VII

 

Les Pères Maristes à Bar-le-Duc

 

La relation suivante date de 1901. Son auteur, M. le chanoine Raulx, alors doyen de Vaucouleurs, ayant eu, au cours d'un pèlerinage, un entretien des plus agréables avec ces Messieurs du presbytère, on lui avait demandé de vouloir bien rédiger ce remarquable fait d'intuition.

 

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Voici l'objet et le résultat de mes deux premiers pèlerinages à Ars.

D'abord en 1858. J'étais alors chargé d'une importante maison établie depuis quatre ans à Bar-le-Duc sous le nom d'Institution Saint-Augustin, et qui était devenue rapidement très prospère, tant se faisait sentir en cette ville le besoin d'éducation chrétienne.

Le recrutement du personnel ecclésiastique enseignant était, à cette époque, très difficile dans notre diocèse, à cause de la pénurie des prêtres pour le ministère paroissial ; il nous fallait avoir recours à des professeurs laïcs, et même conduire aux cours du lycée les élèves des classes supérieures.

Pour remédier à cet état de choses et assurer l'avenir de l'établissement, je ne trouvai d'autre moyen que de le confier à une congrégation religieuse. Après avoir vainement frappé à plusieurs portes, et sur le conseil de mon évêque, qui les connaissait, je m'adressai aux Pères Maristes de Lyon. Mes démarches, mes instances et mes prières demeurèrent sans résultat.

Ce fut alors que j'allai trouver le Curé d'Ars pour lui exposer mon projet, les difficultés qu'il rencontrait et le recommander à ses prières et à celles de sa chère petite sainte.

A peine m'eut-il entendu que, levant les yeux au ciel, il me dit :

« Ah ! Les Pères Maristes, ce sont de bons religieux ; j'ai connu leur Père fondateur, c'était un saint (1). Allez les voir, ils seront à Bar plus tôt qu'ils ne pensent et que vous ne l'espérez. »

C'était le jour même de la Nativité de la Sainte Vierge, 8 septembre 1858.

 

Encouragé par ces paroles et assuré de leur réalisation, j'allai dès le lendemain trouver ces bons Pères. En vain, cette fois encore.

Je reviens donc prendre la direction de la maison, mais sans découragement, et avec l'espoir que m'avait mis au cœur la parole du saint Curé.

Dans le courant de l'année suivante, je renouvelai ma demande à plusieurs reprises, et toujours même réponse : Impossible !

Aux vacances de 1859, je retournai à Lyon, passant encore à Ars pour recommander cette affaire aux intercessions du saint Curé, mort depuis peu de temps. A la rentrée, les Pères Maristes étaient installés à l'Institution Saint-Augustin de Bar-le-Duc.

 

Malheureusement, par suite de circonstances fâcheuses et très regrettables, ils se retirèrent au bout de dix ans. Mais quelques années après, un de leurs élèves, M. l'abbé Gaudain, reprenait l'œuvre sous le nom d'Écoles Fénelon et Saint-Augustin réunies, qu'il dirige encore aujourd'hui avec succès. Mais ces circonstances n'ôtent rien à la prophétie du saint Curé d'Ars, les Pères Maristes étant effectivement venus à Bar plus tôt qu'ils ne pensaient et que je ne l'espérais moi-même.

 

 

(1) Le vénéré Jean-Claude Colin, ami personnel du saint Curé d'Ars. C'est même sous sa direction que le Curé d'Ars avait espéré finir ses jours : en 1853, il tenta de partir pour La Neylière, dans le Rhône, où le R. P. Colin venait d'établir une sorte de Trappe mitigée vouée à l'adoration perpétuelle du Très Saint Sacrement. Voir notre Vie du Curé d'Ars (Vitte, Lyon), pp. 469 à 485.