JOUR DE NOËL V
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EPIPHANIE VI

CINQUIÈME SERMON POUR LE JOUR DE NOËL. Sur ces paroles de l'Apôtre : «Béni soit Dieu le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation, qui nous console dans tous nos maux (II Cor. I, 3 et 4). »

 

1. Béni soit celui qui, à cause de son excessif amour pour nous, nous a envoyé son Fils bien-aimé en qui il s'est complu et pour qu'il nous réconciliât, et nous fit rentrer en paix avec lui, et qu'il fût au milieu de nous le gage et le médiateur de notre réconciliation. Or, que pourrions-nous craindre, mes frères, avec un médiateur si charitable et que pouvons-nous appréhender avec un. ôtage si sûr. Peut-être me demanderez-vous quel peut être un médiateur qui vient au monde dans une étable et se trouve couché dans une crèche, qui est enfin enveloppé de langes, pleure et est étendu sur sa couche comme les autres enfants. Je vous répondrai qu'il n'en est pas moins, au milieu de tout cela, un très-grand médiateur qui cherche, non pas comme par acquis de conscience, mais avec succès tout ce qui peut assurer la paix. Sans doute ce n'est qu'un tout petit enfant, mais cet enfant est le Verbe dont l'enfance même la plus tendre n'est pas muette. « Consolez-vous, consolez-vous, dit le Seigneur votre Dieu (Isa. XL, 1). » Voilà ce que dit l'Emmanuel, c'est-à-dire le Dieu avec nous. C'est le cri de cette étable, le mot de cette crèche, le sens de ses larmes, l'exclamation de ces langes. Oui, c'est là le cri de l'étable qui prend soin de se tenir, prête pour l'homme qui était tombé entre les mains des voleurs. (Luc. X, 32) ; c'est le mot de la crèche qui pourvoit au fourrage que réclame l'homme devenu semblable aux bêtes de somme (Psal. XLVIII, 13); c'est le sens de ces larmes et l'exclamation de ces langes qui veulent laver et éponger ses blessures saignantes; car il est bien certain que le Christ n'eut besoin d'aucune de ces choses pour lui, s'il les a subies, ce n'est donc point pour lui, mais pour les élus. « Ils respecteront mon Fils ( Matt. XXI, 37), » disait le Père des miséricordes. Oui, Seigneur Dieu, ils le respecteront certainement; mais ce ne sont point les Juifs à qui vous l'avez envoyé, il n'y a que les élus pour qui vous l'avez envoyé qui le respecteront.

2. Nous l'adorons en effet, non-seulement dans son étable, mais encore sur son gibet et dans le sépulcre. Nous le recevons avec dévotion tout petit enfant à cause de nous, nous l'adorons sanglant et pâle pour nous, nous lui rendons nos respects dans le sépulcre où il est pour nous. Nous l'adorons pieusement avec les Mages et avec le saint vieillard Siméon, nous pressons avec amour le Sauveur enfant dans nos bras, et nous le recevons dans votre temple, ô mon Dieu, comme votre miséricorde même, car il est lui-même celui que l'Ecriture appelle «La miséricorde éternelle du Seigneur (Psal. CII, 7). » D'ailleurs, qu'y a-t-il qui soit coéternel au Père, sinon le Fils et le Saint-Esprit? Or, ce n'est point miséricordieux qu'il faut les appeler l'un et l'autre, ils sont la miséricorde même. Cela n'empêche point que le Père aussi soit miséricorde, car les trois personnes ne font qu'une seule miséricorde, qu'une seule essence, qu'une seule sagesse, qu'une seule divinité, qu'une seule majesté. Cependant quand on voit que Dieu est appelé «le Père des miséricordes,» on ne peut douter qu'il ne s'agisse alors du Fils même de Dieu. Or, c'est avec beaucoup de raison qu'il est appelé le Père des miséricordes, puisque ce qui lui appartient proprement, c'est d'avoir miséricorde et de pardonner.

3. Peut-être me demandera-t-on comment la miséricorde peut être le propre de celui dont les jugements sont un abîme sans fond (Psal. XXXV, 6) ? D'ailleurs, quand elle parle de lui, l'Ecriture ne dit pas « toutes ses voies ne sont que miséricorde, mais toutes ses voies sont en même temps miséricorde et vérité. (Psal. XXIV, 10). » Celui à qui nous attribuons dans nos cantiques la miséricorde et la justice, n'est pas moins juste que miséricordieux (Psal. C, 1). Nous répétons encore dans nos chants, qu'il a miséricorde de qui il veut et qu'il endurcit qui il lui plaît (Rom. IX, 18) ; mais la miséricorde lui est propre, car c'est en lui qu'il trouve la matière et comme le germe de la miséricorde. Pour ce qui est au contraire de ses jugements et des condamnations qu'il prononce, c'est nous en quelque sorte qui le forçons à les prononcer, en sorte qu'il semble que c'est la miséricorde, bien plutôt que la vengeance, qui coule naturellement de son coeur. Entendez-le dire, en effet : « Est-ce que je veux la mort de l'impie, et ne veux-je pas plutôt qu'il se convertisse et qu'il vive (Exech. XVIII, 23) ? » C'est donc avec raison que, au lieu de lui donner le nom de Père des jugements et des vengeances, on l'appelle Père des miséricordes, non-seulement parce que, semblable à un Père, il fait preuve de sentiments de miséricorde plutôt que d'indignation et qu'il a pitié de ceux qui le craignent, comme un père de ses enfants, mais bien plus encore, parce qu'il trouve en lui-même la cause et le principe de sa miséricorde pour nous, tandis que c'est nous qui lui fournissons matière, motif à exercer ses jugements et ses vengeances.

4. Mais si les choses étant ainsi, on peut l'appeler le Père de la miséricorde, pourquoi le nomme-t-on le Père des miséricordes ? Le Prophète a dit : «Le Seigneur a parlé une fois, et j'ai entendu ces deux choses : que la souveraine puissance appartient essentiellement à Dieu et que vous êtes, Seigneur, rempli de miséricorde (Psal. LXI, 12. 15). » D'ailleurs l'Apôtre nous montre une double miséricorde dans le Verbe, dans le Fils seul, en nous disant que Dieu est le Père non d'une seule miséricorde, mais des miséricordes, le Dieu non d'une seule, mais de toute sorte de consolations (II Corinth. I, 4), qui nous console non-seulement dans telle et telle tribulation mais dans toutes nos tribulations. Un écrivain sacré a dit que les miséricordes du Seigneur sont en grand nombre (Thren. III, 32), sans doute parce que les tribulations dont il délivrera les justes sont nombreuses. Il n'y a qu'un Fils de Dieu, il n'y a qu'un Verbe, mais notre misère est multiple, et réclame, non pas seulement une grande miséricorde, mais une multitude de miséricordes. Peut-être à cause des deux substances dont se compose la nature humaine, qui sont l'une et l'autre bien misérables, pourrait-on dire avec raison que la misère de l'homme est double, bien que chacune de ces substances compte plusieurs misères, puisque les tribulations de la chair et du coeur sont nombreuses, mais celui qui sauve tout l'homme, le soustrait à cette double nature de misères. Mais comme cet unique Fils de Dieu est déjà venu sur la terre à cause de nos âmes, pour ôter les péchés du monde, et doit revenir une seconde fois pour nos corps, afin de les ressusciter et de les rendre semblables à son corps glorieux, peut-être ne semblera-t-il pas hors de raison de reconnaître une double miséricorde quand nous parlons du Père des miséricordes. En effet, lorsqu'il prit un corps et une âme semblables aux nôtres, le Prophète ne s'est pas contenté de dire une seule fois : « consolez-vous, » mais comme nous l'avons rappelé plus haut, il a dit : « Consolez-vous, consolez-vous, dit le Seigneur votre Dieu (Isai. XL, 1), » sans doute pour nous faire comprendre que celui qui a bien voulu s'unir nos deux substances venait pour les sauver l'une et l'autre.

5. Mais, selon vous, quels sont ceux qu'il doit sauver ? Evidemment il ne sauvera que son peuple, car le Prophète a dit : « Il sauvera, non pas tout le monde indistinctement, mais son peuple de ses péchés, » et plus tard, ce ne sont point tous les corps, mais seulement celui des humbles qu'il rendra semblables à son corps glorieux. Si donc il console son peuple ce ne peut être bien certainement qu'un peuple humble, celui qu'il doit sauver; car, pour les regards des superbes il doit les confondre. Voulez-vous savoir quel est son peuple ? Un homme selon son coeur nous le fait connaître en ces termes : «C'est à vous Seigneur que le soin du, pauvre est laissé (Psal. X, 14). » Et Jésus lui-même nous le fait comprendre dans son Evangile en disant : « Malheur à vous riches, parce que vous avez reçu votre consolation (Luc. II, 24). » Dieu veuille, mes frères bien aimés, que nous préférions toujours être du nombre de ceux que le Seigneur Dieu console, non point de ceux à qui il dit : Malheur à vous ! Après tout pourquoi consolerait-il ceux qui ont déjà une consolation ? La muette enfance du Christ n'est point faite pour consoler ceux qui parlent beaucoup, ses larmes ne sauraient être la consolation de ceux qui rient sans cesse ses langes ne consolent guère ceux qui se prélassent dans leurs beaux vêtements, et ceux qui aiment à occuper les premières places dans les synagogues ne trouvent rien qui, les console dans l'étable et dans la crèche du Sauveur. Mais peut-être toutes ces choses seront-elles autant de consolations pour ceux qui attendent dans le silence que le Seigneur les console, pour ceux qui pleurent et qui ne sont couverts que de pauvres langes aussi. D'ailleurs ils peuvent, remarquer que les anges n'en consolent point d'autres, c'est en effet à des bergers, qui veillaient et gardaient leurs troupeaux pendant la nuit; qu'ils annoncent la joie de la lumière nouvelle et la naissance du Sauveur. C'est pour les pauvres, pour ceux qui travaillent, non pour vous, ô riches, pour vous, qui avez déjà votre consolation avec le « malheur à vous, » tombé des lèvres d'un Dieu; que la splendeur d'un jour éclatant brille au milieu des veilles de la nuit, que la nuit même s'est éclairée comme le jour, disons mieux, que la nuit s'est changée en un jour lumineux au moment ou l'Ange disait : « Aujourd'hui même un sauveur vous est né (Luc, II, 11); » aujourd'hui, disait-il, non pas cette nuit. C'est qu'en effet la nuit était passée, le jour était venu, ce jour, dis-je, qui est lumière ale lumière, le salut de Dieu, Jésus-Christ Notre-Seigneur, qui est Dieu béni par dessus tout, dans tous les siècles des siècles, ainsi soit-il.

 

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