LVI. LA CROIX ET LE PRESSOIR (1)


Comme je songeais à cette parole ou à cette pensée de Jésus sur la croix : “ Je suis pressé comme le vin qui a été mis ici sous le pressoir pour la première fois, je dois rendre tout mon sang jusqu'à ce que l'eau vienne, mais on ne fera plus de vin ici ” ; cela me fut expliqué par une autre vision relative au Calvaire.

Je vis à une époque postérieure au déluge cette contrée pierreuse moins sauvage et moins stérile qu'elle ne le fut depuis. Il y avait des vignobles et des prairies. Je vis ici et vers le couchant le patriarche Japhet, un grand vieillard au teint brun, entouré de troupeaux immenses et d'une nombreuse postérité ; ses enfants et lui avaient des demeures creusées dans la terre et couvertes de toits de gazon où croissaient des herbes et des fleurs. Tout autour étaient des vignes, et l'on essayait sur le Calvaire, en présence de Japhet, une nouvelle manière de faire le vin.

 (1) un des anciens vitraux de l'église de Saint Etienne du Mont, à Paris, représente Jésus-Christ étendu sur un pressoir et entouré de tout ce qui sert à faire le vin. Son sang coule des cinq plates dans des cuves et des outres. Tout autour sont des évêques, des prêtres et des fidèles qui s'empressent de le recueillir.
(Note du Traducteur.)

Je vis aussi las anciennes méthodes pour préparer le vin et en général beaucoup de choses qui se rapportaient au vin ; je ne me souviens que de ce qui suit D'abord on se contentait de manger le raisin ; ensuite on le pressa avec des pilons dans des pierres creusées, puis, dans de grandes rigoles de bois. Cette fois on avait imaginé un nouveau pressoir qui ressemblait à la sainte croix : c'était un trône d'arbre creusé et élevé verticalement ; un sac plein de raisin était suspendu en haut ; sur ce sac appuyait un pilon au-dessus duquel était un poids, et des deux côtés du tronc étaient des bras aboutissant au sac par des ouvertures disposées à cet effet, et qui écrasaient le raisin lorsqu'on las faisait mouvoir en abaissant les extrémités. La jus coulait hors de l'arbre par cinq ouvertures, et tombait dans une cuve de pierre ; de là, il arrivait par un conduit d'écorce enduit de résine à cette espèce de citerne creusée dans le roc où Jésus fut enfermé avant d'être crucifié. C'était à cette époque une citerne très propre. Je vis le conduit entièrement couvert de gazon et de pierres pour le Garantir. Au pied du pressoir, dans la cuve de pierre, se trouvait une sorte de tamis pour arrêter le marc qu'on mettait de cote. Lorsqu'ils eurent dresse leur pressoir, ils remplirent la car. de raisins, le clouèrent au haut du tronc, y placèrent le pilon, et firent jouer les bras placés des deux cotés pour faire couler le vin. Je vis aussi auprès du pilon un homme qui appuyait sur le sac pour que les raisins qu'il contenait n'en sortissent pas par en haut. Tout cela me rappela vivement le crucifiement à cause de la ressemblance de ce pressoir avec la croix. Ils avaient un long roseau avec un bout où se trouvaient des pointes, ce qui le rendait semblable à une grosse tête de chardon, et ils le faisaient passer à travers le conduit et à travers le tronc d'arbre quand quelque partie s'obstruait. Cela me rappela la lance et l'éponge. Il y avait des outres et des vases d'écorce enduits de résine. Je vis plusieurs jeunes gens, ayant seulement, comme Jésus, un linge autour des reins, travailler à ça pressoir. Japhet était fort vieux : il avait une longue barbe et un vêtement de peaux de bêtes ; il regardait avec joie le nouveau pressoir. C'était une fête, et on sacrifia sur un autel de pierre des animaux qui couraient dans la vigne, de jeunes ânes, des chèvres et des brebis. Ce ne fut pas en ce lieu qu'Abraham vint sacrifier Isaac : ce fut peut-être sur la montagne de Moriah. J'ai oublie beaucoup d'instructions relatives au vin, au vinaigre, au marc, aux différentes distributions à droite et à gauche : je le regrette, car les moindres choses en cette matière ont une profonde signification symbolique. Si Dieu veut que je les fasse connaître, il me les montrera de nouveau.