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L'IDOLATRIE




     Tous les cultes répandus sur la terre ne peuvent dériver que des rapports primitifs entre l'Homme et Dieu ; mais, parmi toutes ces religions, la véritable a fait sa propre révélation.

     La dévotion sensible à des cultes est le premier effort de l'homme-animal, qui commence à se tourner vers Dieu. C'est une douceur pour le décider à embrasser la vie spirituelle. C'est alors que l'expérience et la vocation divine sont de toute nécessité pour ceux qui veulent servir de guides aux âmes, dans le chemin intérieur.

     En raison de son état de créature, nul homme n'est capable de communiquer la vie réelle par lui-même ; car le bonheur, le bien-être et la vie, c'est Dieu se donnant lui-même à l'homme.

     Cependant, le rôle du véritable guide est utile à l'âme qui recherche Dieu, afin que les mauvaises routes lui soient signalées, et aussi pour faire comprendre à ce grand idolâtre qu'est l'homme terrestre, que son ennemi le plus cruel est son Moi.

     Ce Moi est l'idole préférée de l'homme naturel, et cependant cette forteresse du mal doit être renversée pour que la grâce se développe en nous.

     Le véritable Christianisme est celui qui a sauvé le premier homme et qui doit sauver le dernier ; c'est l'accomplissement de toute la Loi et des Prophètes.

     En se manifestant par une naissance terrestre, le Fils de Dieu a mis en germe le royaume céleste sur la Terre, et ses Apôtres en reçurent la Clef, par une révélation active et vivante de l'Esprit-Saint. C'est là ce qui constitue la nature particulière de la vraie Religion et la distingue de toutes les autres.

     Tous ses membres vivent et se meuvent dans le royaume descendu du Ciel ; ils sont éclairés, enflammés par la lumière divine et l'amour ; aussi lorsqu'ils prêchent, ils ne parlent pas d'une chose absente ou éloignée, mais de Jésus-Christ, la Vie, la Sagesse, et le pouvoir de Dieu, vivant et opérant en eux, et toujours prêts à se communiquer par une naissance nouvelle d'en Haut, à tous ceux qui souffrent et qui ont la foi en Christ.

     C'est à un changement de nature, de vie et d'esprit, à une délivrance certaine de la puissance du mal et à la possession des dons et des grâces de la vie Céleste, que furent appelés tous les hommes.

     Le Christianisme de l'Évangile est à lui seul sa propre preuve ; il n'a besoin ni de miracles, ni de témoignages extérieurs, car, semblable au soleil, l'explosion de la vie divine se manifeste elle-même, par elle-même.

     La science divine n'est pas une science d'imagination mais de sentiment : on ne l'invente pas, on la sent ; on ne l'apprend point par l'étude, mais on la reçoit du Ciel. Et Dieu ne choisit pas les forts ou les riches, mais les faibles et les malheureux, afin qu'éclate davantage sa miséricorde infinie.

     « J'ai encore beaucoup de choses à vous enseigner, a dit Jésus à ses disciples, mais vous ne pouvez pas les comprendre. »

     Le Sauveur du monde soupirait pour la destruction des centres d'idolâtrie, qui se trouvaient nombreux sur quelques points de la terre, mais qui, depuis, ont été multipliés avec zèle dans tous les cultes.

     Tant que la foi vivante fut le rempart des mystères de l'Évangile, le développement de leurs bases philosophiques était inutile : embrassant l'Unité, le Christianisme n'avait aucune secte, et la croix invisible qu'il portait dans son sein, n'avait pour objet que le soulagement et le bonheur de tous les humains.

     Mais le Christianisme extérieur a perdu sa splendeur primitive ; il ne se montre plus comme étant l'explosion de la vie divine parmi les hommes ; il n'est plus lui-même sa propre preuve, car le Saint Esprit a cessé d'être sa vie, de sorte qu'il ne peut en appeler à lui-même et à ses œuvres.

     Peu à peu, les successeurs de ceux qui professaient cette saine doctrine, se sont livrés à la raison incertaine et se sont égarés dans l'opinion et les discussions ; alors, le doute a pris naissance, insensiblement, le Chandelier d'Or aux sept branches s'est éteint, et, de nouveau, les humains sont plongés dans les ténèbres et sont morts à la vie divine.

     Aussi, après avoir perdu toute connaissance de Dieu, de la nature et d'eux-mêmes, les hommes sont retombés dans l'Idolâtrie.

     La sagesse de ce monde enfantée par la raison ténébreuse, prenant la place de la foi vivante, devient, comme après la première chute, la force, la vie du Moi, dont le règne entoure l'humanité d'affres, de maladies, de misères, de mort et de néant. Et, quoique nous ne puissions rien faire de bien sans que Dieu nous en donne la force, cette fausse sagesse nous remplit de fierté, d'estime de soi ; nous possédons la sainteté pharisaïque, et nous sommes joyeux de nos soi-disant bonnes actions.

     Par le fait que les religions enseignent à leurs sectateurs de mettre leur confiance dans leurs facultés inférieures, dans cet assemblage sensuel, (puissance formant en réalité un corps dépourvu d'intelligence réelle, que l'Évangile nomme la chair et le sang), et qu'elles indiquent les moyens naturels pour s'unir au Créateur, la Divinité est faite par elles ce qu'elle n'est pas ; leurs sectateurs oublient qu'en raison de la nature de notre monde, une racine fausse s'est substituée au germe divin. Alors tout ce que peut fournir à l'homme cette fausse racine n'est que l'homme lui-même et par conséquent n'est que mensonge et illusion.

     Les représentants des cultes, domestiquent ainsi un animal, lequel, à chaque occasion retourne à la nature inférieure, sa mère, mais qui, de temps en temps, demande hypocritement à la Divinité, à la Bonté, à l'Amour, à l'idéale Beauté, de s'associer à son œuvre infecte de misères, de maladies et de mort, incompatible avec le culte du vrai Dieu.

     C'est ici qu'il faut comprendre le sens des paroles sacrées : « Nul ne peut voir Dieu sans mourir ».

     Le résultat de cette thèse paradoxale, opposant l'homme-animal au véritable fils de Dieu, se traduit par un monde rempli d'êtres qui ne vivent que d'apparence et, d'illusions, ne cherchant qu'à « tuer le temps », selon leur propre expression, alors que c'est le temps qui les tue.

     L'orgueil, l'amour-propre, la vanité, la cupidité, l'hypocrisie, etc...., à toutes ces passions dissimulées sous le masque de la vertu, les savants, selon l'esprit de ce monde, ont élevé des temples.

     Et cette idolâtrie est des plus dangereuses, car toutes les idoles qui sortent de cette source, sont spirituelles. C'est contre celles-là que s'élève le Prophète.

     L'iconolâtrie objective des simples, des superstitieux, est regrettable, sans doute, mais au moins elle a l'avantage de maintenir l'être dans le sentiment de ses vrais rapports avec le Créateur ; car, en sollicitant par son idole objective tous les secours dont il a besoin, ce cher ignorant manifeste sa dépendance et sa croyance en la bonté de Dieu, qu'il reconnaît comme la source de tout.

     Souvent même, en s'efforçant de marcher par les voies de la charité et de pratiquer les règles de la morale, le simple se prépare le véritable chemin par lequel, un jour, il parviendra heureusement de la lettre morte à l'esprit vivant.

     Par notre naissance dans ce monde, nous sommes devenus, en réalité, le Néant de Dieu : nous avons seulement la possibilité de recevoir la véritable vie, non par des moyens externes, mais au-dedans de nous. C'est la fausse racine qu'il faut supprimer, puisque l'égoïsme a pris la place de l'Amour, la propriété celle de l'Universalité, les seuls principes susceptibles de rendre la félicité aux humains.

     C'est en Dieu même que nous devons rentrer, hors de Lui nous n'avons ni l'être ni la vie ; mais jamais l'homme animal, l'homme terrestre ne comprendra rien à ce qui est divin, car la véritable compréhension vient de la Parole vivante de Dieu en nous, dans l'homme malheureux, dans l'esprit droit, dans chaque membre de l'Église où vivent et résident les vertus du Christ et de l'Esprit de Dieu ; en un mot, dans l'homme renouvelé.

     Nous l'avons dit : Tous les hommes sont appelés à un heureux changement de nature, de vie et d'esprit ; ils peuvent tous rentrer en possession des dons et des grâces de la vie céleste, et être ainsi délivrés de la puissance du mal : Mais pour distinguer le véritable chemin, il faut que l'homme de désir se débarrasse des systèmes d'opinions de ce monde et de tous les pseudo-arguments qui lui servent de vérité.

     Il doit classer l'érudition, la science et la raison humaine parmi les choses qui sont simplement l'ornement de la vie terrestre, et sont aussi bien à la portée de ceux qui méprisent tout ce qui est bon et honnête, que de ceux qui ont horreur du mal.

     Il est indispensable que l'homme reconnaisse la nature de son être temporel, qui ne peut rien sans être éclairé d'en-haut, pour la raison que l'homme terrestre ne possède aucune faculté pour faire le bien ; il n'est seulement que le voile, le tombeau de l'être vrai. De sorte que pour arriver à la vie réelle, au bonheur et à la félicité, l'homme doit dissoudre en lui le principe de l'être faux, cause des affres et de la mort semées en ce monde.

     L'œuvre de la renaissance de l'homme est difficile car, partout on se sert du nom du vrai Dieu, pour n'élever des temples qu'aux idoles.
 

     Et tout est mis en œuvre par les puissants de la terre, par les privilégiés de ce monde, pour que les hommes s'endorment dans une fausse sécurité, parce qu'ils craignent la destruction d'un ordre de choses qui leur est favorable.

     Partout, des labyrinthes et des abîmes sont placés sur les routes, où l'homme de désir peut cheminer. Ah comme se réalise la prophétie de Jacob sur Dan « Dan sera un serpent sur le chemin et un céraste dans le sentier. Il mordra les pâturons du cheval et celui qui le monte tombera à la renverse. » Mais toutes les difficultés seront vaincues par le Verbe et par la volonté de l'homme, soumise à l'Intelligence divine.

     « Apprenez de moi, nous dit Jésus, car je suis doux et humble de cœur et vous trouverez le repos de vos âmes. » C'est au moyen de cette simplicité et par la clarté de l'Évangile, que l'homme peut orienter vers Dieu son désir, son espérance et sa foi.

     Or, les degrés d'avancement de l'homme à cette école de philosophie divine, se mesurent sur ceux de sa bonté, de son amour envers tous ses frères ; c'est là la véritable marche susceptible de nous communiquer l'Esprit de Dieu et de faire germer en nous le principe de la vie divine.

     Sans l'Amour, sans l'Esprit-Saint, tout n'est que Babel seul l'Esprit de Dieu connaît les choses de Dieu seul il manifeste dans l'homme les mystères et la grâce divine. Et pour que la régénération des humains s'accomplisse, il faut que la Divinité opère en eux, comme elle opère dans l'éternelle Nature.
 
 

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