PRÉFACE

 

 

Les conférences que nous publions, prononcées dans l'église des Carmes, à Paris, pendant l'hiver de 1892-1893, continuent la démonstration que M. l'abbé de Broglie avait entreprise, de l'existence et des attributs de Dieu.

« J'ai commencé par apporter ici », dit-il au début de la première conférence, « les grands et nobles arguments de la métaphysique, et par gravir, à la suite de Platon, de saint Augustin, de saint Anselme, de Bossuet, de Descartes et de Leibniz, cette route de la pensée humaine qui monte du fini à l'infini et aboutit au pied du trône de l'Être parfait.

À ces arguments j'ai joint des preuves historiques en montrant que le Verbe de Dieu a parlé aux patriarches et qu'il a agi dans l'histoire du peuple d'Israël, et que celui qui parle et qui agit est certainement celui qui existe.

Aujourd'hui, j'apporte une nouvelle preuve de ces attributs de Dieu ;j'apporte, pour les démontrer, les prophéties messianiques, c'est-à-dire la prédiction faite par Dieu et gravée dans les écrits des prophètes d'Israël, de l'avènement de Jésus-Christ et de la fondation de la religion chrétienne et de l'Église catholique (1).

Ces grands faits partagent l'histoire de l'humanité, et, comme on l'a dit éloquemment, avant eux tout, y conduit, à partir d'eux tout en découle. Si donc je puis établir que ces grands et immenses faits de l'histoire de l'humanité ont été prédits avec leurs circonstances, cinq ou six siècles, ou quatre siècles au moins, avant leur accomplissement, il sera certain que l'histoire de l'humanité est gouvernée par une intelligence qui voit l'avenir à travers les siècles, parce que l'avenir dépend d'elle, et, par conséquent, parce qu'elle peut tout ».

 

La preuve tirée des prophéties était constamment alléguée par l'apologétique d'autrefois. Bossuet, sévère pour ceux qui essayaient de l'affaiblir (2), l'a développée dans la seconde partie du Discours sur l'histoire universelle ; que d'âmes, à la lecture de cette œuvre presque sans égale, ont ressenti une impression de joyeuse certitude qui, par la grâce de Dieu, les a pour toujours affermies dans la foi ! Lacordaire, à son tour, a présenté la même preuve dans ses Conférences de Notre-Dame, solides non moins qu'éclatantes. M. Le Hir, défendant contre une critique effrénée l'autorité des Prophètes d'Israël, a écrit des pages érudites, judicieuses, éloquentes même, qu'éclaire parfois comme un rayon de Bossuet (ce jugement est du docte et regretté P. de Valroger.) Un autre apologiste plus goûté, semble-t-il, de nos contemporains, mieux écouté d'eux que Bossuet ou même Lacordaire, Newman, assigne lui aussi à la prophétie un rang éminent parmi les preuves du christianisme (3).

 

Et cependant, – M. de Broglie l'avoue –, cette preuve n'a point pour beaucoup d'entre nous la force persuasive que lui avaient reconnue tant de générations chrétiennes. Déconcertés parles attaques du rationalisme, de nombreux croyants désertent l'antique forteresse qui avait abrité leurs pères, et où ils ne se croient plus en sûreté ; ils se rejettent sur des preuves plus aptes, selon eux, à toucher et à convaincre les hommes d'aujourd'hui. M. de Broglie ne dissimule pas quels motifs ont poussé à cet abandon. « ... Les textes prophétiques sont très obscurs... Le prophète, après avoir annoncé tel fait évangélique, glisse rapidement pour passer à d'autres sujets, et sa pensée semble s'oublier de manière qu'on ne la saisit qu'au passage... Ces textes paraissent équivoques, et sont susceptibles d'un sens autre que celui de la prophétie (4) ». À ces objections, l'auteur a fait de solides et ingénieuses réponses. Oui, les prophéties sont souvent obscures ; mais leur obscurité se justifie par le but que la sagesse divine se proposait. Les textes prophétiques étaient adressés aux générations futures ; il suffisait donc que ces textes fussent compris par elles, et qu'ils reçussent toute leur clarté des événements qu'ils annonçaient. L'ont-ils reçue ? Docile à la méthode des apologistes, mais à une méthode qu'il a su rajeunir, M. de Broglie place les événements annoncés, – faits évangéliques et commencements de l'Église –, en présence des prophéties où la tradition chrétienne avait lu leur histoire anticipée. Parmi toutes ces prophéties, il en est, – et des plus importantes –, qui sont claires ; le sens supérieur des autres se dégage des voiles dont il avait été d'abord enveloppé. Entre les textes prophétiques et les événements prédits, M. de Broglie constate un accord qui s'étend jusqu'aux moindres circonstances ; et il montre que ces merveilleuses et indéniables coïncidences ne peuvent s'expliquer ni par le hasard, ni par les savants calculs, les longues prévisions, la puissante volonté des hommes, ni par ce qu'on a nommé de nos jours les idées forces. Il est donc en droit de reprendre après les plus grands maîtres et d'exposer la preuve tirée des prophéties ; il le fait avec une érudition sobre, avec une sincérité et une profondeur d'accent qui émeuvent en même temps qu'elles persuadent. De ces conférences ressort la démonstration que M. de Broglie s'était proposée. Dieu, le Dieu vivant, y apparaît avec les attributs qu'une saine théodicée proclame, et que la révélation a mis en une plus complète, plus stable et plus éclatante lumière. Il s'y découvre libre dans ses choix, mais d'une liberté éclairée par la sagesse et dirigée par l'amour ; puissant dans ses œuvres, fidèle dans ses menaces, fidèle surtout dans ses promesses, magnifique dans ses dons.

 

Ces conférences avaient été recueillies par la sténographie. Nous les avons revues avec un soin qui en a religieusement respecté le fond, et qui n'en a retouché la forme que le moins possible.

 

Augustin LARGENT.

Chanoine honoraire de paris.

19 décembre 1903.

 

 

(1) Une des conférences, la huitième, traite des Figures Messianiques qui se trouvent dans l'Ancien Testament.

(2) Défense de la tradition et des Saints Pères, P. 1, liv. III, ch. XVI, et Dissertation sur Grotius.

(3) Grammar of Assent. Revealed Religion.

(4) Première Conférence.