CHAPITRE II

 

COMMENT LE MARTYRE DE SAINTE PHILOMÈNE NOUS FUT RÉVÉLÉ

PAR LA PIERRE DE SON TOMBEAU.

 

 

Le martyre de sainte Philomène n'est connu que par les symboles dépeints sur la pierre sépulcrale, et par des révélations faites à diverses personnes par la sainte elle-même.

 

Le premier de ces symboles est une ancre, signe, non seulement de force et d'espérance, mais encore d'un genre de martyre semblable à celui auquel Trajan condamna le pape saint Clément, jeté par ses ordres dans la mer avec une ancre attachée au cou.

Le second est une flèche, qui, sur la tombe des martyrs de Jésus-Christ, signifie un tourment semblable à celui par lequel Dioclétien essaya de faire mourir le généreux tribun de la première cohorte, saint Sébastien.

Le troisième est une palme, placée à peu près au milieu de la pierre ; elle est le signe et comme le héraut d'une éclatante victoire remportée par les martyrs sur la cruauté des juges persécuteurs et sur la rage des bourreaux.

Au-dessous est une espèce de fouet, dont on se servait pour flageller les coupables, et dont les courroies, armées de plomb, ne cessaient quelquefois de sillonner et de meurtrir le corps des chrétiens innocents qu'après les avoir privés de la vie. Viennent ensuite deux autres flèches disposées de telle sorte que la première a la pointe en haut, et la seconde en sens inverse. La répétition de ce signe paraît indiquer une répétition du même supplice ; et la disposition des flèches en sens inverse fait penser à un miracle, tel, par exemple, que celui qui eut lieu au mont Gargano, quand un pâtre, ayant lancé une flèche contre un taureau qui s'était réfugié dans la caverne consacrée depuis au glorieux archange saint Michel, il vit, ainsi que plusieurs autres personnes qui étaient là présentes, cette même flèche revenir à lui et tomber à ses pieds.

Enfin apparaît un lis, symbole de l'innocence virginale. En s'unissant avec la palme et le vase ensanglanté dont nous avons déjà fait mention, il proclame le double triomphe de sainte Philomène sur la chair et sur le monde, et nous invite à l'honorer sous les titres glorieux de martyre et de vierge.

 

L'inspection du tombeau et des symboles hiérographiques tracés sur la pierre sépulcrale avait révélé que les ossements découverts étaient ceux d'une vierge et d'une martyre. On pouvait supposer qu'elle avait été précipitée dans le Tibre ; qu'elle avait, comme son divin Maître, éprouvé les tortures de la flagellation ; qu'elle avait été, et peut-être à plusieurs reprises, exposée aux traits de cruels archers ; on avait même le nom de la martyre, et l'on savait comment l'invoquer, si ce n'est que, en l'absence de données plus positives, on avait prêté à ce nom une étymologie inexacte. Mais ce n'étaient encore là que des inductions et des hypothèses ; on s'expliquait mal cette série de tourments, qui eussent suffi à de nombreux supplices ; on ne savait rien sur l'origine, la naissance et la vie de la sainte. Nous verrons plus tard que sainte Philomène a eu pitié de notre embarras, et que, pour satisfaire la pieuse et légitime curiosité de ses dévots serviteurs, elle nous a elle-même raconté sa vie et son martyre.