1867

De la guérison d’un général

 

 

Un général, résidant à Turin, fut atteint d'une maladie qui le mit à toute extrémité. Il s'était confessé à D. Bosco, mais celui-ci, à la grande surprise de la famille, n'avait pas donné la communion au malade, quoique les médecins eussent déclaré que le danger était tout à fait pressant.

On était au 22 mai :

— Général, avait dit Don Bosco, après-demain nous célébrons la fête de Notre-Dame Auxiliatrice. Priez-la bien et, en reconnaissance de votre guérison, venez ce jour-là faire la sainte communion dans son église.

 

Le 23, l'état du général empira considérablement ; la mort paraissait imminente. On ne voulait pas le laisser partir pour un monde meilleur sans qu'il fût muni de tous les sacrements ; mais la famille était dans un grand embarras : D. Bosco avait recommandé qu'on ne donnât pas l'Extrême-onction en son absence. On courut donc, à huit heures du soir, le prévenir du grand danger dans lequel se trouvait le malade, et comment on craignait qu'il ne passât pas la nuit.

Ce jour-là, veille d'une fête si chère à la famille Salésienne, Don Bosco était depuis le matin au confessionnal et, lorsqu'on vint le chercher, il était encore entouré de quantité d'enfants qu'il entendait à tour de rôle.

— Venez vite, mon Père, le général se meurt, et vous n'avez que le temps d'arriver. — Mais vous voyez bien que je confesse ; je ne puis pas renvoyer ces pauvres petits. J'irai dès que je serai libre.

Et il continua.

Il était onze heures lorsqu'il eut terminé. On l'attendait à la porte avec une voiture :

— Hâtez-vous, mon Père, je vous prie.

— Je veux bien, fit observer Don Bosco ; seulement, je n'ai rien pris depuis ce matin et je me sens exténué. Si je ne soupe pas avant minuit, il faudra que je me passe d'une réfection dont j'ai vraiment besoin ; car, demain, je dois être au confessionnal dès cinq heures du matin.

— Venez-toujours, mon Père ; à la maison vous trouverez ce qu'il vous faudra.

On monte en voiture, et dès que Don Bosco paraît chez le général :

— Vite, vite, mon Père, je crois, que vous n'aurez que le temps d'administrer les derniers sacrements : le pauvre malade est au plus bas.

— Gens de peu de foi ! Ne vous ai-je pas dit que le Général ferait la communion demain, jour de la fête de Marie Auxiliatrice ! Il est près de minuit ; veuillez me faire donner à souper.

 

Don Bosco se met à table avec la tranquillité dont il ne se départait jamais ; puis, la collation terminée, il fait demander la voiture et retourne à l'Oratoire.

Quant au général, on le croyait mort ; il était dans un état d'immobilité dont on ne se rendait pas compte ; mais il dormait tout simplement.

Le lendemain, de bon matin, il pria son fils de lui faire apporter des vêtements, parce qu'il voulait aller recevoir la communion des mains de Don Bosco, comme il était convenu.

Vers huit heures du matin, Don Bosco était à la sacristie. Il revêtait les ornements sacrés pour dire sa messe, lorsqu'entre un personnage assez défait :

— Mon Père, me voici.

— Très bien, mon cher monsieur ; mais excusez-moi si je vous demande à qui j'ai l'honneur de parler ?

— Comment, vous ne reconnaissez pas le Général !

— Ah ! Louée soit Notre-Dame Auxiliatrice ! Je vous avais bien dit que vous viendriez dans son sanctuaire, le jour de sa fête.

— Mon Père, je voudrais que vous eussiez la bonté de m'entendre en confession ; car je désire communier à votre messe, comme vous me l'avez commandé.

— Mais vous vous êtes confessé avant-hier, cela suffit.

— Pas du tout : je veux tout au moins m'accuser du manque de foi dont je me reconnais coupable.

Don Bosco le réconcilia, lui donna la sainte Communion, et le général rentra chez lui en parfait état.