LE ROYAUME DE DIEU 

 

   Voilà donc le fait capital de l'Histoire : au milieu d'un monde en détresse, assujetti aux haines, aux luttes de toute sorte, aux cupidités, à la violence et à la mort, un Révélateur est venu, annonçant un Royaume de Dieu éternel et parfait, apportant des paroles de douceur et de pardon et remettant aux hommes la clef de l'entrée dans ce Royaume par le sacrifice de soi. Lui-même Il a donné l'exemple de cette abnégation en se livrant à ses bourreaux et en Se laissant crucifier. 

 Après Lui, des milliers de disciples pleins d'enthousiasme ont, le long des siècles, généreusement offert leur vie en holocauste.  Et l'on oserait supposer que cette resplendissante floraison de foi et d'amour, cet exemple grandiose de charité féconde, cette suite ininterrompue, depuis deux mille ans, de saints et saintes qui ont affirmé être en contact avec le Ciel et qui ont réalisé ici-bas les oeuvres merveilleuses et les miracles les plus étonnants, on oserait, dis-je, soutenir que tout cela est le résultat de l'invention d'un homme ou de la vision d'un halluciné? 

 Non, c'est la révélation à notre pauvre terre, dans la mesure où elle pouvait la supporter, du Royaume de Dieu.  Ce Royaume est même la seule Réalité et les manifestations du Beau, du Bien et du Vrai que l'on rencontre dans le Monde, ne peuvent être que des rayons qui nous viennent de Lui. 

 Je dirai même que si la terre nous paraît souvent si décolorée, si nous nous sentons écoeurés devant le spectacle des laideurs et des bassesses, si nous nous scandalisons des crimes et des tyrannies, ce n'est qu'en mettant inconsciemment en parallèle toutes ces imperfections et ces hontes, avec un étalon de beauté morale dont nous portons en nous l'image impérissable.  Autrement, comment pourrions-nous juger qu'une action est inique ou une conduite égoïste, si nous n'avions pas l'intuition d'une Justice et d'une Charité parfaites ? 

 Qu'est-ce donc que ce Modèle de beauté, de bonté et de vérité, auquel instinctivement nous comparons toutes choses, pour les critiquer ou les admirera selon leur plus ou moins éloignement de Lui, sinon ce Ciel dont nous avons en nous la vague souvenance et l'intuition et dont le Christ est venu nous confirmer la réalité? 

 La beauté morale est-elle une invention des hommes et d'hommes qui versent leur sang pour en témoigner? 

 Quelle est la conscience droite qui hési-terait à dire : Non? Si la Toute-puissance n'existait pas en fait, qui dont aurait pu l'imaginer?  D'ailleurs, à ce sujet de la toute-puissance, faut-il que nous soyons aveuglés par l'orgueil de la raison pour ne pas nous apercevoir qu'elle éclate avec une évidente magnificence, non seulement dans les immensités sidérales, mais encore dans la constitution de la moindre des fourmis!