Caro mea vere est cibus, et sanguis meus vere est potus.
Ma chair est véritablement une nourriture, et mon sang est véritablement un breuvage.
(Jean, 1, 56.)
Notre cur est un autel : la victime placée sur cet autel, ce sont nos mauvaises inclinations. Le glaive destiné à abattre cette victime, c'est l'esprit de sacrifice et d'immolation ; le feu sacré qui nuit et jour doit brûler sur l'autel de notre cur, c'est l'amour de Jésus‑Christ ; le souffle vivifiant et fécond qui inspire et entretient ce feu sacré de l'amour, c'est l'Eucharistie.
L'Eucharistie est un sacrement des vivants. En tant que Sacrement des vivants, elle confère la vie surnaturelle et la grâce sanctifiante. Outre cette propriété commune avec les autres sacrements, l'Eucharistie a une vertu propre et spéciale, c'est celle qui nous est marquée par ces paroles de Jésus‑Christ : « Ma chair est véritablement une « nourriture et mon sang véritablement un « breuvage ». Paroles qu'explique le concile de Trente en disant : « Tous les effets que la nourriture opère matériellement dans nos corps, lEucharistie les opère spirituellement dans nos âmes. » Ainsi la nourriture fortifie nos corps et les fait croître jusqu'à un âge déterminé ; l'Eucharistie donne des forces contre les tentations et fait grandir l'âme en justice et en vertu. La nourriture matérielle est d'autant plus agréable qu'elle est plus exquise, et que le palais et le sens du goût sont mieux disposés ; l'Eucharistie est d'autant plus suave, que le cur est plus pur et l'esprit mieux préparé. C'est par l'Eucharistie que le Dieu de gloire inaugure sa béatitude au centre de notre misère , elle est la source de tout dévouement, de toute grandeur et de toute sainteté.
L'Eucharistie a une double institution ; elle est d'abord un des sept sacrements de la loi nouvelle, où Jésus‑Christ, présent sous les espèces du pain et du vin, est offert à nos adorations et s'offre lui‑même en nourriture. Elle est de plus un sacrifice, où l'Agneau sans tache renouvelle le souvenir de sa passion et de sa mort, où il est réellement immolé. Cette conférence se rattachant aux précédentes, nous ne traiterons de l'Eucharistie qu'en tant qu'elle constitue le sacrifice de la Loi nouvelle.
Afin d'établir, à ce point de vue, la vraie nature de l'oblation Eucharistique, son excellence et son efficacité, il est indispensable de définir le sacrifice en général, et d'en expliquer la réelle notion
I
Le sacrifice est un acte public, solennel, destiné à honorer l'être de Dieu.
Saint Thomas définit le sacrifice : « une action extérieure, publique, solennelle, opérée par le ministère d'un homme spécialement député dans le but d'offrir, au Dieu Très Haut. une chose quelconque animée ou matérielle, niais de telle sorte que cette chose, détruite et transformée, soit affectée au culte et à l'honneur de Dieu [1] . »
Il résulte de cette définition : premièrement, que le sacrifice est l'essence, l'âme même du culte, l'expression adéquate des rapports entre Dieu et l'homme. A ce titre, le sacrifice est offert au nom de tout le peuple. Il n'est nullement un acte privé, que tout individu puisse accomplir à son gré , il ne peut être offert que par des hommes spécialement choisis et consacrés, soit que ces hommes aient reçu une investiture directe et immédiate de Dieu, soit que les chefs légitimes des sociétés religieuse et civile les aient préposés pour cette fin [2] , Nec quisquam, sumit sibi honorem, sed qui vocatur a Deo tamquam Aaron. Et ailleurs, dit saint Paul, I ad Cor. v. Omnis Pontifex, ex hominibus assumtus, pro hominibus constituitur in iis qu sunt ad Deum. Ainsi, sous la loi de nature, le chef de famille était pontife et roi, sous la loi mosaïque, la tribu d'Aaron avait, exclusivement, le droit de célébrer à l'Autel, et sous la loi de grâce, il n'y a que les Évêques et les prêtres validement ordonnés, qui peuvent célébrer et consacrer le corps de Jésus‑Christ.
Secondement, le sacrifice consiste dans l'oblation d'une chose extérieure, sensible, permanente.
Ainsi, l'offrande que l'homme fait à Dieu, de ses désirs, de ses affections , les rites et les cérémonies, tels que les prostrations et les pratiques expiatoires, en usage dans les cultes divers, ne sont appelés sacrifices que par analogie et par extension. Pour que le sacrifice ait lieu, il faut que l'objet offert soit détruit, ou du moins qu'il subisse un changement, une altération qui le rende inhabile à tout service profane, et l'affecte exclusivement à l'honneur et au culte de Dieu. Il s'en suit que cette destruction, cette altération qui constituent l'essence même du sacrifice, ne sauraient être applicables aux actes intérieurs ou extérieurs de l'homme, qui sont de leur nature accidentels et transitoires. Il est indispensable que la matière du sacrifice soit une chose étrangère à l'homme et subsistante par elle‑même, car le sacrifice est fondé sur le principe de substitution. Dans les temps anciens, si l'homme offrait, à sa place, un animal, cet animal était tué ; si c'était de la farine ou du pain, cette farine et ce pain étaient cuits et consommés ; si c'était un liquide, ce liquide était répandu en libation.
Troisièmement, il résulte de la définition de saint Thomas que le sacrifice a cela de commun avec le sacrement qu'il est comme lui un signe extérieur et visible destiné à exprimer et à opérer une chose sacrée. Mais il diffère du sacrement cri ce sens que le sacrement a pour effet immédiat la sanctification de lhomme, et la transmission de certaines grâces ou aptitudes surnaturelles, suivant un ordre déterminé, au lieu que le sacrifice a pour objet immédiat, l'honneur dû à la majesté divine et la reconnaissance de son infinie souveraineté.
L'homme, composé d'un corps et d'une âme, est tenu d'honorer Dieu en lui faisant hommage de tous ses biens extérieurs. Ainsi, dans tous les temps et dans tous les lieux les hommes ont cru ne pouvoir donner à Dieu, un signe plus expressif et plus énergique de leur adoration, de leur reconnaissance, qu'en détruisant ou altérant, au profit de sa gloire, un des objets les plus rares et les plus utiles à leur vie. Ils ont constamment eu recours à ce moyen, afin de témoigner au Dieu Très Haut qu'ils étaient soumis à sa * puissance et le reconnaissaient pour l'auteur absolu de la vie et de la mort.
Pour cette raison, dans l'Ancien Testament, il était prescrit au sacrificateur d'étendre et de croiser les mains sur la victime avant de la frapper. Cette cérémonie avait pour but de témoigner que, n'ayant pas la faculté de se détruire, l'homme s'identifiait avec la victime et autant qu'il en avait pouvoir, il se détruisait lui‑même, non pas réellement mais par représentation et par image. Il se nourrissait aussi de la chair de la victime, afin d'exprimer la volonté que le sacrifice lui devînt inhérent et lui fût en quelque sorte incorporé... car, comme dit saint Thomas, exterius sacrificium signum est interioris sacrificii.
Il suit de ces considérations, que le sacrifice. pris en lui‑même, renferme un culte d'adoration et de latrie, et ne peut être offert qu'au Dieu suprême et unique.
Un fait digne d'observation, c'est qu'au temps du paganisme et chez les peuples idolâtres, les démons se sont constamment montrés avides de sacrifices, persuadés qu'en se les faisant décerner, il s'adjugeaient, par le fait, le rang et les honneurs dus au vrai Dieu. Dmones enim, non cadaverinis nidoribus, sed divinis honoribus gaudent [3] .
Sans sacrifice, lhomme ne peut honorer Dieu comme il le doit ; il n'a pas de moyen plus puissant pour obtenir sa miséricorde, fléchir sa justice, donner à sa prière toute son efficacité *.
Dans l'ancienne loi les sacrifices n'avaient qu'une valeur imparfaite et figurative. De quel prix en effet pouvait être, aux yeux du Maître de toutes choses, l'offrande des béliers et des génisses ? Et lors même que le Dieu Très Haut aurait agréé des hosties si peu dignes de sa gloire, quelles mains se seraient trouvées assez pures pour les lui offrir ? C'est pourquoi le Prophète disait : Sacrificium et oblationem noluisti [4] , et ailleurs : Holocaustis non delectaberis.
Aussi, dès que le sacrifice de la croix, cette oblation infinie en elle‑même, et plus que surabondante dans son application et dans ses effets, eut été offert une fois sur le Calvaire, les sacrifices sanglants cessèrent aussitôt sur toute l'étendue de la terre. On ne les retrouve ni chez les juifs, ni chez les musulmans : ils ne sont plus en vigueur que chez les peuples placés en dehors de la civilisation et de l'histoire. Un prêtre qui apparaîtrait de nos jours, le couteau à la main et exhalant l'odeur des viandes immolées exciterait le rire et le dégoût.
LEucharistie est un sacrifice parfait. Tous les attributs de Dieu s'y manifestent avec éclat : sa sagesse, sa toute‑puissance, sa miséricorde. L'Eucharistie est salutaire dans ses fruits : car comment toute vertu ne jaillirait‑elle pas des plaies de l'Homme Dieu et du calice de son sang ? Elle est digne de la majesté souveraine : c'est * en effet la personne elle‑même du Verbe, qui s'anéantit pour donner à son Père une gloire adéquate à sa perfection souveraine. L'Eucharistie renferme toutes les conditions requises pour un sacrifice parfait et consommé. Il y a d'abord un prêtre principal, qui est Jésus-Christ : le prêtre secondaire, c'est le ministre spécialement consacré pour cette fin. Il y a une hostie offerte, qui n'est autre encore que Jésus‑Christ caché sous les espèces du pain et du vin. Il y a le Dieu Très Haut à qui cette hostie est offerte. A la vérité, l'oblation s'offre également à Jésus‑Christ, non seulement en tant qu'il est Dieu, mais aussi en tant qu'il est homme, Jésus-Christ est victime offerte et immolée, selon la parole de saint André : Immaculatum agnum quotidie in altari sacrifico. Il y a dans le sacrifice un sujet au profit duquel la victime est offerte ; ce sujet c'est l'Eglise et les fidèles, qui pro vobis et pro multis effundetur. Comme l'observe saint Thomas, l'excellence du sacrifice est supérieure à celle du sacrement. Le sacrement ne profite qu'à celui à qui il est administré, le sacrifice est salutaire pour tous. Enfin, à la messe, il y a un autel : Quid est altare, nisi sedes corporis et sanguinis Domini [5] L'acte sacrificatoire et la signification du mystère sont efficacement exprimés par l'offrande, la consécration, la consommation des saintes Espèces. Ajoutons qu'il est de l'excellence et de la dignité du sacrifice *, que l'homme offre à Dieu ce qu'il a de meilleur. Abel offrait les prémices de ses fruits, les patriarches, des agneaux et des génisses sans tache. Or, qu'y a‑t‑il de meilleur, que Celui par qui tout a été fait et qui est lui‑même l'auteur et la source de tout bien ?
Quels n'auraient pas été l'ardeur de notre piété, les transports de notre amour et de notre reconnaissance, si nous avions assisté à la Passion de Notre Seigneur Jésus‑Christ ? si, en compagnie de saint Jean et des saintes femmes, il nous avait été donné de fixer nos yeux sur les plaies de l'Homme Dieu, de recueillir les prémices de ce sang divin offert pour notre Rédemption ?
Or, le sacrifice de la messe, dit le Concile de Trente, a la même valeur que le sacrifice de la croix : Tantum valet sacrificium miss, quantum oblatio Christi in cruce. C'est le même prêtre qui offre, c'est la même victime qui est offerte, et la même immolation qui est renouvelée. In divin sacrifié, quod in missa peragitur, idem ille Christus continetur et incruente immolatur, qui in ara crucis ; semetipsum cruente obtulit [6] .
D'abord, à l'autel et à la croix, c'est le même prêtre qui offre.
Les ministres sacrés qui apparaissent couverts des habits sacerdotaux, ne sont que les délégués et les ministres de Jésus‑Christ, prêtre principal et éternel selon l'ordre de Melchisédech [7] .
En d'autres termes, nous avons à l'autel un caractère représentatif, nous figurons la personne de Jésus‑Christ et nous la figurons en maintes manières, multifariam et multis modis, dans nos vêtements, dans les mystères que nous retraçons, dans les paroles que nous faisons entendre [8] .
A la messe, nous sortons de la sacristie, portant sur nos épaules cette chasuble mystérieuse, image de la croix que Notre Seigneur Jésus‑Christ portait sur les siennes. L'aube dont nous sommes couverts représente cette robe blanche, dont le Fils de Dieu fut affublé à la cour d'Hérode, niais que son innocence transformait en un vêtement d'une éclatante blancheur. Nous portons, suspendu à nos bras, ce manipule de larmes destiné à essuyer les sueurs de notre front et à ranimer notre être de ses défaillances. Nous montons, après nous être inclinés, les degrés de l'autel, comme Notre Seigneur Jésus‑Christ gravit les degrés du Golgotha. Nous élevons les mains, lorsque nous disons oremus, comme Jésus‑Christ priait les mains élevées vers son Père. Au Canon, nous ne parlons plus qu'à voix basse, semblables à Jésus‑Christ qui, an Jardin des Olives, s'éloigna de ses disciples de la distance d'un jet de pierre *, pour entrer dans le silence du recueillement et de la prière. A lÉlévation, nous prenons lHostie dans nos mains, comme Jésus‑Christ à la dernière Cène prit le pain et le vin dans ses mains saintes et vénérables. Alors notre parole se tait, notre personnalité s'efface, la voix de Jésus‑Christ se substitue à celle de son ministre. Ce n'est plus nous qui parlons, plus nous qui vivons : le corps du prêtre est devenu le corps même de Dieu. Penchés sur l'Hostie, nous ne disons pas : Ceci est le corps de Jésus‑Christ, ceci est le sang de Jésus‑Christ, mais : Ceci est mon corps, ceci est mon sang.
« C'est un grand mystère, une sublime dignité que celle du Prêtre, auquel est donnée une faculté que n'ont pas les anges. Seuls les prêtres régulièrement ordonnés, ont le pouvoir de célébrer et de consacrer le corps de Jésus‑Christ [9] . »
A l'autel, nous ne sommes que de simples instruments ; mais d'autre part notre dignité est la plus haute qui puisse se concevoir.
« Prêtres du Seigneur », s'écriait saint Jean Chrysostome « tout ce qu'il y a de plus grand, parmi les hommes m'apparaît dépouillé de toute gloire, lorsque je considère celle que vous avez reçue. Votre ministère, à la vérité, s'opère parmi les * hommes ; mais il prend rang parmi les célestes hiérarchies, c'est le Paraclet qui est l'auteur des mystères que vous accomplissez ; vous êtes plus grands que le prophète Elie ; vous portez dans vos mains, non pas le feu, mais l'Esprit Saint, le priant de répandre ses grâces sur tous les fidèles. Nul doute, ajoute‑t‑il, « prêtres du Seigneur, que vous ne soyez plus grands que les rois ». Le roi commande à des sujets, vous commandez à Dieu. Les jugements du roi n'ont d'effet que sur les choses du temps, vos sentences subsisteront l'éternité entière. Vous n'avez pas besoin des largesses et des trésors du roi, mais le roi a besoin de vos bénédictions et de vos prières. Nul doute que vous ne soyez plus grands que les Thaumaturges : les Thaumaturges font des miracles sur les éléments, vous en faites sur les âmes. Les Thaumaturges font subir des transformations à la nature matérielle, vous transformez tous les jours le pain et le vin à la chair et au sang de Jésus‑Christ. Nul doute qu'en un sens vous ne soyez plus grands que la Vierge Marie elle‑même. La Vierge Marie décida, par son assentiment, l'Incarnation du Verbe : elle prononça ce bienheureux fiat qui fit descendre le Fils de Dieu dans son sein immaculé ; ce fiat elle ne le prononça qu'une fois, vous le prononcez tous les jours. Marie enfanta Jésus‑Christ à une vie mortelle, vous l'enfantez à une vie de tous les siècles. Marie se fit obéir de Jésus‑Christ passible, vous vous faites obéir de Jésus‑Christ impassible et glorieux *.
La politique, la philosophie, la science l'ont essayé maintes fois, jamais elles n'ont pu créer un prêtre.
A l'époque de la grande révolution, les mêmes hommes qui avaient déifié la raison et tenté de substituer au repos dominical le repos légal du décadi, essayèrent aussi de créer un sacerdoce humanitaire, un sacerdoce découronné de tout rayon et de tout signe divin... Un délégué officiel du pouvoir civil se revêtit d'une tunique blanche ; il ceignit ses reins de l'écharpe aux trois couleurs, et s'avança au pied d'un autel dédié à la nature, pour offrir un bouquet de fleurs, symbole de patriotisme et d'espérance ; mais ce prêtre sacré par la raison, ne vécut pas un seul jour ; il tomba sous le poids du ridicule et du mépris ; il n'avait pas le sceau de Dieu, le rayon de l'infini, cette physionomie, ce je ne sais quoi que Dieu seul peut donner à l'homme, et que jamais une nomination royale ou une élection séculière quelconque ne parviendront à lui conférer.
Chose remarquable, partout où le sacrifice eucharistique disparaît, il n'y a plus de prêtre. Les protestants en ont fait l'expérience. Le jour où ils eurent chassé Jésus‑Christ des tabernacles où il repose dans le sacrifice et dans la bonté, leur sacerdoce disparut aussitôt ; ils n'eurent plus que des ministres, des professeurs de morale, des officiers de police au département religieux, et comme l'a dit ingénieusement le comte de Maistre, des hommes habillés de noir, montant chaque * dimanche en chaire pour y tenir des discours honnêtes.
Telle est la raison des haines acharnées de l'impiété contre le prêtre. Il est écrit dans l'Apocalypse : « Le dragon se tenait devant la femme qui allait enfanter, afin de dévorer son enfant, lorsqu'elle l'aurait mis au monde [10] . » Or l'homme qui enfante Jésus‑Christ, c'est le prêtre, parturiente lingua, suivant la belle expression de saint Ambroise. Le moyen assuré d'éliminer autant que possible Jésus-Christ et de détruire de fond en comble son règne ici‑bas, c'est de se défaire du prêtre, ou tout au moins de lui ôter du cur la foi, l'innocence et les vertus chrétiennes. Naguère, en parlant du prêtre, un des coryphées de l'impiété contemporaine disait : « Ne le faisons pas mourir : » il se retremperait dans le sang, le martyre serait pour lui le germe d'une fécondité nouvelle et d'une force surhumaine ; « étouffons‑le dans la boue. » Mais le prêtre ne saurait être vaincu. A l'encontre des paroles vomies par des bouches de blasphème, qui appellent la mort et accumulent les grandes ruines, le prêtre porte sur ses lèvres deux paroles de vie et d'éternité : une parole d'éternité, qui, chaque jour, fait descendre le Verbe de vie de Dieu sur l'autel ; une parole d'éternité, qui le fait descendre dans les âmes, où il cohabite par la justice et les uvres surnaturelles de la vie.
II
A l'autel comme à la croix il n'y a qu'un seul prêtre. Car le sacerdoce dont nous sommes revêtus n'est qu'une simple participation de celui que possède Jésus-Christ [11] . Il n'y a non plus qu'une même victime.
Dans les sacrifices anciens, la victime apparaissait dans un état d'abaissement et voisin de la mort. Elle était enchaînée, ornée de bandelettes funèbres. On disait d'elle qu'elle était sacrée, et cette expression signifiait à la fois que la victime était dédiée à Dieu ; et d'autre part qu'elle était maudite et exécrée, et dans ce sens, elle devenait responsable et chargée en quelque sorte de toutes les iniquités du peuple. De là vient que dans la langue populaire, le mot sacré est employé comme terme des bénédictions et de louange, en même temps que comme terme d'imprécation et de blasphème.
Jésus‑Christ, inaccessible à nos sens et dans son état glorieux n'est sujet ni à la mort, ni à aucune altération ; en conséquence il ne peut plus se constituer* victime. Pourtant, il est de l'essence du sacrifice, que la victime soit visible, qu'elle soit détruite ou altérée, et il était autrefois d'usage que l'homme pût s'en nourrir afin de participer à la sanctification qu'elle avait reçue [12] . Mais Jésus‑Christ ne saurait s'offrir sur l'autel avec ses traits naturels et sous sa forme humaine, et pour cette raison les Juifs, interprétant les divines paroles dans un sens grossier et charnel, disaient : « Pourrions‑nous manger la chair d'un homme, et un homme peut‑il nous donner réellement sa chair à manger ? Quomodo potest hic nobis carnem suam dare ad manducandum ? Jésus‑Christ a donc trouvé le moyen de s'offrir sous un mode incompréhensible et tout nouveau. Il a fondé son sacerdoce éternel, non pas selon l'ordre d'Aaron, mais selon l'ordre de Melchisédech. Et de même que ce personnage mystérieux alla au‑devant d'Abraham vainqueur, afin de lui offrir le pain et le vin, ainsi Jésus‑Christ a choisi le pain et le vin pour être non seulement la matière, mais le terme de son sacrifice nouveau. Jésus‑Christ n'apparaît donc pas sur l'autel sous sa forme et sous ses espèces propres, mais sous les espèces du pain et du vin.
« Le sacrifice de la messe », dit saint Augustin, se compose de deux éléments : des apparences visibles de la substance détruite, et de Jésus‑Christ réellement présent dans l'intégrité de sa chair et de son sang. »
De même que dans les anciens sacrifices, il y avait une partie de la victime détruite, et que l'autre partie était réservée à l'homme pour ses usages ; ainsi à l'autel, ce qui est détruit, c'est la substance matérielle dut pain ; ce qui est réservé, ce sont les accidents, la forme du pain, son parfum, sa couleur, sa saveur ; toutes les qualités du pain, non substantielles, qui restent visibles et permanentes. Jésus‑Christ, subsistant sous leur voile mystique, devient pain lui‑même, suivant cette parole : Ego sum panis vivus. Par un prodige incompréhensible de sa puissance et de son amour. il se rend mangeable, susceptible de se convertir en notre substance, et il est réellement notre pain céleste et notre nourriture quotidienne. Ce qui n'est pas moins admirable, c'est que Jésus‑Christ, réduit à l'état de victime, trouve le moyen de nous instruire, et de nous offrir dans sa vie eucharistique l'exemple de toutes les vertus.
Jésus‑Christ dans sa vie sacramentelle, nous manifeste une sagesse supérieure et d'un ordre tout nouveau, sagesse qui n'estime et ne goûte que ce qui a rapport à la gloire de Dieu, à son service, au salut et à la sanctification des âmes. L'esprit dont Jésus‑Christ est animé dans son état sacramentel, est un esprit dégagé de toutes vues naturelles et humaines, à mille lieues de nos prudences mondaines qui s'estiment judicieuses parce qu'elles savent ordonner leurs moyens pour s'élever aux honneurs, conduire leur fortune et écarter les obstacles qui s'opposent à leur fin grossière et intéressée. Les vertus dont Jésus‑Christ nous donne l'exemple, sont des vertus solides, qui ne consistent pas dans de simples désirs, mais qui se manifestent efficacement et par des fruits. Ainsi il nous donne d'admirables exemples d'humilité. Présent tout entier sous chaque hostie, il n'est plus en quelque sorte qu'une poussière, il est réduit aux proportions d'un grain de sable [13] , afin de confondre nos vanités, nos ambitions, la soif qu'ont les hommes de se produire, il ne se réserve aucun moyen de protéger sa dignité, je ne dis pas contre nos profanations, mais contre nos oublis, nos négligences et nos surprises Il nous donne des exemples héroïques de patience. Il supporte l'isolement, la solitude et les dédains il ne se plaint ni de nos froideurs, ni de nos indifférences il se tait, et son indignation ne s'est jamais trahie, lorsque dans des siècles d'impiété et de délire, des mains sacrilèges l'arrachèrent de ses tabernacles et * le jetèrent au loin comme une vile balayure. Il nous prêche la charité, il supplie, il intercède, il fléchit ;* il arrête les foudres de son Père en lui montrant les cicatrices de ses plaies ; il offre pour l'apaiser le sacrifice commémoratif de la mort qu'il a subie à notre place.
Il nous enseigne la pauvreté, il donne des exemples admirables du détachement que nous devons porter dans l'usage des créatures. Dans sa vie eucharistique. Jésus‑Christ ne tient à aucun bien créé. Qu'on l'enchâsse dans un soleil de pierreries, qu'on l'entoure d'un riche luminaire, qu'on le mette dans un tabernacle de bois ou sur de froides planches : Jésus‑Christ laisse faire et il ne se plaint jamais... Il est indifférent à toutes nos délicatesses et à toutes nos splendeurs : s'il accepte nos décorations et l'hommage de nos objets précieux, c'est par condescendance, et afin de se prêter aux effusions de notre piété. Il nous apprend de la sorte à mépriser toutes les délicatesses et toutes les splendeurs ; à rester indifférent aux biens de la terre, à accepter avec la même égalité d'âme, l'éclat des honneurs ou l'obscurité, l'abondance ou la pénurie. Enfin il nous donne des exemples de chasteté. Dans l'Eucharistie, Jésus‑Christ se trouve réellement et substantiellement présent, niais il subsiste à l'état sacramentel, non pas sous ses apparences propres, mais sous celle du pain et du vin. A ce point de vue, et en tant qu'il habite sous des voiles invisibles, ses sens ne sont pas susceptibles d'impression. Nos parfums ne le * flattent pas, nos symphonies ne le ravissent pas, nos objets sensibles ne l'éprennent pas. Il nous montre par là, quelle pureté doit régner dans nos affections. Il veut qu'à son exemple, nous ayons une chair, sans que cette chair soit sujette à aucune rébellion ; que nous ouvrions les yeux, mais sans les faire reposer sur aucune créature purement pour le plaisir et pour l'attrait ; que nous aspirions les parfums mais sans jamais sentir d'autres attractions que celles de l'amour divin.
Que dire encore ? Régnant au plus haut des cieux, Jésus‑Christ a trouvé le moyen de s'anéantir chaque jour et de se livrer aux mains de son ministre, comme un serviteur et un captif. Possédant une vie immortelle, Jésus‑Christ a trouvé le moyen de subir les atteintes de la mort et de la décomposition, et la vie nouvelle dont il est investi dans le sacrement, il la perd chaque fois que les hosties s'altèrent et se décomposent. Subsistant sur nos autels depuis dix‑neuf siècles, il y redescend chaque jour, et renouvelle à tout instant, sur un point de la terre ou sur l'autre, l'oblation de sa passion et de sa mort.
Si nous étions attentifs à ces enseignements, quelle vie admirable ne mènerions‑nous pas ! Des ignorants, des illettrés, les yeux fixés sur cette frêle hostie, l'oreille attentive à cette voix intérieure qui retentit jusque dans le fond de l'âme, ont élevé leurs actions jusqu'à l'héroïsme ; ils ont puisé, pour leur propre sanctification et celle des autres, les lumières les plus vives, acquis plus de * trésors et de sciences, que s'ils avaient lu tous les écrits des Docteurs et des Saints. Nous‑mêmes à l'aide des mêmes exemples nous deviendrions des chefs-duvre de grâce. Notre vie, à la vérité, est remplie de prodiges, mais ces prodiges ne feront‑ils pas un jour notre condamnation ? Jésus-Christ à l'autel, nous invite à nous offrir comme des victimes vivantes, saintes, agréables à Dieu : Hostiam sanctam, viventem, Deo placentem ; il nous y apprend à nous abaisser au sein des louanges, à endurer les persécutions, comme si nous étions impassibles, et à persévérer inébranlablement dans nos engagements.
III
A l'autel comme à la croix, il y a le même prêtre, il y a la même victime; il y a aussi une môme immolation.
« A l'autel », dit saint Jean Chrysostome, « il y a un glaive et ce glaive c'est nous, prêtres, qui le portons, non pas dans nos mains, mais sur nos lèvres. L'immolation, à la vérité, n'a pas lieu physiquement, elle a lieu mystiquement et par représentation : mais par une représentation tellement vive, tellement efficace, qu'elle équivaut à la réalité elle‑même.
D'après saint Thomas, Suarez et les grands théologiens *, ce n'est ni l'Offertoire, ni la Communion mais la consécration qui constitue l'essence du sacrifice.
En effet, comme l'observe Mgr Rosset, Jésus‑Christ n'a pas subi une mort quelconque, il n'a pas été enlevé par la maladie, ses os n'ont pas été disloqués, il n'est pas mort suffoqué dans les eaux ; mais il a donné sa vie sur la croix par l'effusion et la perte de son sang. Pour cette raison, la messe instituée afin d'être le mémorial de son sacrifice, doit représenter sa mort telle qu'elle a été consommée. Cela ne peut avoir lieu qu'autant que le corps de Jésus‑Christ, en vertu des paroles sacramentelles, est offert sur l'autel séparément de son sang, et son sang dans le calice offert séparément de son corps sacré.
Si donc le pain seul était consacré, il y aurait en effet représentation de la mort de Jésus‑Christ, mais non pas de sa mort telle qu'il l'a endurée ; si le vin seul était consacré cette circonstance que Jésus‑Christ resta sur la croix privé de la totalité de son sang, ne serait pas clairement et formellement exprimée [14] . Ainsi, lorsque le prêtre dit : Ceci est mon corps, le corps seul est appelé sur l'autel, et si le sang, lâme et la divinité y arrivent en même temps, c'est, comment disent les théologiens, par pure concomitance, parce que Jésus‑Christ ressuscité d'entre les morts ne peut plus mourir [15] . Si Jésus‑Christ n'était pas dans un état surnaturel* et glorieux, le corps serait détaché du sang par la force des paroles sacramentelles. Et lorsque le prêtre dit : Ceci est mon sang, le sang seul est appelé sur l'autel, et s'il n'était indissolublement et éternellement uni au corps, il ruissellerait comme jadis sur la croix. Ces paroles : ceci est mon corps, ceci est mon sang, sont le glaive qui pénètre jusqu'à la division de l'âme et de l'esprit. Si la séparation n'a pas lieu effectivement, observe Bossuet, ce n'est pas que le glaive manque de vertu, mais il est paralysé par l'état d'impassibilité dont est doué le corps glorieux du Sauveur.
Il n'est nullement requis pour la perfection du sacrifice, observe encore Mgr Rosset, que la victime soit réellement immolée. Il suffit que l'acte sacrificatoire soit, de sa nature, destructif de la chose offerte. lEglise met au rang des martyrs saint Jean lÉvangéliste, plongé dans l'huile bouillante, et d'autres saints qui reçurent des blessures ou subirent des supplices, de leur nature aptes à donner la mort, quoique, par l'effet d'un miracle, leur mort n'ait pas eu lieu. Dans l'ancienne loi, quand le sacrificateur avait frappé la victime d'une blessure mortelle, le sacrifice était parfait, et la victime censée immolée, lors même qu'elle aurait été sauvée miraculeusement.
A la croix et à l'autel, Jésus‑Christ offre à son Père la même mort. A la croix il offre sa mort présente, à l'autel sa mort passée et consommée. A la croix il s'offre en sacrifice de rédemption, à l'autel en sacrifice d'application de cette source * infinie de grâce que jadis il fit jaillir sur le Calvaire. A la croix, dans l'état d'un homme souffrant, à l'autel dans l'état d'un homme surnaturel et mystérieux. A la vérité, pour que le sacrifice s'opère, il faut que le ministre visible intervienne ; mais son action est une uvre accessoire et ne diminuant en rien la dignité et le prix du sacrifice. Ce qui le démontre, c'est que les paroles dont le ministre se sert sont les mêmes que Jésus‑Christ prononça à la dernière Cène. Sermo autem Christi, non est alius quam verbum consecrationis [16] .
A l'autel, nous ne sommes pas réellement le Christ, mais nous le sommes mystiquement, nous parlons en sa personne : nous disons et faisons ce que dit et fit Jésus‑Christ, hoc facite in meam commemorationem. Nous avons la même puissance ; car, comme dit saint Grégoire le Grand, quel fidèle douterait, « qu'au moment de l'immolation et à la voix du prêtre, les cieux ne s'ouvrent réellement, et que les churs des anges n'accompagnent Jésus‑Christ dans ce mystère [17] . » Le Père éternel, en ce moment, arrête ses yeux sur cette offrande; il ne considère nullement la personne qui célèbre, il ne voit que son divin Fils ; il accepte son offrande comme souverainement propice et agréable, fut-elle offerte par les mains les plus indignes et les plus souillées.
Le sacrifice de la messe est souverainement propitiatoire pour les vivants et les trépassés. Il suffit pleinement pour nous obtenir l'abondance des grâces d'en‑haut, et satisfaire à tous nos besoins. Infini en valeur et en dignité, il est cependant limité dans ses effets et dans son application : par la raison que ceux à qui le sacrifice profite, c'est‑à‑dire le prêtre, les fidèles et lÉglise, si sainte soit celle‑ci, n'ont pourtant qu'un mérite, une dignité finie [18] . Ils sont susceptibles d'acquérir de nouvelles grâces. de s'élever à un degré supérieur de perfection, et malgré leurs efforts, il ne leur sera jamais possible d'épuiser tous les fruits découlant d'une telle oblation. Le sacrifice de la messe équivaut à celui de la croix. Mais le sacrifice de la croix, tout infini qu'il est en valeur, ne saurait parvenir à conférer une multitude indéfinie de mérites et de satisfactions au point qu'il ne puisse plus s'en surajouter.
Jésus‑Christ, en instituant son sacrifice, a déterminé la somme et la mesure de grâce dont bénéficieraient ceux à qui il est appliqué ; d'où il suit que plusieurs messes sont plus profitables qu'une seule ; qu'une messe dite spécialement à l'intention de tel ou tel fidèle trépassé. lui est plus fructueuse, et contribue plus efficacement à sa * délivrance, qu'une messe célébrée d'une manière générale pour tous les chrétiens.
Le sacrifice est offert en l'honneur des martyrs et des saints qui sont au Ciel. Nous demandons à Dieu qu'ils soient de plus en plus glorifiés par les fidèles de l'Eglise militante, et que l'intercession et les hommages que nous leur adressons leur procurent un surcroît de joie accidentelle [19] .
Le sacrifice profite aux vivants, pour leur obtenir les grâces de Dieu, la pénitence et la remise des peines dues à leurs péchés. Hujus quippe oblatione placatur Dominus, et gratiam et donum pnitenti concedens, crimina et peccata etiam ingentia dimittit [20] .
Le sacrifice est, de tous les suffrages, le plus efficace et le plus propitiatoire pour les morts. La prière, l'aumône, les uvres de charité n'ont d'effet, pour la délivrance ou le soulagement des morts, qu'en raison de la ferveur ou des dispositions de celui qui les offre. Ce sont des uvres qui, selon l'expression théologique, profitent ex opere operantis [21] ; mais le sacrifice de la messe est indépendant* des mérites ou des démérites de celui qui l'offre; il est efficace directement et par la vertu même de son institution, ex opere operato. Il est un remède d'autant plus précieux, qu'à l'égard des âmes du Purgatoire, l'Eglise n'en possède aucun autre dont l'effet soit infaillible et assuré. LÉglise ne peut faire participer les fidèles défunts à ses sacrements : car le sacrement est un signe extérieur et sensible, ne sanctifiant l'âme, que par l'intermédiaire du corps , par conséquent, les âmes séparées. dépouillées de leurs sens et de leur enveloppe terrestre, ne sont plus susceptibles d'en percevoir les fruits. Le sacrifice de l'autel est donc le seul instrument que possède l'Eglise, pour appliquer aux défunts les mérites de la passion et du sang de Jésus‑Christ dans toute leur efficacité. C'est la doctrine de l'Eglise et du concile de Trente : parlant des effets du sacrifice, ils ne distinguent pas entre les vivants et les trépassés, ce qui revient à dire que la même vertu que possède le sacrifice pour attirer la miséricorde de Dieu sur les hommes vivants sur la terre, il la possède pour fléchir la justice à l'égard des défunts [22] .
On voit encore à Rome l'autel où Grégoire le Grand disait la messe, et où Jésus‑Christ apparut. afin de lui faire savoir que chaque fois qu'il célébrait, il obtenait la délivrance d'une âme du Purgatoire.
Saint Augustin, liv. xii de la Cité de Dieu, ch. xxii, parlant des hommes décédés de cette vie, les distingue en deux catégories, les médiocrement bons et les médiocrement mauvais. Les médiocrement bons sont ceux dont la vie n'a été souillée que de fautes vénielles et d'imperfections légères ; le sacrifice décharge aisément ceux‑ci de leurs peines et rend très prompte leur délivrance. Les médiocrement mauvais sont ceux qui ont vécu constamment dans le péché, dont la vie fut souillée d'iniquités, mais qui, toutefois, avant de mourir obtinrent le pardon de leurs fautes mortelles. Il est rare que le sacrifice abrège notablement la peine de ceux‑là ou qu'il les délivre promptement : néanmoins il leur profite beaucoup, parce qu'il tempère l'ardeur de leurs flammes, et diminue l'intensité de leurs tourments.
Il n'est pas rare que des âmes décédées apparaissent aux vivants : maintes et maintes fois, Dieu a permis ces manifestations, soit pour réveiller les vivants de leurs négligences et de leur torpeur, soit afin que les âmes délaissées reçussent un soulagement plus empressé et plus prompt.
Parmi ces visions les plus accréditées sont celle de saint Malachie, archevêque d'Armagh, en Irlande. que nous avons déjà mentionnée ; celle de Louis le Débonnaire, empereur et roi, fils de * Charlemagne, qui après trente trois ans passés dans les tourments, apparut à Louis 1er son fils ; celle du Pape Benoît VIII, qui occupa la Chaire de saint Pierre pendant douze ans, et assez longtemps après sa mort, apparut à lÉvêque de Laprée qui avait été son ami ; celle d'une sur de saint Thomas d'Aquin, que le Docteur avait dirigée, et qui lui apparut pour lui annoncer en même temps sa sortie de ce monde et son entrée dans le lieu de l'expiation. Toutes les âmes, revenues un instant sur la terre par une permission exceptionnelle de Dieu, ne songeaient nullement à satisfaire la curiosité des personnes à qui elles apparaissaient, en leur dévoilant les secrets de l'autre vie ; mais elles les exhortaient à jeûner, à pleurer, à prier, et demandaient qu'elles fissent célébrer des messes à leur intention, dans le but de les soulager et de hâter leur délivrance.
Le sacrifice de la messe est fructifiant, non seulement pour l'âme, mais aussi pour le corps, ut sit ad salutem anim et corporis.
Le sacrifice de la messe, dit Tertullien, contribue singulièrement, à la paix de lÉglise : il obtient aux peuples des gouvernements bons et sages ; il est utile de l'offrir pour les soldats, pour ceux qui naviguent sur mer, pour les malades. et généralement pour tous ceux qui sont pressurés par l'affliction et par l'angoisse, ou sont dénués des biens et des avantages de cette vie [23] .
Le sacrifice de la messe, dit saint Jean Chrysostome, doit être offert, pour les récoltes et la conservation des fruits de la terre [24] .
Saint Augustin, ch. xxii de la Cité de Dieu, raconte que de son temps une maison était infectée par la présence des démons, et aussitôt qu'on y eut dit la messe, les esprits mauvais disparurent. Saint Grégoire le Grand cite dans ses dialogues l'histoire d'un homme fait captif par les corsaires. On le conduisit dans des régions éloignées, et on le jeta dans un sombre cachot, son épouse et ses amis, ne surent de longtemps, ce qu'il était devenu et malgré leurs recherches ne purent recueillir aucune trace de sa personne. Délivré enfin de sa captivité et de retour auprès des siens, il raconta que, lorsqu'il gémissait en prison, à certains jours, ses chaînes se détachaient de ses pieds et de ses mains et tombaient d'elles‑mêmes. Son épouse et ses amis confrontèrent le temps et les heures, et ils constatèrent que ce prodige avait eu lieu toutes les fois qu'ils faisaient célébrer le sacrifice pour le salut de son âme [25] .
Saint Antonin, archevêque de Florence, raconte que deux jeunes gens vivaient dans le dérèglement et se laissaient entraîner à toutes sortes de licence. * Un jour de fête, ils allèrent à la campagne sous le prétexte d'une partie de chasse ; l'un de ces jeunes hommes, par un reste de religion, avait entendu la messe, le matin, avant son départ. Le soir, après s'être livrés à la débauche et à de honteuses orgies, les deux jeunes gens se disposèrent à regagner leurs demeures. A peine étaient‑ils en route, que tout à coup le ciel s'obscurcit, les éclairs sillonnent les nues, et une tempête éclate, mêlée de coups de tonnerre et d'horribles mugissements. Au milieu de ce chaos des éléments déchaînés, une voix, la voix de la justice de Dieu, ne cessait de retentir dans les airs, et elle criait : Frappe, frappe !... Celui de ces jeunes hommes qui n'avait pas assisté la messe est frappé par un éclat de foudre qui le tue instantanément. La même voix continuait à se faire entendre, ne cessant de dire : Frappe, frappe !... Le second de ces jeunes hommes, éperdu, saisi de frayeur, se met à courir, cherchant à fuir la mort et la vengeance de Dieu dont il se sentait poursuivi... Mais une autre voix se fait entendre dans le ciel : c'était celle de la Miséricorde qui criait : O non, ne le frappe pas ; ce matin, il a entendu les paroles de salut et de vie qui se prononcent à l'autel : « Et le Verbe s'est fait chair, et il a habité parmi nous plein de grâce et de vérité [26] . »
Hélas ! les hommes n'ont plus même le soupçon des remèdes et des biens immenses qu'ils possèdent * en Jésus‑Christ. Oublieux de leurs destinées célestes et de leurs devoirs envers Dieu, ils n'ont foi qu'en leur force et en leur activité physiques ; ils se considèrent comme des instruments et des machines et ne s'estiment qu'en raison du taux et de l'élévation de leur salaire. Ils disent avec orgueil et avec dédain : Qui mange tous les jours, doit travailler tous les jours. Le dimanche, avec ses bénédictions, sa messe, ses vaines cérémonies, c'est le grand fleuve de l'industrie, retardé de vingt‑quatre heures dans son cours ; le salaire de l'ouvrier diminué d'un septième, le dénuement dans l'atelier, le pain et le vêtement enlevés à l'enfant et à l'épouse de l'artisan et du pauvre. Hommes de peu de foi, leur répond saint Paul : le 'royaume de Dieu est‑il donc boisson et nourriture ? Celui qui habille le lys des champs, qui donne aux oiseaux du ciel leur pâture, a‑t‑il jamais frustré ceux qui le servent au festin de sa Providence ?
Saint Jean Chrysostome nous apprend, qu'à l'autel, Notre Seigneur Jésus‑Christ se manifeste comme sur le trône de sa clémence, les mains pleines de libéralités et de grâces ; il est environné d'une multitude d'anges, qui se tiennent dans l'attitude d'un profond respect, et par l'intermédiaire de ces célestes esprits, il dispense aux hommes tous les biens salutaires à l'âme et au corps. Or qui oserait admettre que ce sang divin, répandu chaque jour sur nos autels, ait moins de vertu et d'efficacité que les sueurs de l'homme, les pluies et les rosées du ciel, pour féconder nos prairies et accroître notre industrie ? Où voyons-nous, les familles prospères, les races vigoureuses et épanouies, si ce n'est parmi ceux qui participent à l'autel, et contribuent à assurer l'abondance de ces fruits 'par l'ardeur de leurs suffrages et la force de leur coopération.
Le P. Rodriguez raconte, dans son traité de la Communion et du Sacrifice, qu'un agriculteur avait la coutume de prélever, tous les jours, une demi‑heure sur le temps de son travail, pour assister à la messe. Cet agriculteur vivait très commodément, ses terres étaient à l'abri des intempéries des saisons ; ses champs paraissaient les mieux cultivés et les plus fertiles. Aucune influence maligne, aucun germe empoisonné ne nuisait à ses arbres et à ses vignes. Ses greniers se remplissaient chaque année d'une multitude de fruits. Ses amis et ses voisins saisis d'admiration ne parvenaient pas à s'expliquer le fait merveilleux d'une protection aussi étrange. Un jour, l'agriculteur conduisit l'un d'eux à lÉglise, à l'heure où l'on y célébrait le saint sacrifice. Voilà, dit‑il, mon talisman et mon trésor, c'est ici la grande source des bénédictions spirituelles et temporelles ; l'accès en est ouvert à toits. Sur cet autel, où Jésus‑Christ descend chaque jour, il se plaît à réaliser envers ceux qui le visitent et le vénèrent, la parole qu'il prononça jadis : « Cherchez en première ligne le royaume de Dieu et sa justice, et le reste vous sera donné par surcroît [27] . » *
Chose certaine, le sacrifice de la messe, si nous nous en appliquions les fruits, nous mettrait à l'abri des grands fléaux, il profiterait mieux à nos intérêts temporels que ne le feront jamais nos découvertes, nos perfectionnements industriels, et tout le savoir de nos agronomes , il détruirait promptement par sa seule vertu l'oïdium, le phylloxera, toutes ces maladies mystérieuses qui empoisonnent nos vignes, nos fruits, et jusqu'au tubercule dont le pauvre se sert pour apaiser sa faim. Il nous ferait goûter dès ici‑bas, ce surcroît rémunérateur promis par lÉvangile, présage du ciel et abondant de la couronne des biens à venir.
Salomon, parlant des sacrifices figuratifs et imparfaits de l'ancienne loi, disait : « Si le ciel devenu d'airain nous refuse ses rosées et ses pluies, nous viendrons dans ce saint temple, Seigneur, vous offrir nos vux, et vous ferez couler sur nos campagnes des ruisseaux de miel et de lait. Si la maladie nous frappe de ses coups, ou si nous sommes décimés par les guerres, nous viendrons encore dans ce saint temple, et vous arrêterez ces fléaux qui détruisent la race des hommes. »
Ah ! que deviendrait le monde, attristé par tant de malheurs et par tant de scandales, si, au moment où une politique hostile et athée conspire contre Jésus‑Christ, où une presse licencieuse et immonde ne cesse, par ses blasphèmes, d'attirer la colère et la malédiction de Dieu sur les hommes, la voix de Jésus‑Christ descendant chaque jour sur l'autel, ne s'élevait vers son Père, pour y faire monter des * accents appelant la miséricorde plutôt que la justice. Et quand je songe que ce sacrifice s'accomplit à toutes les minutes du jour, et que le soleil, dans l'orbite qu'il décrit autour du monde, ne cesse pas un instant, sur un point de la terre ou sur l'autre, de verser ses rayons sur l'Hostie sans tache, je sens mon cur se dilater et mes espérances grandir, et je ne conçois plus nos craintes, nos perplexités et nos défiances.
Daniel, annonçant les signes avant‑coureurs de la justice de Dieu et de la chute des royaumes, signalant les grandes catastrophes qui feront disparaître de la face de la terre Jérusalem et les grandes cités enivrées, à l'exemple de cette ville déicide, du vin de l'adultère et de la fornication, nous dit : « Vous reconnaîtrez que les grandes calamités sont proches, lorsque vous verrez l'abomination de la désolation dans le lieu saint et lorsque le sacrifice perpétuel aura cessé. » A l'époque de la désolation finale, il y aura un temps, où le sacrifice non sanglant ne sera plus célébré sur toute l'étendue de la terre. Alors il n'y aura plus de médiateur entre la justice de Dieu et l'homme. Les crimes et les blasphèmes n'auront plus de contrepoids ; ce sera le moment où le juste Juge apparaîtra dans sa gloire, et où les cieux seront repliés comme une tente qui n'a plus de voyageur à abriter.
Nous ne touchons pas encore à cette époque suprême ; pour nous en convaincre, il suffit de considérer les trésors de vertus et de vie, les merveilles de dévouement, d'héroïsme que ne cesse de * faire éclore le spectacle d'un Dieu veillant et s'immolant nuit et jour.
Ah ! que de prêtres, au sortir de l'autel, embrasés des ardeurs divines, se sont arrachés des bras d'une famille éplorée, et ont couru, dans les pays lointains, remplacer un confrère dévoré par les dents des bêtes ou par d'affreux cannibales ! Que de vierges, captives volontaires, comme sainte Thérèse, derrière les sombres grilles d'un cloître, ont senti un instant leur cur tourmenté par d'amères désolations ; elles se sont surprises jetant un regard de regret sur ce monde et sur ces plaisirs qu'elles avaient quittés. Heureusement, le sanctuaire se trouvait à deux pas de la cellule où elles étaient en proie à ces luttes violentes, et la pensée du divin Solitaire, depuis dix‑neuf siècles captif par amour, ralluma aussitôt tout le feu de leur dévouement ; elles s'écrièrent : « Plutôt mourir que de l'abandonner. » Que d'hommes, en état de se défendre, se sont tus en face d'une injure, et au lieu
de tirer l'épée, ont présenté humblement l'autre joue. Ces hommes, ces chevaliers de lignominie, n'avaient‑ils plus une goutte de sang généreux dans les veines ? Étaient-ils des lâches ?... Ah !le souvenir de leur Dieu délaissé et anéanti sur les autels, dévorant sans se plaindre toutes les ingratitudes et tous les outrages, leur a ' fait couler aux pieds l'opinion et les faux jugements des hommes, et ils se sont écriés : Quis ut Deus ?
Cette parole : Quis ut Deus ? fut le cri de guerre poussé dans le Ciel, dès l'origine des temps *. Lucifer, l'archange le plus éblouissant et le plus radieux, aujourd'hui le plus avili et le plus horrible des démons, lève l'étendard de la première révolte. Il sollicite des esprits dont il est le chef, un plébiscite contre Dieu, aspirant à s'élever lui‑même au‑dessus des nuées du Ciel et à devenir semblable au Très Haut [28] . Il y eut alors un grand combat où la vérité et la justice triomphèrent [29] . L'archange Michel fit ressortir l'excellence et la dignité du Dieu Très Haut ; il retraça aux bons anges les bienfaits de celui qui les avait créés, les dons et les prérogatives dont il avait orné leur nature, et ils les maintint dans la fidélité et la soumission en leur disant : Quis ut Deus ? qui est semblable à Dieu ?
Nous ne pouvons, comme l'archange Michel, faire apparaître lÉternel sur son trône ; mais nous avons au milieu de nous l'Agneau mort et immolé dès le commencement [30] . Nous avons le spectacle de cet amour incompréhensible et infini, qui, afin de nous attirer avec plus de suavité et plus de force, se réduit chaque jour aux simples dimensions d'une hostie de deux lignes de diamètre. La société moderne proclame aujourd'hui, à la face du Ciel et de la terre, la prétention la plus audacieuse qu'ait jamais conçu l'orgueil humain : elle annonce qu'elle * va chasser Dieu des lois et des institutions, se constituer un ordre social et un bonheur auquel il sera complètement étranger, et en face de cette entreprise satanique, c'est notre devoir de protester avec éclat et de dire avec l'archange : Quis ut Deus ?
Il est temps de conclure et de résumer : lÉglise enseigne que Jésus‑Christ réside véritablement sur nos autels, que la substance du pain et du vin est Changée en la substance de sa chair et de son sang adorables, et qu'en cet état il s'immole à son Père pour les péchés du monde. Mais l'auguste mystère de nos autels n'opère que moyennant les pieuses dispositions des fidèles ; il ne peut purifier l'âme attachée à ses dérèglements, ni ramener au bien le cur obstiné dans le mal. La présence réelle et le sacrifice détachent l'homme de la vie des sens, et le font vivre d'une vie spirituelle ; en même temps ils nous montrent le Bienfaiteur suprême vivant à jamais dans cette vallée de misères, pour adoucir nos amertumes, calmer nos souffrances, tarir nos pleurs, effacer nos prévarications, guérir nos blessures... Ah ! si nous faisons éclater nos transports dans nos concerts harmonieux, si nous entourons notre culte de toutes les magnificences des arts, si nous demandons à la nature tout ce qu'elle a de plus précieux pour embellir nos autels, si nos basiliques ont révélé au monde de nouvelles merveilles et de nouvelles splendeurs, qui * pourrait s'en étonner ? Le roi du Ciel et de la terre, notre Sauveur et notre Dieu, réside personnellement au milieu de nous [31] .
Vous donc, âmes faibles et pusillanimes, qui sentez votre foi chanceler et faiblir, ébranlée par le cynisme et les clameurs arrogantes de l'impie, jetez un instant vos regards sur l'univers chrétien, où, en dépit des conjurations sophistiques et mensongères, Jésus‑Christ ne cesse pas d'être aimé et adoré. Voyez, aux époques des grandes solennités, ces foules humblement agenouillées remplissant nos temples, et invoquant Jésus‑Christ, avec l'immuable assurance que leur prière pénétrera le Ciel. Voyez ces mourants pressant sur leurs lèvres son image bénie, afin de s'y raffermir contre les angoisses et les craintes de leur suprême agonie. Voyez ces fronts attristés, s'inclinant sur le marche pied de ses autels solitaires, et se relevant avec l'éclair de lépanouissement et d'une ineffable joie. Voyez ces pécheurs, bourrelés par le remords, se frappant la poitrine et se retirant, avec l'espoir qu'ils ont reconquis le pardon. C'est là l'infaillible suffrage de l'humanité ; le témoignage éclatant de la foi populaire ; le cri profond de la conscience publique, qui peut être amoindri pour un jour, mais que toutes les menaces des puissants, et les artifices de la science athée ne parviendront jamais à étouffer.
Napoléon, sur le rocher de son exil, disait à un* de ses compagnons d'armes : « Je me connais en hommes, et je te dis que Jésus‑Christ n'était pas un homme. » Il confessa hautement la présence de Jésus‑Christ dans sa vie sacramentelle, demandant lui‑même à recevoir le dernier viatique des mourants, et lorsque, par cet acte auguste, il eut professé solennellement la foi de son enfance, il dit encore au même compagnon d'armes : « Je suis heureux, général, d'avoir accompli mon devoir, je vous souhaite à la mort le même bonheur. »
Soyons victimes avec Jésus‑Christ. Puisqu'il se sacrifie à l'autel, donnons‑lui en retour la totalité de notre être. En lui donnant nos intelligences, nous les éclairerons de ses lumières ; en lui donnant nos curs, nous les guérirons de leurs faiblesses et de leur inconstance ; en lui donnant tout notre être, nous nous assurerons la gloire, et l'indéfectibilité [32] . *
[1]
Sacrificium proprie dictum mi externa et sewibilis actio, qua ffl aliqua ita Deo offertur, ut legitimo ac soleinni ritu in De; honorem et cultum aliquo modo immutetur a publico et legitimo ministro. (Suarez, Quest. lxxxiii.)
[2] Solum illud est proprie legitimum sacrificium quod publicà vel privatâ auctoritate in,,titutum est. Quia ut homincs in unum corpus reipublicoe debito modo congregentur, necesse est ut etiam in unum nomen religionis conveniant ; id autem fieri non potest, nisi in usu sacrificiorum etiam conveniant, sed neque id fieri potest, nisi illa sint publica, et communi auctoritate instituta. (Suarez, id., P. M.)
[3] Aug. 10, De civitat Dei, cap. xix.
[4]
Ps. xxxix
[5]
Optat lib. vi, contra Parmen.
[6]
Conc. Trid., sess. xxii, cap. 11.
[7] Non sunt veluti principales sacerdotes per se offerentes, sed sunt miniqtri et instrumenta Christi qui est principalis et oeternus sacerdos secundum ordinem Melchisedech. (Suarez, Dist. lxxxvi.)
[8] A l'autel le prêtre qui offre est Jésus‑Christ. Il ne s'ensuit pas que les prêtres ministres soient simplement des agents mécaniques et inférieurs, ils offrent réellement, par eux-mêmes, non pas comme instruments, mais comme causes instrumentales.
[9] Grande mysterium et magna dignitas sacerdotum, quibus datum est quod non est angelis concessura : soli sacerdotes in Ecclesia rite ordinati, habent potestatem celebrandi et corpus Christi consecrandi. (Imit., lib. iv.)
[10] Et draco stetit ante mulierem quoe erat paritura, ut curn Peperisset, filium ejus devoraret. (Apoc., xii, 4.)
[11] Unus tantum est priticipalis pontifex et sacerdos, cui nullus proprie succedit, quia ipse perpetuo durat : reliqui veto solum sunt vicarii ejus et ministri, per quos humano ac sensibili modo, sacerdotalia munera exercet, quia non fuit expediens, ipsum manere inter homines ad illa obeunda. (Suarez, lxxiv, Sect. II, p. 633.)
[12] Il est utile d'observer que la manducation de la victime n'est pas absolument nécessaire à la réalité et à la perfection du sacrifice. Ainsi la Communion est le complément et la partie intégrante du sacrifice de l'autel, mais elle n'en constitue pas l'essence. Dans ]'Ancien Testament, l'holocauste était un vrai sacrifice et même le plus parfait. Il était de son essence que l'homme ne s'en nourrissait pas.
[13] Quand nous disons que Jésus‑Christ se réduit aux proportions d'un grain de sable ou d'une hostie de deux lignes de diamètre, il ne faut pas se méprendre sur ces expressions. Nous parlons métaphoriquement par rapport à nous et relativement à ce qui est perçu par nos sens. ‑ En réalité Jésus‑Christ est tout entier dans chaque parcelle de l'hostie, visible à lil ou tangible aux sens. Il n'y a rien absolument de changé quant à la quantité et aux proportions intrinsèque de son corps, comme dit saint Thomas : Nec status, nec signati statura minuitur.
[14] Mgr Rosset, Tractatus de Eucharistia, p. 540.
[15] Christus resurgens ex mortuis non jam moritur.
[16] S. Ambr., in Psal. xxxix.
[17] Quis fidelium habere dubiurn possit, in ipsa immolationis hora ad sacerdotis voces, coelos aperiri, in illo Jesu Christi rnysterio angelorum choros adesse. (S. Greg., iv, dial. 36.)
[18] Sacriricium missæ non potest producere effectum infiniturn. Sed nihilominus, valor ejus in se consideratus est intensive infinitus ; sicut infinita est virtus creatix dei, esti creatura non sit capax infinitoe perfectionis... Missx sacrificiuni nunquarn operatur effecturn infinitum in hominibus, quia non potest in illis tot merita et satisfactiones producere, ut non polleant amplius producere. (Rosset, de Euch., p. 577.)
[19]
Si quis dixerit imposturam esse, celebrare in honorem sanctorum, et pro illorum intercessione apud Deum obtinenda, sicut Ecclesia intendit, anathema sit. (Corte. Trid., Sess. xxii, cap. iii.)
[20]
Conc. Trid., Sess. xxil, cap. ii.
[21] On dit qu'un sacrement ou un acte de religion quelconque, agit ex opere operantis, lorsque son efficacité n'est pas certaine et absolue, qu'elle dépend, surtout ou en partie, des mérites et des dispositions de sainteté de celui qui l'opère. On dit qu'un rite liturgique ou un sacrement agissent ex opere operato, lorsque leur efficacité est certaine, absolue, qu'elle est indépendante du ministre qui les dispense, ou du sujet qui les reçoit, mais qu'elle s'exerce directement et en vertu de son institution. Ainsi, le sacrifice de la messe et tous les sacrements de la loi nouvelle agissent ex opere operato. Les sacrifices et les sacrements de l'ancienne loi, les sacramentaux dont use l'Eglise, tels que la prière, les signes de croix, l'aspersion de l'eau bénite, n'ont de vertu, que ex opere operantis.
[22]
Accipe potestatem off erre sacrificium Den, missasque celebrare tain pro vivis quam pro defunetis. (Pontifical Romanum.)
S. Concil. Trid. docet animas, in purgatorio detentas, fidelium suffragiis, potissimum vero acceptabili altaris sacrificio juvari. (Sess. II, cap. ii, Can. 3.)
[23]
Sacrificium, pro communi Ecclesiaruin pace, pro recta mundi compositione, pro imperatoribus, pro militibus et sociis, pro iis qui in infirmitatibus faborant, pro his qui afflictionibus premuntur, et universini pro omnibus qui opibus indilient. (Tertul., ad Scapuliam, cap. il.)
[24]
S. Chrysost. soepe docet offerri sacrificium pro fructibus terroe proque alfis necessitatibus. (Rosset, p. 574.)
[25] Greg., lib. III, Dial. xxxii. ‑ Béde, lib. IV, Hist. Eccles. Anglic (ch. xxi et xxii.)
[26] P. Rodriguez, Perfection Chrétienne, du sacrifice de la messe, chap. xvi.
[27]
Quærite ergo primum regnum Dei et justitiam ejus, et hæc omnia adjicientur vobis. (Mt, vi, 32.)
[28]
In coelum conscendarri, super astra Dei exaltabo solitun meurn... Ascendam super altitudinem nubium ero altissimo. (13. xiv, 13, 14.)
[29] Et factum est proclium magnum in coelo ; MichÉel et angeli ejus proelibantur cum dracone, et draco pugnabat, et angeli ejus. (Apoc. xii, 7.)
[30] Qui occisus est ab origine mundi. (Apoc., xii, 8.)
[31] Mller, Symbolique, traduction de Mgr. Lachat.
[32] Dans une ville pittoresque de la Suisse, entourée de montagnes vertes et boisées, arrosées par des eaux pures et abondantes, l'auteur de cette conférence se promenait un jour en compagnie d'un ministre protestant. Celui‑ci avouait qu'il admettait la présence réelle, et ne concevait pas que Calvin eût pu la nier ; mais il se refusait à admettre la vérité du sacrifice de l'autel, alléguant la raison, que le sacrifice de la croix étant surabondant et infini de sa nantie, tous les autres sacrifices devenaient par le fait inutiles et superflus. ‑ Celui à qui il adressait cette opinion, pria son interlocuteur de considérer les cascades qui tombaient des rochers, et les ruisseaux limpides qui jaillissaient des collines, ou coulaient en serpentant à travers les prairies. ‑ Vous voyez, ces sources, fit‑il observer au ministre, elles sont aussi parfaites et abondantes ; affirmerez‑vous pour autant qu'il ait été inutile de construire des aqueducs, et d'établir des prises d'eau pour * les amener dans l'intérieur de la ville. ‑ Le ministre qui était un homme de grande science et de bonne foi, saisit l'allusion et dit aussitôt : Je comprends. ‑ En effet, la messe est une application et non pas un supplément du sacrifice de la croix, elle est le mode et le canal institués pour faire découler dans lÉglise et sur les fidèles la vertu infinie du sacrifice du Calvaire qui ne s'est accompli qu'une fois.