Mort de Clément Brentano. - Le Père Schmœger achève de mettre en ordre les notes du Secrétaire d'Anne-Catherine.

 

Brentano mourut vingt jours après son départ de Munich. Sa mort fut extrêmement édifiante. « Il est mort en héros, écrit le jeune Van der Meulen qui assista à ses derniers moments ; son agonie fut un combat héroïque. Avec l'oraison dominicale et la salutation angélique il vainquit les puissances infernales. Sans le vouloir j'ai passé près de lui une partie de sa dernière nuit et cette nuit a mûri mon âme. » L'impression faite par la mort édifiante de Brentano sur Van der Meulen fut telle en effet, que quelques jours après, celui-ci entrait à la Trappe.

Dans son testament Brentano donnait le tiers de sa fortune et le produit de tous ses ouvrages à des œuvres catholiques : hôpitaux, écoles, séminaires, etc. Il recommandait aux professeurs Streber et Haneberg de ne publier de ses œuvres profanes que celles qui auraient été expurgées. Ainsi que nous l'avons dit déjà, Guida Gœrres devait publier ses Mærchen. Enfin, et c'est ici l'article important pour nous, Brentano remettait au professeur Haneberg tous ses manuscrits sur les Visions d'Anne-Catherine en lui demandant d'en publier tout ce qui lui paraîtrait bon et utile.

Sa mort interrompit la publication de la Vie de la Sainte Vierge. Cette publication ne fut reprise que dix ans plus tard par les soins de Christian. Dans ce laps de temps, à l'aide d'emprunts faits au Journal de son frère, Christian avait comblé quelques lacunes laissées par le Pèlerin dans cette Vie de la Sainte Vierge. Mais à peine Christian avait-il repris cette publication qu'il mourut lui-même, le 27 octobre 1851. Sa veuve, avec le concours de quelques savants amis fit enfin paraître l'ouvrage en 1852.

 

Il restait à écrire la Vie, de Notre-Seigneur Jésus-Christ d'après les manuscrits de Brentano non encore utilisés. Ce travail énorme avait été confié par le mourant au professeur Haneberg.

Celui-ci recula devant la grandeur de la tâche. Ses occupations très absorbantes l'empêchaient du reste de songer à entreprendre cette besogne devant laquelle Clément lui-même avait reculé. Le docteur Haneberg remit alors les manuscrits de Brentano au Père Rédemptoriste Schmœger qui se livra sur les notes du Pèlerin à un travail très considérable dont le fruit fut la publication de 1858 à 1860, de la Vie de Notre-Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, d'après les Visions d'Anne-Catherine Emmerich, recueillies par Cl. Brentano. Cet ouvrage qui compte trois énormes volumes renferme toutes les visions d'Anne-Catherine qui se rapportent à la vie de Jésus et qui n'avaient pas encore été publiées.

En quoi consista au juste le travail du Père Schmœger, il nous le dit lui-même dans ses Introductions. Dans la préface du premier livre il écrit : « J'ai toujours apporté le plus grand soin à rechercher dans le Journal du Pèlerin son premier travail, le travail original et je n'ai pas tenu compte des commentaires que Brentano a écrits surtout dans les marges. Quant au texte, je n'y ai pas changé une syllabe, je me suis borné à y ajouter les divisions en chapitres, les titres ou sommaires et quelques notes dans les cas où elles me semblaient nécessaires pour l'intelligence de l'ouvrage. » C'est le travail de classement surtout qui fut long et difficile.

Dans l'introduction du deuxième livre, le Père Schmœger répond à l'objection qu'on pouvait lui faire de s'en tenir trop à la lettre de la première rédaction de Brentano. « Je ne pouvais songer à remanier les visions ni sous le rapport de la forme, ni sous le rapport théologique. Pour ce qui est de la forme, le Pèlerin lui-même s'est interdit scrupuleusement toute modification afin de ne pas enlever aux révélations de la Sœur Emmerich un cachet d'originalité qu'elles devaient nécessairement conserver ; relativement au second point, je dois déclarer que je n'aurais jamais publié ces visions si j'avais pensé qu'elles eussent besoin d'être remaniées pour affronter sans péril les sévérités de la théologie ».

Dans l'Introduction du troisième livre, le Père Schmœger déclare enfin qu'il « s'est assuré l'approbation de plusieurs théologiens avant de se décider à reproduire sans modifications et sans suppressions la rédaction primitive du Pèlerin ». Monseigneur l'Évêque de Limbourg l'a encouragé à travailler dans ce sens et maintenant, dit-il « le lecteur a sous les yeux la reproduction exacte et fidèle des notes du Pèlerin ».

 

Ajoutons que plus tard, le Père Schmœger réunit la plus grande partie, des visions d'Anne-Catherine en un ouvrage unique, un énorme in-quarto (mille deux cent cinquante pages, dont cent deux d'Introduction) : La vie et la douloureuse Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de sa sainte Mère, ainsi que les Mystères de l'Ancien Testament, d'après les visions d'Anne-Catherine Emmerich. – Extraits du Journal de Clément Brentano.

En 1867 et 1870, le Père Schmœger publia également une Vie détaillée d'Anne-Catherine Emmerich, en deux gros volumes in-quarto. Cette Vie renferme de nombreuses visions qui se rapportent plus directement à la pieuse nonne, à son entourage, au monde contemporain et à la vie des saints. Ces visions n'avaient pu trouver leur place dans les ouvrages précédents.

Sans bruit, sans réclame tapageuse, ces divers ouvrages ont fait le tour du monde. Ils ont été traduits dans beaucoup de langues et ont eu de nombreuses éditions. Il en existe deux traductions françaises. Dix ans après l'apparition en Allemagne de la Vie de la Sainte Vierge, la traduction italienne de cet ouvrage en était à sa cinquième édition. Pour nous en tenir au seul livre qui ait été publié par Clément Brentano, disons qu'en Allemagne, en 1909, la Douloureuse Passion en était chez Cotta, à sa quinzième édition et qu'elle avait paru également en plusieurs éditions dans trois autres librairies. En 1909, on estimait à quatre-vingt mille le nombre des exemplaires de cet ouvrage parus en langue allemande. A la librairie Téqui, à Paris, la traduction française de la Vie de la Sainte Vierge en est actuellement à sa douzième édition et la traduction française de la Douloureuse Passion en est à sa quarante-troisième édition. Ces chiffres ont leur éloquence.

 

Que dire maintenant des nombreux travaux de toutes sortes qui ont paru sur les visions d'Anne-Catherine et par suite directement ou indirectement sur les rapports de la pieuse nonne et du célèbre écrivain ? Le nombre en est considérable. Notre intention n'est pas de les énumérer, ni de les analyser. Ce que nous voulons étudier en ce moment, ce sont les principales critiques qui ont été formulées au sujet de la Collaboration du Pèlerin et de la Visionnaire.