XI

 

A la veille de se marier

 

Mlle Catherine Payre, de Saint-Étienne, faisait le pèlerinage d'Ars. Oh ! Sans conviction, sans enthousiasme, simplement « pour avoir la paix », comme elle l'avait déclaré à ses parents qui l'y avaient engagée ; car enfin, ce qui était réglé était réglé : que pourrait bien lui dire le Curé d'Ars ? « Il te donnera de bons conseils, ma fille », avait répliqué Mme Payre.

Voici donc ce qu'en chemin Mlle Catherine décida : elle se confesserait sans la moindre allusion à l'avenir, puis elle reviendrait achever les préparatifs de ses noces fixées à la semaine suivante.

Elle est parvenue au confessionnal, s'y agenouille. La grille s'ouvre. Stupéfaction ! C'est le saint qui prend le premier la parole :

« Imprudente que vous êtes !... Qu'allez-vous faire ? Ne savez-vous pas, mon enfant, qu'en épousant ce jeune homme, vous serez malheureuse en cette vie et en l'autre ? Le connaissez-vous bien ?

— Mon Père, j'ai sur lui d'excellents renseignements.

— Oui, mon enfant, parce que ceux qui vous les ont donnés ont intérêt à faire ce mariage... La vérité est que vous épousez un homme indigne de vous... Du reste, le bon Dieu vous appelle à la vie religieuse.

— À la vie religieuse, mon Père ?... Mais je n'y ai jamais pensé.

— Ou plutôt, mon enfant, vous avez toujours lutté contre la grâce. C'est l'heure de Dieu. Partez chez les Sœurs Maristes.

— Je ne les connais pas, mon Père. Je n'en ai jamais entendu parler.

— Je vous donnerai leur adresse... Mon enfant, partez sans retard ! »

 

Était-ce assez clair, assez formel, assez pressant ? Mais cette robe de mariée déjà prête, ce fiancé à éconduire, cette chère liberté dont il fallait faire à tout jamais le sacrifice ? Les paroles du saint Curé dominèrent le tumulte en cette pauvre âme désemparée. Aidée de la grâce, Catherine fut héroïque. Surmontant ses répugnances, elle obéit au serviteur de Dieu.

Ni elle ni sa Congrégation ne devaient s'en repentir. Sous le nom de Mère Saint-Anselme, Mlle Payre fera une remarquable maîtresse du noviciat, reviendra un jour à Saint-Étienne diriger un pensionnat florissant et enfin sera élevée à la charge de conseillère générale.

 

C'est en 1842 qu'elle avait vu M. Vianney pour la première fois. Religieuse, elle revint à plusieurs reprises le consulter sur les intérêt de sa Congrégation : ce qui lui valut, sans qu'elle s'en doutât, d'être canonisée de son vivant.

Envoyée à Ars en compagnie de Mère Sainte-Élisabeth pour certaines difficultés relatives à son Institut, elle demanda, l'affaire réglée, à se confesser :

« Allez-vous-en, répondit M. Vianney en souriant, je n'ai pas de temps à perdre avec vous.

Et, tandis que s'éloignaient les deux religieuses, il ajouta devant Catherine Lassagne qui l'a rapporté lors d'un voyage qu'elle fit à Bon-Repos, l'ancien noviciat des Sœurs Maristes à Belley :

« Vous voyez ces religieuses. Regardez-les bien. Ce sont deux saintes » (1)

 

 

(1) D'après une relation adressée à Mgr Convert par le T. R. P. Raffin, le 6 avril 1921, et un article des Annales de Marie, 15 mars 1928, pp. 62-63