ÉPHÉSIENS I
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COMMENTAIRE SUR L'ÉPÎTRE AUX ÉPHÉSIENS.

PAUL, APÔTRE DE JÉSUS-CHRIST PAR LA VOLONTÉ DE DIEU, AUX SAINTS QUI SONT A ÉPHÈSE ET AUX FIDÈLES EN JÉSUS-CHRIST. GRACE A VOUS ET PAIX PAR DIEU NOTRE PÈRE, PAR LE SEIGNEUR. (1) (CHAP. l, VERS. 1-10.)

 

1 et 2. Que la grâce et tes oeuvres sont pareillement nécessaires pour le salut.

3 et 4. Que le Fils n'est point simplement le ministre du Père (2).

 

Analyse.

 

1. Voilà le mot « Par » employé en parlant du Père. Eh bien ! dirons-nous qu'il est inférieur ? Nullement. « Aux saints qui sont à  Ephèse et aux fidèles en Jésus-Christ». Voici qu'il appelle saints des hommes qui ont enfants, femmes, serviteurs. Qu'il leur applique, en effet, ce nom, c'est ce qui résulte de la fin de l'épître, par exemple quand il dit: et Femmes, soyez soumises à vos maris » ; et encore : « Enfants , obéissez à vos pères » ; et aussi : « Serviteurs, obéissez à vos maîtres». Considérons quel relâchement est le nôtre, combien la vertu est devenue chose rare de nos jours, et combien alors elle était commune, puisque les mondains mêmes étaient appelés saints et fidèles. «Grâce à vous et paix par Dieu notre père, et par le Seigneur Jésus-Christ ». Il a dit «Grâce» et il a nommé Dieu « Père» c'est, en effet, le gage de la grâce dont il parle. Comment cela ? Ecoutez ce qu'il dit ailleurs « Parce que vous êtes fils, Dieu a envoyé dans vos coeurs l'Esprit de son Fils, criant : Abba, Père ! » (Gal. IV. 6.) « Et par le Seigneur Jésus-Christ ». C'est pour nous que le Christ est né, pour nous qu'il s'est fait voir en chair.

« Béni le Dieu et Père de Notre-Seigneur « Jésus-Christ (3) ». Oui, Père de l'Incarné ; ou si vous ne le voulez pas, Père , au moins,

 

1. Pour la traduction des textes de cette difficile Épître nous avons suivi presque partout l'excellente traduction de M. l'abbé Glaire (Paris; Jouby, 1861).

2. Saint Jean Chrysostome ouche nécessairement à une foule de points dans ce commentaire continu : nous nous bornerons pour celles de ces homélies qui n'offrent pas une véritable unité, à faire connaître dans le sommaire les plus intéressants des points traités par l'orateur, ou ceux sur lesquels il insiste particulièrement.

 

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du Dieu Verbe. « Qui nous a bénis de toute bénédiction spirituelle, des dons célestes dans le Christ ». Il fait allusion ici à la bénédiction judaïque, qui était bien une bénédiction, mais non une bénédiction spirituelle. Quels en étaient les termes, en effet ? « Que Dieu te bénisse; il bénira les fruits de tes entrailles ; il bénira ton entrée et ta sortie ». (Nombres, VI ; Deut. VII, 13.) Ici ce n'est pas la même chose : de quoi s'agit-il ? de toute bénédiction spirituelle. En effet, que vous manque-t-il encore ? Vous êtes désormais immortel , libre, fils, juste, frère, cohéritier; vous avez part à la royauté et aux hommages ; tout vous a été octroyé. « Comment, avec lui », est-il écrit, « ne nous donnerait-il pas aussi toutes choses?» (Rom. VIII, 32.) Vos prémices sont adorées par des anges, des chérubins, des séraphins. Que vous manque-t-il encore ? « De toute bénédiction spirituelle ». Rien de charnel ici. S'il nous a ôté les choses de ce genre par ces paroles . « Vous aurez tribulation dans le monde » (Jean, XVI, 33), c'est parce qu'il nous a conviés à d'autres. Car ainsi que ceux qui possédaient les biens de la chair, étaient incapables d'entendre le langage de l'Esprit ; de même ceux qui possèdent les dons de l'Esprit, n'ont pu les recevoir avant de s'être détachés des choses charnelles. Qu'est-ce à dire : « Des dons célestes ?» Entendez qu'il ne s'agit pas de biens terrestres, comme chez les Juifs: « Vous mangerez les biens de la terre. Sur une terre où coulent le lait et le miel. Dieu bénira ta terre». (Is. I, 19; Exod. XXXIII, 3; Ps. LXXXIV , 13.) Ici , rien de pareil : mais quoi donc ? « Celui qui m'aime gardera mes commandements, et moi et le Père nous viendrons vers lui, et nous ferons notre demeure en lui. (Jean, XIV, 23.) Celui qui entend les paroles que je dis , et les accomplit, sera assimilé à un homme sage qui a bâti sa maison sur la pierre ; et les vents ont soufflé, et les fleuves sont venus, et ils ont fondu sur cette maison ; et elle n'est pas tombée : car elle était fondée sur la pierre ». Qu'est-ce que cette pierre, sinon les choses célestes , qui sont supérieures à tous les changements? « Celui qui m'aura confessé devant les hommes, moi aussi, je le confesserai devant mon Père qui est dans les cieux ; mais celui qui me reniera je le renierai» ; et encore : « Bienheureux ceux dont le cœur est pur, parce qu'ils verront Dieu » ; et encore: « Bienheureux les pauvres d'esprit, parce que le royaume des cieux leur appartient » ; et aussi : « Bienheureux vous êtes, vous qui avez été persécutés pour la justice, parce que votre salaire est grand dans les cieux ». Voyez-vous les cieux partout, la terre nulle part, pas plus que les choses terrestres ? Et ailleurs : « Pour nous, notre vie est dans les cieux : c'est de là aussi que nous attendons le Sauveur, notre Seigneur Jésus ». (Philip. III, 20.) Enfin : « Ne songeant pas aux choses de la terre, mais à celles du ciel ».

« En Jésus-Christ ». C'est par Jésus-Christ et non par Moïse que s'est opérée cette bénédiction. Ce n'est pas seulement la nature de la bénédiction qui fait notre supériorité, c'est encore le médiateur qui nous l'a procurée. C'est ainsi qu'on lit dans l'épître aux Hébreux : « Moïse, à la vérité, a été fidèle dans toute la maison de Dieu comme serviteur, pour rendre témoignage de tout ce qu'il devait dire; mais le Christ est comme fils dans sa maison; et cette maison, c'est nous».. (Héb. III, 5, 6.) « Comme il nous a élus en lui avant la fondation du monde, afin que nous fussions saints et sans tache en sa présence (4) ». Voici le sens de cette parole : « Il nous a élus par le « médiateur, par lequel il nous a bénis». C'est donc lui qui nous donnera toutes ces choses, lui qui est le juge, lui qui dira : « Venez, les bénis de mon père; possédez le royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde ». (Matth. XXV, 34.) Et encore : « Là où je suis, je veux que ceux-ci soient également ». (Jean, XVII, 24.)

2. De même, dans presque toutes ses épîtres, il s'attache à montrer qu'il n'y a pas d'innovation en ce qui nous touche, que tout cela provient d'un antique dessein, et non d'un repentir, que la Providence en avait statué et décidé ainsi : et c'est la marque d'une grande sollicitude. Qu'est-ce à dire: « A élus en lui? » Par sa foi en lui le Christ a opéré ce bienfait avant notre naissance ou plutôt avant la fondation du monde. Ce mot de fondation, qui suppose abaissement, est bien placé ici. En effet, la sublimité de Dieu est grande, ineffable, non par la distance, mais par la supériorité de nature; et l'intervalle est immense entre la créature et le créateur. Rougissez, hérétiques; en entendant ces mots. Mais pourquoi nous a-t-il élus? « Afin que nous fussions saints et (440) sans tache en sa présence ». Pour que ce mot « Élus » ne vous fasse pas croire que la foi suffit à elle seule, il ajoute à cela les œuvres S'il nous a choisis, dit-il, c'est pour cela, c'est dans cette vue, que nous soyons saints et sans tache. II a élu aussi les Juifs autrefois. Comment? « Il a élu », est-il écrit, « ce peuple «entre les nations ». (Dent. VII, 6, et XIV, 2.) Mais si les hommes, admis à choisir, choisissent ce qu'il y a de meilleur, à plus forte raison Dieu.

Avoir été élus, c'est à la fois une marque de la bonté de Dieu et de leur mérité à eux : car certainement il ne les a choisis qu'après les avoir éprouvés. Il nous a fait saints, mais il faut rester saints. Saint est celui qui a part à la foi; sans tache, celui dont la vie est irréprochable. Cependant la sainteté et l'innocence ne sont pas les seules choses requises : il faut encore se montrer saints et sans tache en sa présence. Il y a des hommes prétendus saints et sans tache, que les hommes jugent tels, ceux qui ressemblent à des sépulcres blanchis, ceux qui sont; pour ainsi dire, couverts de peaux de brebis. Ce ne sont pas ceux-là que Dieu cherche., mais ceux que définit le prophète, en disant : « Et selon la a pureté de mes mains ». — Quelle pureté? Il s'agit de la sainteté qui est telle en présence de Dieu, de celle que l'œil de Dieu voit. Il a dit les bonnes oeuvres; il revient maintenant à la grâce, en ajoutant : « Dans la charité , nous ayant prédestinés ». En effet, ce n'est pas là un effet des bonnes oeuvres ni de l'effort, mais de la charité; et pas seulement de la charité, mais encore de notre vertu. Si c'était un simple effet de la charité, il faudrait que tous fussent sauvés : si c'était, au contraire, un effet de notre seule vertu, la venue du Christ et toutes les circonstances de l'incarnation seraient choses inutiles. Mais ce n'est ni l'effet de la charité seule, ni celui de notre vertu seule, c'est un effet de ces deux choses réunies. Il nous a élus : mais celui qui élit sait ce qu'il élit. « Dans la charité, nous ayant prédestinés (5)». La vérité n'aurait sauvé personne, si la charité n'existait pas. Car, dites-moi, qu'est-ce que Paul aurait fait ou gagné, si Dieu ne l'avait appelé d'en-haut, et attiré à 1'ni par amour? D'ailleurs, la magnificence des rétributions ne s'explique que par la charité et non par notre vertu, à nous. Avoir été vertueux, avoir cru, être venu à Dieu, cela vient de celui qui nous a appelés et aussi de nous : mais récompenser si magnifiquement ceux qui sont venus à lui, que l'ennemi devienne aussitôt fils adoptif, c'est vraiment la marque d'une ineffable charité. «Dans la charité, nous ayant prédestinés à l'adoption par Jésus-Christ en lui ». Voyez-vous comment rien sans le Christ, rien sans le Père? L'un a prédestiné, l'autre a amené. Et il met cela pour exalter ce qui s'est passé, de même qu'il dit ailleurs : « Non-seulement cela , mais nous nous glorifions encore par Notre-Seigneur Jésus-Christ ». (Rom. V, 11.) Grands sont les présents, mais ce qui les rend plus grands encore, c'est qu'ils sont dus à la médiation du Christ Dieu n'a pas envoyé à ses serviteurs un de ses serviteurs, mais son Fils unique lui-même. « Selon le dessein de sa volonté ». C'est-à-dire, à cause de sa volonté bien arrêtée. Voilà son désir, si l'on peut ainsi parler : car partout le dessein est la volonté primitive. il y a, en effet, une autre volonté. La volonté première est que nous ne nous perdions pas en péchant; la volonté seconde est que ceux qui sont devenus méchants périssent : car ce n'est pas une nécessité qui les châtie, mais une volonté. On peut retrouver la même chose chez Paul lui-même, lorsqu'il dit, par exemple : « Je désire que tous les hommes soient comme moi-même » ; et ailleurs : « Je désire que les jeunes se marient., aient des enfants ». Par « Dessein », il faut donc entendre la première volonté, la volonté forte, la volonté accompagnée de désirs, la persuasion : je n'hésite pas à me servir de cette expression vulgaire, afin de rendre la chose plus claire pour les simples; puisque, quand nous voulons marquer une volonté forte, nous employons ce terme : « Persuasion ». Le sens du texte, le voici : il désire vivement, fortement notre salut. Pourquoi donc nous aime-t-il à ce point, et quelle est la raison de cette tendresse? C'est sa bonté seule, car la grâce procède de la bonté. De là cette expression : « Nous ayant prédestinés à l'adoption » ; le voulant d'une volonté forte, afin de faire éclater la gloire de sa grâce. « Selon le dessein de sa volonté, pour la louange de la gloire de sa grâce dont il nous a gratifiés par son bien-aimé (6) » ; pour faire éclater la gloire de sa grâce, dont il nous a gratifiés par son bien-aimé.

3. Donc, si c'est pour cela qu'il nous a gratifiés, à savoir pour la louange de la gloire de (441) sa grâce, et pour montrer sa grâce, restons dans la grâce. « Pour la louange de sa gloire». Qu'est-ce à dire ? Pour qu'on le loue ? pour qu'on le glorifie ? nous, les anges, les archanges, toutes les créatures ? Et à quoi bon? A rien, car rien ne manque à Dieu. Pourquoi donc veut-il être loué et glorifié par nous? C'est afin que notre amour pour lui devienne plus ardent. Il ne désire rien de nous, si ce n'est notre salut; ni service, ni gloire, ni quoi que ce soit; en toutes choses, c'est notre salut seul qu'il a en vue. Celui qui loue et admire la grâce qui lui a été faite, celui-là deviendra plus fervent, plus zélé. « Dont il nous a gratifiés », et non pas : Qu'il nous a octroyée; c'est-à-dire, que non-seulement il nous a déchargés de nos péchés, mais qu'il nous a encore rendus aimables. Supposez que, trouvant un lépreux affaibli par la maladie, la vieillesse, la misère, la faim, on en fasse aussitôt un charmant jeune homme , qui éclipse tout le monde par sa beauté, dont les joues brillent d'un vif incarnat, dont les regards effacent l'éclat des rayons du soleil; qu'on le ramène à la fleur de l'âge, qu'on le pare d'une robe de pourpre, d'un diadème et de tous les ornements royaux. Eh bien ! c'est ainsi que Dieu a embelli notre âme, qu'il l'a rendue charmante, séduisante, aimable. Elle est telle que les anges, les archanges, toutes les autres puissances aiment à la contempler, tant il nous a faits charmants et dignes de son amour. « Le roi », est-il écrit, « désirera ta beauté ». (Ps. XLIV, 12.) Notre langage, autrefois funeste, est devenu plein de grâce. Nous n'admirons pas la richesse, les biens d'ici-bas, mais seulement les trésors d'en-haut , les choses du ciel. N'appelons-nous pas gracieux le jeune homme qui, aux avantagés du corps joint un grand charme de paroles? Tels sont les fidèles. Voyez comment parlent les initiés. Quoi de plus gracieux qu'une bouche qui profère des paroles sublimes, qui prend part, dans la pureté du coeur et des lèvres, à cet admirable banquet mystique, avec gloire, avec confiance? Quoi de plus gracieux que les paroles par lesquelles nous renonçons au diable, par lesquelles nous nous rangeons sous l'étendard du Christ? que cette confession qui précède le baptême, que celle qui la suit? Songeons combien nous sommes qui avons perdu la grâce du baptême, et gémissons afin de pouvoir la reconquérir.

« Par son bien-aimé, en qui nous avons la rédemption par son sang (7) ». Comment cela? Ce qu'il y a d'admirable, ce n'est pas seulement que Dieu ait donné son Fils, c'est encore qu'il l'ait donné de telle sorte que ce bien-aimé fût égorgé. Etrange excès : il donne le bien-aimé pour ceux qui étaient haïs. Voyez pour combien il nous compte. S'il a été jusqu'à nous donner son bien-aimé quand nous le haïssions et que nous étions ses ennemis, que ne fera-t-il pas, quand la grâce nous aura réconciliés avec lui ? « Et la rémission des péchés ». Il redescend du ciel sur la terre. Il a commencé par parler d'adoption, de sanctification, d'hommes sans tache, et voici qu'il arrive à nos infirmités; ce n'est pas à dire qu'il s'abaisse, ni qu'il passe du grand au petit, il remonte au contraire du petit au grand. Car il n'est rien d'aussi grand que l'effusion du sang de Dieu pour nous; l'adoption et les autres bienfaits n'égalent pas ce sacrifice de son propre fils. C'est une grande chose que d'être déchargé de ses péchés; mais que cela s'opère par le sang du Seigneur, voilà ce qui est grand surtout. La preuve que ceci surpasse de beaucoup tout le reste, elle est dans ce que Paul proclame ici même : « Selon les richesses de sa grâce qui a surabondé en nous (8) ». II y a d'autres richesses, mais les plus véritables sont celles-ci : « Qui a surabondé en nous ». C'est une richesse, et elle a surabondé, c'est-à-dire a été prodiguée à un degré ineffable. On ne saurait exprimer par des paroles ces choses que l'expérience nous a fait connaître. C'est bien une richesse, une richesse qui surabonde, une richesse non des hommes, mais de Dieu, de sorte qu'on ne saurait l'exprimer par aucune parole. Puis montrant comment Dieu nous a fait ce don avec surabondance, il ajoute : « En toute sagesse et toute intelligence, pour nous faire connaître le mystère de sa volonté (9) », c'est-à-dire, pour nous rendre sages et intelligents de la vraie sagesse, de la vraie intelligence.

4. Quelle amitié ! il nous dit ses mystères. « De sa volonté », dit-il; il nous révèle, pour ainsi dire, ce qui est dans son coeur. Voilà le grand mystère de sagesse et d'intelligence. Que pourriez-vous égaler à une pareille sagesse ? D'indignes créatures, il trouve moyen de les élever à la richesse. Quelle industrie pareille? L'ennemi, celui qui était haï, le voilà tout à coup porté là-haut. Et ce n'est pas (442) seulement cela, c'est le temps aussi, c'est l'instrument, à savoir la croix, qui marque la sagesse divine. Il serait trop long de montrer ici comment la sagesse éclate en cela, et par là nous fut inspirée. De là ce qui suit : « Selon le bienveillant dessein qu'il avait préconçu en lui-même». En d'autres termes, ce qu'il désirait, ce dont il brûlait, c'était de pouvoir nous révéler le mystère. Quel mystère? qu'il veut faire siéger l'homme là-haut. Or cela arriva : « Pour la dispensation de la plénitude des temps, pour restaurer dans le Christ tout ce qui est dans les cieux, et tout ce qui est sur la terre en lui-même (10) ». Les choses célestes étaient séparées des choses terrestres, elles n'avaient point le même chef. Au point de vue de la création il n'y avait qu'un seul Dieu : mais au point de vue du culte il n'en était pas encore de même, attendu la diffusion de l'erreur païenne, qui avait écarté les gentils de l'obéissance à Dieu. « Pour la dispensation et la plénitude des temps ». C'est ce qu'il veut faire entendre par « La plénitude des temps ». Remarquez la justesse des expressions : il a rapporté au Père l'origine, le projet, la volonté, le premier mouvement; à la médiation du Fils, l'accomplissement, la réalisation, mais nulle part il n'appelle ministre le Fils. « Il nous a élus », dit-il, «en lui. Nous ayant prédestinés à l'adoption par Jésus-Christ pour lui et pour la louange et la gloire de sa grâce. En qui nous avons la rédemption par son sang. Laquelle il avait préconçue en lui pour la dispensation de la plénitude des temps, afin de restaurer tout « dans le Christ ». Et nulle part il n'appelle le Fils ministre. Que si ces mots « Dans » et « Par » indiquent un ministre, voyez la conséquence. Tout au commencement de son épître, il nous dit : « Par la volonté. du Père ». Le Père a voulu, le Fils a opéré. Mais il ne faut pas dire que parce que le Père a voulu, le Fils est exclu de l'opération; ni que, parce que le Fils a opéré, la volonté a été retirée au Père : tout est commun entre le Père et le Fils : « Tout ce qui est à moi est à toi, et tout ce qui est à toi est à moi (1) ». (Jean, XVII, 10.) La plénitude des temps, c'était sa venue.

 

2 Cette discussion est dirigée contre les Ariens et autres hérétiques.

 

Comme il avait tout fait au moyen des, anges, des prophètes de la loi, et que cela n'avait servi de rien , et qu'il était à craindre que l'homme ne fût né, n'eût été produit en vain, ou plutôt, pour son malheur, dans cette ruine générale, plus épouvantable que, celle du déluge, Dieu trouva cette dispensation au moyen de la grâce, pour que l'homme ne fût pas inutilement venu au monde. Voilà ce qu'il appelle « Plénitude des temps », et « Sagesse ». Comment? Parce que c'est justement quand les hommes devaient périr, qu'ils furent sauvés. « Pour restaurer ». Qu'est-ce à dire, « Restaurer? » Cela signifie réunir. Mais hâtons-nous d'approcher de la vérité même. Chez nous et dans l'usage, le mot employé par Paul signifie abréger, résumer de longs développements (1). Ici, c'est la même chose : il a résumé, abrégé en lui tous les actes de sa Providence durant un long temps. Consommant la parole, et la résumant en justice, il a tout embrassé, et y a encore ajouté. Voilà le sens de cette expression : mais elle indique encore autre chose. Quoi donc? C'est que Dieu a imposé un même chef (2) à tous, anges et hommes, le Christ incarné : il a soumis anges et hommes au même Christ; il lui a soumis ceux-là, parce qu'il est le Dieu Verbe, ceux-ci, parce qu'il est le Verbe incarné. Ainsi qu'on peut dire en parlant d'une maison en partie solide, en partie délabrée : un tel a réparé sa, maison, c'est-à-dire l'a rendue plus solide, l'a assise sur un fondement plus ferme : de même ici Dieu a tout soumis à un même chef. Ainsi donc, comblé de tant de dons, d'honneurs, de bontés, ne faisons point honte à notre bienfaiteur, ne rendons pas tant de grâces inutiles, montrons une vie, une vertu, une conduite digne des anges : oui, je vous en prie, je vous en conjure, afin que toutes ces choses ne deviennent point des griefs ni des motifs de condamnation contre nous, mais nous procurent la jouissance des biens auxquels puissions-nous tous parvenir par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ avec qui au Père et au Saint-Esprit, gloire, puissance, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

1  Nous n'avons pas de mot équivalent en français au grec anakephlaiosasthai  que nous avons rendu par un mot emprunté aux traductions les plus autorisées de l'Evangile.

 

2 Kephale. — Même observation que plus haut.

 

 

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