CHAPITRE XXXI
 
DU CIEL ÉTOILÉ, DES ÉTOILES FIXES ET DES
ÉTOILES FILANTES, ET DE LEURS EFFETS (VERTUS).
 
 
(    Gen. 1.) Moïse nous apprend que Dieu a fait le firmament, c'est-à-dire, le ciel étoilé, qui certes est au-dessus des éléments, puisqu'il tient le milieu entre la nature des éléments et des cieux, qu'il divise et sépare ; et (qu'il a créé) de même les ondes (eaux) inférieures sous le ciel, et celles qui sont au-dessus des cieux, et qu'on appelle ciel cristallin, ainsi nommé à cause de la similitude des eaux durcies ou congelées dans la glace. Ce ciel tient le milieu entre le ciel empyrée et le firmament, et s'étend comme un immense océan de clarté et de subtilité céleste : c'est un firmament plein de lumière où sont fixées les étoiles.

Les Planètes ne sont pas transparentes mais elles brillent et resplendissent de la clarté du soleil et des cieux.

Quant aux étoiles qui sont fixées dans le firmament, ensemble avec le firmament lui-même, chacune à sa place et au rang que Dieu lui a donné et réglé, elles se meuvent autour, au-dessus et au-dessous.

Mais les Planètes occupent sept sphères de même mesure, qui sont mises en mouvement par le premier mobile, non certes de la même manière que le firmament se meut et tourne, mais chacune selon l'ordre de la divine Sagesse, qui dispose et modère parfaitement toutes créatures, selon notre nécessité et pour notre usage.

Ce qui fait que les Planètes sont différentes et contraires l'une à l'autre en na ture, en action, en forme et en espèce ; et il était nécessaire qu'il en fut ainsi, afin que les éléments et la nature de toutes les créatures inférieures fussent réglés.

Mais cependant les Planètes et les Etoiles ne sont ni froides, ni chaudes, ni sèches, ni humides, mais elles influent par leur vertu et leur efficacité sur tous les êtres inférieurs, et causent et font en eux tout ce qui selon le cours du ciel et les propriétés des créatures inférieures s'accomplit et se fait.

Et c'est pourquoi, suivant que les hommes, par habitude ou complexion naturelle, sont plus ou moins portés soit au bien, soit au mal, ainsi opère dans les régions supérieures la nature céleste, pour qu'ils accomplissent (soit le bien, soit le mal) ; (avec plus ou moins d'effort et de vertu), en raison du penchant de leur nature (et suivant leur correspondance à la grâce).

Or, ni la nature céleste, ni absolument nulle créature ou quelque chose que ce soit, excepté Dieu lui-même, ne peut dominer notre libre arbitre ou notre libre volonté.

Mais Dieu nous incite et nous exhorte toujours au bien sous toutes ses formes ; et nous détourne et préserve de tout mal, si toutefois nous voulons le suivre lui-même, comme il nous enseigne par lui-même et ses créatures.

 
 
CHAPITRE XXXII
QUE TOUTES LES CRÉATURES NOUS ENSEIGNENT COMMENT NOUS DEVONS VIVRE.
DE LA VIE SPIRITUELLE ET INTÉRIEURE ET AUSSI DE LA BONNE ET MAUVAISE VOLONTÉ.


Que chacun prête une sérieuse attention et comprenne ce que nous allons dire.

Toutes les créatures nous dirigent, nous instruisent, nous conduisent et nous enseignent de quelle manière nous devons passer notre vie.

La nature elle-même des cieux et l'ordre qui leur a été imposé divinement, sont pour nous un exemplaire et une véritable figure, qui nous montre que nous devons vivre pour Dieu, au-dessus des éléments, dans les cieux ; et celà d'une vie intérieure, cachée, spirituelle, que nul ne connaît et ne comprend si ce n'est celui qui la vit, la pratique et l'exerce.

Mais cette vie intérieure commence ainsi : Notre Père céleste crée au plus intime de nous-mêmes le firmament intérieur, pourvu que nous suivions la propension naturelle de notre âme, ou la syndérèse (conscience) inculquée et imprimée en nous par Dieu, et toujours désireuse du bien par sa nature même.

Elle est en effet, pour ainsi dire, le premier élément créé par Dieu dans nos âmes, et qui recherche toujours le bien par sa nature même, comme nous l'avons dit.

Mais souvent elle est obnubilée et obscurcie par les ténèbres du vice. Et bien que la nature créée par Dieu soit bonne, et qu'elle plaise à Dieu, même dans sa simplicité (nudité), elle a cependant besoin du secours, de la grâce divine, si elle veut s'élever au-dessus d'elle-même.

En effet, quand nous cessons et nous évitons les vices et les fautes graves et grossières, et que nous recherchons et désirons la grâce de Dieu, nous ne pouvons rien faire de mieux et de plus excellent par nature.

Mais, tant que la volonté est mauvaise et veut le mal, aussi longtemps l'homme est contraire à Dieu et à tous ses dons ; et il ne peut ni comprendre, ni pratiquer dans sa vie les vertus, la sagesse et la vérité : il est méprisé de Dieu, et n'a aucune part à tous les biens (spirituels), à (toutes les bonnes oeuvres) accomplies dans le ciel et sur la terre.

La mauvaise volonté est le fondement et le principe de tout mal : quiconque persévère et meurt en elle, ne peut trouver place que dans les enfers parmi les esprits réprouvés.

Au contraire la bonne volonté, en laquelle Dieu vit et règne avec tous ses dons, peut se comparer assez opportunément au firmament céleste ; car elle est sans cesse mise en oeuvre par le Saint-Esprit, qui est la première cause ou le premier moteur de toute sainteté.

Or, ce firmament, soit par l'habitation de Dieu, soit par le Soleil de Sagesse qui resplendit en lui, est éclatant, lumineux et lucide.

De même, il est le milieu spirituel qui divise et partage les eaux célestes et inférieures, c'est-à-dire les vertus et les actes des vertus, le temps et l'éternité, la vie extérieure active et la vie intérieure spirituelle, la grâce et la nature, les signes et la vérité, enfin les oeuvres sensibles qui tombant sous les sens ont une fin ; et les oeuvres spirituelles qui durent éternellement, si elles sont faites en état de grâce.
 

 
CHAPITRE XXXIII
DESCRIPTION DU TRIPLE CIEL ET DES ÉTOILES.
 
Or, la nature des cieux a trois modes principaux : le premier est appelé firmament, le second ciel crystallin, le troisième l'empyrée : ils sont tous transparents et lumineux ; et c'est dans le troisième ciel, l'empyrée, que Dieu habite, vit et règne avec tous ses saints.
Ce ciel qui est le plus élevé et le plus radieux, comme étant l'habitation de Dieu, désigne la vie contemplative ainsi que nous l'avons dit déjà.

Les deux autres cieux inférieurs, signifient la vie cachée, intérieure et spirituelle, dans laquelle nous nous entretenons avec Dieu, et Dieu avec nous, par sa grâce ou par sa gloire.

Le premier de ces cieux, dans lequel les étoiles sont fixées, désigne la puissance de notre Père céleste qui nous attire intérieurement, nous entraîne et nous élève au-dessus de nos actes sensibles, pour une certaine épreuve intérieure spirituelle, qui influe sur les sens, et dans laquelle toutes les vertus vivent et s'exercent.

C'est alors que nous sommes semblables aux étoiles du ciel qui, en vérité, là-haut, devant la face de Dieu, sont immenses, mais ici-bas, sur la terre, apparaissent minuscules, aux yeux des hommes qui ne connaissent que les signes et les indices des vertus, qu'ils entrevoient extérieurement dans les bonnes oeuvres.

Mais les étoiles ne sont pas transparentes comme les cieux : ce sont des figures sphériques ; et elles tournent (se meuvent,) ensemble avec le firmament auquel elles adhèrent chacune à sa place, les unes plus hautes, les autres plus basses, plus grandes ou plus petites, dissemblables en nature, en espèce, en vertu, en efficacité, en clarté, soit qu'elles (brillent) ici-bas, ou resplendissent dans les régions supérieures, suivant qu'elles ont été ornées, ordonnées et placées par Dieu. Et elles ne brillent pas de leur propre lumière, mais empruntent leur clarté du soleil, et resplendissent, illuminent et scintillent comme des vases d'or exposés à la lumière solaire : Elles éclairent la nuit et indiquent le port désiré au nautonnier ; mais parfois elles font place (cèdent) à la splendeur du soleil, et infusent leur vertu dans les éléments, et dans tout ce qui sur la terre, dans les ondes et dans l'air, vit et croît. Voyons maintenant comment les cieux étoilés nous enseignent la vie intérieure et céleste. 


 
CHAPITRE XXXIV
COMMENT LES CIEUX ET LES ETOILES NOUS ENSEIGNENT LA VIE INTÉRIEURE ET CÉLESTE.


Les cieux, en vérité, par leur clarté, sont transparents ; et notre vie intérieure, par l'éclat spirituel de la grâce, et l'habitation de Dieu (en nous), de Dieu auquel nous sommes unis, est transparente.

Or, les facultés de l'âme n'ont pas cette clarté ; car, comme des vases d'or ou des glaces de miroir, elles s'élèvent et se fixent vis-à-vis le soleil de l'éternelle sagesse de Dieu ; et là, reçoivent diversement la lumière et la chaleur, suivant leurs dispositions, et selon l'excellence et la dignité des vertus qu'elles offrent à Dieu. Et, de même que les étoiles fixes tournent avec le firmament auquel elles adhèrent, ainsi les facultés intérieures des âmes justes suivent éternellement, et se conforment par les vertus et les bonnes oeuvres à la puissance et à la sagesse de Dieu, auxquelles (elles adhèrent) par leur vie.

Toutes les étoiles sont des figures-sphériques dont on ne peut voir ni le commencement ni la fin ; et c'est ainsi que les facultés de l'âme noble et belle se comportent dans leurs oeuvres. Car elles pratiquent toutes les vertus, de par Dieu et pour Dieu, et vivent ainsi en Dieu, qui n'a ni commencement ni fin.

Mais toute vie intérieure qui n'est pas (comme les étoiles), sphérique (juste et égale), a, au contraire, les pointes et les angles d'une intention fausse et d'un amour adultère ; et par conséquent est injuste et feinte, et ne peut plaire à Dieu.

Quelques étoiles sont pâles, d'autres claires, d'autres encore embrasées.

Et nous, lorsque nous rappelons dans notre mémoire, devant la toute puissante justice de Dieu, nos vices, nos fautes, nos erreurs : nous avons le coeur contrit, nous pâlissons et nous tremblons, nous demandant si nous pourrons supporter le sévère jugement de Dieu, soit au jour de notre mort, soit au dernier jour du monde ; et c'est ainsi que nous ressemblons aux étoiles pâlissantes.

Mais, quand nous élevons notre intelligence, dépouillée d'images, vers l'éternelle sagesse de Dieu : la Vérité qui est Dieu irradie la face de notre âme ; et ainsi, entre Dieu et nous, se fait une émission et une réflexion de splendeur, comme si le Soleil envoyait ses rayons sur (un cône) de cristal placé entre deux monticules d'or ; et c'est ainsi que nous devenons transparents, purs, clairs et lucides comme les étoiles du ciel.

Or, quand nous élevons la volonté ou l'inclination amoureuse, affectueusement et avidement, vers la bonté de Dieu : notre esprit s'enflamme et projette des étincelles d'amour impatient et embrasé, qui doivent rester ardentes, jusqu'à ce que l'esprit lui-même soit défaillant d'amour ; et de cette manière, ces esprits aimants sont assimilés aux étoiles du ciel embrasées et scintillantes.

 
 
NDT.
" Pour refléter de Dieu la lumière ineffable
Notre âme, en vérité, doit être un pur cristal
Que ne ternit jamais l'ombre même du mal ;
Et porter son regard vers sa face adorable. "