge, je vous demande pourquoi on voit au monde du beau et du vil.

II. Pourquoi ne suivrai-je l’éclat et la beauté du monde, puisque je suis né de sang noble ?

III. Pourquoi de m’élèverai-je sur les autres, puisque je suis riche ?

IV. Pourquoi ne me préférerai-je pas aux autres, puisque je suis plus honorable que les autres ?

V. Pourquoi ne rechercherai-je pas ma louange propre, puisque je suis bon et louable ?

VI. Pourquoi n’exigerai-je des récompenses, puisque je fais du plaisir aux autres ?

 

REPONSE

 

I. Le Juge répondit : Mon ami , ce qui est vil et beau au monde, est doux et mauvais par diverses considérations, car l’utilité du monde, qui n’est autre que le mépris du monde et son adversité, est fort utile pour l’avancement du salut aux justes. Or, la beauté du monde est sa prospérité, et elle est comme une glace qui flatte faussement et trompeusement. Celui qui fuit l’éclat du monde, méprisant sa douceur, ne descendra point à la vilité de l’enfer, ni ne goûtera point ses amertumes qui n’ont point d’égal en malheur, mais montera à mes joies indicibles, qui n’auront jamais de fin. Afin donc de fuir la vilité de l’enfer et d’acquérir la douceur du ciel, il est nécessaire d’aller plutôt après la vilité du monde qu’après sa beauté et son éclat. Certainement ; toutes choses ont été bien créées de moi, et toutes choses sont grandement bonnes ; il faut néanmoins se donner garde de celles qui peuvent donner à l’âme occasion de nuire.

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II. Vous avez été conçu dans l’iniquité. Vous avez été, dans le sein de votre mère, comme mort et tout immonde. Il ne fut point en votre puissance de naître de nobles ou de roturiers. Ma main, toute pleine de bonté et de piété, vous a mis au jour, et vous a donné la vie. Donc, vous qui êtes appelés nobles, humiliez-vous sous moi, qui suis votre Dieu, qui a ordonné que vous naîtriez de nobles parents, et conformez-vous à votre prochain, car il est de même matière que vous, bien que vous soyez d’une plus excellente, ma providence disposant de la sorte. En effet, vous n’êtes différents qu’en la manière : il est d’une basse maison, et vous êtes d’une maison illustre. Mais vous qui êtes noble, craignez plus que les roturiers, d’autant que, plus vous êtes noble et riche, plus vous êtes obligé de bien faire et de vous préparer à rendre raison plus étroitement, et le jugement sera d’autant plus rigoureux que plus ils auront reçu.

III . Pourquoi ne dois-je m’enorgueillir de mes richesse ? Je réponds : D’autant que les richesse du monde ne sont point à vous, sinon en tant que vous en avez besoin pour votre nourriture et pour votre vêtement, car le monde est fait, afin que l’homme, ayant la nourriture corporelle, retourne heureusement à moi, son, son Dieu, par la peine et par l’humilité, à moi dont il s’est retiré, et qu’il a méprisé par sa rébellion. Or, si vous dites que les biens temporels sont à vous, je cous dis aussi pour certain que vous usurpez toutes choses avec violence, et celles dont vous n’avez aucune nécessité, car les biens temporels doivent être tous communs, et par charité, doivent être à tous les pauvres également .Mais vous usurpez sans nécessité et pour la pure superfluité, ce qu’il fallait distribuer aux autres par compassion, bien que plusieurs ont raisonnablement plusieurs choses, qui les distribuent plus discrètement que les autres. De peur donc que vous n e soyez repris plus rudement , aux justes et formidables jugements de Dieu, d’avoir plus reçu que les autres, je vous conseille qu’en vous enorgueillissant et en amassant, de ne vous préférer aux autres, car comme il est plaisant et délectable au monde d’avoir plus de richesses que les autres et d’en abonder, de même, au jugement de Dieu, il est terrible outre mesure de n’avoir disposé même des choses licites aux indigents avec raison.

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IV et V. Pourquoi ne faut-il pas rechercher la louange propre ? Je réponds : Pas un n’est bon de soi que Dieu seul ; et celui qui est bon hors de lui, est bon par la participation de ma bonté. Donc, si cous cherchez votre louange, d’où vient tout don parfait et accompli, votre louange est fausse, et vous faites injure à moi, votre Créateur. Partant, comme de moi dépendent tous les biens que vous avez, de même il me faut attribuer toute louange ; et comme je suis votre Dieu, je vous dépars tout ce qui est du temporel : la force, la santé, la sainte conscience, discrétion et jugement,  pour choisir ce qui vous est le plus utile, disposer du temps, régir votre vie. Si vous disposez bien raisonnablement et sagement, je suis beaucoup à honorer, puisque je vous en ai donné la grâce. Que si vous en disposez autrement, ce sera votre faute et un argument de votre ingratitude.

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VI. Pourquoi ne faut-il pas rechercher une récompense temporelle en ce monde pour les bonnes œuvres ? Je vous réponds :Quiconque fait bien à autrui a intention de ne se souvenir point de la récompense des hommes, mais seulement il attend celle que je lui voudrai donner, celui-là aura une grande chose pour une petite, une chose éternelle pour une chose temporelle. Mais celui qui, pour les choses temporelles, cherche les choses terrestres, aura ce qu’il désire, mais il perdra ce qui est éternel. Partant, afin qu’on obtienne pour une chose passagère ce qui est éternel, il est plus utile de ne rechercher point autre récompense que de moi.

 

INTERROGATION VIII.

 

I. Le même religieux apparut , disant : O Juge, je vous demande pourquoi vous permettez que des dieux soient mis au temple, et qu’on leur défère autant d’honneur qu’à vous-même, puisque votre règne est le plus puissant de tous.

II. Pourquoi faites-vous voir votre gloire en ce monde aux hommes, afin que, pendant qu’ils vivent, ils vous désirent avec plus de ferveur ?

III. Pourquoi las anges et les saints, qui sont plus nobles et plus saints que les créatures, ne sont-ils pas vus des hommes en cette vie ?

IV. Puisque les peines de l’enfer sont incomparables et horribles, pourquoi ne les faites-vous pas voir aux hommes en cette vie, afin de les éviter ?

V. Les diables étant incomparablement laids, difformes et horribles, pourquoi n’apparaissent-ils visiblement aux hommes. Car alors, pas un ne les suivrait ni ne consentirait à leurs méchantes suggestions ?

 

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REPONSE

 

I. Le Juge répond : Mon ami, je suis le Créateur de toutes choses, qui ne fais pas plus d’injures à l’homme mauvais qu’au bon, car je suis la même justice. Ma justice donc veut que l’entrée du ciel s’obtienne par une foi constante, par une espérance ferme et par une charité parfaite. Partant, tout ce qui est plus aimé dans le cœur et chéri avec plus de ferveur, on y pense plus souvent et on l’adore plus augustement : de même les dieux qu’on mettait au temples, bien qu’ils fussent ni dieux ni créateurs, d’autant qu’il n’y a qu’un seul Créateur, savoir Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit, néanmoins, les possesseurs des temples et les hommes abusés les aimaient plus qu’on ne m’aime, et cela seulement pour prospérer dans le monde, non pas pour vivre éternellement avec moi. Partant, si j’anéantissais ce que les hommes aiment plus que moi, et si je les contraignais de m’adorer contre leur volonté, je leur ferai injure, leur ôtant leur libre arbitre et leur désir. Partant, puisqu’ils n’ont point de foi en moi, et qu’il y a dans leur cœur quelque chose qu’ils aiment plus que moi, je permets avec raison que ce qu’ils aiment en leur intérieur, ils l’accomplissent par œuvre en leur extérieur. Et d’autant qu’ils peuvent connaître par signes et par faits, s’ils voulaient se servir de la raison, d’autant donc qu’ils sont aveugles, maudite est leur créature maudites sont leur idoles ; ils seront confondus et seront jugés à raison de leur folie, car ils ne veulent entendre ni comprendre combien doux je suis, moi qui ai créé et racheté l’homme par amour.(Matth,17.)

 

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II. Pourquoi ne voit-on pas ma gloire ? Ma gloire est ineffable et incomparable en suavité et en bonté. Si donc ma gloire était vue comme elle est, le corps de l’homme corruptible se débiliterait et défaudrait, comme le sens de ceux qui virent ma gloire en la montagne. Leur corps aussi défaudrait à raison de la trop grande joie de l’âme, et ne pourrait plus faire les exercices corporels. Partant, puisque l’entrée du ciel n’est pas libre sans les œuvres de l’amour, et afin que la foi ait son prix et que le corps puisse travailler, ma gloire leur est cachée pour quelque temps afin que, par le désir et par la foi, ils la voient plus abondamment et plus heureusement à jamais.

III. Pourquoi ne voit-on pas les saints en l’éclat où ils sont? Si mes saints étaient vus et parlaient clairement, on leur donnerait l’honneur qu’on me doit; et si lors la foi perdait le mérite, la faiblesse de la chair ne pourrait supporter leur éclat, ni aussi ma justice ne veut point qu’une si grande clarté soit vue d’une si grande fragilité. Partant, mes saints ne sont point vus ni ouïs en leur éclat, afin que tout l’honneur soit rendu à Dieu, et afin que l’homme sache qu’il n’y a aucun homme qui doive être mon égal. Vraiment, les saints apparaissent souvent, non en l’éclat de la gloire qu’ils possèdent, mais en la forme occulte de la plénitude de la vertu, en laquelle ils paraissent pour pouvoir être vus sans aucune perturbation.

IV. Pourquoi les peines de l’enfer ne sont-elles point vues? Si les peines de l’enfer étaient vues comme elles sont, l’homme se réduirait de crainte et d’effroi, et chercherait le ciel, non par esprit d’amour, mais de crainte. Et d’autant que pas un ne doit désirer les joies célestes par la crainte de la peine, mais par la charité divine, je cache la peine des damnés. Car comme les bons et les saints ne peuvent goûter cette joie ineffable avant la séparation de l’âme du corps, de même les mauvais ne peuvent goûter les peines effroyables avant la mort; mais leur âme étant séparée du corps, ils expérimentent les rigueurs par les sentiments qu’ils n’ont voulu entendre ni comprendre en leur esprit, le pouvant faire par ma grâce.

V. Pourquoi les diables n’apparaissent-ils pas? Si leur horrible forme, leur difformité paraissait comme elle est, celui qui la verrait sortirait hors de soi-même de crainte et d’effroi, tremblerait, sècherait et mourrait comme anéanti. Afin donc que l’âme demeure constante en son sens, que son cœur veille en mon amour, et que son corps fût affermi à mon service, oui, c’est pour ces raisons que la laide difformité du démon est cachée, et encore afin que sa malice et son effort soient retenus.

 

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Chapitre III.

 

Jésus-Christ parle à son épouse, sainte Brigitte. Il l’enseigne avec des similitudes prises d’un médecin qui guérit et d’un médecin qui tue, et de l’homme qui juge, tous disant que Dieu demandera raison des âmes à l’homme qui reçoit avec soi les pécheurs, s’il leur donne de l’aide ou sujet de pécher, et s’ils meurent en péché; et au contraire, il aura un grand mérite, s’il les reçoit, et si, les instruisant aux vertus, ils cessent de pécher.

 

 

 

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Pour le jour de saint Cosme et Damien.

 

Le Fils de Dieu parle : S’il y a quelque malade en la maison, et qu’un bon médecin y entre, il pense et sonde soudain par les signes extérieurs quelle est son infirmité. Le médecin donc, sachant l’infirmité du malade, s’il lui donne une médecine qui ne soit pas bonne et que la mort s’ensuive, est jugé être, non un médecin, mais celui qui tue à dessein. Mais si quelqu’un, sachant médeciner, exerce l’art pour les récompenses mondaines, celui-là n’a point de récompense devant moi. Or, celui qui exerce la médecine pour l’amour et pour l’honneur de moi, je suis tenu de lui rendre la récompense. Si quelqu’un, n’étant point docte en la médecine, pense, selon son jugement, que cela ou cela servira au malade, et le lui donne avec une bonne et pie intention, celui-ci ne doit pas être jugé comme celui qui tue, mais comme un médecin fat et présomptueux. Que si le malade patient revient en convalescence, pour cela le médecin ne mérite point la récompense d’un médecin, mais d’un homme qui va au hasard, d’autant qu’il n’a pas ordonné et donné la médecine selon la science, mais selon sa fantaisie. Je vous dirai ce que ces choses signifient.

Ces hommes dont je parle vous sont connus; ils sont spirituellement malades et ensevelis en la vanité, l’ambition, et suivent en tout leur propre volonté. Si donc leur ami, que je compare à un médecin, leur a donné du secours et du conseil pour excéder en superbe et en vanités, et dont ils meurent spirituellement, certainement, j’exigerai leur mort de sa main, car bien qu’ils meurent de leur propre faute, néanmoins, d’autant qu’il leur a été cause et occasion de mort, il ne sera point exempt de peine. Que s’il les nourrit et les conduit, poussé à cela par l’amour naturel, les agrandissant dans le monde pour sa consolation et pour l’honneur du monde, il ne faut pas qu’il attende de moi miséricorde. Que si, comme un bon médecin, il pense sagement d’eux, disant à part soi : Ceux-ci sont infirmes et malades; ils ont besoin de médecine; et bien que ma médecine soit amère, néanmoins, puisqu’elle est salutaire, je leur en donnerai, afin qu’ils ne meurent d’une mort misérable.

 

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Et partant, en retenant leurs passions, je leur donnerai à manger de peur qu’ils ne meurent de faim; je leur donnerai aussi des vêtements, afin qu’ils soient plus honnêtes selon leur état; je les tiendrai sous mon régime, afin qu’ils ne soient pas insolents; j’aurai aussi soin de leurs autres nécessités, afin qu’ils ne s’élèvent par leur superbe, et que l’orgueil et la présomption ne les perdent, ou bien qu’ils n’aient occasion de nuire aux autres. Un tel médecin aura de moi une grande récompense, car une telle médecine de correction me plaît grandement.

Que si leurs amis, s’entretenant en telles pensées, disent : Je leur donnerai ce qui est nécessaire, mais je ne sais pas s’il leur est expédient ou non; je ne crois pas pourtant déplaire à Dieu ni nuire à leur salut : si lors ils meurent à l’occasion de leur don, où ils se débauchent, leur ami ne sera pas repris ni accusé de les avoir spirituellement tués; mais néanmoins, à raison de sa bonne volonté et de la sainte affection dont il chérit plus leurs âmes que celle des autres, il n’aura pas sa pleine récompense; les malades néanmoins en auront aussi moins, et croîtront en santé, laquelle ils obtiendraient plus difficilement, si la charité n’y coopérait pas. ici pourtant, un conseil est nécessaire, car selon la maxime vulgaire, si l’animal qui est porté à nuire, à raison de sa maladie, est renfermé, il ne nuira point, et étant enfermé, il viendra en convalescence, et s’engraissera à l’égal de ceux qui sont libres. Ceux donc qui sont de cette espèce, dont le sang, les pensées et les affections cherchent les choses éminentes, en sont d’autant plus affamés que plus ils en mangent. Donc, que leur ami ne leur donne aucune occasion d’excéder en leurs ambitions, comme ils désirent avec passion et ne savent éteindre leur appétit.

 

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INTERROGATION IX

 

I. Ces choses ayant été dites, le religieux apparut en son échelon, disant : O Juge, je vous demande pourquoi vous êtes si inégal en vos dons et en vos grâces, en ce que vous avez avantagé et préféré la Sainte Vierge Marie sur toutes les créatures, et l’avez exaltée sur les anges.

II. Pourquoi avez-vous donné aux anges l’esprit sans chair, et les avez-vous établis dans les joies célestes? Et pourquoi avez-vous donné à l’homme un vase de terre et un esprit, et l’avez-vous obligé à vivre avec labeur et peine et à mourir avec douleur?

III. Pourquoi avez-vous donné à l’homme la raison, et l’avez-vous refusée aux animaux?

IV. Pourquoi avez-vous donné la vie aux animaux, et l’avez-vous refusée aux choses insensibles?

V. Pourquoi la lumière n’éclaire-t-elle pas aussi bien la nuit que le jour?

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RÉPONSE

 

I. Le Juge répondit : Mon ami, je connais de toute éternité en ma Déité toutes les choses futures; faites-les comme celles qui sont à faire, car comme la chute de l’homme a été prévue par moi, aussi ma justice l’a permise, mais elle n’a pas été faite de Dieu, ni la prescience de Dieu n’était pas cause qu’on la fit : de même de toute éternité, la délivrance de l’homme a été prévue se devoir faire par ma miséricorde.

Vous demandez donc pourquoi j’ai avantagé en prérogatives signalées la Mère de Dieu par-dessus tous les autres, et pourquoi je l’ai aimée par-dessus et au-delà de toutes les créatures : parce qu’en elle a été trouvé un signe signalé et vrai des vertus; car comme le feu s’allume soudain, le bois étant bien disposé, de même le feu de mon amour s’alluma en ma Mère plus ardemment, d’autant qu’elle était mieux disposée : car quand l’amour divin, qui est de soi immuable et éternel, commença d’apparaître et de brûler quand ma Divinité s’incarna, aussi il n’y avait créature plus apte et plus capable de recevoir les flammes de mon amour que la Sainte Vierge, d’autant que pas une n’avait tant de charité qu’elle; et bien que son amour ait été manifesté à la fin des temps, néanmoins, elle avait été connue de toute éternité avant le temps, et de la sorte prédéfinie de toute éternité en la Divinité; que comme pas un ne lui a été semblable en amour, aussi elle n’a point eu d’égal en grâce et en bénédiction.

 

 

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II. Au commencement, avant le temps, j’ai créé les esprits libres, afin qu’ils se réjouissent en moi de ma bonté et de ma gloire selon mes volontés, de quoi quelques-uns, s’enorgueillissant du bien, en tirèrent leur funeste malheur, émouvant leur liberté contre la règle de la raison. Et d’autant qu’il n’y avait rien de mal en la nature ni en la création, sinon le dérèglement de leur propre volonté, qui leur a causé les malheurs éternels, mais quelques esprits choisirent de s’arrêter et de demeurer en humilité avec moi, qui suis leur Dieu, c’est pourquoi ils ont mérité la constance éternelle au bien avec moi, Dieu et esprit incréé, Créateur de toutes choses et leur Seigneur absolu. J’ai aussi des esprits plus épurés et plus agiles que les créatures qui m’obéissent.

Mais d’autant qu’il n’était pas convenable que je souffrisse diminution en mon armée, j’ai créé une autre créature, c’est-à-dire, l’homme, au lieu de ceux qui tombèrent, qui mériterait avec la grâce le libre arbitre et leur bonne volonté, la même dignité que les anges révoltés avaient perdue. Partant, si l’homme avait seulement l’âme et non le corps, il ne pourrait pas avec tant de facilité et de sublimité, mériter un bien si éminent ni pâtir pour cela; partant, afin qu’il obtienne les biens éternels et l’honneur du ciel, le corps a été conjoint à l’âme. C’est pourquoi aussi les tribulations lui sont augmentées, afin que l’homme fasse expérience de sa liberté et de ses infirmités, afin qu’il ne se rende superbe, et d’ailleurs, afin qu’il désire la gloire pour laquelle il a été créé, et paie la révolte qu’il en avait encourue volontairement. C’est pourquoi, par arrêt et décret de la divine Providence, l’entrée, le progrès et la sortie, sont dignes de larmes, et de plus, tant et tant de douleurs les suivent!

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III.
Quant aux bêtes, elles n’ont pas la raison comme les hommes. Tout ce qui est, est ordonné pour l’utilité de l’homme et pour sa nécessité, pour son entretien, pour son instruction, correction, consolation ou humiliation. Si les bêtes brutes avaient la raison, elles serviraient de peine à l’homme, et lui seraient plutôt nuisibles que profitables. Partant, comme toutes choses sont sujettes à l’homme, pour lequel toutes choses ont été faites, toutes choses le craignent, et lui ne craint que moi, son Dieu. Voilà pourquoi la raison n’a point été donnée aux bêtes brutes.

IV. Pourquoi les choses insensibles n’ont-elles point de vie? Tout ce qui vit est sujet à la mort, et tout ce qui vit a mouvement, s’il n’est empêché. Si donc les choses insensibles avaient vie, elles se mouvraient plutôt contre l’homme que pour l’homme. Partant, afin que toutes choses lui fussent en aide et subside, les anges lui sont donnés en garde, avec lesquels il a la raison et l’immortalité de l’âme; mais les choses inférieures, savoir, les choses sensibles, lui sont données pour l’utilité, soutien, doctrine et exercice.

V. Pourquoi tout le temps n’est-ils pas un jour sans ténèbres? Je réponds par un exemple. En tous charriots, il y a des roues subalternes, afin que le poids lourd et pesant soit plus facilement porté, et que les roues de derrière suivent celles de devant. Il en est de même des choses spirituelles. Le monde est un grand fardeau qui accable l’homme par ses soins et ses trop importunes sollicitudes, et n’est de merveilles, car puisque l’homme a eu à dédain le lieu du repos, il était juste qu’il expérimentât le lieu de peine.

 

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Afin donc que l’homme pût supporter le fardeau de ce monde, j’ai voulu miséricordieusement que la vicissitude du jour et de la nuit s’entresuivît, et aussi de l’été et de l’hiver, pour l’exercice et le repos de l’homme, cari il est raisonnable que là où les contraires se rencontrent, savoir, l’affermi à l’infirme, qu’on condescende au faible, afin qu’il puisse se soutenir avec le fort, autrement le faible s’anéantirait. Il en est de même de l’homme, bien qu’en vertu de l’âme immortelle, il puisse continuer en la contemplation et au labeur; néanmoins, il ne pourrait subsister en la vertu du corps, mais il y défaudrait : c’est pourquoi la lumière a été faite, afin que l’homme, participant aux choses supérieures et inférieures, sache et puisse supporter les peines, le jour, et se repentir, la nuit, d’avoir perdu la lumière éternelle. La nuit a aussi été faite pour le repos du corps, afin que nous excitions en nous un ardent désir d’arriver au lieu où il n’y a ni nuit ni peine, mais un jour continuel et une gloire éternelle.

 

 

Chapitre IV.

 

Le Fils de Dieu loue excellemment sa Mère, moralisant cela spirituellement, et la prononçant digne d’une couronne royale.

 

Pour le jour de la Nativité de la Vierge Marie.

 

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Le Fils de Dieu parle, disant : Je suis couronné roi en ma Déité, sans commencement et sans fin. Cette couronne n’a ni commencement ni fin; elle signifie ma puissance, qui n’a rien d’égal. J’ai gardé une autre couronne en moi, couronne qui n’est autre que moi-même. Or, cette couronne a été préparée à l’âme qui aurait une très-grande charité et amour envers moi. C’est vous, ô ma Mère, qui avez emporté, mérité et attiré cette couronne sur vous, par la justice et par l’amour, car les anges rendent témoignage de ceci, et les saints disent que votre charité et votre amour ont été plus ardents envers moi, et votre chasteté plus pure et plus excellente que celle de tous les autres, et elle m’a plu et agréé plus que tous. Votre tête fut comme un or très-reluisant, et vos cheveux comme les rayons du soleil, car votre très-pure virginité, qui est en vous comme le chef des autres vertus, et la continence de tous les mouvements illicites, ont éclaté devant moi, et m’on singulièrement plu avec l’humilité qui les a toujours accompagnées.

C’est pourquoi à bon droit êtes-vous appelée Reine, couronnée sur toutes les créatures qui ont été tirées du néant. Reine êtes-vous à raison de votre pureté, couronnée à raison de votre excellence.

Votre visage a été d’une beauté incomparable et d’une admirable blancheur, qui signifiait la pudeur de votre conscience, en laquelle était la plénitude de la science humaine, et la douceur de la divine Sapience luit en elle sur tous.

Vos yeux furent devant mon Père si lumineux qu’on se mirait en eux, et les yeux de votre âme étaient si éclatants, que mon Père y voyait que votre volonté ne voulait que lui et ne désirait que lui.

 

 

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Vos oreilles furent très-pures et ouvertes comme des fenêtres très-claires, quand Gabriel vous signifia mes vouloirs; et quand moi, Dieu, fus fait chair en vous, vos joues furent lors en la beauté parfaite et agréable, quand la due symétrie et le mélange de deux couleurs, le blanc et le rouge, furent mis en leur lieu, savoir, la renommée de vos bonnes œuvres louables. L’éclat de vos mœurs, qui augmentait de jour en jour, me plut d’une manière qu’on ne peut exprimer.

Certainement, le Père éternel se réjouissait de la beauté de vos mœurs si bien compassées; il n’a jamais détourné les yeux de dessus vous, et par votre charité, tous ont obtenu l’amour.

Votre bouche fut comme une lampe ardente au dedans et reluisante au dehors, d’autant que les paroles et les affections de votre âme furent ardentes au dedans par les feux de la Divinité, et resplendissantes au dehors par la disposition louable de vos mouvements corporels, et par le doux et aimable accord de vos vertus.

En vérité, ô Mère très-chère! La parole de votre bouche a attiré en quelque manière ma Divinité, et la faveur de votre douceur divine ne me séparait jamais de vous.

Votre col est excellemment élevé, car la justice de votre âme est entièrement dressée vers moi, et s’émeut selon mes vouloirs, et elle ne fut jamais portée au penchant de la superbe, car comme le col se tourne sous la tête, de même toutes vos intentions et toutes vos œuvres fléchissaient selon mes désirs.

Votre poitrine fut pleine de la variété, diversité et suavité de toute sorte de vertus, de sorte qu’il semble qu’il n’y a point de bien en moi qui ne soit en vous, d’autant que vous avez attiré en vous tout le bien par la suavité puissante de vos mœurs, lorsqu’il plut à ma Divinité d’entrer en vous, et à mon humanité de demeurer en vous, et de sucer le lait de vos très-chères mamelles.

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Vos bras furent beaux par l’éclat de l’obéissance et par la souffrance et action des bonnes œuvres : c’est pourquoi j’ai voulu que vos mains touchassent et traitassent mon humanité, et j’ai pris mon repos entre vos bras.

Votre sacré ventre fut très-pur comme l’ivoire, et comme un vase enrichi de pierres précieuses, d’autant que la constance de votre conscience et de la foi, ne s’est jamais attiédie ni ne s’est jamais relâchée en la tribulation. Les murailles de ce ventre, c’est-à-dire, de votre foi, furent comme un or très-pur, par lesquelles est marquée la force de vos éminentes vertus : votre prudence, justice et tempérance, avec la parfaite persévérance, car toutes vos vertus ont été parfaites et accomplies par l’amour divin.

Vos pieds étaient très-purs et comme lavés des herbes très-odoriférantes, d'autant que votre espérance et votre amour à mon endroit, visaient droitement à moi, qui suis votre Dieu, et étaient très-odoriférants pour l’édification et l'exemple des autres. Ce lieu donc de votre ventre, tant spirituel que corporel, m’était si désirable, et votre âme m’était si agréable, que je n’ai pas eu horreur, mais plaisir de descendre du plus haut des cieux pour venir en vous et demeurer en vous. Partant, ô ma Mère très-chère, cette couronne qui était gardée en moi, n’est autre que moi, votre Dieu, qui, devant m’incarner, ne pouvait être mise en autre tête qu’en la vôtre, qui est la vôtre, Mère et Vierge, Impératrice de toutes les reines.

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INTERROGATION X .

I. Le même religieux que dessus dit : O Juge, je vous le demande, puisque vous êtes très-puissant, très-beau et très-vertueux, pourquoi avez-vous revêtu la Divinité, incomparablement plus rayonnante que le soleil, du sac de l’humanité?

II. Comment votre Divinité contient-elle et enveloppe-t-elle en elle toutes choses, n’étant contenue de pas une ni de toutes ensemble?

III. Pourquoi avez-vous voulu demeurer si longtemps dans les flancs de votre Mère, et n’avez-vous voulu naître soudain après conception?

IV. Pouvant tout, étant présent partout, pourquoi n’êtes-vous apparu en même posture, comme quand vous aviez atteint l’âge de trente années?

V. N’étant né, selon le Père, de la semence d’Abraham, pourquoi avez-vous voulu être circoncis?

VI. Étant conçu et né sans péché, pourquoi avez-vous voulu être baptisé?

 

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RÉPONSE.

 

Le Juge répondit et lui dit : Mon ami, je vous donne un exemple pour entendre ce que vous demandez : il y a une sorte de raisin dont le vin est si fort qu’il sort lui-même des grappes sans être foulé. Le possesseur des vignes, voyant qu’ils sont venus à la parfaite maturité, met des vases au-dessous, et le vin n’attend pas le vase, mais bien le vase attend le vin. Que si on pose plusieurs vases, le vin s’écoule dans le plus près.

I Ce raisin est ma Divinité, qui est tellement pleine du vin fervent de ma Déité, que tous les cœurs des anges en sont remplis, et que toutes les choses y participent. Mais l’homme, s’étant révolté, s’en était aussi rendu indigne. Puis donc que mon Père voulait montrer son amour au temps qu’il avait choisi de toute éternité, il a envoyé son vin, c’est-à-dire moi, son Fils, dans le vase le plus proche et le mieux préparé, qui attendait avec grands désirs la venue de ce vin. Ce vase était les flancs de la Sainte Vierge Marie, qui eut par-dessus toute autre créature un amour plus fervent. Or, cette Vierge n’aimait autre que moi, et il n’y avait heure où elle ne pensât à moi, désirant d’être faite ma servante, c’est pourquoi elle obtint d’être le vin choisi.

Ce vin eut trois choses : 1° une grande force, car je sortis sans attouchement d’homme; 2° une très-belle couleur, car je suis descendu du ciel pour combattre, étant le plus beau des hommes; 3° une très douce suavité, enivrant des torrents d’une éternelle bénédiction. Ce vin donc, qui est moi, entra dans les flancs de ma Mère. Ainsi, étant Dieu invisible, je me rendis visible, et l’homme perdu fut rétabli en son salut.

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Certainement, je pouvais choisir quelque autre manière de rédemption, mais la justice demandait que la forme fût rendue à la forme, la nature à la nature; que la manière de la satisfaction répondît à la gravité de la faute. Or, quel est celui des sages qui eût pu croire et penser que Dieu tout-puissant se fût tant humilié que de vouloir prendre le sac de l’humanité, si ce n’est qu’il crût que j’avais une charité, un amour immense envers les hommes, voulant, invisible, converser visiblement en mon humanité avec les hommes. Et voyant que la Sainte Vierge brûlait d’un si ardent amour, ma sévérité a été comme vaincue, et réconciliant l’homme à moi, mon amour s’est manifesté. Qu’admirez-vous? Je suis Dieu, la charité même, qui ne hais rien des choses que je fais éclore du néant; et non-seulement j’ai de toute éternité voulu donner à l’homme des choses bonnes, mais moi-même en prix et en récompense, afin que la superbe insupportable des démons fût confuse et confondue.

II. Comment ma Divinité enveloppe-t-elle et contient-elle en soi toutes choses? Je suis Dieu, un Esprit qui dit, et cela est fait, qui commande et tout m’obéit. Je suis celui qui donne à tous l’être et le vivre; qui étais en moi-même avant que je fisse le ciel et la terre; qui suis en toutes choses et au delà de toutes choses. En moi sont toutes choses, et sans moi rien ne serait. Et d’autant que mon Esprit souffle et inspire où il veut et peut tout ce qu’il veut, il sait toutes choses; il est plus prompt et plus agile que tous les esprits, qui ont toute sorte de force et de vertu, voyant d’un clin d’œil le présent et le futur, c’est pourquoi mon Esprit est tout incompréhensible, comprenant toutes choses sans en être compris.

III. Pourquoi ai-je demeuré tant de mois dans les flancs de la Sainte Vierge? Je suis le Créateur de la nature, et j’ai disposé, rangé toutes choses, et leur ai ordonné la manière et le temps de leur naissance. Si donc moi, étant Créateur de toutes choses, j’eusse voulu naître soudain que je fus conçu, j’eusse fait contre la naturelle disposition et ordre que j’avais mis, et on eut pensé que mon humanité fut non en effet, mais fantastique, c’est pourquoi j’ai demeuré dans le sein d’une Vierge tout autant que les autres enfants, afin aussi d’accomplir par moi-même ce que j’avais ordonné avant le temps.

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IV. Pourquoi n’avais-je pas autant de quantité corporelle dès le jour de ma naissance que j’en avais à l’âge de trente ans? Si j’eusse fait cela, tous l’auraient admiré et m’eussent craint, et plusieurs m’eussent plutôt suivi par crainte que par amour. Et commet lors auraient été accomplis les faits et les paroles des prophètes, qui avaient prédit que je naîtrais enfant, que serais mis dans la crèche, que j’y serais adoré par des rois, que je serais offert dans le temple et poursuivi par des ennemis? Donc, pour montrer que j’avais pris une vraie humanité, et que les paroles des prophètes étaient accomplies en moi, je croissais par intervalle de temps, bien qu’en la plénitude de sapience, je fusse aussi grand le jour de ma naissance que le jour de ma mort.

V. Pourquoi ai-je été circoncis? Bien que je ne fusse point de la race d’Abraham selon le Père, je l’étais néanmoins du côté de la Mère, bien que sans péché. Partant donc, ayant fait la loi en ma Divinité, je l’ai voulu accomplir en mon humanité, de peur que mes ennemis ne me calomniassent, disant que j’avais commandé ce que je ne voulais pas accomplir.

VI. Pourquoi ai-je voulu être baptisé? Il est nécessaire que celui qui voudra commencer une nouvelle voie, précède lui-même les autres en la voie. Il avait été donné autrefois au peuple une voie charnelle, savoir, la circoncision en signe d’obéissance et de purification future, qui opérait l’effet d’une grâce future et de la promesse ès personnes fidèles et qui gardaient la loi, avant que la vérité promise, savoir, Jésus-Christ, vînt.

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Mais la vérité étant arrivée, et la loi n’étant qu’une ombre, il a été défini de toute éternité que la voie ancienne se retirerait, puisqu’elle était sans effet. Afin donc que la vérité parût, que l’ombre se retirât, et que la voie plus facile pour aller au ciel fût manifestée, j’ai voulu, étant Dieu et homme, être baptisé pour l’humilité et pour l’exemple de plusieurs, et afin d’ouvrir le ciel aux croyants et aux fidèles; et en signe de ceci, lorsque je fus baptisé, le ciel fut ouvert, la voie du Père fut ouïe, le Saint-Esprit parut en forme de colombe. Moi, Fils de Dieu, j’ai été manifesté être vrai Dieu et homme, afin que les hommes fidèles sachent et croient que le Père éternel ouvre les cieux aux baptisés et aux fidèles. Le Saint-Esprit est avec celui qui baptise. La vertu de mon humanité est dans l’élément, bien que l’opération de mon Père, de moi et du Saint-Esprit, ne soit qu’une et même volonté.

C’est de la sorte que ceci se passa lorsque la vérité fut vue. Moi qui suis la vérité, je dissipai les ombres. L’écorce de la loi étant cassée, le noyau apparut, la circoncision cessa, et le baptême fut confirmé en moi, afin que le ciel fût ouvert aux grands et aux petits, et que les enfants d’ire fussent faits enfants de grâce et de la vie éternelle

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Chapitre V.

 

Jésus-Christ, parlant à son épouse sainte Brigitte, l’instruit de n’être point soigneuse des richesses de la terre, et lui enseigne d’avoir patience au temps de tribulation, et d’avoir la vertu d’un parfait anéantissement et de l’humilité.

 

Le Fils de Dieu parle à son épouse sainte Brigitte, disant : Prenez garde à vous. Et elle répondit : Pourquoi? D'autant, dit Notre-Seigneur, que le monde vous envoie quatre serviteurs, qui vous veulent tromper.

Le premier est le soin importun des richesses. Quand celui-ci viendra, dites-lui : Les richesses sont passagères, desquelles if faut rendre d'autant plus de raison que plus elles abondent. Partant, je ne me soucie point d’elles, car elles ne suivent point le possesseur, mais elles le laissent.

Le deuxième serviteur est la perte des richesses et le dommage des choses données; à celui-là répondez en cette sorte : Celui qui avait donné les richesses, celui-là même les a ôtées, et connaît ce qui m’est convenable; que sa volonté soit faite.

Le troisième serviteur est la tribulation du monde. Dites-lui : Béni soyez-vous, ô mon Dieu! qui permettez que je sois affligée, car je connais, par les tribulations, que je suis à vous! Vous permettez que je sois affligée en ce monde pour me pardonner en l’autre : donnez-moi donc la force et la patience pour souffrir.

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Le quatrième serviteur, ce sont le mépris et les opprobres. Répondez à ceux-là en ces termes : Dieu est seul bon; à lui sont dus tout honneur et toute gloire. Tout ce que j’ai fait est vil et mauvais. Pourquoi me rendrait-on de l’honneur, puisque je suis digne d’opprobres, car toute ma vie n’a fait quasi que blasphémer Dieu? Ou bien : A quoi me profite l'honneur plus que l’opprobre, sinon qu’il excite ma superbe, diminue mon humilité et me fait oublier Dieu? Partant, que tout honneur et gloire soient à Dieu!

Soyez donc forte et constante contre les serviteurs de Dieu, et aimez-moi, moi qui suis votre Dieu.

 

INTERROGATION XI.

 

I. Le même religieux apparut, disant : O Juge, je vous le demande, puisque vous êtes Dieu et homme, pourquoi n’avez-vous pas manifesté votre Divinité comme votre humanité, et lors tous eussent cru en vous?

II. Pourquoi ne nous avez-vous pas fait entendre votre parole en un point, et il n’eût point été nécessaire de prêcher de temps en temps?

III. Pourquoi n’avez-vous pas fait tous vos ouvrages en une heure?

IV Pourquoi votre corps ne crût-il pas tout d’un coup?

V. Pourquoi en la mort n’avez-vous pas montré la puissance de votre Divinité? Ou bien, pourquoi n’avez-vous pas montré les justes rigueurs de votre justice sur vos ennemis, quand vous dîtes : Toutes choses sont consommées?

 

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RÉPONSE.

 

I. Le Juge répondit et dit : O mon ami, je réponds à vous, et je ne vous réponds pas. Je vous réponds, afin que la malice de votre pensée soit connue aux autres. Je ne vous réponds point, d'autant que ces choses ne sont pas manifestées pour votre profit, mais bien pour l’utilité des futurs et des présents, et l'avertissement des âmes, car vous ne prétendez pas changer votre malice. C’est pourquoi vous ne passerez pas de votre mort en la vie, car en votre vie, vous haïssez la vraie vie, car comme il est écrit : Toutes choses coopèrent à bien aux saints, et que Dieu ne permet rien sans raison, je vous réponds donc, non certes à la manière humaine, puisque nous traitons entre nous des choses spirituelles; mais expliquons vos pensées et vos affections par des similitudes, afin qu’on comprenne ma réponse.

Vous demandez donc pourquoi je n’ai montré ma Déité à découvert, comme j’ai manifesté mon humanité; je réponds : D'autant que ma Divinité est spirituelle et mon humanité corporelle; néanmoins la Déité et l’humanité sont inséparables dès le point de leur union; ma Déité est incréée, et tout ce qui est en elle, et par elle toutes choses sont créées, et en elle sont toute beauté et toute perfection. Si donc une beauté et une perfection si grandes étaient manifestées à des yeux si bourbeux, qui la pourrait soutenir, puisqu’on ne peut supporter l’éclat du soleil matériel? Puisque les éclairs qui précèdent le tonnerre et le bruit de la foudre nous est insupportable, à combien plus forte raison la lumière et la source de toute lumière, l’éclat essentiel affaiblirait-il nos yeux!

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C’est donc pour deux raisons que ma Déité ne s’est point manifestée clairement : 1° pour l’infirmité humaine, qui ne pouvait la supporter, vu que nos yeux corporels sont de substance terrestre, car si l’œil corporel voyait la Divinité, il se fondrait comme la cire devant le feu; voire si l’âme avait cette faveur de voir la Déité, le corps se fondrait et s’anéantirait comme de la cendre. 2° A raison de ma divine bonté et de sa constante stabilité, car si je montrais aux yeux corporels ma Divinité, qui est plus incomparativement luisante que le soleil et le feu, je ferais contre moi-même qui ai dit : L’homme ne me verra point et vivra; ni même les prophètes ne m’ont pas vu comme je suis en la Divinité; que même eux, oyant la voix de ma Divinité et voyant la montagne fumante, s’épouvantaient, disant : Que Moïse nous parle, et nous l’écouterons : c’est pourquoi, moi Dieu de miséricorde, afin que l’homme m’entendît mieux, je me suis montré à lui en quelque forme intelligible qui pouvait être vue et ressentie, savoir est en mon humanité, en laquelle ma Divinité est, mais comme voilée, de peur que l’homme ne fût épouvanté par une forme dissemblable; car moi, en tant que Dieu, n’étant point corporel, je ne puis être figuré corporellement, c’est pourquoi j’ai voulu pouvoir être ouï et vu par les hommes en mon humanité.

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II. Pourquoi n’ai-je pas dit toutes mes paroles en une fois? Comme il est naturellement contraire au corps qu’il reçoive en une heure toute la viande qui suffirait à plusieurs années, aussi est-il contre la divine disposition que mes paroles, qui sont la viande de l’âme, soient dites en une heure. Mais comme la viande corporelle est prise peu à peu afin d’être mâchée, et étant mâchée, est avalée dans les intestins, de même mes paroles ne devaient être dites en une heure, mais devaient être dites par intervalles de temps, selon l’intelligence d’un chacun, afin que ceux qui sont affamés d’entendre la parole divine, fussent rassasiés, et étant rassasiés, fussent excités et élevés à des choses plus éminentes.

III. Pourquoi n’ai-je pas fait toutes mes œuvres tout d’un coup? Ceux qui me voyaient en la chair croyaient en moi en partie, en partie non. Il était nécessaire que ceux qui croyaient en moi, fussent instruits de temps en temps par paroles, excités par exemples, et confirmés par bonnes œuvres. Et il était juste que, quant à ceux qui ne croyaient point en moi, l’effet de leur malice fût manifesté, et qu’il leur fût déclaré que je les tolère autant que ma justice le permet.

Si donc j’eusse fait toutes mes œuvres d’un seul coup, tous m’auraient plutôt suivi par l’esprit de crainte que par l'esprit d’amour. Et encore, comment le mystère ineffable de la rédemption humaine se fût-il accompli? Comme donc, au commencement de la naissance du monde, toutes choses ont été faites à heures ordonnées, et en manières réglées en l’ordre de ma divine providence, bien que toutes les choses qui se faisaient dans les règles des vicissitudes du temps, fussent en ma Déité et en ma présence sans vicissitude, de même, en mon humanité, toutes choses doivent être faites distinctement et raisonnablement pour le salut et l’instruction de tous.

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IV. Le Saint-Esprit, qui est de toute éternité dans le Père, et en moi, son Fils, montra aux prophètes ce que je devais faire, venant en la chair, et ce que je devais pâtir. Partant, il a plu à la Divinité que je prisse un tel corps, dans lequel je pusse travailler du matin jusques au soir, et d’un an à un autre, jusques à la fin de ma vie. Afin donc que les paroles ne semblent vaines, voire moi-même, j’ai pris un corps semblable à Adam, sans péché néanmoins, afin d’être semblable à ceux que je rachetais, et afin que, par mon amour, l’homme qui s’était éloigné de moi fût ramené; étant mort, fût ressuscité; vendu, fût racheté.

V. Pourquoi n’ai-je pas montré les pouvoirs infinis de ma Divinité, et que j’étais vrai Dieu, quand je dis en la croix : Tout est consommé? Tout ce qui avait été écrit de moi devait être accompli; et partant, je l’ai voulu accomplir jusques au dernier point; mais parce que plusieurs choses avaient été prédites de la résurrection et de mon ascension, voire il était nécessaire que ces choses eussent effet. Si donc en ma mort, la puissance de ma Divinité eût été manifestée, qui eût osé me déposer de la croix et m’ensevelir?

Enfin, ce serait bien peu de descendre de la croix, d’avoir renversé et puni ceux qui me crucifiaient, comment les prophéties auraient-elles été accomplies, si j’en fusse descendu? Où se serait manifestée la vertu de ma patience invincible? Eh quoi! vous vous trompez : quand je serais descendu de la croix, tous se seraient-ils convertis? N’auraient-ils pas dit que j’aurais fait cela d’un art magique? car s’ils s’indignaient de ce que j’avais ressuscité les morts, guéri les malades, ils en auraient bien dit d’autres, si je fusse descendu de la croix. J’ai voulu être pris, afin que le captif fût affranchi; et afin que le coupable fût délié, j’ai voulu être attaché en croix, et par ma constance à demeurer en la croix, j’ai rendu constantes toutes les choses inconstantes, et ai affermi la faiblesse.

 

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Chapitre VI.

 

Jésus-Christ, Fils de Dieu, parlant à sainte Brigitte, l’instruit, disant que le repos de l’esprit et la vie éternelle sont acquis en la vie spirituelle, en la peine et la persévérance généreuse, en acquiesçant avec humilité au conseil de l’ancien, et en résistant fortement aux tentations. Il en apporte un exemple de Jacob, qui servit pour Rachel : car à quelques-uns arrivent, au commencement de leur conversion, de fortes tentations contre la vie spirituelle, à quelques autres, au milieu et à la fin. Et partant, il faut craindre et persévérer avec humilité jusques à la fin, en l’acquisition des vertus et au travail.

 

Le Fils de Dieu parle : Il est écrit que Jacob servit pour avoir Rachel en épouse; et les jours lui semblaient courts, à raison de la grandeur de l’amour qu’il lui portait, d’autant que la ferveur de l’amour soulageait ses peines. Mais Jacob, pensant jouir du fruit de ses peines, fut déçu et trompé; néanmoins, il ne cessa point de servir pour avoir Rachel. Certes, l’amour ne se plaint jamais des difficultés, jusqu’à ce qu’il ait acquis ce qu’il désire : de même en est-il dans les choses spirituelles, car plusieurs, pour obtenir le ciel, travaillent généreusement en prières et en œuvres pies; mais hélas! lorsqu’ils pensent arriver au sommet d’une sublime contemplation, ils se trouvent accueillis d’un monde de tentations importunes, et assaillis d’une armée de tribulations; et lors, là où ils pensaient être parfaits, ils se trouvent en tout imparfaits, ni n’est pas merveille, car ces tentations nous font voir clair en nous-mêmes, nous éprouvent, nous purifient; d’où vient aussi que ceux qui sont assaillis par les tentations au commencement, sont, dans le progrès et à la fin, solides en leur dévotion. D’autres sont rudement tentés au milieu et à la fin, et ceux-là prennent soigneusement garde à eux-mêmes, et ne présument jamais d’eux-mêmes, mais travaillent avec plus de courage, comme Laban disait à Jacob : La coutume est de prendre pour femme la fille aînée; comme s’il disait qu’il faut plutôt exercer la peine, et puis, on jouira du repos tant désiré.

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Partant, n’admirez plus, ô ma fille, si les tentations croissent, même en la vieillesse, car comme il est licite de vivre, de même il est possible d’être tenté, car le diable ne dort jamais. Et certes, la tentation est occasion pour arriver à la perfection, afin que l’homme ne présume de soi; je vous en montre un exemple de deux personnes : l’un fut rudement tenté au commencement de sa conversion; il persista, il profita, et il a acquis ce qu’il désirait; l’autre, en sa vieillesse, a expérimenté de grandes tentations, lesquelles il aurait pu avoir en sa jeunesse, et par lesquelles il fut si enveloppé qu’il oublia toutes les premières tentations. Mais d’autant qu’il a suivi le conseil d’autrui en ses tentations, et n’a point laissé ses exercices, bien qu’il se soit senti froid et lâche, il est néanmoins parvenu au comble de ses désirs et au repos de l’esprit, connaissant en soi-même que les jugements de Dieu sont occultes et justes, et que, si les tentations ne l’eussent agité, à grand’peine serait-il parvenu au salut éternel.

 

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INTERROGATION XII.

 

I. Le même religieux apparut, disant : O Juge, je vous demande pourquoi vous avez voulu naître d’une vierge que d’une autre qui ne le fût pas.

II. Pourquoi n’avez-vous pas montré par un signe visible, que votre Mère était mère et vierge pure?

III. Pourquoi avez-vous tant caché votre naissance qu’elle a été connue de si peu de gens?

IV. Pourquoi, pour un Hérode avez-vous fui en Égypte, et pourquoi avez-vous permis que les enfants innocents aient été massacrés?

V. Pourquoi permettez-vous qu’on vous blasphème, et que la fausseté prévale sur la vérité?

 

 

RÉPONSE.

 

I. Le Juge repartit : O mon ami! j’ai mieux aimé naître d’une vierge que d’une qui ne le fût pas, car à moi, Dieu très-pur, les choses très-pures me conviennent; car tout autant de temps que la nature de l’homme a persisté en l’état de sa création, il n’est rien de difforme; mais ayant enfreint le commandement de Dieu, soudain il fut honteux et confus, comme il arrive à ceux qui offensent leurs seigneurs temporels, qui ont honte des choses par lesquelles ils ont offensé. La honte donc d’avoir enfreint la loi ayant saisi leur esprit, soudain de là sont sortis les mouvements déréglés, et particulièrement ès parties qui avaient été instituées pour un plus grand fruit. Dieu néanmoins, par sa bonté infinie, pour ne pas perdre le fruit de son intention, a institué le mariage, d’où la nature a fructifié. Mais d’autant qu’il est plus glorieux de faire par-dessus le commandement, ajoutant par charité le bien qu’on peut faire, c’est pour la même raison qu’il a plu à Dieu de choisir la chose la plus pure et la plus charitable pour l’exécution de son œuvre, et c’est la virginité. Certainement, il y a plus de vertu et de gloire d’être dans le feu des tribulations et ne se brûler point, que d’être sans feu, et vouloir être couronné.

 

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Or, maintenant, d’autant que la virginité est une espèce de voie très-belle qui conduit au ciel, et le mariage est seulement la voie, partant, il était très-raisonnable que moi, Dieu très-pur, je me reposasse dans le sein d’une très-pure vierge, afin que, comme le premier homme a été fait de terre qui était vierge en quelque manière, d’autant qu’elle n’avait point été polluée par le sang; et d'autant qu’Adam et Ève péchèrent par la gloutonnerie, mangeant le fruit défendu, la nature demeurant en son entier pouvoir d’engendrer, de même j’ai voulu me retirer en un réceptacle très-pur, afin que, par ma bonté, toutes choses fussent réformées et comme rétablies par moi en un meilleur état.

II. Pourquoi ne vous ai-je pas montré par des signes évidents que ma Mère était vierge et mère? J’ai déclaré aux prophètes tous les mystères de mon ineffable incarnation, afin qu’ils fussent crus avec autant d’assurance qu’ils avaient été prédits de loin. Or, que ma très-chère Mère fût vierge et mère tout ensemble, le témoignage de saint Joseph suffit pour le prouver, de saint Joseph, qui a été gardien et témoin fidèle de sa virginité. Bien que sa virginité eût été montrée par un miracle évident, néanmoins, les blasphèmes des méchants et des infidèles n’eussent point cessé pour cela, puisqu’ils ne croient point que la Sainte Vierge ai conçu par la puissance divine, ne considérant pas que cela m’est très-facile, plus facile que le soleil ne perce la vitre. Voire même la justice divine voulut que le mystère ineffable de l’incarnation fût caché au diable, et qu’il fut révélé aux hommes au temps de grâce.

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Or, maintenant, je vous dis que ma Mère est vraiment vierge et mère. Et comme, en la création d’Adam et d’Ève, admirable fut la puissance de la Divinité, et que leur cohabitation fut de la délectable honnêteté, de même, en l’approche de ma Déité à la Sainte Vierge, admirable fut ma bonté, d’autant que mon incompréhensible Déité descendit dans le vase tout clos, sans aucune fracture ni violence. Ma demeure agréable fût encore en icelui, car moi, Dieu, étais enclos dans l’humanité, qui étais partout par ma Divinité admirable. Là, admirable fût aussi ma puissance, d’autant que moi, Dieu, je sortais d’un ventre corporel, gardant inviolable le cloître de la virginité; et d'autant que l’homme croyait difficilement, et que ma très-chère Mère était très-amie de l’humilité, il m’a plu de cacher pour quelque temps sa beauté et ses perfections, afin que la Mère eût quelque mérite d’être couronnée avec plus d’avantages et de perfections, et que moi, Dieu éternel, fusse plus glorifié en ce temps-là, où je voulais accomplir mes promesses, pour le mérite des bons et pour la peine des mauvais.

 

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III. Pourquoi n’ai-je pas montré ma naissance aux hommes? Bien que, dit Jésus, le diable ait perdu la dignité éminente de sa première condition, il n’a pas pourtant perdu sa science, qui lui a été conservée pour la probation des bons et à sa propre confusion. Afin donc que mon humanité crût et arrivât au temps déterminé avant le temps, il fallait cacher au diable le mystère de ma piété. J’ai voulu encore venir caché pour débeller le diable, et ai voulu être méprisé pour convaincre l'arrogance des hommes et la ravaler. En vérité, les maîtres mêmes de la loi, en lisant les livres, me connaissaient et me méprisaient, d’autant qu’ils me voyaient humble; et parce qu’ils étaient superbes, ils n’ont pas voulu ouïr ma vraie justice, qui est en la foi de ma résurrection. C’est pourquoi ils seront confus, quand le fils de perdition viendra en superbe. Que si je fusse venu très-puissant et très-honorable, comment le superbe et l’arrogant se fût-il humilié? ou bien, comment l’orgueilleux entrera-t-il dans le ciel? point, car je suis venu avec l’humilité, afin que l’homme l’apprît, et je me suis caché aux superbes, d’autant qu’ils n’ont voulu ni entendre ni comprendre ma divine justice ni leurs infirmités.

IV. Pourquoi ai-je fui en Égypte? Avant qu’on eût enfreint mon commandement, il y avait une voie large et lumineuse qui conduisait au ciel; large en l’abondance et la multiplicité des vertus signalées; lumineuse en la sapience divine et en l’obéissance d’une bonne volonté. La volonté donc s’étant changée, il y eut deux voies : l’une conduisait au ciel, et l’autre en éloignait; l’obéissance conduisant au ciel, et la rébellion séduisait. Mais parce que l’élection du bien ou du mal, savoir, obéir ou désobéir, était au libre arbitre, celui-là pèche, quand il veut autrement que je ne veux. Afin donc que l’homme fût sauvé, il fut juste et digne que quelqu’un vînt qui le rachetât, qui eût l’obéissance parfaite et l’innocence, auquel il puisse témoigner l’amour qu’il lui porte, ou bien sa haine. Pour racheter l’homme, il ne fallait pas envoyer un ange, car moi, qui suis Dieu, ne donne point mon honneur et ma gloire à autrui, ni ne s’est point trouvé homme qui me pût apaiser pour soi et moins pour les autres. C’est pourquoi, moi, Dieu juste, suis venu justifier les hommes.

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Quant à ce que j’ai été en Égypte, en cela l’infirmité de mon humanité a été manifestée, et la prophétie a été accomplie, et j’ai donné l’exemple à la postérité qu’il faut quelquefois éviter et fuir la persécution pour un plus grand honneur et gloire de Dieu; mais d’autant que j’étais sollicité et recherché par ceux qui me poursuivaient, le conseil divin a prévalu sur l’humain. Certes, il n’est pas facile de batailler contre Dieu.

Quant à ce que les enfants ont été massacrés, cela était la figure de ma passion, le mystère des appelés et le symbole de l’amour divin; car bien que les enfants n’aient porté témoignage de moi par parole, ils en ont pourtant donné par la mort fort convenablement à mon enfance. Certes, il avait été prédit que la louange divine s’accomplirait par le sang des innocents, car bien que la malice des injustes les ait injustement affligés, ma permission néanmoins, toujours juste et bénigne, les a exposés justement à la mort, pour montrer la malice des hommes, les conseils incompréhensibles de ma Divinité et la grandeur de ma piété. Si donc, dans les enfants, la malice injuste s’est montrée furieuse, là même ma miséricorde et le mérite ont surabondé; et là où la langue manqua, la confession et l’âge, là le sang répandu rendait le bien tout parfait.

 

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V. Pourquoi je permets qu’on me blasphème. Il est écrit que David, roi et prophète, fuyant la persécution de son fils déloyal, un quidam (Semeias) le maudit au chemin, et ses serviteurs voulant tuer ce médisant, il le défendit par deux raisons : 1° d'autant qu’il espérait sa conversion; 2° d'autant qu’il considéra son infirmité propre, son péché, et la folie de celui qui le maudissait; et enfin, il considéra la patience de Dieu en son endroit et sa divine bonté.

Je suis ce David figuré. L’homme me poursuit comme un serviteur son maître, me chassant de mon royaume par ses mauvaises œuvres, c’est-à-dire, de l’âme que j’avais créée, qui est mon royaume. Enfin, il m’appréhende en jugement comme injuste; il me blasphème aussi, d'autant que je suis patient; mais parce que je suis doux, je souffre leur folie, et d'autant que je suis Juge, j’attends leur conversion jusques au dernier période de leur vie. Enfin, d'autant que l’homme croit plutôt la fausseté que la vérité, qu’il aime plus le monde que moi, son Dieu, c’est pourquoi il n’est pas de merveille si le méchant est toléré en sa méchanceté, puisqu’il ne veut chercher la vérité ni le repentir de son iniquité.

Jésus-Christ, parlant à son épouse, loue la fréquente confession, afin que l'homme, la fréquentant, ne perde la grâce que Dieu lui a donnée.

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Chapitre VII.

 

Le Fils de Dieu parle : En la maison où il y a du feu, il est nécessaire qu’il y ait quelque ouverture afin que la fumée sorte, et que le maître de la maison jouisse de la chaleur du feu sans incommodité : de même celui qui désire conserver mon Saint-Esprit et ma grâce, il est utile qu’il se confesse souvent, afin que les fumées des péchés s’évaporent, car bien que mon Saint-Esprit soit en soi immuable, il se retire néanmoins dès qu’on ne se confesse avec humilité.

 

 

Chapitre VIII.

 

Jésus-Christ parle à son épouse, disant que, quant aux hommes qui se plaisent dans les choses charnelles et dans les délices terrestres, qui méprisent les désirs célestes, l’amour divin et la mémoire de ma passion et du jugement éternel, leur oraison est comme la collision de deux pierres, et ils sont jetés de devant Dieu abominablement, comme des abortifs et des souillés.

 

Celui-là dont nous avons parlé ci-dessus, chantait : Délivrez-moi, ô Seigneur, de l’homme mauvais. Cette voix m’est autant agréable que le son qui résulte de la collision de deux pierres, car son cœur crie à moi comme de trois voix.

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La première voix dit : Je veux avoir ma volonté en ma main, dormir, me lever et avoir mes plaisirs. Je donnerai à la nature ce qu’elle désire. Je désire avoir de l’argent en la bourse, la mollesse des vêtements. Quand j’aurai cela, je m’estimerai plus heureux que si j’avais tous les autres dons et les vertus spirituelles de l’âme.

La deuxième voix dit : La mort n’est pas trop dure; le jugement n’est pas si sévère qu’il est écrit. On nous menace de grandes peines par finesse, et on donne moins que tout cela par la miséricorde; mais que je puisse faire ma volonté en cette vie, mon âme ira où bon lui semblera.

La troisième voix dit : Dieu n’aurait point racheté l'homme, s’il ne lui voulait pas donner le paradis, ni il n’aurait pas pâti, s’il ne voulait pas nous ramener en la patrie. Ou bien, pourquoi aurait-il pâti, ou qui l’aurait contraint à ce faire? Je n’entends point les choses célestes, si ce n’est par l’ouïe, et je ne sais si je dois croire aux Écritures. Si je pouvais accomplir mes volontés, ce serait mon fait, et je les recevrais au lieu du ciel.

Telle est la volonté de cet homme misérable; c’est pourquoi son oraison est à mes oreilles comme le son qui résulte de la collision de deux pierres. Mais, ô mon ami! je réponds à la première voix : Votre voie ne tend point au ciel, ni ma passion amoureuse n’est pas à votre goût. C’est aussi pour cela que l'enfer vous est ouvert; et d’autant que vous aimez les choses infimes et terrestres, vous irez au plus bas des fondrières de l’enfer.

Je réponds à la deuxième voix : Mon fils, la mort vous sera très-dure, le jugement intolérable et la fuite impossible, si vous ne vous amendez.

A la troisième voix, je vous dis : Mon frère, j’ai fait toutes mes œuvres par l’esprit et mouvement de charité, afin que vous me fussiez semblable, et que, vous étant retiré de moi, cette ressemblance vous servît pour retourner à moi. Or, maintenant, mes œuvres sont mortes en vous; mes paroles vous sont fâcheuses, et vous méprisez ma vie, c’est pourquoi il ne vous reste que le supplice pour récompense, et la compagnie de la furie des démons pour récréation, d’autant que vous me tournez le dos, que vous foulez aux pieds les signes de mon insigne humilité, et ne considérez pas comment j’ai été mis pour vous et devant vous sur un gibet.

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Certainement, j’ai été en la croix en trois manières pour l'amour de vous : 1° comme un homme dont un couteau percerait l’œil; 2° comme un homme dont une épée percerait le cœur; 3° comme un homme, les membres duquel trembleraient par l’appréhension d’un déluge de tribulations qui va fondre sur lui. Certes, ma passion m’était plus amère que les coups qu’on donnait à mes yeux; néanmoins, je les pâtissais très-amoureusement. La douleur aussi de ma Mère a plus ému mon cœur que la mienne propre : toutefois, je souffris le tout par amour. En vérité, tous mes membres et tout ce qui est en moi d’extérieur et d’intérieur, tremblèrent, ma passion s’approchant. Tout cela néanmoins ne me fit pas reculer d’un seul point, et c’est de la sorte que j’ai souffert pour l’amour de vous! Et vous, hélas! vous oubliez tout, vous négligez et méprisez tout. C’est pourquoi vous serez rejeté comme abortif et comme souillé.

 

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INTERROGATION XIII.

 

I. D’ailleurs, le même religieux apparut en même lieu que dessus, disant : O juge, je vous le demande, pourquoi votre grâce est-elle plutôt soustraite aux uns qu’aux autres? Pourquoi plusieurs sont-ils longtemps tolérés en leurs méchancetés?

II. Pourquoi quelques-uns sont-ils prévenus des grâces dès leur enfance, et quelques autres en sont-ils privés en leur vieillesse?

III. Pourquoi quelques-uns sont-ils affligés outre mesure, et quelques autres sont-ils quasi à l’abri des tribulations?

IV. Pourquoi est-il donné à quelques-uns un entendement grandement et incomparablement docile, et pourquoi d’autres sont-ils comme des âmes sans entendement?

V. Pourquoi quelques-uns sont-ils trop endurcis, et d’autres sont-ils gratifiés de contemplations indicibles?

VI. Pourquoi est-il donné aux mauvais une plus grande prospérité en ce monde qu’aux bons?

VII. Pourquoi l’un est-il appelé au commencement, l’autre à la fin?

 

 

RÉPONSE

 

I. Le Juge répondit : Mon ami, toutes les œuvres exécutées dans le temps sont de toute éternité en ma prescience, et tout ce qui a été fait pour le soulas et consolation des hommes, est créé. Mais d'autant que l'homme préfère sa volonté à ma volonté, c’est pour cela aussi que, de droit, les biens lui sont ôtés, bien qu’ils lui aient été donnés gratuitement, afin que, par-là, l’homme apprenne que tout ce qui est juste et raisonnable vient de Dieu; et d’autant que plusieurs sont ingrats de mes grâces et en sont autant indévotieux que plus les dons leur sont multipliés, c’est pour cette raison aussi que les
dons leur sont soudain ôtés, afin que les conseils de ma Divinité soient plus promptement manifestés, et afin que l'homme n’abuse de mes grâces à sa plus grande condamnation.

 

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Je tolère quelques-uns longtemps en leur malice, d'autant qu’entre leurs malheurs, ils ont quelque chose de tolérable. Car de fait, ou ils profitent aux autres ou les tiennent sur leurs gardes, comme il arriva à Saül, quand il était repris par Samuel, qui semblait avoir bien peu péché devant le peuple, et David semblait avoir offensé beaucoup. Néanmoins, quand l’épreuve arriva, Saül fût rebelle, se révolta contre moi, et consulta la pythonisse; mais David se rendit plus fidèle au temps de tentation, souffrant avec patience les injures qu’on vomissait sur lui, et croyant que cela lui arrivait justement pour ses péchés. En cela donc que j’ai souffert patiemment Saül, c’est en cela que son ingratitude se montre, et la puissance de ma Divinité se manifeste. Or, que David soit élu, en cela se montrent ma prescience et l’humilité future de David et sa contrition.

II. Pourquoi la grâce est-elle ôtée à quelques-uns en la vieillesse? La grâce est donnée à un chacun, afin que l’auteur de la grâce soit aimé. Mais d'autant que plusieurs en sont ingrats à la fin de leur vie, comme Salomon, c’est aussi que, pour cela, il est juste et raisonnable qu’elle leur soit ôtée à la fin, puisqu’ils ne l’ont point gardée avant la fin. Et de fait, mes dons et mes grâces sont quelquefois ôtés à ceux qui les avaient, à raison de leur négligence, car ils ne considéraient pas ce qu’ils ont reçu et ce qu’il faillait rendre, et quelquefois aussi, pour tenir en avertissement les autres, afin que celui qui est en grâce craigne toujours et craigne la chute des autres, parce que les sages sont tombés par négligence, et encore ceux qui semblaient mes amis ont été supplantés par l’ingratitude.

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III. Je suis le Créateur de toutes choses, et aucune affliction ne vient sans ma permission, comme il est écrit : Je suis Dieu, créant le mal, qui n’afflige pas même les païens sans ma permission et sans juste sujet, car mes prophètes ont prédit plusieurs choses des adversités des Gentils, afin que les négligents et ceux qui abusent de la raison, fussent instruits par les verges; afin que, par ma permission, je fusse connu de tous et fusse glorifié de toutes les nations. Si donc je ne pardonne pas les païens de fouets, moins pardonnerai-je à ceux qui ont largement goûté de mes douceurs divines.

Quant à ce que la tribulation est plus grande aux uns qu’aux autres, je permets cela, afin que les hommes se retirent du péché, et par la tribulation présente, obtiennent la consolation en l’autre vie; d’autant que tous ceux qui sont jugés et se jugent en cette vie, ne seront point au jugement futur, d'autant qu’ils passeront de la mort à la vie. Quant à ce que quelques-uns sont assistés en ce qu’en leurs afflictions, ils ne murmurent jamais, c’est afin qu’ils ne tombent en un plus grand et plus rude jugement, d'autant qu’il y en a qui ne méritent point d’être affligés en ce monde.

Il y en a certainement d’autres qui, en cette vie, ne sont affligés ni au corps ni en l’esprit, qui vivent avec autant d’assurance que s’il n’y avait point de Dieu pour les punir, ou bien par l’appui qu’ils ont en leurs œuvres, Dieu leur pardonne, car certainement, il est à craindre et est digne de compassion que je ne leur pardonne, et les épargne tellement en cette vie, qu’ils ne soient damnés en l’autre.

 

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Quelques autres ont la santé corporelle, et sont affligés en l’âme du mépris du monde. D’autres ne jouissent ni de la santé du corps ni de la consolation intérieure de l’esprit, et néanmoins, ils persévèrent de tout leur pouvoir en mon service et la recherche de mon honneur. Quelques autres sont affligés dès le ventre de leur mère jusques au dernier période de leur vie, par des infirmités importunes, lesquelles je leur dispose, afin que rien ne se fasse en eux sans mérite et sans raison. Certainement, les yeux de plusieurs sont ouverts dans les tribulations fâcheuses, qui étaient endormis avant les tentations et dans la prospérité.

IV. Pourquoi quelques-uns ont-ils meilleur esprit que les autres? Il ne profite de rien d’avoir un meilleur esprit et une plus grande intelligence, si on n’est reluisant en bonne vie; voire il serait plus profitable de n’avoir pas tant de science et avoir meilleure vie. Partant, j’ai modéré et mesuré le savoir à un chacun, avec lequel il se peut sauver, s’il vit avec autant de piété. Néanmoins, la science est dissemblable en plusieurs, selon la naturelle et spirituelle disposition, car comme l'homme, par la divine ferveur et les solides vertus, profite dans les progrès de la perfection, de même, par la mauvaise volonté, la mauvaise disposition de la nature, par la mauvaise éducation et la mauvaise nourriture, l'homme s’écoule dans les malheurs et s’élève dans les vanités, et la nature défaut dans l’effort du péché.

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Ce n’est donc pas sans sujet que la science est grande en plusieurs, mais inutile, comme en ceux qui ont du savoir, mais non pas une bonne vie. En d’autres, la science est petite, mais l’usage en est meilleur. En quelques-uns, la science et la vie s’accordent, et en d’autres, la vie ni la science ne s’accordent point. Cette variété arrive de ma disposition divine pour l’utilité de l'homme, ou pour son humiliation, ou pour son instruction à mieux vivre. A quelques-uns cela arrive à raison de leur ingratitude et tentation, quelquefois à cause de la défectuosité de la nature et des péchés cachés. Dieu le permet encore pour éviter qu’on ne tombe en de grands péchés, et quelquefois parce que la nature n’a point aptitude à de plus grandes choses.

Que tout homme donc qui a la grâce d’intelligence et de science, craigne que de là il ne soit plus rudement jugé, s’il en est plus négligent à bien faire et pire en ses mœurs. Mais que celui qui n’a pas tant d’esprit ni de subtilité, se réjouisse d’en avoir peu, et qu’il opère avec celui-là autant qu’il pourra, car le libertinage est cause ou occasion de ruine à plusieurs. Saint Pierre l’apôtre, en sa jeunesse, fût fort oublieux; saint Jean était idiot; mais en leur vieillesse, ils ont appris la vraie sapience, la recherchant dans le principe de la sapience. Salomon était docile dès sa jeunesse, Aristote subtil; ils n’ont pas embrassé la source et l’auteur de la sapience, ni n’ont pas glorifié l'auteur de la sapience comme ils devaient, ni n’ont pas suivi ce qu’ils savaient, et n’ont pas appris pour eux, mais pour les autres. Mais même Balaam a eu la science, qu’il n’a pas suivie, c’est pourquoi son ânesse reprit sa folie, et Daniel, jeune enfant, jugeait les anciens. Certainement, les lettres ne me plaisent point sans la bonne vie. Partant, il est nécessaire que ceux qui abusent des sciences, soient repris, car moi, qui suis le Dieu de tous et leur Seigneur, je donne la science aux hommes, et je corrige les sages et les fous.

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V. Pourquoi quelques-uns s’endurcissent-ils? Pharaon fut endurci par sa faute, d'autant qu’il ne voulait pas se conformer à ma divine volonté, car l’endurcissement n’est autre chose que la soustraction de ma grâce, laquelle je retire, d'autant que l’homme n’attribue pas à moi les biens d’icelle, ce qu’il pourrait faire ayant le libre arbitre, comme vous l’entendrez par un exemple d’un champ fructueux et d’un champ infructueux.

Il y avait un homme qui possédait deux champs, l’un desquels était inculte; l’autre fructifiait en certain temps. Son ami lui dit : Je m’émerveille qu’étant sage et riche, vous ne cultiviez pas mieux vos champs, ou pourquoi vous ne les baillez à cultiver à quelque autre. Il répondit : Quelque diligence que j’y apporte, ce champ ne produit que de mauvaises herbes; les bêtes venimeuses l’occupent, le salissent et le rendent épouvantable. Si je le fume, il est pire; s’il y arrive quelque peu de blé, la zizanie l’étouffe tout, et c’est ce qui fait que je ne moissonne point, d’autant que je désire cueillir du blé qui soit pur. Il m’est donc plus profitable de laisser ce champ tout inculte, car pour le moins, lors les bêtes venimeuses n’occuperont point ce lieux-là, ni ne se cacheront point dans les herbes. Que s’il y arrive quelques herbes amères, elles seront utiles aux brebis, en tant qu’ayant goûté leur amertume, elles apprendront à ne pas se dégoûter des bonnes.

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L’autre champ est disposé selon le tempérament des temps et saisons; l’une de ses parties est pierreuse et a besoin d’être fumée, et l’autre humide, et elle a besoin de chaleur; l’autre sèche, elle désire l’humidité; partant, je la veux cultiver selon ses tempéraments.

Moi, Dieu, je suis semblable à cet homme. Le premier champ signifie le mouvement libre de la volonté donnée à l’homme, qui s’émeut plus contre moi que pour moi; que si elle me plaît en quelque chose, elle me déplaît en plusieurs, d’autant que la volonté de l’homme et la mienne ne s’accordent point. De même en fit Pharaon, qui, connaissant par certains signes ma puissance, néanmoins endurcit sa volonté contre moi, persistant en sa malice; c’est pourquoi il a aussi ressenti ma justice, d'autant qu’il est juste que celui qui n’use bien des choses petites, ne puisse se glorifier des grandes.

L’autre champ est l’obéissance d’un bon esprit et l’objection de la volonté propre. Si un tel esprit est aride en la dévotion, il doit attendre la pluie de ma grâce divine. S’il est pierreux par l’impatience et l’endurcissement, qu’il souffre généreusement la correction et se laisse purifier en cela. S’il est humide par la mollesse de la chair, qu’il embrasse l’abstinence, et qu’il soit comme un animal préparé à la volonté du possesseur, car je me glorifie d’un tel esprit.

Si quelques-uns donc s’endurcissent, cela provient de la volonté des hommes, qui m’est contraire, car bien que je veuille que tous soient sauvés, cela néanmoins ne s’accomplit point, si l’homme ne coopère, conformant sa volonté à ma volonté.

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Quant à ce qu’à tous n’est pas donnée la grâce d’avancer, cela vient d’un occulte jugement de moi, qui sais modérer et donner à un chacun ce qui lui est expédient et ce qui lui est dû; qui retiens aussi les efforts des hommes, afin qu’ils ne tombent plus malheureusement; car plusieurs ont de grands talents de la grâce qui pourraient faire beaucoup, mais ils ne veulent point; d’autres se gardent du péché par la crainte du supplice, et d’autant qu’ils n’ont point les occasions de pécher, ou bien d’autant que le péché leur déplaît, c’est pourquoi je ne donne point de plus grands dons à quelques-uns, car moi, qui connais seul l’esprit des hommes, je sais distribuer les dons comme il faut.

VI. Pourquoi, le plus souvent, les méchants prospèrent-ils mieux que les bons? Cela est un indice, dit Dieu, de ma grande patience, de mon amour et de la probation des justes, car si je donnais à mes amis seulement les biens temporels, les méchants se désespéreraient et les bons s’enorgueilliraient. Mais je donne à tous des biens temporels, afin que moi, leur Dieu, auteur et Créateur de tout, sois aimé de tous, et afin que, quand les bons se rendent superbes, ils soient instruits par les mauvais à être justes. Tous savent aussi que les choses temporelles ne sont point à aimer, ni ne doivent être préférées à moi, mais on en doit seulement user pour le seul entretien, et afin qu’ils soient d’autant plus fermes à mon service, que moins ils trouvent de stabilité dans les choses temporelles.

VII. Pourquoi un est-il appelé au commencement de sa vie, et d’autres le sont-ils à la fin? Je suis comme une mère qui, voyant en ses enfants l’espérance de vie, donne aux uns des choses fortes, aux autres des choses légères et faibles.

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Mais elle compatit et fait ce qu’elle peut en ceux desquels il n’y a point d’espérance de vie. Mais malheur! ces enfants devenant pires par le médicament de la mère, qu’est-il besoin de travailler pour eux? J’en fais de même à l’homme, la volonté duquel est prévue être plus fervente, et l’humilité et la stabilité plus constantes; à celui-ci je donne la grâce au commencement, et elle le suit à la fin. Mais celui qui au milieu de ses maux, s’efforce et devient meilleur, celui-là mérite d’être appelé à la fin. Mais celui qui est ingrat ne mérite point d’être admis à l’intelligence des paroles de l’Église, notre sainte Mère.

 

 

Chapitre IX

 

Jésus-Christ, parlant à son épouse sainte Brigitte, lui montre en quelle manière elle a été affranchie de la maison du monde et de celle des vices, et comment elle est conduite maintenant pour demeurer en la maison du Saint-Esprit; c’est pourquoi il l’avertit de se conformer au Saint-Esprit, persévérant toujours en l’humilité, pureté et dévotion.

 

Le Fils de Dieu parle à son épouse : Vous êtes celle qui, étant nourrie en une pauvre maison, avez été élevée en une grande compagnie. En vérité, il se trouve trois choses en la maison pauvre, savoir : les murailles mal polies, la fumée nuisible et la suie luisante. Mais vous avez été conduite en la maison où sont la beauté sans tache, la chaleur sans fumée, la suavité sans dégoût. La maison pauvre n’est autre chose que le monde, dont les murailles sont la superbe et l’oubli de Dieu, l’abondance du péché et l’inconsidération des choses futures. Ces murailles ne sont pas seulement mauvaises, mais elle tachent toutes les bonnes œuvres, les anéantissant toutes, et cachent à l’homme la présence divine.

 

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La fumée est l’amour du monde, qui nuit aux yeux, d'autant qu’il offusque l’esprit et le rend soigneux des choses superflues. La suie est la volupté, laquelle, bien qu’elle délecte pour quelque temps, ne rassasie pas pourtant, ni ne remplit pas comme la bonté éternelle. Vous êtes retirée d’icelle et êtes conduite en la demeure du Saint-Esprit, qui est en moi et moi en lui, qui vous enveloppe aussi en lui; il est très-pur, très-fort et la constance même, et de fait, il soutient toutes choses. Conformez-vous donc à l’habitant de la maison, demeurant pure, humble et dévote.

 

INTERROGATION XIV.

 

I. Le même religieux apparut, disant : O Juge, je vous demande pourquoi les animaux souffrent des incommodités, ne peuvent point être bienheureux ni n’ont point l’usage de la raison.

II. Pourquoi naissent-ils avec douleur, puisqu’en leur naissance, il n’y a point de péché?

III. Pourquoi l’enfant porte-t-il l’iniquité du père, puisqu’il ne sait pas pécher?

IV. Pourquoi arrive-t-il plus souvent ce qui est hasardeux que ce qui est prévu?

V. Pourquoi le mauvais meurt-il d’une bonne mort, comme souvent le juste, et le juste d’une mauvaise mort, comme l’injuste?

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RÉPONSE

 

I. Le Juge, Jésus-Christ, répond : Mon ami, bien que votre demande ne soit point charitable, néanmoins, je veux répondre à vos demandes pour l’amour des autres. Vous demandez pourquoi les animaux souffrent des incommodités : c’est parce qu’en eux, l’ordre est en tout, car je suis le Créateur de toute la nature, et j’ai donné à chacune son tempérament et son ordre, auquel chaque chose aurait son mouvement et sa vie. Mais après que l'homme, pour lequel toutes choses ont été créées, eut péché et se fût opposé à Dieu, son conducteur, toutes choses commencèrent leur déréglement, et celles qui devaient l’honorer, se révoltèrent contre lui, et c’est de ce déréglement que les incommodités arrivent aux animaux aussi bien qu’aux hommes. Au reste, les animaux pâtissent aussi souvent à raison de l’intempérament de leur nature, souventefois aussi pour adoucir leur fureur et pour purger leur nature; d’autres fois à raison des péchés des hommes, afin que l’homme soit affligé et souffre, les voyant souffrir, et connaisse de quelle peine il est digne, lui qui a plus de raison pour le connaître. Certainement, si les péchés des hommes ne l’exigeaient point, les animaux ne seraient pas affligés en tant de manières, et même les animaux ne souffrent pas sans un grand sujet et sans justice, car, ou cela leur sert pour mourir plus promptement, ou pour l’amoindrissement des labeurs et des misères, ou pour le changement du temps, ou pour le peu de soin des hommes, les faisant trop travailler.

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Que l’homme craigne donc par-dessus tout moi, qui suis Dieu, et qu’il en soit d’autant plus doux envers les créatures et les animaux, auxquels il doit pardonner pour l'amour de moi, leur Créateur. C’est pourquoi aussi j’ai établi le jour du sabbat jour de repos, pour marquer le soin que j’ai de toutes les créatures.

II. Pourquoi tous les animaux naissent-ils avec douleur? Soudain que l’homme eut méprisé les vraies délectations dans le jardin d’Éden, il tomba dans les labeurs et dans une vie pénible; et d'autant que le déréglement a commencé en l'homme par l'homme, ma justice veut aussi que les créatures, qui sont pour l'homme, ressentent quelque amertume pour tempérer le plaisir que l'homme aurait pris en elles, et pour avoir moins de nourriture d’elles. L'homme donc naît avec douleur et avance avec labeur, afin qu’il se hâte d’arriver au vrai repos. Il naît nu et pauvre, afin qu’il contienne ses mouvements déréglés et afin qu’il craigne la future discussion. Les animaux mettent au jour leurs petits avec douleur, afin que l'excès soit tempéré par l’amertume, et que les hommes participent, en les voyant souffrir, à leurs douleurs et labeurs. Que l’homme donc m’aime tout autant par-dessus les créatures qu’il est plus excellent qu’elles.

III Pourquoi l’enfant porte-t-il le péché de son père? Tout ce qui procède du monde pourrait-il être pur? C’est pourquoi le premier homme, quand il perdit la beauté de son innocence, à cause de sa rébellion, fût chassé du paradis des joies indicibles, se plongea et s’abîma dans les choses immondes. Donc, pour recouvrer cette innocence, pas un des hommes n’a été trouvé suffisant et capable. Partant, moi, Dieu miséricordieux, venant prendre la chair humaine, j’ai institué le baptême, afin que l’enfant fût affranchi de la souillure du péché ; et partant, à raison de ceci, pas un des  enfants ne portera l’iniquité de son père, mais chacun portera son péché et mourra en icelui.

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Mais néanmoins, il arrive souvent que les enfants imitent les péchés des parents, c’est pourquoi souvent les péchés des parents sont punis dans les enfants, non pas qu’il faille que, pour cela, les péchés des parents demeurent en eux impunis, bien que la peine de leurs péchés soit différée en un autre temps, mais un chacun mourra en son péché et il en sera puni. Souventefois aussi, les péchés des pères sont visités, comme il est écrit, en la quatrième génération, car la divine justice veut que les enfants , ne se souciant pas d’apaiser ma juste colère, ni pour eux ni pour leur parents, soient souvent punis avec leurs pères, qu’ils ont suivis, s’opposant contre moi.

IV  Pourquoi ce qu’on ne prévoit point arrive-t-il plus souvent ? Il est écrit que, par les mêmes choses qu’il a péché, l’homme soit puni. Et quel sera celui qui entendra les conseils occultes de Dieu ? Hélas ! qu’il y en a qui me cherchent, non, pour mon amour, mais pour celui du monde ! D’autres me craignent plus qu’il ne faut ; d’autres présument ; d’autres s’enorgueillissent de leurs conseils. Partant, moi, Dieu, qui opère la salut de tous, je fais que souvent l’homme craint, et quelquefois je lui ôte la crainte, et il m’aime sans bornes. Souventefois aussi, ce qu’on prévoit et ce qu’on désire avec plus de soin, s’éloigne, afin que l’homme craigne, aime et considère son Dieu.

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V  Pourquoi l’homme mauvais meurt-il souvent d’une bonne mort comme le juste ? Les mauvais ont souvent quelques biens, et font quelques œuvres de justice, pour lesquelles il les faut récompenser en cette vie présente. De même les justes ont quelques maux pour lesquels il les faut punir en cette vie et les attendre à bonne fin. Et d’autant qu’en la vie présente, toutes choses sont incertaines et toutes choses sont réservées pour l’avenir ; et d’autant que l’entrée de tous au monde est égale, l’issue doit être aussi semblable en quelque chose, car l’issue ne rend pas bienheureux, mais la vie sainte et bonne.

Néanmoins, que l’issue soit égale au bons et aux mauvais, ma divine justice le permet ainsi, car ils désirent tous cette issue ; car le diable, prévoyant l’issue de ses amis, leur annonce et leur prédit le temps de leur mort, conformément à leur présomption, vaine gloire, et pour les décevoir, comme on le voit dans les livres qui sont appelés apocryphes, que quelques méchants sont loués après leur mort. Au contraire, il arrive que les justes font une issue déplorable pour leur plus grand mérite, afin qu’eux aussi qui ont aimé la vertu en leur vie, s’envolent au ciel, francs et libres, par une mort contemptible, afin qu’ils ne soient pas même trouvés dans le monde dignes de moquerie, comme il est écrit que le lion occit le prophète désobéissant, et ne mangea point son corps, mais le garda. En l’occision de ce corps on voir ma  permission, afin que la désobéissance de l’apôtre fût punie. Quant  à ce  que le lion ne mangea point de son corps, les bonnes œuvres de l’apôtre ont été manifestées, afin qu’étant purifié en cette vie, il fût trouvé juste en l’autre. Partant, qu’on prenne bien garde de ne sonder et éplucher par trop mes divins jugements, car comme je suis incompréhensible en vertu et en puissance, de même suis-je terrible en conseils et jugements : ceux qui les ont voulu curieusement comprendre en leur science, sont tombés de l’espérance.

 

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CHAPITRE X

 

Jésus Christ, parlant à son épouse, l’avertit de ne point se troubler, si les paroles qu’il lui révèle en l’oraison sont souvent obscures, quelquefois douteuse, quelquefois incertaines, d’autant que cela est pour de certaines raisons déduites en ce lieu par les secrets de la justice divine. Je vous ai néanmoins conseillé d’attendre l’événement avec patience et craint, avec persévérance et humilité, comme aussi mes promesses, de peur que, par l’ingratitude, la grâce promise ne soit retirée. Il dit que plusieurs choses ont été dites corporellement, qui ne s’accompliront pas pourtant corporellement, mais spirituellement

 

Le fils de Dieu parle à son épouse : Ne vous travaillez pas, dit-il, si je vous dis quelques paroles obscures, quelques autres plus claires, ou si j’appelle maintenant quelqu’un, tantôt serviteur, tantôt mon ami, et soudain on voit le contraire, d’autant que mes paroles sont prises en diverses manières, comme je vous l’ai dit d’un quidam que sa  main serait sa mort, et d’un autre, qu’il n’approcherait plus de ma table. Ces choses sont dites pourquoi je l’avais dit la sorte, ou bien vous en verriez à la fin de l’œuvre la vérité, comme il appert en ces deux exemples.

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Je dis aussi quelquefois quelques choses obscures afin que vous ayez une pure joie, et que les choses n’arrivent d’une autre manière, à raison de ma patience, de moi qui connais les changements et les vicissitudes des cœurs. Réjouissez-vous aussi d’autant que ma volonté est toujours accomplie. Car comme aussi en l’ancienne loi, j’ai dit plusieurs choses qui devaient être plutôt entendues spirituellement que corporellement : comme du temple de David et de Jérusalem, c’est afin que les hommes charnels apprissent à désirer ardemment les choses spirituelles. Car pour prouver la constance de la foi et le soin de mes amis, j’ai dit et promis plusieurs choses qui peuvent être entendues diversement des bons et des mauvais, et en la manière que plusieurs peuvent être exercés par moi en divers états, être éprouvée et être enseignés par moi.

Quant à ce que plusieurs choses ont été dites obscurément, ma justice l’exige de la sorte, afin que mes conseils éternels soient cachés, et qu’un chacun attendit ma gloire, de peur que si mes conseils étaient toujours marqués en temps certain, tous ne l’alentissent en leur attente. J’ai promis aussi plusieurs choses qui sont ôtées pour l’ingratitude des hommes, et plusieurs choses ont été dites corporellement, qui seront accomplies spirituellement, comme de Jérusalem et de Sion, car les Juifs sont comme il est écrit, le peuple du Seigneur, le peuple aveugle et sourd.

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INTERROGATION XV.

 

I. Le même religieux apparut en disant : O Juge, je vous demande pourquoi plusieurs choses qui semblent de nulle utilité, sont créées.

II. Pourquoi ne voit-on point au commencement les âmes qui sont dans les corps, ou qui sont sorties du corps ?

 

III. Pourquoi vos amis ne sont-ils pas toujours exaucés quand ils prient ?

IV. Pourquoi n’est-il pas permis à plusieurs de faire le mal qu’ils veulent ?

V. Pourquoi les maux arrivent-ils à plusieurs qui ne les ont pas mérités ?

VI. Pourquoi ceux qui ont l’Esprit de Dieu pèchent-ils ?

VII. Pourquoi le diable suit-il toujours quelques-uns, et d’autres jamais ?

 

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REPONSE

I.  Le Juge répondit : Mon ami, comme mes œuvres sont en grand nombre, aussi sont-elles admirables et incompréhensibles. Que si mes œuvres sont en grand nombre, elle ne le sont pas sans sujet. Certainement, l’homme est semblable à un enfant nourri dans la prison et dans les ténèbres, qui , si on lui disait qu’il y a une belle lumière et des astres, ne le croirait pas, d’autant qu’il ne les a jamais vus : de même, quand il a laissé une fois la lumière vraie, il ne se plaît que dans les ténèbres, conformément à la maxime vulgaire : Celui qui est accoutumé au mal, le mal lui est doux. Donc, bien que l’esprit de l’homme soit aveuglé en moi, néanmoins, il n’y a pas obscurité ni changement tel que je n’ai disposé avec tant de tempérance, sapience et honnêteté toutes choses, qu’il n’y a rien qui soit fait sans sujet  et sans utilité, voire même les montagnes les plus hautes, les déserts, les lacs, les bêtes , les reptiles voire les animaux venimeux. Mais comme je pourvois à l’homme, de même ai-je soin des animaux.

 

Je suis semblable à l’homme qui a des lieux pour se promener ; d’autres pour la garde des animaux apprivoisés ; d’autres pour les animaux farouches ; d’autres pour tenir soin conseil ; d’autres parce que la disposition de la terre le requiert ainsi ; d’autres pour la correction des hommes. De même j’ai range toute choses avec raison, les unes pour l’utilité de l’homme ; les autres pour son plaisir ; les autres pour le divertissement des animaux ; quelques autres pour retenir dans les bornes de la raison la cupidité des hommes ; les autres pour la congruité des éléments ; quelques autres pour  l’admiration de mes œuvres ; quelques autres pour la punition des péchés ; d’autres pour la convenance des supérieurs et des inférieurs ; d’autres pour des causes et sujets réservés et connus de moi seul. Car voici une abeille petite qui sait choisir des fleurs le miel en grande quantité, comme un nombre d’autres petites créatures qui font leur fonction, et surpassent l’homme en industrie et au choix des herbes, et en la considération et acquisition de leur utilité, et plusieurs choses leur sont utiles, qui sont néanmoins nuisibles à l’homme.

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Qu’est-il donc de merveille si les soins des hommes sont faibles pour discerner et entendre mes merveilles, vu de petites créatures les surpassent ? Qu’y a-t-il de plus difforme que la grenouille et le serpent ? Quoi de plus contemptible que l’ortie et autres herbes ?  et  néanmoins, elles sont fort utiles à ceux qui savent discerner et connaître l’excellence de mes œuvres. Et partant, tout ce qui sert à quelque usage et utilité, et tout ce qui a mouvement, cherche sa conservation et son affermissement. D’autant que toutes mes œuvres sont admirables et toutes me louent en leur manière, l’homme, qui est plus excellent que les autres créatures, est plus obligé de rechercher en tout mon honneur. Certainement, si les montagnes ne bornaient les digues des rivières, l’impétuosité des eaux vous submergeaient tous, et si les bêtes n’avaient ou se retirer, comment pourraient-elles échapper à l’insatiable cupidité des hommes ? Que si toutes choses étaient soumises à la dévotion de l’homme, il ne désirerait pas lors les richesse célestes. Si les bêtes ne travaillaient ni ne craignaient, elles se perdraient et s’affaibliraient. Partant, plusieurs de mes œuvres ont été cachées afin que moi, Dieu admirable et incompréhensible, sois connu et honoré des hommes, par l’admiration de la créature de tant de diverses et différentes créatures.

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II.  Pourquoi l’homme ne voit-il pas les âmes ? L’âme est d’une meilleure nature que le corps, d’autant qu’elle a été créée par la vertu de ma main toute puissante, et qu’elle a l’immortalité avec les anges. Elle est plus excellente que toutes les planètes, plus éminente que tout le monde. D’autant donc que l’âme est d’une excellente nature, donnant au corps le vivification et la chaleur , et d’autant plus qu’elle est spirituelle, elle ne peut être vue corporellement ni entendue que par des similitudes corporelles.

III.  Pourquoi mes amis ne sont-ils pas toujours exaucés quand ils me prient ?
Je suis comme la mère qui, voyant que son fils la prie comme son salut, diffère d’exaucer sa demande, retenant ses pleurs avec quelque menace d’indignation, laquelle n’est pas colère, mais grande miséricorde. De même moi, Dieu, je n’exauce pas toujours mes amis, d’autant que je vois mieux ce sui est utile pour leur salut. Eh quoi ! saint Paul et d’autres ne m’ont-ils pas prié efficacement, et néanmoins, ils n’ont point été exaucés, pourquoi ? d’autant que mes amis même ont quelques faiblesse et quelque chose à purifier en l’abondance des vertus ; c’est pourquoi ils ne sont point exaucés, afin qu’ils en soient d’autant plus humbles et plus fervents qu’ils sont conservés par ma grâce sains et saufs en la charité ès tentation du péché. C’est donc un jugement de grande dilection que mes amis ne soient pas exaucés en leur oraison, pour leur plus grand mérite et pour éprouver leur constance, car comme le diable s’efforce de corrompre la vie du juste par le péché ou par la mort contemptible, afin qu’il puisse relâcher la constance des fidèles, de même je permets, non sans grand sujet, que le juste soit éprouvé, afin que sa constance soit connue aux autres, et que lui soit plus excellemment couronné ; et comme le diable ne craint point de tenter les siens, qu’il voit enclin à pécher, de même je n’épargne point mes élus, que je vois préparés au bien.

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IV.  Pourquoi n’est-il pas toujours permis de faire le mal que quelques-uns veulent ?Quiconque a deux enfants, l’un obéissant, l’autre rebelle, le père résiste au rebelle autant qu’il lui plaît, afin qu’il n’excède en sa malice, et il éprouve l’obéissant, l’excitant à de plus grandes choses, afin que le rebelle en soit excité à des choses meilleures. De même je ne permets pas que les mauvais pèchent, qui font bien parmi leur malheurs, avec lesquels ils profitent, ou à eux, oui aux autres. Partant, ma justice veux qu’ils ne soient pas soudain  donnés au diable, et qu’ils n’aient pas toujours la puissance d’accomplir leurs pernicieux desseins.

V.  Pourquoi les maux assaillent-ils ceux qui ne les ont point pas mérités ? Celui qui est bon est connu de moi seul, et je sais ce qu’il mérite. Certes, plusieurs choses semblent belles, bien qu’elles ne le soient pas. Le feu éprouve l’or. Or , le juste est souventefois affligé, afin qu’il serve d’exemple aux autres et soit richement couronné. Job a été éprouvé de la sorte, qui était néanmoins bon avant l’affliction ; mais dans les afflictions, il fut épuré et connu des hommes. Mais qui et celui qui voudra sonder et éplucher pourquoi je l’ai affligé, si ce n’est moi-même qui l’ai prévenu de mes bénédictions, qui l’ai conservé afin qu’il ne péchât point, qui l’ai soutenu en ses tentations ? et comme je l’ai prévenu de ma grâce dans aucun sien mérite, de même je l’ai éprouvé avec ma justice et ma miséricorde, car pas un ne sera justifié devant moi, sinon par ma grâce.

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VI. Pourquoi ceux qui ont mon Esprit pèchent-ils ? L’Esprit divin n’est pas attaché, mais il inspire où il veut, se retire quand il veut, et il n’habite point en un vase plein de péché, mais en celui qui est plein de charité et d’amour, d’autant que moi, Dieu, je suis la charité, et là où je suis, la liberté se trouve. Celui donc qui reçoit mon Esprit peut pécher s’il veut, car tout homme a le libéral arbitre. C’est pourquoi quand l’homme est averti d’amender sa volonté, Balaam voulut maudire mon peuple, mais je ne le permis pas. Bien qu’il fût mauvais et ambitieux prophète, il parlait néanmoins, et disait quelque chose de bon, non de soi, mais de mon Esprit, car souvente fois le don de mon Esprit est donné aux bons et aux mauvais ; autrement ces grands éloquents n’eussent pas tant disputé des choses sublimes, s’ils n’eussent eu mon Esprit, ni les fous n’eussent pas tant déliré, s’ils n’eussent fait contre moi, et se fusent laissés emporter à la superbe, voulant savoir plus qu’il ne fallait.

VII.  Pourquoi le diable est-il plus présent aux uns qu’aux autres ? Le diable est comme le bourreau et l’épreuve des bons, c’est pourquoi, par ma permission, il vexe quelques âmes lesquelles pèchent contre la raison , s’abandonnent à l’immondicité , à l’avarice , à l’infidélité . Il trouble leurs consciences et leur corps, qui sont ici tourmentés et purifiés pour quelques péchés. Cette vexation et peine sont communes à tous les enfants, tant des païens que des chrétiens, et cela à raison du peu de soin des parents, ou le défaut de la nature, ou bien pour épouvanter les autres, ou pour l’humiliation d’autrui,  ou bien pour quelques péchés, ma justice en disposant et permettant des peines, afin que ceux auxquels l’occasion du péché est ôtée, ne soient punis plus rudement, ou afin qu’ils soient couronnés plus richement. De semblables choses arrivent aux autres animaux, ou bien à raison des péchés des hommes , ou bien pour abréger leur vie , ou bien l'intemperie de leur nature .

 

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Quant à ce que le diable est plus voisin et plus près des uns que des autres , je le permets de la sorte pour une plus grande humiliation et pour qu'ils soient mieux sur leurs gardes , ou pour une plus grande couronne , ou pour exciter un plus grand soin à me rechercher , ou pour purifier leurs péchés en cette vie , ou bien que la peine de quelques-uns , à raison de leur méchanceté , commence déjà en ce monde pour ne finir jamais.

 

Chapitre XI

 

Le Fils de Dieu , parlant à son épouse sainte Brigitte , lui dit pourquoi et comment il commença de lui donner de divines révélations en vision spirituelle . Il lui dit encore que les révélations contenues en ces livres , contiennent principalement ces quatre vertus : elles ressuient ceux qui désirent la vraie chariteé , échauffent les froids , réjouissent les troublés , et affermissent les faibles .

 

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Le Fils de Dieu parle , disant que , par les choses naturelles , il se peut faire un breuvage salutaire , savoir est d'une pierre salutaire et d'un dur caillou , d'un arbre aride et d'une herbe amère . Mais comment cela ? Certainement , si l'acier tombait avec violence sur une montagne de soufre , lors de l'entrechoc de l'acier contre la pierre s'allumerait un feu qui allumerait la montagne . De la chaleur de ce feu , les oliviers qui sont à l'entour , bien qu'ils soient verts , néanmoins , à raison de la graisse intime , commenceraient à distiller une certaine gomme , de laquelle les herbes qui sont sous l'olivier , commenceraient à quitter leur amertume et à prendre une douceur , et c'est de là que se ferait une boisson très salutaire . J'en ai fait de même à vous spirituellement , car votre coeur était comme un acier froid en mon amour , duquel néanmoins sortait quelque petite scintille de ce feu amoureux , savoir , lorsque vous pensiez que j'étais digne d'amour par-dessus tout . Mais votre coeur tomba sur une montagne de soufre , quand la gloire et la délectation mondaine vous contrariaient , et votre mari , que vous avez aimé charnellement par-dessus tout , vous fut ôté en mourant .

 

En vérite , la volupté et la délectation mondaine sont fort à propos , comparées à la montagne de soufre , d'autant qu'elles mènent avec soi la vanité de l'esprit , la puanteur de la concupiscence et l'ardeur de la peine ; et alors , en la mort de votre mari , votre esprit étant touché de peines et troublés , la scintille de mon amour , qui était cachée , commença à paraitre , car lorsque vous eûtes consideré la vanite du monde , vous résignates votre volonté en mes mains , m'aimant et me désirant sur toutes choses , Et par la vertu de cette scintille amoureuse , l'olive m'aggréa , c'est-à-dire, les paroles de l'Evangile , et la conversation de mes docteurs commencèrent à vous plaire , et l'abstinence vous plût en telle sorte que les choses qui vous semblaient amères au commencement , commencèrent à être très douces . Mais quand l'olivier commença à distiller sa liqueur , et que les révélations commencèrent à être répandues en votre esprit , un quidam cria du haut de la montagne , disant : La soif est étanchée par ce breuvage ; l'homme froid est échauffé ; le troublé est réjoui , et l’infirme est raffermi.

 

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Je suis Dieu qui crie : Les paroles que vous oyez en vos révélations rassasient comme une bonne boisson ceux qui désirent la charité ; en deuxième lieu , elles échauffent les froids ; en troisième lieu, elles apaisent les troublés ; en quatrième lieu , elles affermissent les faibles d’esprit.

 

INTERROGATION  XVI .

 

I. Le même religieux que dessus apparut , disant : O Juge , je vous demande pourquoi , selon que l’évangile dit : Les chevreuils
seront mis à la gauche et les brebis à la droite , vous vous plaisez à cela.

II. Puisque vous êtes le Fils de Dieu , égal au Père , pourquoi
est-il écrit que ni vous ni les anges ne savez l’heure du jour  du jugement ?

III. Pourquoi y a-t-il tant de désaccord entre les évangélistes , puisque le Saint-Esprit leur a parlé ?

IV. Puisqu’il y a tant de salut en votre incarnation, , pourquoi avez-vous tant différé de l’accomplir ?

V. Puisque l’âme de l’homme est meilleure que tout le monde , pourquoi n’envoyez-vous pas partout des prédicateurs , vos amis ?

 

 

 

REPONSE.

 

I. Le Juge répondit : Mon ami , vous ne demandez pas pour savoir, mais afin que votre malice soit comme. En ma divinité , il n’y a rien de charnel ni rien de formé  charnellement, d’autant que ma Divinité  est un esprit ; et avec moi les bons et les mauvais ne peuvent pas demeurer non plus que la lumière et les ténèbres ; ni ma droite ni ma gauche ne sont pas corporellement formées ; ni ne sont pas plus heureux ceux qui sont à ma droite que ceux qui sont à ma gauche.

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Qu’est-ce qu’on doit entendre par ma droite , sinon la sublimité de la gloire divine ; par la gauche , sinon  la privation et  la défaillance de tout bien ? Ni les brebis ni les boucs ne sont point en cette gloire admirable , où il n’y a rien de corporel ni de corrompu ou sujet à la vicissitude. Mais en la figure et similitude de l’âme , les mœurs des hommes sont signifiées , comme par la brebis est signifiée l’innocence , par le bouc la lubricité ; c’est-à-dire , il signifie l’homme incontinent qui doit être mis à la main gauche, où il y a privation de toute sorte de biens. Sachez donc que moi, Dieu, j’use souvent de paroles humaines et de similitudes , afin que l’enfant ait de quoi sucer, que les parfaits aient de quoi s’entretenir , et afin que l’Ecriture soit accomplie. Le Fils de la Vierge a été mis en contradiction, afin que les pensées de plusieurs cœurs soient révélées.

II. Pourquoi , étant Fils de Dieu , ai-je dit que j’ignore , l’heure
du jugement ? Il est écrit que Jésus profitait et avançait en sagesse  et en âge. Or , toute chose qui avance ou défaut , est muable , mais Dieu est immuable. Quand à ce que le Fils de Dieu profitait et avançait  , cela se doit entendre selon mon humanité. Quant à ce que j’ignore , cela était selon mon humanité , car quand à la Déité, je savais et sais tout, car le Père ne fait rien que je ne fasse. Le Père pourrait-il savoir quelque chose que le Fils et le Saint-Esprit ne le sachent aussi ? Non , certes. Or , le seul Père , avec lequel je suis Fils et le Saint-Esprit , une substance , une Déité et volonté , sait cette heure du jugement , et non pas les anges ni autre créature quelconque.

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III.   Si le Saint-Esprit a parlé aux évangélistes, pourquoi ne s ‘accordent-ils pas ? Il est écrit que le Saint-Esprit est divers en ses œuvres, attendu qu’il distribue ses biens à ses élus en plusieurs manières. D’ailleurs , le Saint-Esprit est comme un homme qui a une balance en sa main , qui accorde et rend con-venables et égales ses extrémités en plusieurs manières , jusques à ce que la balance demeure en égalité , laquelle balance peut être accommodée, par les uns , d’une manière , et par les autres, d’une autre toute différente , car autrement la dispose le faible , autre-ment le fort. De même l’esprit monte tantôt dans les cœurs comme une balance , et tantôt il en descend. Or , il y monte quand il élève l’esprit par la subtilité de l’esprit, par la dévotion de l’âme et par l’inflammation des désirs spirituels. Il y descend , quand il permet que l’esprit s’enveloppe dans les difficultés , s’afflige des superfluités et se trouble des tribulations. Comme donc la balance n’a rien de certain, si elle n’est réglée , modérée et conduite par la main , de même il est nécessaire que la modération et le règlement s’ensuivent en l’opération du Saint-Esprit , comme aussi la bonne vie, la simple intention , et la discrétion des bonnes œuvres et des vertus.

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Partant , moi, Fils de Dieu , visible en ma chair , prêchant en divers lieux  diverses choses , j’ai eu divers imitateurs et auditeurs, car les uns me suivaient par amour , les autres par occasion et par curiosité ; quelques-uns aussi des suivants étaient d’un subtile esprit ; quelques autres étaient fort simples ; c’est pourquoi j’ai dit des choses simples, afin que les simples en fussent instruits ; j’ai dit des choses hautes, pour ravir en admiration les sages. Quelquefois je parlais en paraboles et en énigmes , dont quelque-uns prenaient occasion de parler , et quelquefois je redisais ce que
j’avais dit pour l’inculquer davantage ; quelquefois j’exagérais , et quelquefois je diminuais ; c’est pourquoi il n’est pas de mer-veille si ceux qui ont rangé l’ordre de l’Evangile, ont mis des choses diverses , mais néanmoins vraies , car quelques-uns ont mis le mot , quelque autres ont mis le sens, et non les paroles ;  quelques autres ont écris ce qu’ils ont ouï et non vu ; d’autres ont écrit des choses passées , les autres plusieurs chose de ma Divinité , et enfin chacun comme le Saint-Esprit l’inspirait. Néanmoins , je veux que vous sachiez qu’il faut seulement recevoir ces évangélistes que mon Eglise reçoit, car plusieurs ont taché d’écrire par un zèle , mais non selon ma science , car voici que j’ai dit, comme il a été lu en l’Evangile d’aujourd’hui : Ruinez ce temple, et je le réédifierai.

Ceux qui témoignaient avoir ouï ceux-ci , furent vrais témoins selon ouïe, mais faux témoins
selon leur intelligence et selon leur dire , d’autant qu’ils n’entendaient ni ne considéraient point le sens de mes paroles, d’autant que j’entendais ces paroles de mon corps , et eux les entendaient du temple matériel. Semblablement quand je dis : Si vous ne mangez ma chair , vous n’aurez point la vie , plusieurs se retirèrent de moi , car ils ne s’avisaient point de la clause ajoutée , que mes paroles sont esprit et vie , c’est-à-dire , elles ont un sens spirituel et une vertu efficace ; ni n’est pas de merveille s’ils erraient , d’autant qu’ils ne me suivaient point par amour . Partant, le Saint-Esprit monte en nos cœurs comme une balance , parlant maintenant corporellement , maintenant spirituellement ; il descend quand le cœur de l’homme s’endurcit contre Dieu , ou par hérésies , ou il s’intrigue dans les affaires du monde et s’aveugle lui-même.

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Lors en même moment , le Juge dit au religieux qui faisait ces demandes : Vous , ô mon ami ! vous m’avez si souvent demandé des choses subtiles , et moi maintenant je vous interroge pour l’amour de mon épouse, qui est ici présente. Pourquoi votre âme, qui a l’intelligence des choses caduques , du bien et du mal , choisit-elle plutôt les choses terrestres et périssables que les choses célestes et permanentes , ni ne vivez pas selon l’intelligence que vous avez ?

Le religieux répondit : D’autant que je fais contre la raison, et que les sens  charnels entraînent la raison.

Et Notre-Seigneur lui dit : C’est pourquoi votre conscience sera votre juge.

Après, Jésus-Christ dit à l’épouse : Voyez , ô ma fille ! com-bien peut en l’homme, non seulement la malice du diable, mais encore la conscience dépravée ; et cela provient de ce que l’homme ne combat pas comme il faut contre les tentations. Or , le maître qui vous est connu n’en fait pas de la sorte, car quand  cet esprit tentateur descend pour le tenter , il le tente , en sorte que tout lui semble des hérésies , qui toutes l’entourent, lui disant
d’un accord : Nous n’avons point de vérité. Mais lui n’a pas cru à ses sentiments ni ne s’est pas élevé par curiosité sur soi-même , c’est pourquoi il a été affranchi des tentations , et a été savant depuis l’Alpha jusques à l’Oméga , comme il le lui avait promis.

 

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DECLARATION.

 

Le même docteur dont il est ici parlé, qui allait selon Dieu , fut Matthias, chanoine, confesseur de sainte Brigitte ; il lut la bible depuis le commencement de la Genèse jusqu’à l’Apocalypse , où sont cet Alpha et cet Oméga. (Il est aussi parlé de ce chanoine au livre I , chap. 3, et au chap. 2 ; au livre VI , chap. 75 , jusqu’au chap. 89.)

 

IV. Pourquoi ai-je tant différé de m’incarner ? En vérité, il était nécessaire que je m’incarnasse, afin que , par mon incarnation , la malédiction fût abolie, et que toutes choses fussent pacifiées au ciel et en la terre ; et néanmoins , il était nécessaire que l’homme fût plus tôt instruit en la loi naturelle , et après , en la loi écrite ,car par la loi naturelle , il apparut combien grande était la délectation de l’homme ; par la loi écrite , il a compris ses infirmités , ses faiblesses et ses misère , et lors , il commença de rechercher les médecines. Il fut donc lors juste que le médecin vint, puisque l’infirmité et la maladie étaient connues , afin que là où la maladie abondait, la médecine surabondât. En vérité , en la loi naturelle et en la loi écrite, il y eut plusieurs justes , et plusieurs avaient le Saint-Esprit , qui prédisaient plusieurs choses , en instruisaient les autres aux choses honnêtes, m’attendaient, moi , leur Sauveur ; et ceux-ci s’approchaient de ma miséricorde , et non des supplices éternels.

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V. Puisque l’âme est meilleure que le monde, pourquoi n’envoie-t-on pas des prédicateurs en tout le monde ?
Véritablement, l’âme est plus excellente et plus digne que tout le monde, plus constante que tout l’univers, et est plus digne , d’autant qu’elle est spirituelle et égale aux anges, et créée pour la gloire éternelle. Elle est plus excellente, d’autant qu’elle est faite à l’image et à la ressemblance de Dieu , et est immortelle et éternelle .

D’autant donc que l’homme est plus digne et plus noble que toutes les créatures , il doit vivre plus excellemment que toutes les créatures , car il est enrichi  de raison par-dessus les autres .
Que si l’homme abuse de la raison et des dons de Dieu , qu’est-il de merveille si je le punis au temps de justice , puisqu’il m’a oublié en temps de miséricorde ? C’est pourquoi les prédicateurs ne sont pas toujours envoyés par-tout , car moi , Dieu , voyant l’endurcissement du cœur de plusieurs , je pardonne et soulage le labeur et la peine de mes élus, de peur qu’ils ne se travaillent en vain. Et d’autant que plusieurs pêchent à dessein, et délibèrent de croupir plutôt dans les péchés que se convertir, c’est aussi que , pour cela , ils ne sont pas dignes d’ouïr les nonces du salut.

Mais , ô mon ami ! je finirai maintenant avec la réponse à vos pensées , et vous finirez la vie et expérimenterez à quoi votre éloquence infâme et votre faveur humaine vous ont profité. Oh ! que vous auriez été heureux , si vous eussiez vécu selon votre profession, et si vous eussiez gardé vos vœux !

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D’ailleurs , l’Esprit dit à l’épouse : Ma fille , celui-ci , qui semblait rechercher tant et tant de questions, vit encore selon le corps ,mais il nepassera pas un jour ; les pensées de son cœur  vous ont été montrées par similitudes , non pas pour son plus grand opprobre ,
mais pour le salut des âmes. Mais voici que son espérance et sa vie finiront avec ses pensées et ses affections.

 

 

Chapitre XII.

 

Jésus-Christ, parlant à son épouse sainte Brigitte , dit qu’elle ne se doit pas troubler de ce qu’il ne fait soudain la justice sur l’homme , qui est un grand et détestable pécheur, d’autant qu’il diffère sa sentence, afin que sa justice soit manifestée en l’exécution. Il dit aussi que les paroles de ses révélations doivent croître et fructifier jusques a la pleine maturité, et puis, elles produiront leur effet et leur vertu dans le monde. Ces paroles sont comme de l’huile en la lampe , c’est-à-dire en l’âme vertueuse , par lesquelles elle est engraissée ; et le Saint-Esprit survenant , elles la font éclater de lumière et brûler d’amour. Il ajoute encore que ces révélations seront quelque temps cachées , et puis elles fructifieront plus ailleurs qu’au royaume de Suède , où elles ont commencé d’être faites à
l’épouse sainte Brigitte.

 

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Le Fils de Dieu parle, disant : Pourquoi vous troublez-vous , ô mon épouse, si je supporte si patiemment ce religieux ? Ne savez-vous pas combien il est cruel de brûler éternellement ? C’est pourquoi je le souffre jusques au dernier point de sa vie , afin qu’en lui ma justice soit manifestée ; c’est pourquoi comme les herbes qui servent à faire des couleurs , si elles sont moissonnées avant le temps, n’ont point la force ni la vivacité de colorer vivement, comme elles l’auraient eue, si elles eussent été fauchées à leur temps et saison , de même mes paroles, qui doivent être manifestées avec justice et miséricorde, et doivent fructifier jusques à l’entière plénitude et maturité , ou lors , par ma vertu, coloreront mieux les sujets auxquels elles seront appliquées.

Pourquoi vous troublez-vous aussi qu’il se défie de mes paroles , si ce n’est qu’on lui montre des signes plus évidents ? Eh quoi ! l’avez-vous engendré, ou connaissez-vous son intérieur comme moi ? Il est certainement comme une lampe ardente et luisante, en laquelle l’huile étant mise , soudain le feu brûle la mèche. Celui-ci est aussi une lampe de vertus disposée pour recevoir la grâce divine. Je verserai bientôt en lui mes paroles, et elles se liquéfieront et se fondront dans son cœur avec perfection. Et qu’est-il de merveille si là l’huile se fond et si elle fait brûler la lampe ? Ce feu, c’est mon Esprit qui est et parle en vous , et ce même Esprit est et parle en lui , bien que d’une manière plus occulte et plus utile pour lui. Ce feu allume la lampe de son cœur pour travailler  pour mon amour , et allumer l’âme pour recevoir mes grâces et mes paroles , desquelles l’âme est plus profondément touchée et plus pleinement engraissée , quand on vient aux œuvres.

Partant , ne craignez point , mais demeurez constamment en la foi. Si ces paroles venaient de votre esprit ou de l’esprit de ce monde, vous les devriez craindre à bon droit ; mais puisqu’elles sont de mon Esprit, que les saints prophètes ont eu, il ne faut pas que vous craigniez, mais


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Que vous vous réjouissiez , si ce n’est que peut-être vous craigniez plutôt la vanité du nom du monde que l’attouchement de mes divines paroles.

Ecoutez encore ce que je dis : Ce royaume est mêlé avec un grand péché impuni depuis longtemps , c’est pourquoi aussi mes paroles n’y peuvent fructifier, comme je vous le déclarerai main-
tenant  par une similitude. Si le noyau était planté en terre , sur lequel on mettrait un grand  faix lourd et pesant, il l’empêcherait de monter ; le noyau, étant bon, ne pouvant pousser en haut, pousserait en bas, et étendrait fort profondément ses racines ; et après , non-seulement il porte de bons fruits, mais encore il anéantit tout ce qui s’oppose à son ascendant, et s’étend par-dessus son poids. Ce noyau signifie ma parole , qui ne peut fructifier en ce royaume , à raison , du péché ; elle profitera plus ailleurs, jusques à ce que l’endurcissement de cette terre et de ce royaume, ma miséricorde croissant, soit ôté.


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Chapitre XIII.

 

Dieu le Père parle à sainte Brigitte , l’instruisant subtilement de la vertu de cinq lieux  qui sont en Jérusalem et Bethléem, et des grâces que reçoivent les pèlerins visitant ces lieux-là avec humilité dévote et vraie charité , disant qu’en les susdits lieux , il y avait un vase clos et non clos ; il y naissait un lion qu’on voyait et qu’on ne voyait pas ; il y avait un tondu et un non tondu ; on y mettait un serpent qui demeurait gisant , et qui ne demeurait pas ; il y avait aussi un aigle qui volait et ne volait pas. Et il expose ce que dessus en figure.

 

Dieu le Père parle : Il y eut un seigneur à qui son serviteur dit : Voilà que votre terre qu’on sème de deux en deux ans , est cultivée , et que les racines sont arrachées. Quand faudra-t-il semer le blé ?

Le seigneur dit : Bien que les racines semblent être arrachées , néanmoins , les vieux troncs et les tiges  sont laissées , qui seront ôtés et perdus par les vents et les pluies. Partant , attendez avec patience le temps propre pour semer.

Le serviteur repartit : Qu’est-ce qu’il faut que je fasse entre le printemps et l’été ?

Son maître lui dit : Je sais cinq lieux. Tous ceux qui iront , auront cinq sortes de fruits , s’ils y viennent purs , vides de superbe et fervent d’amour . Au premier lieu , il y avait un vase clos et non clos , petit et non petit, lumineux et non lumineux , vide et non vide , pur et non pur.


P. 189

 

Au deuxième lieu, il y naissait un lion qu’on voyait et on ne voyait pas ; il était ouï et il n’était pas ouï ; il était touché et il n’était pas touché ; il était connu et il n’était pas connu ; il était tenu et il n’était pas tenu.

Au troisième lieu, il y avait un agneau tondu et non tondu ; un agneau blessé et non blessé , criant et non criant , patient et non patient , mourant et non mourant.

Au quatrième lieu, il y avait un serpent qui gisait et ne gisait pas ; qui se mouvait et ne se mouvait pas ; qui oyait et n’oyait pas ; qui voyait et ne voyait pas ; qui sentait et ne sentait pas.

Au cinquième lieu, il y avait un aigle qui volait et ne volait pas ; qui est vu au lieu  d’où il ne s’est jamais retiré ; qui se repose et ne s’est jamais reposé ; qui  se renouvelait et n’était pas renouvelé ; qui se réjouissait et ne se réjouissait point ; qui était honoré et n ‘était pas honoré.

 

 

 

EXPOSITION ET DECLARATION DES CHOSES PREDITES EN FIGURE.

 

 

Le Père parle :

 

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Ce vase dont je vous ai parlé fut Marie, fille de Joachim, mère de l’humanité de Jésus-Christ , car elle fut un vase clos et non clos : clos au diable et non à Dieu. Car comme un torrent, désirant de sortir de son lit, cherche les tranchées et les sorties , de même le diable , comme un torrent de vices , désirait de toutes ses inventions et subtilités , de s’approcher du cœur de la Sainte Vierge ; mais il n’a jamais pu enlever son âme à quelque péché , d’autant qu’elle était close à toutes les tentations , car le torrent de mon Esprit s’était épandu en elle, et avais rempli son cœur de la grâce spirituelle.

 

Marie , Mère de mon Fils, fut un vase petit et non petit ; petit en humilité et mépris de soi-même, grand et non petit en l’amour de ma Divinité.

La Sainte Vierge Marie fut un vase vide et non vide ; vide de toute sorte de voluptés et de péchés, et non vide, mais plein de  la douceur céleste et de toute bonté.

La Sainte Vierge fut un vase lumineux et non lumineux ; lumineux, d’autant que l’âme est créée de moi en son éclat ; mais Jésus a créé l’âme de Marie en toute perfection de lumière , de sorte que mon Fils s’est incarné en son âme, de la beauté duquel le ciel et la terre se réjouissaient ; mais ce vase divin ne fut pas lumineux devant les hommes , d’autant que Marie méprisait les honneurs et les richesses du monde.

Marie fut un vase pur et non pur ; pur, d’autant qu’elle était toute belle , et qu’il ne se trouva jamais d’immondice en elle de la largeur et grandeur d’une pointe d’aiguille. Mais elle n’a pas été pure en tant que sortie de la racine d’Adam et née de pécheurs , bien que conçue sans péché , afin que mon Fils naquît d’elle sans péché.

Celui donc qui viendra où Marie est née, où elle a été nourrie et élevée , non-seulement sera purifié , mais il me sera vase en honneur.

Le deuxième lieux est Bethléem , où mon Fils est né comme lion , qui était vu et tenu comme un lion selon l’humanité ; mais il était invisible et inconnu selon la Divinité.

Le troisième est le Calvaire, où mon Fils a été blessé comme un agneau innocent et sans tache , et où il est mort ; il était pourtant impatible  et immortel selon la Divinité.


P. 191

Le quatrième lieu fut le jardin du sépulcre de mon Fils , où il fut caché comme un serpent contemptible ; là  était gisante son humanité , bien qu’il fût partout selon la Divinité.

Le cinquième lieu est le mont des Olives , duquel mon Fils vola comme un aigle , selon l’humanité , dans le ciel, où il était toujours selon la Divinité, qui fut renouvelé et se reposa selon l’humanité, car selon la Divinité , il était toujours en repos et le même.

Celui donc qui viendra purement en ces lieux avec une bonne et parfaite volonté , goûtera combien doux et suave je suis, moi son Dieu et son tout. Quand vous serez arrivée en ces lieux, je vous montrerai plusieurs choses.

 

Fin Livre 5 – page 191
 

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