La religion de combat par l’abbé Joseph Lémann

Livre Quatrième

Les enfants de lumière contre les fils de ténèbres
1ère Section : La défense


Chapitre Premier

Avec la pierre angulaire


– I. Rôle de solidité et d’unification dévolu à la pierre de l’angle dans un édifice: le Christ, attrayante pierre angulaire.
– II. Ce qu’il en coûte de s’en être écarté: les terreurs du socialisme, le défilé des empires.
– III. Le rajeunissement, d’après saint Thomas d’Aquin.
– IV. Avenir plein de splendeur assuré à la pierre angulaire; celui des nations européennes, sans être assuré, est loin d’être désespéré.


I

Le Christ est la pierre de l’angle. Ainsi l’a salué, dans un de ses plus beaux mouvements prophétiques, David son royal ancêtre: La pierre, qu’ont rejetée ceux qui bâtissaient, a été placée à la tête de l’angle. C’est le Seigneur qui a fait cela; et c’est la merveille qui est sous nos yeux. C’est ici le jour qu’a fait le Seigneur; réjouissons-nous et soyons pleins d’allégresse. Quelques jours avant qu’il fût rejeté par la nation juive, Jésus-Christ se déclara lui-même pierre de l’angle, en s’appliquant les paroles de son ancêtre:

Expliquons donc cette locution célèbre. Un court aperçu préalable d’architecture est nécessaire: qu’est-ce que la pierre angulaire dans un édifice, dans une construction? L’angle d’une maison est formé, comme on peut le constater à chaque pas, par la jonction de deux murailles. En se rencontrant l’une contre l’autre, deux murailles forment un angle: il n’y a qu’à regarder pour comprendre. Dans cet angle, la pierre angulaire est la solide pierre de taille qui, posée et enfouie dans le sol, supporte sur elle-même les deux murailles et leur permet ainsi de se joindre, de se réunir. Grâce à elle, les deux murs, celui de droite, et celui de gauche, se rencontrent, s’unissent et persistent dans leur union. Tel est le rôle de la pierre angulaire. Ainsi qu’on le voit, c’est un rôle de réunion. Appliquée à Jésus-Christ, cette locution signifiait que, puisqu’il était le Messie, son rôle devait consister à rapprocher et à unir ce qui était divisé, ce qui était distant, soit de Dieu à l’homme, soit de l’homme à l’homme. Et en effet, Jésus-Christ n’apparaît-il pas vraiment, dans l’imposante série de dix-huit siècles, comme l’angle d’amour qui a tout réuni? Qu’on en juge: En Lui, ces deux familles, dont l’une est la très sainte Trinité, et l’autre l’humanité, ne se sont-elles pas unies d’une façon ravissante? Ainsi que chante l’Église dans une de ses hymnes de triomphe, le Verbe de Dieu s’étant fait chair, ces deux maisons, dont l’une est celle du Très-Haut, et l’autre, bien infime, la nôtre, se sont trouvées étroitement unies. Participant à l’une et à l’autre, le Christ est devenu leur angle d’amour! Ce rôle, il le continue, tous les jours, dans l’Église catholique, où faisant devenir, par ses sacrements, les chrétiens enfants de Dieu, il joint incessamment la terre au ciel. Mais de plus, avant que vînt la Révolution, le Christ n’était-il pas l’angle d’amour dans la société civile elle-même? N’avait-il pas rapproché, uni, et les riches et les pauvres, et les maîtres et les esclaves, et les Barbares et les peuples de Rome et d’Athènes, et la race blanche et la race noire? En Lui, tous les enfants d’Adam s’étaient inclinés les uns vers les autres, joignant leurs cœurs et leurs mains. Parmi eux, hélas! ont toujours existé des distances, des contrastes, des castes, des inimitiés, des extrêmes; mais en Jésus-Christ, ces distances s’étaient effacées, ces contrastes s’étaient harmonisés, ces castes s’étaient fondues, ces inimitiés s’étaient adoucies, ces extrêmes s’étaient touchés: l’attrayante pierre angulaire avait fini par tout subjuguer, par tout faire rentrer en conjonction d’amour!

C’est de la sorte qu’avaient pu se former les nations chrétiennes. Qu’étaient-ce, en effet, que les nations chrétiennes? D’admirables communautés d’hommes et de peuples unis par la foi, par la tradition, par la langue, par les moeurs, par le sol, et aussi par la vocation de répandre la vérité, d’éclairer les nations moins avancées vers Dieu, et de leur porter, au prix du travail et au hasard de la mort, les biens éternels, la justice et la civilisation. Mais de toutes ces gloires dont les nations chrétiennes étaient justement fières: de leur foi, de leurs traditions, de leur langue, de leurs mœurs, de leur sol, de leur vocation, n’était-ce pas le Christ qui en était la base? n’était-ce pas Lui leur angle de réunion? Et ainsi, autour du Christ, divine pierre angulaire, s’était formée et se développait, depuis dix-huit siècles, dans un magnifique concert de pondération et d’avancement, cette triple merveille: l’Église catholique, les nations chrétiennes, la civilisation. Mais voici qu’en 1789, la France a donné le signal d’un nouvel ordre de choses, et dans l’inauguration qu’elle en a fait, la pierre angulaire, le Christ, a été rejeté.

II

Ce qu’il en coûte de s’être écarté de la divine pierre de l’angle, les malaises de la France et des autres nations, et les calamités qui pèsent sur elles toutes, sont là pour le faire comprendre, si l’on veut réfléchir et conclure avec loyauté.

Un souvenir banal, un détail de la tour de Babel, trouvera bien ici sa place, puisqu’il s’agit d’édifice social et de pierre de l’angle. La Bible a conservé le cri par lequel les hommes d’alors, dans les plaines de Sonnaar, s’excitèrent à leur oeuvre de construction, sans tenir compte de la Divinité: Venez, se dirent-ils les uns aux autres, faisons des briques, cuisons-les au feu, et bâtissons-nous une cité et une tour dont le faîte aille toucher le ciel. Mais la Bible a conservé également un autre cri dont la puissance se fit sentir dans les étages de la tour en construction; il descendait des cieux comme l’éclat d’un tonnerre et disait: Venez, et confondons tellement leur langage qu’ils ne s’entendent plus les uns les autres. C’était le Dieu des vengeances, qui convoquant le Conseil de ses trois divines Personnes, opposait société à société, dessein à dessein. Venez et bâtissons, avaient dit les hommes; Venez et confondons, répondait Dieu. Sous ce tonnerre du venez et confondons, les hommes de Babel se troublent; leurs esprits se brouillent, leurs langues ne prononcent plus de même, leurs mots ne s’entendent plus; et pour éviter de plus grands malheurs, ils se séparent précipitamment et s’en vont dans toutes les directions.

Ne semble-t-il pas que, au-dessus de la société superbe en voie de construction à la date de 1789, le même tonnerre du venez et confondons, se soit fait entendre? car, depuis lors, quelle confusion! «Les passions mal assorties hurlent toutes ensemble,» s’écriait un jour, à la tribune, Berryer. Il disait vrai. Aussi bien, la situation est autrement redoutable qu’à Babel. Car, lorsque les premiers humains ne purent plus s’entendre, l’Écriture dit simplement «qu’ils se séparèrent»; tandis que, dans notre Babel agrandie, comme il est matériellement impossible de se séparer et d’aller ailleurs, l’espace n’étant plus libre, on est toujours sur le point d’en venir aux mains et de s’entre-détruire. Entendez-vous gronder et s’approcher les hordes du socialisme? Ces hordes avec leurs appétits sont le résultat logique du rejet de la pierre de l’angle. En Jésus-Christ, les riches et les pauvres, les patrons et les ouvriers, s’étaient inclinés les uns vers les autres et avaient uni leurs mains, ayant, dans l’Église maison de Dieu, le même rang, les mêmes droits, les mêmes honneurs: exactement comme deux murailles qui, étant reliées par un angle, ont la même élévation et la même destination. Mais la secourable pierre angulaire ayant été rejetée de la société civile, un écart terrible s’est produit, et le voici dénoncé, cet écart:

Chaque jour, dans tous les pays, l’armée de ceux qui ne possèdent rien, l’armée des salariés, l’armée des prolétaires augmente. Elle est devenue innombrable. C’est à elle que le socialisme s’adresse. Il ne dit pas immédiatement: Reniez vôtre Dieu; il dit: «Prolétaires de tous les pays, unissez-vous.» Il dit encore de sa plus puissante voix: «Travailleurs, ayez conscience de vous-mêmes, de vos privations, de vos droits, de votre nombre, de votre force.» «Prolétaires de tous les pays, unissez-vous;» ce qui est l’immense danger de l’heure actuelle, car c’est le réveil soudain de la haine de classe. Le socialisme réveille l’esprit déclassé pour en faire un esprit de convoitise, un esprit de défiance, un esprit de vengeance, un esprit de révolte. L’esprit de classe qu’il veut est la haine de classe. Or, il n’est pas de haine plus profonde, plus tenace, plus implacable que cette haine, parce qu’elle se croit légitime. Là est le résultat le plus funeste de la propagande socialiste actuelle. C’est là qu’on sème le vent jusqu’à ce que vienne la tempête. «Il faut faire en sorte que le peuple ait conscience de lui-même, a dit un chef socialiste; le jour où ce résultat sera obtenu sera le jour de l’action.». Vous l’entendez, l’aveu est complet: avant de marcher à la conquête du pouvoir, le socialisme veut conquérir le prolétariat. Voilà pourquoi je me sens forcé de pousser un cri de détresse à la pensée de ce qui arriverait si le socialisme parvenait à entraîner pour quelque temps seulement les masses organisées du prolétariat international. Il y aurait dans la société des convulsions épouvantables. L’histoire de l’humanité serait témoin de la révolution la plus vaste, la plus furieuse, la plus pleine de ruines qui fut jamais. L’Écriture se sert de cette métaphore: les deux oreilles en tinteront, tinnient ambæ aures.

Outre les grondements du socialisme, un autre phénomène social terrifie: le défilé des empires. Une seule fois dans l’histoire du monde, ce défilé avait eu lieu; Daniel l’avait annoncé, en vue du Christ qui devait venir. L’empire des Assyriens est remplacé par l’empire des Chaldéens ou de Babylone; l’empire des Chaldéens est remplacé par l’empire des Perses ou de Cyrus; l’empire des Perses est remplacé par celui d’Alexandre et des Grecs; et enfin, l’empire romain les absorbe tous et disparaît à son tour, ou plutôt se transforme. On voit, dit Bossuet, ces fameux empires se présenter successivement et tomber pour ainsi dire les uns sur les autres; et sur leurs ruines à tous, apparaît Jésus-Christ, l’empire du Fils de l’homme.
Telle a été, autrefois, la succession, le défilé, des empires! Ce défilé, on dirait qu’il a repris, depuis que la société a voulu se passer du Christ; on assiste à une sorte de danse macabre des royaumes. Les gouvernements se succèdent. Tous les États, n’ayant plus la pierre de l’angle, subissent une inclinaison, inclinata sunt regna; ils déclinent, semblables à des astres fatigués, vers un coucher qui est mystérieux; et les chefs des peuples se remplacent avec vitesse. Dieu, quel défilé! L’autorité civile – quel que soit du reste son nom, Monarchie, République, petits États, grands Empires – l’autorité est en danger partout. Prise dans le tourbillon du socialisme, elle est secouée avec cette violence que saint Jean a entrevue, lorsqu’il dit dans son Apocalypse: Les étoiles du ciel tomberont sur la terre, comme lorsque le figuier, étant agité par un grand vent laisse tomber ses figues vertes. Monarchies, Républiques, petits États, grands Empires, tous sont secoués. Ce sont les étoiles qui tombent; c’est le défilé des empires qui a recommencé!
N’est-ce pas le cri général que, de tous côtés, on se sent vaciller, chanceler, qu’on se sent disjoindre, mourir? Tout passe par ce formidable chancellement; Tout subit cette mortelle dislocation; Et il ne vient pas à la pensée des législateurs endurcis des malheureuses Nations révolutionnées, de se dire les uns aux autres: Reprenons la pierre de l’angle! Nous, du moins, catholiques résolus, groupons-nous autour d’elle.

III

Une tentation a troublé dans nos rangs, des frères découragés, cette tentation : Ne serait-il pas préférable, et opportun, d’abandonner cette société en confusion, comme autrefois on abandonna Babel, et d’attendre à l’écart une société nouvelle que nous apporteraient les événements? Gardons-nous de cette extrémité: l’abandon ne serait pas chrétien. On abandonne le christianisme, mais le christianisme n’abandonne jamais. Voilà pourquoi les enfants de lumière ont le devoir non seulement de retenir, mais de rapporter la pierre de l’angle: de la rapporter à une société merveilleuse dans ses découvertes et sincère dans ses aspirations, mais désorganisée par les fils de ténèbres et surtout par des principes de ténèbres. Repoussons les ténèbres, respectons les aspirations, applaudissons aux découvertes, et leur apportons la divine base charitable sans laquelle ces merveilles ne subsisteraient pas. De la sorte, ce sera rajeunir la société, sans la décourager, ni l’aigrir davantage. En effet, comment le rajeunissement s’obtient-il? Saint Thomas d’Aquin répond: Il s’obtient en se rapprochant de son principe, ce qui veut dire: que toutes les fois qu’un être revient à ce qui fut sa source de vie, de force, d’éclat, de beauté, il rajeunit. Exemples:
La pauvre fleur coupée et fanée, si elle pouvait être rattachée à la tige qui fut son principe, refleurirait. Le jour qui tombe, renaît le lendemain à son point de départ, à l’orient qui est son principe.

Un enfant égaré, en revenant au foyer natal, son principe, sent des flots de vie rentrer, avec le repentir, dans son âme. En revoyant les lieux qui furent témoins de notre enfance, tout notre être tressaille et aspire à un mystérieux renouvellement. Lorsque vint en Judée Celui qui, à cette question: Qui êtes-vous? répondit aux Juifs: Je suis le principe: moi qui vous parle, l’humanité, qui était dans un état voisin de la décrépitude, trouva, dans ce principe adoré, un si merveilleux rajeunissement, que, jusque dans ses usages, elle recommença les siècles. Enfin, un peuple lui-même rajeunit, toutes les fois qu’il s’inspire de ses glorieux commencements, qu’il médite les gestes héroïques de ses pères et l’épopée de son berceau. En pleine décadence d’Israël, il y eut tout à coup les Machabées, parce qu’ils dirent: Nous obéirons, à la loi de nos pères.

Tous ces exemples ne sont-ils pas mille fois consolants? La proposition de l’Ange de l’École est donc admirablement vraie: Lorsqu’on revient à son principe, toujours on rajeunit. Rajeunissez la société, ô catholiques, en la ramenant à son principe, en lui faisant retrouver, par tous les moyens possibles, par toutes les combinaisons de l’amour, Jésus-Christ si bon, si miséricordieux, si compatissant; Ne vous tenez pas à l’écart, mais réparez l’écart d’avec la pierre de l’angle!

IV

Vous avez donc l’espérance, nous répliquera-t-on, de voir l’antique jonction se rétablir entre la société et la céleste pierre angulaire? Oui vraiment, mais sous les aspects que la divine Sagesse tient en réserve.

D’abord, les destinées de la pierre angulaire sont assurées de la continuation de leur magnificence. S’imaginerait-on, par hasard, qu’elle demeurera dans le rebut où les gouvernements l’ont mise et reléguée? Si elle s’y prêtait, elle ne serait plus la pierre vivante. C’est son nom encore, dans les Écritures. N’importe quelle autre pierre est inerte; déplacée, elle demeurera dans le coin où on l’aura reléguée; mais celle-là, elle est vivante, elle ne se résigne point à l’inertie! Dès l’aurore des siècles, quoique tenue en réserve, elle faisait mouvoir les empires. En tête du livre du monde, C’ est de moi qu’il est écrit: les empires s’arrangeaient et se dérangeaient en vue de sa réception. Et maintenant qu’elle s’est manifestée et que, visible à la conjonction des siècles anciens et des siècles nouveaux, elle a vaincu le chaos païen et en a tiré, aux regards des hommes et des anges, ces merveilles nommées l’Église catholique, la chrétienté, la civilisation, on s’imagine qu’elle se soumettra à un état de rebut et d’inertie! Détrompez-vous, orgueilleux législateurs qui vous inspirez toujours de 89. La pierre vivante, humble dans ses fondements qui sont la crèche et la croix, est fière dans son édifice qui est l’Église catholique ou universelle. Vous ne voulez plus d’elle à la base de la société nouvelle et des nations modernes: le ciel saura prendre en sa faveur d’autres dispositions. Lesquelles?

Le Livre inspiré de Job les fait pressentir: «Le Seigneur parla à Job du milieu d’un tourbillon et lui dit: Où étiez-vous quand je jetai les fondements de la terre? Dites-le-moi, si vous avez de l’intelligence. Savez-vous qui en a posé la pierre angulaire, alors que les astres du matin me louaient tous ensemble, et que les anges poussaient des cris de joie? Ainsi donc, au moment où le Créateur posa la pierre angulaire du monde, qui est le Christ, but suprême de la création, les astres du matin et les anges rivalisaient de louanges et de réjouissance. Et, dans la suite des âges ce fut une coutume chez les anciens de placer toujours la pierre fondamentale des édifices au milieu des chants et au son des instruments, comme pour rappeler et perpétuer l’honneur rendu à la divine pierre angulaire du monde.

Eh bien, il n’est pas nécessaire d’être prophète pour annoncer que ces transports d’allégresse et ces témoignages d’honneur se retrouveront à l’égard du Rebuté de 89. Vous n’avez plus voulu de Lui comme pierre de l’angle dans votre nouvel édifice, imprudents architectes; le ciel saura prendre, à son tour, des dispositions nouvelles à son égard. Cette pierre vivante va se mouvoir en dehors du gouvernement de la France qui l’a mise au rebut, en dehors de la Chrétienté qui n’existe plus; elle va se mouvoir et attirer les peuples d’une autre manière. De nouvelles terres, de nouveaux cieux, s’organiseront autour d’elle, entreront en conjonction avec elle: il faudra du temps, elle prendra son temps! Mais un jour viendra où les cris de joie, les chants et le son des instruments se feront de nouveau entendre; et la péroraison de l’histoire du monde verra se renouveler la même fête qu’à sa genèse: les astres du matin et les chœurs des anges applaudissaient au placement de la divine pierre angulaire; les applaudissements recommenceront, car elle est indéracinable!

Mais que doit-on penser des nations de l’Europe? Leurs destinées ne sont-elles pas compromises? Évidemment, un peuple qui consommerait sa rupture avec la pierre de l’angle s’exposerait à une ruine inévitable. Léon XIII le disait hier:

La prospérité des peuples et des nations vient de Dieu et de sa bénédiction. Si un peuple, loin de reconnaître cette vérité, va jusqu’à se soulever contre Dieu, et dans l’orgueil de son esprit lui dit tacitement qu’il n’a pas besoin de lui, la prospérité de ce peuple n’est qu’un fantôme destiné à s’évanouir sitôt qu’il plaira au Seigneur de confondre l’orgueilleuse audace de ses ennemis. Et encore:

Dieu n’abandonne jamais ni d’aucune manière son Église. Celle-ci n’a donc rien à redouter des attentats des hommes; mais les peuples qui ont dégénéré de la vertu chrétienne ne sauraient avoir la même garantie. Mais, grâce à Dieu, les patries chrétiennes, détournées par la Révolution, répugnent et résistent à la rupture. On a tant prié! et les efforts réparateurs des catholiques sont si consolants dans leur ensemble! Que l’on considère le chemin qui s’est fait, depuis vingt ans, pour retrouver la jonction avec la pierre angulaire: Au concile du Vatican, une antique promesse de Dieu s’est, de nouveau, affirmée: «Voici la pierre que j’ai mise… Je la taillerai et je la graverai moi-même avec le ciseau, dit le Seigneur des armées.» La pierre, taillée et gravée avec le ciseau des douleurs, a donc été de nouveau reconnue et affirmée au concile du Vatican; Tous les Évêques du monde, successeurs des Apôtres, se sont rangés autour d’elle, augustes assises de la société; Après les Évêques, le clergé tout entier s’est adapté et uni à la construction;

Ensuite sont venues les foules catholiques, les pèlerinages catholiques, les cercles d’ouvriers catholiques, les congrès catholiques, les universités catholiques: tout cela, ce sont des matériaux solides et de première beauté; qu’on remarque avec quel entrain ces matériaux se posent, avec quelle symétrie ils prennent, chacun, leur place dans la construction; Et puis, ô spectacle inattendu! voici que, au jour des noces d’or du grand Pape illuminateur et pacificateur, les délégués des Rois et des chefs des États, traversant tous les rangs, sont venus se ranger sur les degrés de son trône: la terre était récapitulée à Rome! La société nouvelle grandit tous les jours; elle accuse des proportions inaccoutumées; ce n’est plus précisément, une société française, ni une société italienne, ni une société anglaise, ni une société allemande: c’est la société catholique, dont la pierre fondamentale est Jésus-Christ avec son Vicaire, le Rejeté de 89 et le prisonnier du Vatican! Courage donc, ô catholiques de tous les pays; unissez vos efforts autour de la pierre de l’angle. La pierre, par une transmission de ses qualités, fera à son tour de vous des pierres carrées, des hommes carrés sur toutes faces, comme parle saint Augustin, de ces hommes chez qui les idées et les convictions sont à l’état de pierres bien taillées. «La pierre carrée a cet avantage qu’elle ne tombe jamais, de quelque côté qu’on la retourne; et n’ayant rien d’oblique, rien de vacillant, elle se tient et retient tout ce qu’elle porte, dans une unité vivante et majestueuse.» Vous serez donc des pierres carrées, catholiques de tous les pays; vous ne vacillerez pas à l’endroit de la justice et de l’honneur! Et lorsque, dans, un temps qui ne peut plus être éloigné, le divin et irrécusable Architecte, qu’on ne prend jamais en défaut, voudra bien nous donner le couronnement de l’édifice, que, par un pressentiment glorieux, nous persistons à attendre malgré nos malheurs; voudra bien nous donner ce couronnement de l’édifice, cette splendide coupole religieuse et sociale, figurée dans la coupole de Saint-Pierre de Rome: vous, catholiques de tous les pays, solides pierres carrées, vous aurez été préparés à la recevoir et à la soutenir. Ce sera alors la dédicace, sur terre, de Rome universelle, seconde Jérusalem meilleure que la première, la vraie vision de la paix, Jerusalem visio pacis: où, sur la coupole, à côté de l’inscription fameuse: Tu es Pierre, et sur cette Pierre je bâtirai mon Église, se gravera, nous l’espérons, cette autre inscription, complément de la première, et magnifique attestation de l’Église victorieuse et bâtie: Un seul bercail et un seul pasteur.

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