1838

Une fête sans prédicateur

 

 

On célébrait à P***, dans les environs de Turin, la fête du Saint-Rosaire. Un jeune séminariste fut invité, lui et toute sa famille. Il se préparait à servir aux vêpres, lorsque le bruit courut, dans la sacristie, que le prédicateur attendu était empêché de venir. On peut juger du mécontentement de tous les prêtres présents, et l'on devine, surtout, si le curé était à l'aise ! L'avis général fut qu'il n'était pas possible de remplacer, ex abrupto, l'absent, et que l'on se passerait de sermon pour cette fois.

Notre séminariste, qui assistait à la délibération, ne put s'empêcher de manifester la plus pénible surprise. Quoi ! Parmi tant de prêtres, aucun ne se sentait donc capable de dire quelques bonnes paroles, alors que le peuple, venu en foule, comptait sur un sermon ! Il s'exprima avec une vivacité un peu juvénile peut-être, et l'un des ecclésiastiques présents, le toisant de son haut, finit par lui dire :

— Mon petit bonhomme, vous qui ne doutez de rien, vous seriez sans doute de taille à nous servir ce discours ?

— Si je ne craignais de manquer aux convenances, je n'hésiterais pas.

L'air modeste, mais décidé, du jeune homme ne déplut nullement, et l'on se mit à l'encourager, au lieu de le railler.

Le Curé, le plus intéressé dans la question, le prit à part et lui demanda si, sérieusement, il se sentait capable de tenter l'aventure ?

Sa réponse fut que la lecture du bréviaire lui suffirait bien pour trouver quelques pensées, et qu'il ferait de son mieux. Alors il fut convenu qu'il remplacerait le prédicateur.

Le moment venu, le séminariste passe la cotta et monte en chaire. On peut juger de la surprise de sa famille, qui ne pouvait en croire ses yeux.

Une voix claire se fait entendre, doucement d'abord, puis avec chaleur et animation. La parole arrive simple mais pénétrante, et remuant tous les cœurs. Pendant trois quarts d'heure que dura le sermon, les fidèles, ravis, furent sous le charme, et les anciens de la paroisse ne se rappelaient pas avoir entendu rien de pareil. On en parle encore à P***.

 

Le jeune et improvisé prédicateur s'appelait Jean Bosco.