VIII

 

Les Petites Sœurs de l'Assomption

 

Il y avait huit ans déjà en 1872 que les Petites Sœurs de l'Assomption faisaient auprès des malades l'apprentissage de leur zèle. Leur fondateur, le R. P. Pernet, n'avait pas encore obtenu pour son œuvre si belle l'institution canonique. Il était temps enfin d'y songer sérieusement.

A cet effet fut déléguée à l'Archevêché de Paris cette admirable Mère Marie de Jésus – Mlle Antoinette Fage dans le monde – qui avait voué sa vie à la congrégation naissante au milieu des plus rudes contradictions. Reçue par M. le vicaire général Caron, Mère Marie de Jésus exposa simplement et rondement le but et les constitutions des Petites Sœurs... Qu'allait répondre le porte-parole de Mgr Guibert ? La religieuse l'ignorait et n'était pas sans trembler un peu. Quant au fondateur, il attendait tranquillement, en sa petite cellule, le résultat d'une si importante démarche ; c'est qu'il en connaissait d'avance l'issue favorable : il avait son secret.

« Quoiqu'on ne parle pas beaucoup de vous, répondit M. Caron avec un bienveillant sourire, nous n'ignorons pas combien vous travaillez avec ardeur à répandre le bien : c'est une grande marque qu'une œuvre provient de Dieu, lorsqu'elle reste cachée comme la vôtre... »

C'était là l'annonce assurée de l'approbation officielle. Au retour de Mère Marie de Jésus, le R. P. Pernet put lui conter cette histoire qui faisait sa force et dont son biographe nous a laissé le récit :

 

Mlle Clotilde Molozoë, qui devint ensuite Sœur Marie-Philomène, sollicitait la faveur d'entrer à Grenoble – siège de la maison-mère des Petites Sœurs de l'Assomption. Retenue longtemps dans le monde par de stricts devoirs de famille, elle confia au Père comment elle avait été soutenue dans cette épreuve.

Un jour qu'elle s'était rendue à Ars pour demander au saint Curé d'intercéder pour la guérison de sa mère malade, et en même temps lui dire ses peines, M. l'abbé Vianney lui avait répondu : « Mon enfant, consolez-vous, vous serez religieuse, mais dans une congrégation qui n'existe pas encore ».

Ceci se passait avant 1859. Or l'œuvre ne commença d'exister qu'en 1864. N'était-ce pas pour le fondateur une assurance nouvelle que l'œuvre des Petites Sœurs était bien voulue de Dieu, qui avait permis qu'elle eût été connue et annoncée d'avance par ce prêtre en qui tout le monde s'accordait à voir des signes manifestes de sainteté ? (1)

 

Le 2 juillet 1875, par l'entremise de M. le vicaire général Caron, qui donnait l'habit religieux aux Sœurs et recevait leurs premiers vœux, le cardinal Guibert était heureux de reconnaître canoniquement l'œuvre du R. P. Pernet.

Quant à Sœur Marie-Philomène, qui avait demandé à porter ce nom pour honorer la « chère petite sainte » du Curé d'Ars, admise à l'âge de trente-quatre ans dans cette congrégation qui enfin existait, elle s'éteignit comme une sainte après cinq années seulement de vie religieuse. L'ancienne pénitente de M. Vianney s'était souvenue fidèlement des leçons d'Ars.

 

D'elle, après sa mort, le R. P. Pernet faisait ce magnifique éloge : « C'était une âme virginale, une âme droite et sincère avec Dieu. Quand elle avait dit : « Mon Dieu, je vous aime, je me donne toute à vous », c'était vrai. De là, procédait une force qui, malgré la débilité de sa santé, la rendait capable de tous les sacrifices dans l'obéissance. Aussi son dévouement était-il sans bornes ».

 

 

(1) Le Révérend Père Pernet, Paris, Rondelet, pp. 127-128