XII

 

« Non, non, non ! - Si, si, si ! »

 

Un récit bien intéressant, dû à la plume de Sœur Marie-Mechtilde, Ursuline du couvent de Rome.

 

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J'étais pensionnaire à Troyes (Aube), quand, en juillet 1856, on vint me chercher pour aller à Ars. J'y étais conduite par une parente qui voulait obtenir la conversion d'un très grand pécheur par les prières et les exhortations du Voyant d'Ars.

Au moment de mon départ, je rencontrai une jeune fille rayonnante de jeunesse et de santé. « Je suis contente que vous alliez à Ars, me dit-elle, le saint Curé vous dira votre vocation. Il m'a dit la mienne : comme je lui demandais de m'indiquer une communauté où je pourrais me faire religieuse : « Oh ! Ne vous inquiétez pas, mon enfant, m'a-t-il répondu, bientôt vous en trouverez une bien belle ». Et cette jeune fille ajoutait en exultant de joie : « Quel bonheur ! Je vais mourir et j'irai au ciel ! ». Elle comprit que le saint avait voulu lui parler de la communauté du ciel. En effet, quelques mois après, j'apprenais sa mort.

Lorsque je fus présentée au bon Curé, ma parente lui dit :

Mon Père, c'est une petite savante que je vous amène. » Et le saint prêtre de prendre un air de dédain et de dire : « C'est tant pis ! Tout cela ne vaut pas un acte d'amour de Dieu.

— Mais, mon Père, que sera-t-elle ? » répliqua ma parente. Alors le saint, jetant un regard pénétrant sur moi, laissa tomber ces mots : « Ce sera une religieuse ».

Aussitôt, en songeant qu'il me faudrait quitter ma mère, mon frère et mes études, je m'écriai avec vivacité : « Non ! non ! non ! non ! ». Et lui, souriant de bon cœur à ces non répétés, s'écria à son tour : « Si ! si ! si ! si !... »

C'est alors que j'allai le trouver au confessionnal et il me précisa l'époque de ma profession, à vingt et un ans accomplis, pas avant. Je ne pensais à ce moment qu'aux études ; néanmoins le fait s'est accompli de point en point : je fis profession à Avignon, en 1859, l'année de la mort de notre bon saint. Je suis restée quarante-cinq ans dans le monastère des Ursulines d'Avignon. J'en suis sortie lors des expulsions, et le bon Dieu m'a fait la grâce de venir à Rome chez nos Mères de l'Union Romaine, via Nomentane.

 

Quant au pécheur dont nous étions venues demander le retour. M. Vianney promit qu'il se convertirait, mais plus tard ; ce qui arriva de nombreuses années après la mort du saint Curé, à la suite de beaucoup de prières faites sans interruption, pendant trois jours, par un nombreux pensionnat de jeunes filles.

 

Sœur MARIE-MECHTILDE