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LE LIVRE

DU ROYAUME DES AMANTS DE DIEU

CHAPITRE XIII.


DES TROIS VERTUS THÉOLOGALES.

     À la base de toutes les grâces, de tous les dons et de toutes les vertus théologales est la foi divine, qui est une lumière surnaturelle et le fondement de tout bien. Quiconque veut l’acquérir et être fils du royaume éternel doit, au point de vue naturel, s’élever déjà aussi haut que possible, afin de considérer comment Dieu a créé le ciel et la terre par amour pour l’homme ; comment il a comblé celui-ci de dons sans nombre, tant spirituels que corporels ; comment enfin il est mort pour tous, afin d’effacer leurs péchés, pourvu qu’ils veuillent eux-mêmes faire pénitence (1). Car Dieu est prêt à prodiguer sans compter son amour et le don des vertus ; il veut se donner lui-même avec tout ce qu’il est et tout ce qu’il a, pour une même éternelle jouissance dans l’éternelle gloire, pourvu que l’homme ose se confier en lui et veuille le servir librement avec une vraie obéissance.
     Tout ce que Dieu a fait, c’est par pure bonté et libéra-lité. Sa nature bienfaisante le porte à se répandre sans cesse avec tous ses dons dans le temps et dans l’éternité, afin d’élever jusqu’à lui tous ceux qu’il a ainsi comblés et les introduire dans l’éternelle jouissance. Aussi l’homme doit-il accomplir toutes ses œuvres librement pour l’honneur de Dieu, avec une vraie humilité et une exacte obéissance, et ne rien désirer ni vouloir en retour que ce qu’il plaira à Dieu de lui donner : car Dieu est libéral et bienfaisant, et pas un service n’est oublié de lui ni privé de récompense.
     En considérant ces choses, l’homme porte son activité naturelle aussi haut qu’elle peut aller. Mais là où la nature fait défaut, Dieu intervient avec sa lumière surnaturelle et il éclaire l’intelligence, de sorte que l’homme en conçoit plus de foi et de confiance qu’on ne peut le décrire. Puis il considère et contemple le bien éternel qu’il attend, et il espère sans hésitation obtenir ce qu’il croit et ce qui se présente à ses yeux. De là naît un amour affectif qui l’affranchit et l’unit à Dieu. Il aura dès lors les trois vertus théologales de foi, d’espérance et de charité : et avec elles le Saint-Esprit viendra en l’âme de l’homme, comme une source vive, d’où s’échappent sept fleuves de grâce, c’est-à-dire sept dons divins qui ornent l’âme, l’ordonnent et l’achèvent pour la vie éternelle (2).

CHAPITRE XIV.

DU DON DE CRAINTE DU SEIGNEUR (3)

     Le premier des sept dons divins, c’est la crainte amoureuse du Seigneur qui redoute plus de l’offenser que de perdre la récompense. Elle confère à l’homme un sentiment de révérence et de vénération pour Dieu et son humanité sainte, en même temps que le désir de conformer toute sa vie et toutes ses œuvres à l’honneur et à la ressemblance du Christ. De même elle lui fait concevoir grand respect et estime pour tous les sacrements de la sainte Église, pour la doctrine du Christ et de tous les saints, et pour le service de Dieu ; elle lui inspire la déférence courtoise à l’égard de ses supérieurs tant ecclésiastiques que séculiers, ainsi que le respect de tous les hommes de bien, en qui il reconnaît une vie vertueuse et une ressemblance avec Dieu.
     De cette crainte amoureuse naissent la vraie humilité et l’abaissement sincère, qui consistent pour l’homme à voir clairement le contraste entre la grandeur de Dieu et sa propre petitesse, entre la sagesse souveraine et sa propre ignorance, entre la richesse et la libéralité divines et la pauvreté et indigence qui sont en lui-même. L’humilité fait qu’il s’abaisse toujours et se fait petit devant les yeux de Dieu ; elle le porte à se regarder comme plus vil que tous, qu’ils soient ses supérieurs, ses égaux ou ses inférieurs. Ainsi abaissé et humilié, il servira volontiers quoiqu’avec discrétion tous ceux qui ont besoin de lui ; il se contentera facilement de la nourriture et de la boisson qu’on lui donne, dans la mesure où ses forces le lui permettent ; il se montrera humble dans son maintien, selon son état et les convenances, de sorte que nul n’ait de juste motif de le reprendre ; il sera enfin plein d’humilité dans ses démarches, à l’extérieur et à l’intérieur, devant Dieu et tous les hommes.
     L’humilité fera naître l’obéissance, qui donne à l’homme la soumission envers Dieu et ses commandements, envers les supérieurs et la sainte Église, envers tous les hommes vertueux enfin, pour tout bien. Par là aussi ses sens et ses puissances inférieures obéiront et se soumettront à la raison supérieure, se livrant au labeur de la pénitence corporelle, autant que la nature le peut discrètement porter.
Puis viendra l’abnégation de la volonté propre, par laquelle l’homme renonçant à lui-même, qu’il ait à agir ou à s’abstenir, se soumet à la volonté de Dieu en toutes choses, ainsi qu’à celle de ses supérieurs et de tous ceux avec qui il vit, en ce qui est permis et opportun, selon la discrétion. C’est à ceux qui possèdent ainsi la pratique de la crainte du Seigneur, après avoir renoncé à leur propre volonté et à leur propre jouissance, que s’applique la parole du Christ : « Bienheureux sont les pauvres d’esprit, car le royaume des cieux est à eux (4). » Nul n’est plus pauvre, en effet, ni plus dépouillé que celui qui sert Dieu toute sa vie, et ne veut, ne souhaite et ne désire rien que ce qu’il plaît à Dieu de lui donner. Celui-là est un vrai disciple et imitateur du Christ : car il ne possède aucune chose, et se confiant pleinement en Dieu, il se sent plus assuré que s’il avait lui-même le pouvoir de choisir entre tous les dons divins du temps ou de l’éternité.
     Un tel homme ressemble aux anges du chœur inférieur, il est leur émule et appartient à leur chœur ; car ceux-ci pratiquent la révérence et l’honneur envers Dieu, ils ont de la déférence pour tous les anges et tous les hommes ; ils sont humbles et dévoués au ser-vice de Dieu et de chacun. Dans leur office de mes-sagers ils font preuve d’obéissance envers tous, leur volonté est unie à celle de Dieu, et ainsi dépouillés de toute recherche propre, ils jouissent de la béatitude éternelle.
     Celui qui possède le don de crainte ressemble encore à Dieu lui-même tant dans sa nature divine que dans la nature humaine qu’il a prise. Dieu, en effet, n’a-t-il pas témoigné respect et honneur à la nature humaine, en l’élevant au-dessus de tous les cieux et de tous les chœurs des anges ? Il a fait preuve d’humilité en pre-nant cette nature pour se l’unir. Enfin il a pratiqué l’obéissance en se rendant aux désirs et aux appels des patriarches et des prophètes ; il a fait abandon de sa volonté, selon que disent les Écritures, en mille manières, et il s’est soumis aux désirs de ses amis. Dans sa nature humaine, le Christ était rempli de res-pect et de vénération pour son Père ; il poursuivait son honneur, sa louange et sa gloire en toutes ses œuvres. Il le servait avec une humble soumission, et son humilité se montrait encore à l’égard de tous les hommes, en particulier de ses disciples, qu’il assistait en toutes circonstances. Avec quelle humilité a-t-il lavé lui-même leurs pieds, disant : « Je ne suis pas venu pour être servi, mais pour servir (5). » Sa volonté était soumise et pleinement abandonnée à celle de son Père durant sa vie et jusqu’à la mort. Il obéissait même volontiers à la loi juive et à ses prescriptions, ainsi qu’aux coutumes des patriarches et des prophètes, lorsqu’il le jugeait convenable.
     Posséder d’une façon parfaite la crainte du Seigneur, c’est orner et transformer au moyen des vertus divines ce que l’on peut appeler l’élément terrestre chez l’homme et régler l’appétit irascible. La terre reçoit son ornement des arbres qui la couvrent avec leurs fruits sans nombre telle est chez l’homme l’intention appliquée à Dieu en toute révérence et vénération. Les plantes délicates, au parfum délicieux, ce sont les diverses formes du service de Dieu accompli avec une humilité sincère. Les animaux et les bêtes sauvages qui vivent sur la terre et que l’homme doit dompter, ce sont les puissances inférieures qu’il faut amener à obéir selon la rectitude. Mais l’homme raisonnable trouve son vrai ornement à se renoncer soi-même et à se soumettre à Dieu sans résistance de la volonté propre. Voilà ce qui s’appelle orner la terre et dominer l’appétit irascible.
     L’homme est ainsi établi dans un paradis terrestre qu’il doit cultiver et garder. Le cultiver, c’est pratiquer les vertus ; le garder, c’est s’abstenir du péché, qui ferait perdre à la fois le fruit et le paradis. Au milieu de ce paradis il y a l’arbre de vie, l’arbre de la science du bien et du mal (6). Il représente la délectation natu-relle et produit des fruits beaux et savoureux, propres à satisfaire la nature. Le démon et le monde les présentent et les offrent aux sens figurés par la femme, qui à son tour les porte à l’homme, image de la raison supérieure, à qui Dieu a confié la garde du paradis. Or, l’homme peut bien manger du fruit des vertus pour sa consolation et sa joie, et croître ainsi toujours en grâce ; mais il lui est défendu de se nourrir du fruit de la délectation sensible, c’est-à-dire de vivre selon la satisfaction de la nature. Aussi dès que la raison supérieure consent à prendre ce fruit et se laisse entraîner par les suggestions de la femme, c’est-à-dire par les sens et le démon, malgré les défenses de Dieu et à l’encontre de sa volonté, l’homme est chassé du paradis, il est dépouillé de toutes vertus, banni et retranché du royaume éternel de Dieu.
     Si l’on veut élever la crainte de Dieu et toutes les vertus qui en naissent jusqu’à la plus haute perfection, il faut observer ce qui suit :

Porter vers Dieu son intention
et la lui dévouer sans cesse
en une application constante ;
puis grandir dans la crainte du Seigneur,
afin de le servir sans retour
en grande louange et vénération.
Il faut aussi bien connaître,
savoir et envisager toujours,
dans le fond de sa conscience,
comment on doit vaquer à Dieu,
en même temps que servir tous les hommes,
avec une vraie humilité.
Qu’en vous les vertus veillent sans cesse
sans jamais se livrer au sommeil,
s’exerçant en toute droiture ;
puis livrez-vous avec joie
sans nulle fatigue ni trêve
au labeur de l’obéissance.
Dépouillez la volonté propre
afin de l’abandonner à Dieu,
en toute abnégation.
Lorsqu’on vit sans faire de choix,
on ne peut plus rien perdre,
dans le temps ni dans l’éternité.
Tournez-vous franchement vers ce but,
vous aurez la crainte du Seigneur,
dans sa perfection la plus haute.

     Mais voici maintenant quatre obstacles qui s’opposent à ce que l’homme possède la crainte de Dieu en cette perfection :

Ceux qui vivent avec négligence
font preuve de peu de crainte
pour servir Dieu dignement.
Les gens grossiers et bornés
ne savent point servir humblement
en vue de l’éternité.
Il faut souvent qu’ils se plaignent
ceux qui portent avec peine
le joug de l’obéissance.
Lorsqu’on veut faire sa volonté
on ne peut guère progresser
parce qu’on vit dans l’entêtement.
Ces quatre choses sont une entrave
qui empêche l’homme de posséder
la crainte dans sa perfection.

Mais il faut encore vous montrer
ce qui est cause de destruction
pour cette crainte et toute vertu :
Se tourner vers la créature,
et abandonner le Seigneur,
c’est lui faire grande injure.
La méconnaissance de soi-même
éloigne et fait ignorer
la vraie humilité.
Ne point pratiquer la vertu
c’est, comme il est dit souvent,
vivre sans obéissance.
Enfin la volonté propre
creuse un enfer
d’endurcissement.
Voilà qui sépare de Dieu
et conduit à la détresse
de l’éternelle damnation.

CHAPITRE XV.

DU DON DE PIÉTÉ.


     Le deuxième don divin qui orne l’âme de vertus est la miséricorde ou la piété. Par elle l’homme est rendu bon et serviable, prêt à se dévouer à Dieu et à tous, attentif et prévenant à l’égard de ceux qui sont dans le besoin, dans l’affliction ou l’infortune.
     De cette prévenance et de cette bonté naît la compassion ou sympathie par laquelle l’homme entre en part de la passion et des souffrances du Christ et compatit aux douleurs de tous. La compassion et la pitié engendrent toutes les œuvres charitables, car c’est à la charité que Dieu a confié les sept œuvres de miséricorde. La charité, en effet, est le fidèle serviteur que Dieu a établi sur sa famille et à qui il a remis son trésor et ses richesses afin de subvenir aux nécessités de chacun. Elle procure la nourriture et le breuvage, le logement et le vêtement ; elle assure la visite des pauvres malades, assiste les captifs, quelle que soit la cause juste ou injuste qui les retienne dans les fers, où ils souffrent parfois pour le nom de Dieu ; elle donne consolation à tous d’une façon discrète, elle pourvoit enfin à l’ensevelissement des morts. Les riches emploieront donc les biens de Dieu et ses trésors à pratiquer la charité, et les pauvres auront au moins cette bonne volonté et cette libéralité du cœur, qui portent à donner volontiers lorsqu’on le peut faire. Pour Dieu c’est tout un ; car c’est la miséricorde et la libéralité qui constitue la vertu et non point les œuvres extérieures. Ainsi donc que celui qui ne possède rien se montre cependant bon et compatissant envers son prochain, affable et digne de confiance dans ses conseils et dans ses actes, et en tout ce qui est en son pouvoir.
     La piété engendre la patience, que nul ne peut posséder s’il n’a d’abord la douceur et la bonté. C’est la patience qui donne à l’homme dans les afflictions force et courage, lui permettant de supporter avec calme ce qui lui arrive, dommages ou peines, opprobres ou maladies, tout ce qui enfin peut lui être envoyé par Dieu ou imposé par les créatures. Ainsi pourra-t-il demeurer toujours en paix et en vraie tranquillité. Voilà ceux dont le Christ a dit : « Bienheureux les doux, car ils posséderont la terre (7). »
Lorsqu’un homme, en effet, rempli du don de piété, met au service de Dieu sa compassion et pratique toutes les œuvres de miséricorde, il possède réellement toute la terre ; car son désir est d’employer tout ce qu’il est, tout ce qu’il a et tout ce qui se trouve sur la terre, si c’était en son pouvoir, afin de servir Dieu et d’assister son prochain dans l’indigence, pour l’honneur de Dieu. De plus, il possède sa propre nature par la patience et la douceur : et ainsi jouit-il de cette béatitude promise par le Christ et qui consiste à posséder la terre. Car il a la possession de lui-même et de toute créature selon l’ordre voulu et établi par Dieu.
     Un tel homme ressemble aux archanges, ainsi nommés parce qu’ils sont au-dessus des anges du premier chœur ; il est leur émule et de leur société. Car les archanges prodiguent eux-mêmes leur bonté envers tous les hommes, surtout envers ceux qui les imitent en libéralité et miséricorde, et ils s’emploient à pro-mouvoir toutes les dispositions charitables, là où elles se rencontrent. La dignité des archanges est plus haute que celle des anges inférieurs ; ce sont les mes-sagers les plus dignes parmi ceux que Dieu envoie aux hommes sous forme humaine. C’est ainsi que l’ar-change Gabriel apporta à Marie l’annonce qu’elle serait Mère de Dieu, et il y avait dans cette annonce grande miséricorde et piété, compassion et libéralité, puisqu’il s’agissait d’un Dieu fait homme. Les archan-ges sont donc éminemment charitables, particulière-ment envers tous ceux qui pratiquent la charité avec toute leur diligence et leur zèle.
     L’homme qui est rempli de charité et de piété res-semble encore à Dieu dans sa nature divine et dans son humanité sainte. Dieu est, en effet, si clément et si miséricordieux que tous ceux qui l’approchent et le touchent reçoivent ses dons en abondance. Dans sa compassion et sa libéralité, il a créé et consacré au service de l’homme le ciel et la terre, avec toutes les créatures qui s’y trouvent, demandant seulement en retour que l’homme lui demeurât fidèle. De plus, il a promis de se donner lui-même en joies incompréhensibles, pourvu que l’homme consente à se tourner vers lui. Sa longanimité et sa patience à attendre ce retour sont sans bornes, et il est plein de mansuétude pour supporter les nombreuses iniquités et injustices des hommes. Dans sa nature humaine le Christ s’est montré rempli de bonté et de douceur à l’égard de tous, en toutes circonstances ; et sa grande compassion le faisait pleurer sur Jérusalem et ses habitants, dont il prévoyait la perte, alors qu’ils étaient ses ennemis. Il versa des larmes de compassion avec Marthe et Marie-Madeleine, au tombeau de leur frère ; il manifesta sa pitié pour une pauvre veuve et la foule qui l’accompagnait au dehors des portes de la ville, en ressuscitant le jeune homme de la mort. C’est d’ailleurs envers tous les hommes et selon leurs désirs que le Christ a témoigné et témoigne sans cesse son immense charité, ainsi qu’il le fit spécialement pour cette foule de cinq mille hommes qu’il rassasia avec cinq pains d’orge et deux poissons. Dans sa bonté et sa miséricorde, il n’a jamais manqué et ne manquera jamais à aucun besoin, pourvu que l’on se confie à lui. Enfin son infinie patience a paru dans toutes ses souffrances, alors qu’il était abandonné de son Père et de tous ses amis, supportant toute misère dans l’abnégation de sa nature corporelle jusqu’à la mort.
     Celui donc qui a acquis ainsi le don divin de piété donne au second élément humain, qui est représenté par l’eau, l’ornement des plus nobles vertus, c’est-à-dire qu’il orne en lui-même la puissance concupiscible de l’âme.


CHAPITRE XVI.

COMMENT LA PIÉTÉ RESSEMBLE À LA SOURCE
DU PARADIS.


       La piété ressemble à la source qui jaillissait au centre du paradis terrestre, et qui se divisait en quatre fleuves. C’est par elle, en effet, que la puissance concupiscible s’écoule de quatre manières.
      Il y a un premier fleuve qui se dirige vers le ciel, sous la forme de compassion aux souffrances du Christ et de tous ses saints. Ce fleuve n’est que joie et louange, car les souffrances sont passées et ceux qui les ont portées sont dans l’allégresse.
      Le deuxième fleuve coule vers le purgatoire, et il est fait de compassion pour toutes les âmes qui sont dans les peines, afin de satisfaire pour leurs péchés. La puis-sance concupiscible s’y dépense en prière intime à Dieu, pour la délivrance de ceux qui nous sont chers.
      Le troisième fleuve du paradis de vie se répand sur toute la terre c’est la compassion et la pitié pour toutes les nécessités et tous les intérêts de la sainte Église. Ici la puissance concupiscible opère par la seule intimité amoureuse avec Dieu, plus que tous les hommes ne sauraient faire par les œuvres extérieures de miséricorde.
     Le quatrième fleuve, ce sont les œuvres extérieures de charité et de libéralité répandues sur tous ceux qui les réclament, qu’il s’agisse de donner des conseils ou de faire le bien sous quelque forme que ce soit. Dans cette pratique de la charité il y a souvent grand labeur.
     Tels sont les quatre fleuves de charité qui servent d’ornements variés à la vertu de piété.


CHAPITRE XVII.


COMMENT L’ON PEUT POSSÉDER LE DON DE PIÉTÉ
DANS SA PLÉNITUDE.


     Si l’homme veut posséder le don de piété dans toute sa plénitude, avec toutes les vertus qui en découlent, il doit remplir les conditions suivantes :

Son esprit doit être en repos,
insensible au succès extérieur,
et demeurant toujours simple.
Qui veut être miséricordieux
n’y rencontrera nulle peine,
pourvu qu’il pratique la douceur.
Ainsi aura-t-il compassion
de tous ceux qui ne peuvent avoir
le plus strict nécessaire
ce qu’on doit toujours regarder
si l’on veut vivre vertueusement
et selon la sage discrétion.
Ayez cette charité large,
que nul ne doit abandonner ;
faites œuvre de miséricorde,
sans choix, ni égard de parenté,
mais ayez un commun amour
pour tous selon la discrétion.
Dans les souffrances et dans les maux
il faut être toujours joyeux,
et louer Dieu avec gratitude.
Puis il faut s’affranchir le cœur
et faire abnégation de soi,
en conservant grande patience.
Avec la douceur
l’on vit sans peine
dans une grande dignité.

     Mais il y a des obstacles qui empêchent l’homme de posséder la vertu de piété dans toute sa plénitude :

Être irascible et turbulent,
agité au dehors comme au dedans,
voilà qui empêche la douceur.
Puis lorsque l’on a compassion
pour ses amis et pour ses proches,
plus que pour le commun des hommes,
l’on est de vertu instable,
car c’est une charité de faveur
et non guidée par le besoin.
Souffrir avec peine l’affliction
empêche de se réjouir
en toute action de grâces.
C’est là affaiblir
et même délaisser
la vertu de piété.

Je veux encore vous montrer
quatre choses qui déshonorent
l’homme et le privent de béatitude :
Un esprit querelleur
vit dans la colère
et sans piété.
N’avoir compassion pour personne
est bien fait pour déplaire ;
c’est une vraie tyrannie.
Avarice et rapacité
profitent mal ;
c’est vivre sans générosité.
Lorsqu’on n’a point de patience
on se donne grand labeur
et l’on porte mal la souffrance,
car l’on ignore la douceur,
et l’on va à l’éternelle peine,


CHAPITRE XVIII.

DU DON DE SCIENCE.


     Le troisième don divin qui orne l’âme est la science divinement infuse. Elle embellit les deux premiers dons de crainte et de piété, et elle est une lumière surnaturelle répandue en la puissance raisonnable de l’âme, pour permettre à l’homme de mener une vie morale dans sa plus haute perfection. De cette science naît la sage discrétion. La foi et la crainte amoureuse ont déjà permis à l’homme de se débarrasser du joug de l’ennemi, c’est-à-dire du péché ; l’humilité et l’obéissance l’ont fait renoncer à sa propre volonté, pour se soumettre à Dieu et porter son joug en toutes vertus ; et ainsi la puissance irascible de la volonté a reçu son ornement.
     D’autre part, la piété, la compassion et la mansuétude, par lesquelles on vient en aide aux nécessités du prochain, en pratiquant les œuvres de miséricorde, ont donné à la puissance concupiscible l’ornement qui lui convient. Maintenant la discrétion vient orner l’intelligence dans sa puissance raisonnable ; la discrétion qui enseigne comment il faut s’acquitter de son service, qui indique le moment opportun pour agir, fait juger les motifs, choisir les personnes, mesurer sagement les circonstances, apprécier enfin toutes choses de façon à n’excéder en rien.
     Cette discrétion est l’ornement et la perfection de toutes les vertus morales ; et sans elle, il n’est pas une vertu qui puisse durer d’une façon stable, car elle est la mère de toutes les autres. C’est elle qui montre à l’homme où est l’honneur de Dieu, où se trouvent l’utilité et le profit du prochain, et comment on peut y satisfaire. Elle lui donne la connaissance de soi-même, et lui fait remarquer et comprendre combien il omet souvent de rendre à Dieu l’honneur, la révérence, la louange, la vénération et l’humble service qu’il lui doit ; combien encore il oublie souvent son prochain par tiédeur de charité et par négligence. C’est une raison pour se mépriser soi-même et ses propres œuvres, car on reconnaît avec tristesse que l’on n’a ni envers Dieu ni envers le prochain une conduite droite. On ne peut dès lors concevoir de soi grande estime. La connaissance de nous-mêmes nous enseigne aussi d’où nous venons, où nous sommes et où nous allons. Nous venons de Dieu et nous sommes en exil, et c’est parce que notre puissance affective tend sans cesse vers Dieu, que nous ressentons cet exil. Nous devons supporter dans notre corps de multiples souffrances, la faim, la soif, le froid, le chaud, la maladie et d’autres maux sans nombre. Puis, le démon et les hommes nous livrent souvent de grands combats. La science divine nous enseignera donc à ne point avoir de présomption et à ne mettre notre joie ni dans des choses caduques, ni dans nos œuvres, mais à avoir déplaisir de nous-mêmes, comme de serviteurs inutiles et de créatures infirmes en toutes choses. C’est le plus haut degré dans le don de science divine, et ceux qui le possèdent entendent cette parole du Christ : « Bienheureux ceux qui pleurent, parce qu’ils seront consolés (8). » Ceux-là en effet qui regrettent de ne pouvoir, malgré tous leurs efforts, procurer à Dieu tout le service et l’honneur qu’ils voudraient, conçoivent cette peine à cause de l’amour et de la fidélité qu’ils ont pour Dieu et pour la vertu. Alors même qu’ils posséderaient toutes les vertus qui ont jamais été pratiquées, cela leur paraîtrait peu de chose; car à celui qu’ils aiment ils voudraient donner plus d’honneur et de fidélité que tous les hommes n’en ont jamais pu offrir.
     Bienheureux ceux qui portent cette affliction, car ils seront consolés dans le royaume éternel de Dieu. Ils ressemblent vraiment aux anges du troisième chœur, appartiennent à leur société et sont leurs émules. Ces anges sont appelés Vertus ou Puissances, et ils méritent ce double nom. Ils sont appelés Vertus, parce que la discrétion leur donne une clarté plus grande que celle des deux chœurs inférieurs ; et en raison de cette science supérieure de discrétion, ils peuvent les guider et les éclairer dans l’exercice de leur activité. Ils font de même pour les hommes qu’ils illuminent de leurs inspirations, sous forme d’images ou de symboles. Et ainsi peut-on dire qu’ils ont, avec ceux qui leur ressemblent en science divine et en discrétion, une vraie relation spirituelle. Ces anges sont appelés aussi Puissances, parce qu’ils commandent aux deux chœurs inférieurs, lorsqu’ils le veulent et qu’ils y voient utilité. Ils sont ainsi les premiers de la hiérarchie inférieure, dont ils complètent les trois chœurs, et les plus élevés parmi ceux qui ont à guider la vie morale.
     L’homme qui est rempli de la science divine et de la discrétion ressemble encore à Dieu dans sa nature divine et dans la nature humaine qu’il s’est uni. Dieu, en effet, avec sa science éternelle et sa discrétion, s’incline vers toutes les créatures et les contemple ; il donne au ciel et à la terre, et à tout ce qu’ils renferment, l’ornement et l’ordre qui leur conviennent ; il assiste les hommes dans toutes leurs œuvres, comme dans leur vie, et à tous il donne la lumière soit extérieure, soit intérieure, de mille façons, d’après ce que chacun peut porter. Le Christ dans sa nature humaine était de même tout rempli de science divine et de discrétion, qui resplendissaient en sa vie et en toutes ses œuvres.
     Lors donc qu’un homme possède de tels dons d’une façon parfaite, il a l’ornement et la clarté du troisième élément naturel qui est l’air ; c’est-à-dire que la puissance raisonnable de son âme reçoit une clarté toute spéciale, et ainsi toute brillante de la lumière de science divine elle donne à son tour l’ornement à la terre. Cet élément figure la puissance irascible, la dernière de toutes, qui sagement guidée maintient l’homme en humilité et obéissance. De même la puis-sance concupiscible, figurée par l’eau, reçoit ici son ornement et confère le pouvoir de se répandre en œuvres de miséricorde.
     L’air, symbole de la puissance raisonnable, est orné de multitudes d’oiseaux, qui représentent les œuvres accomplies avec discrétion. Parmi ces oiseaux les uns marchent sur la terre, les autres nagent sur les eaux, d’autres volent dans l’air, d’autres enfin s’élèvent dans les régions supérieures jusque vers les feux du soleil. Les oiseaux qui marchent sur la terre, ce sont les hommes qui avec leurs biens terrestres servent libéra-lement les pauvres selon la discrétion, se rendant ainsi très utiles à tous ceux dont ils soulagent l’indigence. Il faut aussi parcourir les eaux et s’en aller jusqu’aux extrémités de la terre, ce qui est pratiquer la compassion et la miséricorde envers tous, et une manière très profitable de donner aux âmes le secours spirituel. Le vol élevé de la puissance raisonnable consiste pour l’homme à s’examiner et s’éprouver soi-même dans toutes ses œuvres et dans sa vie, avec discrétion : et c’est là un grand service qu’il se rend à lui-même. Enfin le vol sublime de l’aigle représente le mouvement de l’âme qui s’élève au plus haut de la puissance raisonnable, jusqu’au feu ardent de l’amour, en pratiquant toutes les œuvres et toutes les vertus avec une grande ardeur, en vue de la gloire de Dieu : et ce mou-vement est celui qui fait monter au sommet de la vie active.
     De cette manière, les trois puissances de l’âme sont ornées des vertus divines. La puissance irascible a pour ornement la crainte amoureuse, l’humilité, l’obéissance et l’abnégation à toute volonté propre ; la puissance concupiscible est ornée de même de la mansuétude, de la piété, de la compassion et de la libéralité ; la puissance raisonnable enfin possède l’ornement du savoir et de la discrétion, en même temps que de l’intelligence qui ordonne toutes choses. Lorsque ces vertus arrivent à leur plein épanouissement, l’âme possède une vie active parfaite et une aptitude à toutes les vertus et à tous les dons divins.


CHAPITRE XIX.


COMMENT L’HOMME PEUT POSSÉDER
LE DON DE SCIENCE.


     Si l’on veut posséder le don divin de science avec toute la discrétion qui en découle,

il faut un esprit tranquille
et qui sache malgré le tumulte
se tenir en grande paix.
Puis porter toujours également
accusation, malédiction et plaintes,
et les bizarreries de chacun.
Juger toutes choses avec droiture
et reconnaître avec certitude
ce qui convient à la discrétion.
Savoir donner et recevoir
et bien régler toutes choses,
c’est mener une vie sincère.
Veiller sans cesse à soi-même
et à toutes ses actions,
c’est reconnaître sans peine
qu’envers Dieu ou envers les hommes
l’on n’agit jamais parfaitement,
mais qu’il manque toujours quelque chose;
ainsi se trouve-t-on bien infirme.
C’est de quoi sentir la peine
dans un juste abaissement,
et avoir le cœur attristé
d’être toujours défaillant.
Ainsi pratique-t-on la vertu
dans une juste perfection.

     Mais voici naître des obstacles qui empêchent la possession parfaite du don de science :
Les grands désirs de vertu
sans la discrétion convenable
font obstacle à la vraie science.
Mêler l’inquiétude de cœur
à tous les actes de vertu,
c’est gêner le discernement.
Puis se complaire en ses vertus,
sans s’attrister de ses défauts,
c’est manquer de vraie connaissance.
Lorsque l’on vit sur la terre
et que l’on a peu de désir
de sortir de cet exil,
c’est défaillir,
mais non tout perdre
du don de science.
Maintenant je veux vous décrire
les causes qui affaiblissent
et détruisent toute vertu :
L’esprit colère
qui se répand en fureur,
se prive de la vraie science.
Se donner des airs terribles,
maudire et jurer sans cesse,
c’est perdre la discrétion.
S’estimer beaucoup soi-même
et ne rien supporter chez autrui,
c’est ne savoir plus se connaître.
Lorsqu’on se plaît ici-bas
sans repentir de ses péchés,
on s’en va droit en enfer.


CHAPITRE XX.

DU DON DE FORCE.


     Le quatrième don divin qui orne l’âme est la force spirituelle. De même que les trois premiers dons décorent, ordonnent et perfectionnent l’homme à l’extérieur et à l’intérieur dans sa vie active, le don de force lui confère extérieurement et intérieurement l’ornement de la vie affective. La force spirituelle élève le cœur au-dessus de toutes les choses temporelles et fait contempler à la raison les propriétés des personnes divines, la puissance du Père, la sagesse du Fils, la bonté du Saint-Esprit. Elle enflamme la puissance affective d’un amour sensible, de sorte que la mémoire se vide et se dépouille de toutes choses, la raison contemple la vérité éternelle dans toutes ses œuvres, et l’affection s’écoule sans cesse avec un amour sensible dans la bonté de Dieu. Toutes les puissances de l’âme, tant intérieures qu’extérieures, s’élèvent ainsi jusqu’à l’esprit et s’unissent à lui, de sorte que l’homme. négligeant tout ce qui est dans le monde, n’éprouve plus du côté d’aucune créature de contrainte ni d’obstacle qui l’empêche de s’offrir à la bonté de Dieu aussi souvent qu’il le veut. C’est pourquoi il est libre et affranchi vis-à-vis de tout ce qui est créé ; et il possède ainsi la force, parce qu’il est maître de toutes les choses de la terre, ayant toutes les puissances de son âme unies et élevées, chacune adaptée à son action.
     De cette force et de cette ardeur affective naissent la louange, l’honneur, la dévotion, les prières intimes de bouche, de cœur et d’intention, accompagnées d’actes accomplis en toute franchise. En même temps, l’ardeur de l’affection s’accroît ; car l’objet lui-même, qui est la toute-puissance incompréhensible, la vérité éternelle, la bonté et la libéralité sans fond, est chose si douce à voir que sans cesse l’affection grandit.
     Sous l’influence de cette affection et de cette contemplation, l’homme ressent au cœur une blessure et une douleur intérieures qui se renouvellent à chaque retour vers Dieu : et chacun de ces retours lui cause une douleur plus grande. Parfois il lui vient une telle suavité et consolation intérieures, qu’il ne peut plus la renfermer en lui-même. Il lui semble que tout le monde a l’expérience de ce qu’il ressent : et alors sa jubilation éclate, car il ne sait comment la retenir. Ou bien, s’il est loin des regards, car Dieu ne veut pas humilier ses amis, il est pris d’une ardeur si grande, intérieurement et extérieurement, d’un bien-être tel dans ses puissances et dans tout son être, qu’il lui semble que son cœur va se briser.

De là naissent ivresse et folie ;
car Dieu met ses amis hors de sens.
Parfois la folie est si grande
qu’elle dépasse les limites ;
le fou éclate en larmes et en cris,
quand il perçoit la touche divine,
ou quand, se retournant en lui-même,
il entrevoit l’éclair divin.

     Ces opérations divines donnent à l’âme un grand désir d’être agréable à Dieu en toute vertu ; c’est ce que produit le don de force. Et lorsqu’on possède ce désir, l’on entend la parole du Christ « Bienheureux ceux qui ont faim et soif spirituelles de la justice (9). » Ce qui consiste à se dépouiller et à s’affranchir de toutes les créatures, et à s’élever d’intention et de désir, d’âme et de corps, avec ses yeux, ses mains et tout son pouvoir, vers la louange et la gloire de Dieu, pour le temps et l’éternité, sans chercher là aucune satisfaction, ce qui serait un partage et un obstacle à la vraie justice. Jamais dans une telle vie d’amour ne manque le bonheur.
     Celui qui possède d’une façon parfaite le don divin de force spirituelle porte en lui la ressemblance avec les anges du quatrième chœur ; il vit en leur société et est ainsi l’émule de ceux qu’on appelle les Puissances. Ces princes élevés et forts devant le trône de la Trinité, sans cesse remplis en tout leur être d’une affection véhémente, sont toujours pleinement maîtres d’eux-mêmes pour contempler la Trinité. À tous ceux qui leur ressemblent en désir élevé, ils ont le pouvoir de donner la lumière qui conduit à l’attachement d’amour. Ils commandent aux trois chœurs inférieurs de la première hiérarchie, parce qu’ils brûlent d’un amour plus véhément, et ils ont aussi une connaissance plus claire que ceux qui ont à régir, à ordonner et à conduire la vie active. Toujours et sans relâche ils louent de toutes leurs forces : c’est leur œuvre la plus haute. Ils ont aussi plein pouvoir de subjuguer le démon et de l’empêcher de nuire comme il le désire méchamment.
     Le don de force spirituelle fait encore ressembler à Dieu dans sa nature divine et dans sa nature humaine. Selon la nature divine, en effet, l’Intelligence paternelle contemple sans relâche sa Sagesse infinie qui est son Fils ; et l’éternelle Sagesse, le Fils, contemple toujours l’unité de la nature féconde qui est paternité. De cette contemplation mutuelle en l’unique Sagesse procède l’Amour infini, le Saint-Esprit, l’amour qui est lien d’unité et qui donne aux deux personnes divines comme une faim inassouvie de toujours s’écouler en unité et de sans cesse engendrer dans la très haute Trinité.
     Le Christ, dans sa nature humaine, élevait et élève toujours ses désirs vers Dieu avec toutes les forces de son âme et de son corps, avec tous ses sens et tout son être. Sans cesse il poursuivait en ses œuvres et en sa vie l’honneur de son Père, il le louait et le remerciait en toute révérence.

Dans le plein renoncement de lui-même
il avait grande humilité.
Il voulait payer notre dette
et satisfaire à l’équité.

     Avec un tel don divin de force spirituelle on possède l’ornement du quatrième élément naturel, le feu, symbole de la liberté de la volonté, qui se porte à des vertus de choix. L’élément du feu décore tous les autres ; il est le plus noble de tous, car par nature et par noblesse il cherche toujours à monter ; il opère enfin d’une façon très subtile dans toutes les créatures. C’est pourquoi il sert de symbole à la liberté de la volonté, qui, touchée du don divin de force, cherche en toute occasion à s’élever en flammes d’ardent désir. Par là l’âme acquiert la faculté de ne pouvoir plus trouver satisfaction en aucune créature sur la terre.
     Qu’elle brûle donc maintenant comme le feu en montant toujours en désirs, afin d’être ornée de vertus d’une façon qui soit vraiment digne ; nul ne pourra plus la blâmer, car elle est de noblesse insigne.


CHAPITRE XXI.


COMMENT L’HOMME PEUT POSSÉDER
LE DON DE FORCE.


     Si l’homme veut posséder le don de force d’une façon parfaite,

il lui faut un esprit élevé
au-dessus de tout ce qui vit,
et une intime dévotion.
Contempler la bonté de Dieu,
fuir tout ce qui s’en écarte
c’est la vraie force spirituelle.
Donner à Dieu toujours plus,
en louange et haute révérence,
avec un zèle plein de droiture.
Lorsqu’on pénètre en la cœur de Dieu,
la louange n’a plus de cesse
et s’exerce avec grand désir.
Cela fait au cœur une blessure
et cause une grande langueur
qui donne l’impatience d’amour.
Celui qui peut la supporter
jusqu’à ce que Dieu donne le remède,
possède la vraie noblesse de vie.
Vivre toujours avec la faim
de donner assez à Dieu
en louange, honneur et révérence,
c’est ce qui s’appelle régner,
car je ne puis mieux dire,
pour parvenir à la béatitude.
Quatre choses font cependant obstacle
à l’homme et lui causent du trouble
dans le don de force spirituelle :
Quand ayant l’esprit en repos,
il cherche des succès extérieurs,
il nuit à la force qu’il possède.
Poursuivre avec affection
les douceurs et goûts sensibles,
c’est avoir des soucis étrangers.
Puis vouloir la délectation,
d’où naissent maintes misères,
c’est mettre obstacle à la vie intime.
Qui n’a point grande faim spirituelle
demeure bien loin en arrière ;
il ne peut donner pleinement
ce que réclame l’équité parfaite.

Maintenant je veux vous décrire
quatre choses qui font disparaître
et ruinent la force spirituelle :
c’est l’occupation du cœur,
jointe à des œuvres mauvaises,
qui détruit la vie intime.
Qui n’est pas admis à la cour
ne sait pas ce que c’est que louer ;
car il lui manque le désir.
Il n’a de blessure d’amour
ni extérieure, ni intérieure ;
aussi est-il travaillé d’envie.
Qui vit sans ressentir de faim
ne peut pas trouver guérison :
je parle de cette faim du désir.
Celui qui voudra lire ceci
comprendra dans ma description
ce que c’est que ne plus ressentir
la faim de la vraie justice.


CHAPITRE XXII.

DU MÊME DON DE FORCE SPIRITUELLE QUI S’EXERCE
DANS DES VERTUS PLUS HAUTES.


     Il y a encore des vertus plus hautes et des œuvres plus spirituelles qui naissent du don divin de force. Déjà sous son influence puissante le cœur est devenu libre et toutes les puissances de l’âme ont été élevées en désir, en louange, en dignité, jusqu’à la contemplation de la hauteur, de la sagesse, de la bonté, de la libéralité et de la richesse sans fond qui découlent de la sublime unité ; mais dès lors l’homme s’aperçoit qu’il est bien loin de rendre à Dieu la louange, l’honneur et la juste révérence qu’il lui doit. Il tourne alors ses regards vers les pauvres créatures qui errent dans de mauvais chemins, et il ressent grande compassion spirituelle à considérer le dommage qu’elles souffrent dans leur misère. Tandis qu’elles pourraient posséder abondamment richesse, dignité et bonheur, en consentant à s’attacher à Dieu, et qu’elles seraient capables de le servir dignement et avec amour, au contraire tout leur échappe. Voir cela cause si grande peine que nul ne peut la concevoir, s’il ne l’a pas ressentie.
     De cette pensée l’âme revient à la contemplation de la bonté infinie de Dieu, de sa libéralité, de sa compassion et de sa miséricorde, et en même temps elle voit clairement les misères à secourir. Or cette contemplation et cette attention font jaillir en elle un très grand amour pour Dieu et pour tous les hommes en général. Et si elle se souvient de quelqu’un en particulier, elle est touchée pour lui d’une affection singulière, sans cependant y trouver d’obstacle ni d’image importune dans son ascension vers Dieu ainsi se tient-elle entre Dieu et tous les hommes comme médiatrice de paix.
     C’est la source d’une prière intime si puissante qu’elle accomplit des choses ineffables. Car la bonté de Dieu se manifeste avec une telle libéralité et richesse, une telle bienveillance et magnificence, que cela donne grande hardiesse à celui qui prie, et qu’il lui semble devoir obtenir tout ce qu’il désire. Cependant il ne peut rien demander ni désirer de volonté propre ou opiniâtre ; mais il se plonge dans la bonté infinie de Dieu, sachant bien que l’amour divin pour nous est sans mesure, et qu’il dépasse celui qu’ont jamais pu posséder tous les hommes ensemble. C’est à cet amour sans fond et à cette libéralité que la prière recom-mande tout besoin et tous intérêts de la sainte chrétienté. Puis lorsque l’on contemple tous les justes et les saints dans le royaume éternel, on ne peut qu’admirer à quel point ils sont inondés des dons divins de la grâce et de la gloire. Dieu se répand et s’écoule comme un océan de délices incompréhensibles en tous ceux qui sont capables de le recevoir, les ramenant ensuite dans son reflux pour les introduire dans les flots immenses de son unité. Et en présence de cette unité qui s’offre à eux, ils ne peuvent plus demeurer en eux-mêmes et ils sont emportés dans le flux et le reflux d’un amour parfait en tous points. C’est ce qui fait grandir encore la faim de la justice.

Voilà les sublimes héros
dont la noblesse croît toujours.
Nul ne peut les critiquer ;
ils vivent dans la vérité.

     Le Christ leur adresse cette parole : « Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice ; car ils seront rassasiés (10). » Dès ici-bas ils en font l’expérience, et leur volonté est ensevelie en celle de Dieu, avec une telle joie et une si parfaite liberté, qu’ils ne peuvent plus choisir ni désirer autre chose que ce que Dieu veut, dans le temps et dans l’éternité. Ils seront encore rassasiés dans le royaume éternel de Dieu, en voyant toutes choses accomplies avec ordre et justice, chacun recevant son dû, au ciel, sur la terre et en enfer, avec une parfaite équité. C’est de quoi rassasier de bonheur les saints qui aiment ce qui est juste.
     Ceux qui possèdent ainsi dans sa perfection le don de force spirituelle ressemblent aux anges du cinquième chœur ; ils sont leurs émules et ils appartiennent à leur société. Ces anges sont appelés Principautés, c’est-à-dire princes éminents. Ils sont beaucoup plus élevés que les Puissances qui forment le quatrième chœur. En effet, si les Puissances élèvent sans cesse leur désir vers Dieu pour le louer, ces princes éminents les dépassent encore en louange et en intimité. Leur amour pour Dieu et leur désir de lui procurer plus de gloire et d’honneur sont tels qu’il leur semble que Dieu n’en reçoit ni d’eux-mêmes, ni d’aucune créature, car ils ne parviennent pas à le louer et à l’honorer selon leurs désirs enflammés et autant que l’exigerait son incompréhensible majesté. Alors ils regardent vers la terre et considèrent les créatures raisonnables, faites comme eux pour la louange et l’honneur de Dieu. Le spectacle de tant de malheureux aveugles, égarés, impuissants et infirmes à cause de leurs péchés et de leurs vices, engendre chez ces esprits bienheureux une grande compassion, pitié et condescendance amoureuse qui leur fait souhaiter que Dieu répande sa bonté sur les hommes et les arrache aux sollicitudes étrangères, afin qu’ils puissent le louer et jouir de lui éternelle-ment.
     Tels sont les princes puissants qui, s’élevant vers Dieu, s’inclinent aussi vers les créatures, pour s’élever de nouveau avec elles. Ils ont le pouvoir de commander aux Puissances dans le quatrième chœur, et de leur donner mission d’illuminer et de garder les esprits éle-vés, afin qu’ils demeurent stables dans la louange de Dieu. Car si les Puissances sont élevées vers Dieu, elles n’ont pas au même degré que les Principautés le pouvoir de s’incliner vers les créatures. Mais la mission qu’elles reçoivent ainsi des Principautés les rend capables d’illuminer et de garder les hommes qui leur ressemblent en même temps que les anges des hiérarchies inférieures, commis à la vie active, afin de les porter à un plus grand bien.
     Celui qui possède d’une façon parfaite la force spirituelle ressemble encore à Dieu dans sa nature divine, et dans la nature humaine du Verbe incarné. Selon sa nature divine, en effet, Dieu se contemple lui-même dans toute sa richesse et dans toute sa félicité débordante et sans fond. Et avec toute sa bonté et sa libé-ralité, il voit les malheureux qui se détournent de lui pour aller vers de misérables choses étrangères, y mettant une volonté perverse et un vrai mépris de Dieu et de tous ses dons. Aussi Dieu a-t-il grande compassion et pitié de ces pauvres à qui il ne peut se donner lui-même et qu’il ne peut gratifier de ses bienfaits, parce qu’ils n’en ont ni estime ni désir.

Alors il répand sur eux carnage et incendie,
afin qu’ils le reconnaissent :
aux uns il donne maladie, aux autres santé,
à ceux-ci richesse et fortune
ici le bonheur et là les tourments,
à d’autres l’opprobre sans fin :
afin qu’ils puissent le reconnaître
et se préoccupent de leur salut.
Et tout cela est fidélité et amour.
Ceux qui consentent à se tourner
vers leur légitime Seigneur
pourront vaincre leurs vices
et demeurer dans son amour.

     Si je décris ainsi et explique ces procédés divins, c’est afin de faire apprécier la Sagesse infinie de Dieu, sa grande miséricorde et libéralité. Mais il se tourne aussi vers les bons, ayant pour chacun l’amour dont il est digne. L’éternelle Sagesse voit s’élever, au ciel et sur la terre, les désirs amoureux qui tendent avec toutes leurs forces concentrées, avec impétuosité et zèle, vers la très haute unité. Et l’amour insondable plein de libéralité se répand avec toute la richesse qui est Dieu même et avec tous les trésors qui sont ses dons.

Qui peut puiser là, qu’il remplisse
tous ses vases jusqu’au bord ;
mais ce qu’on puise est chose créée ;
c’est pourquoi rien n’en peut demeurer.
Cependant on puise et on s’abreuve
sans vouloir jamais penser
qu’il faudra payer tout cela,
si l’on veut monter plus haut.
Qu’ils boivent autant qu’ils le peuvent,
il leur faudra bien tout laisser.
Le demi-denier est un bon prix (11)
s’il procure tout le denier.

     Ce qu’ils acquièrent ainsi, ils ne peuvent le conserver, car ils sont en présence de l’unité qui réclame plus qu’ils ne peuvent payer. Alors ils y rentrent avec tout ce qu’ils peuvent offrir afin de goûter l’unité. Les torrents de grâce et de gloire coulent encore en chacun selon sa dignité, et ce flux et ce reflux produisent une faim d’éternité. Rentrer avec désir c’est avoir faim, mais on ne goûte que dans l’unité. Sans cesse l’unité se fait sentir c’est pourquoi la faim n’exclut pas ici une délectation savoureuse.
    Dans son humanité le Christ possédait le don de force spirituelle dans la plus haute perfection ; car il s’élevait sans cesse librement vers l’honneur et la louange de son Père, avec d’ardents désirs. En même temps il était et est toujours porté par grande compassion et miséricorde à subvenir à tous les besoins des hommes et aux misères des pécheurs, offrant pour eux tous d’intimes prières à son Père.         Quiconque se confie en lui reçoit tout ce qu’il peut désirer. Quant aux bons, le Christ leur a montré et leur montre toujours avec quel amour il s’est donné lui-même et a offert sa mort comme prix de notre rachat. Il nous a livré sa chair à manger et son sang à boire, voulant ainsi péné-trer et se répandre en nous dans le corps et dans l’âme, et toutes les puissances, afin de nous dévorer, c’est-à-dire de nous attirer tout entiers en lui-même, pour que nous le possédions avec un amour plein de désirs. Ainsi peut-il à son tour nous faire siens par le goût divin qu’il répand dans l’intime de nous-mêmes.

C’est là manger et être mangé.
J’ose bien m’en porter garant
le moins puissant est dévoré.
Le Christ est voie et médiateur ;
Quiconque est par lui englouti
s’écoule entièrement dans l’unité.
Car le Christ désire sans mesure ;
est-ce étonnant qu’il nous prenne en nourriture
dans sa grande passion pour nous ?
Qu’il mange donc et que nous soyons mangés,
c’est cela avoir faim de la justice.
À ceci il faut s’appliquer
toute la vie
et toujours plus dans l’éternité.


CHAPITRE XXIII.

COMMENT LA LIBERTÉ DE LA VOLONTÉ PEUT ÊTRE
COMPARÉE AU FEU.


     Quiconque jouit à ce degré du don divin de force possède l’ornement du quatrième élément, le feu, qui représente la liberté de la volonté de quatre manières.
     Le feu, en effet, tend toujours à monter, et c’est la noblesse de sa nature (12). Mais il est ramené en bas par la force puissante du firmament et à cause de l’ordre établi par Dieu. Il possède de plus une action subtile, invisible et spirituelle qui se fait sentir en toutes les créatures. C’est par là que toutes sont amenées à la vie, sur la terre, dans les eaux et dans les airs, qu’elles croissent et sont maintenues dans l’existence. Enfin le feu demeure dans son lieu au-dessus des autres éléments, étant ainsi principe de lumière, de chaleur et de fécondité pour tout ce qui est sur la terre.
     Or je retrouve ces qualités dans la liberté de la volonté, lorsqu’elle est ornée de la force spirituelle. Victorieuse, en effet, du démon et de toutes les créatures dont elle a rejeté le joug, libre du côté des vices et des défaillances, elle porte sans cesse en haut le cœur et toutes les puissances de l’âme, afin de louer Dieu éternellement. Elle possède aussi l’unité d’une façon stable et à jamais, en même temps qu’elle s’incline vers les hommes avec une juste miséricorde, attentive à tous leurs besoins et désireuse de faire porter du fruit à toutes les créatures. Lorsqu’elle ne peut y parvenir, elle en ressent de la souffrance. Alors elle remonte, avec une ardeur plus grande encore, comme le feu qui embrase et consume toutes choses, pour les élever à l’unité. Tel est le feu ; je vous laisse là, c’est assez dit.


CHAPITRE XXIV.


COMMENT ON PEUT ACQUÉRIR LE DON DE FORCE.


Celui donc qui veut posséder
la vraie force spirituelle
doit toujours désirer fuir toute préoccupation,
contempler la bonté de Dieu
et sa riche libéralité ;
puis aussi les pauvres hommes
qui sont attachés au monde
pour leur plus grande misère,
empêchés ainsi de louer Dieu
avec toute leur puissance ;
c’est là grande pitié.
Car ils ignorent les délices,
qui donnent nourriture et breuvage
et font goûter très suave ivresse.
Il faut donc que l’on prie Dieu
de vouloir bien leur faire grâce,
et laisser couler ses largesses :
afin qu’ils se convertissent
pour la louange et la révérence,
et refluent vers l’unité.
Ceux qui vivent avec la faim
sont en très bonne santé,
la faim, dis-je, de la justice.
Celui qui se retrouve
dans ce qui est dit ici
peut certainement penser
qu’il est maintenant élevé
à la plus haute force spirituelle.

Je veux encore vous enseigner
quatre choses qui sont grand obstacle
pour posséder le don de force :
oublier la bonté de Dieu
et la perversité des hommes,
c’est grande méconnaissance.
Qu’ils soient ainsi égarés
et que Dieu leur soit caché :
si l’on n’en est point affecté,
l’on a bien peu de bonté.
Afin qu’ils se convertissent
pour louer Dieu et l’honorer :
si de cœur on ne le désire
c’est avoir amour sans élan.
Ceux qui vivent sans grands désirs
ne s’élèvent pas bien haut :
c’est ce que je vois en ceux-ci,
ils ont peu de faim spirituelle.


Maintenant je veux vous révéler
quatre choses qui font obstacle
et s’opposent à toute vertu :
n’avoir souci de Dieu ni des hommes,
c’est une honte et un opprobre
et un aveuglement très obscur.
De ce qu’ils ne s’attachent pas à Dieu
d’où coulent les flots de grâce ;
si l’on n’éprouve nulle souffrance
on est sans compassion.
Ceux qui ne se convertissent pas
afin de louer leur Seigneur,
et ne le désirent pas pour autrui,
font preuve de haine et d’envie.
Ceux qui n’ont aucune faim
de donner satisfaction
à ce que demande la justice,
ne sont point encore élevés,
ainsi que je le remarque bien,
à la vraie force spirituelle.



(1) Au premier chapitre du livre I de l’Ornement des noces spirituelles, Ruysbroeck a exposé de nouveau cette doctrine, mais en la précisant. Il a soin alors de marquer davantage le rôle de la grâce prévenante dans cet état qui précède la justification.
(2) Il n’y a ici qu’une esquisse rapide de la théorie des dons surnaturels de foi, d’espérance et de charité. Ce qui en fait l’originalité c’est la description donnée par l’auteur des dispositions naturelles qui préparent aux dons divins. Ce qu’il appelle élever la nature aussi haut qu’elle peut aller, ne peut se faire sans une grâce prévenante. Mais cette disposition naturelle qui est docilité ouvre la voie aux vertus surnaturelles, dons gratuits de Dieu et qui dépassent toutes les forces de la nature. Dans cette théorie, qui a le défaut d’être trop brève, Ruysbroeck a du moins marqué clairement l’abîme qui sépare la surnature de la simple nature.
(3) Dans la description des dons du Saint-Esprit, Ruysbroeck suit un plan uniforme. Il commence par définir chacun des dons, puis il énumère les vertus qui en naissent. Il note ensuite les ressemblances que chaque don confère à l’homme soit avec les chœurs des anges, soit avec Dieu lui-même et avec l’humanité sainte du Verbe incarné. Chacun des dons divins lui apparaît en outre comme l’ornement d’un des éléments naturels, qu’il prend pour symboles des diverses puissances de l’âme. Enfin il décrit, sous une forme rythmée, les secours aussi bien que les obstacles que l’homme peut rencontrer pour l’acquisition achevée des dons divins.
(4) MATTH., V, 3.
(5) MATTH., XX, 28.
(6) L’interprétation symbolique que nous trouvons ici est traditionnelle. Saint Augustin l’a donnée dans plusieurs de ses écrits, eu particulier dans le de Genesi contra Manichœos, 1. II, c. XIV, et dans le traité de Civitate Dei, 1. XIII, c. XXI. D’autre part, Pierre Lombard l’avait faite sienne : cf. Sentent., lib. II, dist. XXIV, C. VII.
(7) MATTH., V, 4.
(8) MATTH., V, 5.
(9) MATTH., V, 6.
(10) MATTH., V, 6
(11) Expression proverbiale qui se rencontre déjà dans le Roman de la Rose. Le sens est celui-ci : c’est une bonne affaire d’acheter le plus avec le moins.
(12) Ce qui est dit ici de l’élément du feu s’applique spécialement au soleil, ainsi que nous l’avons vu plus haut.

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