CHAPITRE XVIII

 

CONSIDÉRATIONS SUR L'AVENIR

 

 

Il est nécessaire d'aborder le chapitre du Futur pour s'inscrire en faux contre plusieurs prétendues prophéties du P. Lamy colportées par des visiteurs et surtout par des visiteuses d'une imagination inventive. Lui-même, déplorant souvent cette tournure d'esprit, répétait : « Il faut couper les ailes à ces canards-là ! » Certes, il répondait très fréquemment aux questions avant qu'elles fussent posées, où il annonçait tel et tel événements relatifs à une âme : sa conversion imminente, son prochain appel au service des autels, la nécessité d'agir vite auprès d'elle avant sa comparution inopinée devant le tribunal de Dieu ; mais, seules, les âmes l'intéressaient. S'il parlait quelquefois de l'avenir, c'était par accident, et jamais quand on l'interrogeait. Rien ne lui déplaisait autant que les demandes faites sur des choses qu'il connaissait pertinemment, comme le rôle de sa congrégation dans les temps futurs. Sur ces points, lui toujours si doux, était prêt à se fâcher : il se taisait ou répondait par des généralités. À un fervent du Bienheureux Grignion de Montfort qui le questionnait sur les Apôtres des Derniers Temps : « Nous ignorons, s'exclamait-il, la fin du monde. « On dit... On dit !... » Je ne sais qu'une chose : Notre-Seigneur a dit dans l'Évangile que ce jour n'était connu de personne, pas même des anges dans le ciel. Ses anges, eux-mêmes, l'ignorent. La Sainte Vierge, qui est dans le sein du Père, le sait ; mais Elle ne découvre pas son secret. Mille ans ? Deux mille ? Je n'en sais rien. Ce jour-là viendra comme l'éclair qui part de l'Orient jusqu'à l'Occident. »

 

« Il ne faut jamais bâtir son existence sur des visions, et surtout sur, celles des autres. Dans les choses matérielles, il ne faut connaître que le bon sens. Et dans les choses spirituelles, il faut encore du bon sens ; mais, là, nous ne saurions nous tromper, ayant les règles infaillibles, que Dieu nous a tracées. Il faut se défendre de la mystique. Le démon est derrière la Mère de Dieu (allusion au 9 septembre 1909) : si on laisse passer Celle-ci, on trouve le démon. »

 

Les rares indications d'ordre général données par le P. Lamy ont été les suivantes : « Elle a bien voulu lever pour moi un petit coin du voile qui nous cache l'avenir, mais j'aime ne pas regarder les événements futurs. Confions-nous tout à fait en Sa miséricordieuse protection. »

 

« Le saint archange Gabriel m'a dit, en parlant de Lucifer : « Il joue son va-tout ; il croit la partie gagnée », en quoi il se trompe. Satan joue son va-tout. Il faut prier avec espérance, malgré son tapage. Je vous confie ces choses-là : ce sont des miettes. On sentira encore davantage quelle est la délicatesse de bonté de la Très Sainte Vierge, Mater Amabilis, Mater Admirabilis ! On la pressent dans la Très Sainte Vierge. Je lui dis souvent : « Bonne Mère, ne quittez pas le sein du Père, mais écoutez nos prières. »

« La paix sera rendue au monde, mais je ne verrai pas cela, et il se passera d'autres choses, dont je ne verrai pas personnellement la fin. Quand la paix aura été rétablie dans le monde, que de choses seront changées ! La grosse industrie, c'est la guerre. La fabrication des avions, l'exploitation des mines, le travail du fer, tout cela diminuera. Il n'y aura plus de ces grandes usines où la moralité dégénère et disparaît. Les ouvriers seront bien obligés de se rejeter sur la terre. Le travail de la terre reprendra une grande extension. La terre redeviendra très chère. Quand la paix sera rendue au monde, l'industrie se ramènera à des proportions moindres et y restera. Tout s'amoindrira. Ils vont devant l'inévitable ; ils y arriveront tout de même. Ici, la terre a perdu beaucoup de sa valeur et il n'y a plus de bras pour la culture. Nous avions une jolie vigne : ma sœur a voulu absolument vendre sa part pour s'en débarrasser. Elle l'a vendue 100 francs ! Treize ares pour 100 francs ! Aux Archots, j'ai eu l'exemple de 12 ares vendus pour 13 francs ; une autre fois, 13 ares vendus 35 francs. Quand la paix sera rendue au monde, les terres acquerront plus de valeur qu'elles n'ont. Que les vieux ouvriers s'entêtent à mourir dans les villes, cela arrivera. »

 

« Dieu voulait purifier la foi de son peuple en lui faisant faire un long séjour dans le désert. Les Israélites sont restés toute une génération dans les sables. J'ai souvent médité sur cette rude épreuve. De même, quand Dieu rendra la paix au monde, il faudra le réévangéliser, et cela sera l'œuvre de toute une génération. »

 

« Il y aura un grand effort à donner pour la conversion des hommes après la paix rendue à la terre. Il y aura bien des difficultés. Saint Paul n'en a-t-il pas rencontré ? L'état d'âme des premiers chrétiens reviendra, d'ailleurs, mais il y aura alors si peu d'hommes sur terre ! Et il y aura à nouveau une floraison magnifique des ordres et des congrégations. »