Texte appartenant au site de : livres-mystiques.com de © Roland Soyer - 17/12/2006

 

LES ÉTAPES D’UNE NATION QUI MEURT D’APRÈS ISAÏE

Par L’ABBÉ AUGUSTIN LÉMANN

 

TABLE DES MATIÈRES

PRÉAMBULE. — Origine de cette prophétie. — Quelle est la nation qui meurt

LE TEXTE DE LA PROPHÉTIE

CH. I : PREMIÈRE ÉTAPE. — L’exaltation de l’orgueil et la destruction de la force militaire

CH. II : DEUXIÈME ÉTAPE.— La méconnaissance de la Souveraineté de Dieu et le retranchement du Pouvoir

CH. III : TROISIÈME ÉTAPE.— L’universalité de l’impiété et le déchaînement de la guerre civile

CH. IV : QUATRIÈME ÉTAPE.— L’introduction du mal dans les lois et la captivité ou la mort

CONCLUSION— Si un recours en grâce est possible sous la Loi d’amour
(Notes de bas de pages)

Imprimatur J. PAGNON, V. G.

 


 
PRÉAMBULE

ORIGINE DE CETTE PROPHÉTIE – QUELLE EST LA NATION QUI MEURT

Parmi les prophéties de l’Ancien Testament, il en est une spécialement remarquable à un double point de vue :

D’abord, au point de vue de la forme ; car non seulement cette prophétie est écrite en vers et même partagée en strophes, mais elle présente encore cette particularité, rare parmi les oracles de la Bible, que ses diverses strophes se terminent par un refrain. La prophétie en question compte quatre strophes composées chacune de douze vers ; et à la fin de chaque douzaine de vers, un refrain, mais un refrain lugubre, reparaît régulièrement.

Remarquable au point de vue de la forme, la prophétie à laquelle il est fait allusion, ne l’est pas moins au point de vue du fond ou du sujet qu’elle traite. Le sujet, en est celui-ci : Une nation qui meurt.

Mais là encore, une particularité : car ce n’est point à la façon, d’un simple récit historique qu’un pareil sujet, déjà émouvant par lui-même, se trouve traité. Non ! La nation qui meurt nous est montrée comme s’éteignant graduellement, logiquement, inévitablement, sous l’action corrosive de ses propres vices, en même temps que sous des coups progressifs de justice divine. Il y a, chez elle, un mystère d’iniquité qui se développe, auquel correspond, de la part de Dieu, une gradation parallèle dans le châtiment; en sorte que telle phase de destruction va se produire, parce que tel progrès dans l’iniquité s’est accompli. Cette marche parallèle de l’iniquité et du châtiment méritait d’être soigneusement notée ; et c’est pourquoi, ayant à préciser le sujet de cet écrit dans un titre non seulement vrai, mais autant que possible adéquat, ne nous sommes-nous pas borné à dire : Une nation qui meurt, mais : Les étapes d’une nation qui meurt.

Mais quelle est cette nation, et quel est le prophète ainsi chargé d’en annoncer la fin ?

Le Prophète, c’est Isaïe, surnommé le Prince des prophètes, celui auquel l’Esprit-Saint a rendu ce témoignage, au livre de l’Ecclésiastique : «Isaïe a décrit d’avance des évènements et des choses qui auront à se produire jusqu’à la fin des siècles» (Ecclesiast., XLVIII, 27, 28).
Tel est l’auteur de cette prophétie.

Quant à la nation qui meurt, c’est celle des Dix Tribus, appelée aussi le Royaume d’Israël. C’est par un schisme que ce royaume s’est constitué en se séparant, avec Jéroboam, de la maison de David ; et maintenant, après une durée de 245 ans, nous allons assister à ses dernières années, à ses derniers jours.

Il ne s’agit donc pas, qu’on veuille bien y prendre garde, du royaume de Juda. Le royaume de Juda est présentement hors de cause, et il survivra encore, durant de longues années, à celui d’Israël (1).

Mais c’est du royaume d’Israël seul qu’il s’agit ; c’est sur le royaume d’Israël seul que le lecteur devra porter et concentrer son regard, car c’est Israël qui va présenter le douloureux, mais instructif spectacle d’une nation qui meurt.

Ces préliminaires nécessaires posés, voici maintenant le texte de la prophétie; il est fidèlement traduit de l’original hébreu.

haut LE TEXTE DE LA PROPHÉTIE (2)

TITRE

Le Seigneur a envoyé sa parole contre Jacob,
Et elle est tombée sur Israël.

PREMIÈRE STROPHE

Ce peuple tout entier l’apprendra(3),
Éphraïm et l’habitant de Samarie,
Qui ont dit dans l’orgueil et l’exaltation de leur cœur :
«Des briques sont tombées,
Nous rebâtirons en pierres de taille ;
Des sycomores ont été coupés,
Nous les remplacerons par des cèdres. »
Jéhovah suscitera contre lui les vainqueurs de Razin ;
Il armera ses ennemis,
Les Syriens à l’Orient,
Les Philistins a l’Occident,
El ils dévoreront Israël à pleine bouche.

Après tout cela, sa colère n’est point satisfaite,
Et sa main est encore étendue.


DEUXIEME STROPHE

Le peuple ne s’est point converti vers Celui qui le frappait
El ils n’ont point recherché Jéhovah Sabaoth.
Aussi Jéhovah retranchera-t-il d’Israël
Tête et queue,
Palmier et jonc,
En un seul joue.

Les anciens et les gens de distinction sont la tête,
Les prophètes qui débitent des mensonges sont la queue (4).

Ils sont des séducteurs ceux qui guident ce peuple ;
Ceux qui les suivent se perdent.
C’est pourquoi le Seigneur ne prendra plus ses complaisances en ses jeunes guerriers ;
De leurs veuves et de leurs orphelins il n’aura pas pitié,
Parce que tous sont impurs et criminels,
Et que toute bouche profère l’impiété.

Après tout cela, sa colère n’est point satisfaite,
Et sa main est encore étendue.


TROISIEME STROPHE

L’impiété a brûlé comme une flamme,
Qui dévore ronces et épines,
Elle a pénétré dans l’épaisseur de la forêt,
Et la fumée s’élève en volutes d’orgueil.
Par le courroux de Jéhovah Sabaoth la terre s’est embrasée
El le peuple est devenu la proie des flammes.
Personne n’épargne son frère ;
On déchire à droite sans assouvir sa faim,
On dévore à gauche sans être rassasié ;

Chacun se repaît de la chair de son bras.
Manassé contre Éphraïm, Éphraïm contre Manassé,
Tous deux ensemble contre Juda.

Après tout cela, sa colère n’est point satisfaite,
Et sa main est encore étendue.


QUATRIEME STROPHE

Malheur à ceux qui font des lois d’iniquité,
Et à ceux qui écrivent des sentences injustes,
Écartant les pauvres du tribunal,
Privant de leur droit les faibles de mon peuple,
Faisant des veuves leur proie,
Et des orphelins leur butin.
Et que ferez-vous au jour de ma visite,
Quand la ruine fondra de loin ?
Vers qui fuirez-vous pour trouver du secours,
Et où confierez-vous vos trésors ?
Quiconque ne se courbera point parmi les captifs,
Tombera parmi les morts.

Après tout cela, sa colère n’est point satisfaite,
Et sa main est encore étendue.

 

Telle est la prophétie.

Elle date de la dernière moitié du huitième siècle avant Jésus-Christ. Ce fut vers l’an 740 qu’Isaïe l’écrivit ; et, de notre côté, nous devons nous transporter, par la pensée, à onze ans plus tard, c’est-à-dire à l’année 729, pour en suivre l’accomplissement.

 


 


haut LES ÉTAPES D'UNE NATION QUI MEURT
D'APRÈS ISAÏE

CHAPITRE PREMIER

PREMIÈRE ÉTAPE

L’EXALTATION DE L’ORGUEIL ET LA DESTRUCTION DE LA FORCE MILITAIR
E

PREMIERE STROPHE

Ce peuple tout entier l’apprendra,
Ephraïm et l’habitant de Samarie,
Qui ont dit dans l’orgueil et l’exaltation de leur cœur :
Des briques sont tombées,
Nous rebâtirons en pierres de taille ;
Des sycomores ont été coupés,
Nous les remplacerons par des cèdres.
Jéhovah suscitera contre lui les vainqueurs de Razin ;
Il armera ses ennemis,
Les Syriens d l’Orient,
Les Philistins à l’Occident,
Et ils dévoreront Israël et pleine bouche.

Après tout cela, sa colère n’est point satisfaite,
Et sa main est encore étendue,

Nous sommes donc en Israël et en l’année 729, av. J.-C. C’est le commencement du règne d’Osée, meurtrier et successeur du roi Phacée.

Les Israélites, sollicités depuis longtemps, mais vainement, par Isaïe et toute une série de prophètes de revenir de leurs voies perverses, ont reçu de la colère divine, sur la fin du règne de Phacée, un suprême avertissement; après lequel, s’ils n’en profitent pas, les étapes de destruction vont commencer. Voici ce qu’a été cet avertissement : Les Assyriens, surnommés les Romains de l’Asie, et commandés par Téglatphalasar II, mais dirigés par le Seigneur, ont fait invasion dans le royaume d’Israël. La conséquence de l’invasion a été celle-ci : imposition d’un tribut de guerre extrêmement onéreux (5) et perte du territoire des tribus de Nephtali, de Manassé et de Gad, territoire qui a formé plus tard les deux provinces de Pérée et de Galilée (6), et qui fut alors adjoint à l’Assyrie par droit de conquête.

Or, de quelle manière la leçon divine a-t-elle été comprise et acceptée ?

Ils ont dit dans l’orgueil et l’exaltation de leur cœur :

«Des briques sont tombées,
Nous rebâtirons en pierres de taille;
Des sycomores ont été coupés,
Nous les remplacerons par des cèdres...»

c’est-à-dire, «ce que nous avons perdu, c’est peu de chose, et, de nous-mêmes, nous réparerons glorieusement notre échec. Non seulement nous reprendrons notre territoire, mais nous le reprendrons avec avantage en l’agrandissant ; ce qui auparavant n’était que briques deviendra pierres de taille, et où il n’y avait qu’ais de sycomores, nous replacerons du bois de cèdre».

Voilà de quelle manière la leçon divine avait été acceptée. C’était le mystère d’iniquité qui faisait un nouveau progrès, qui franchissait une nouvelle étape. De cette étape, le Prophète a dit le nom : l’exaltation de l’orgueil :

Ils ont dit dans l’orgueil et l’exaltation de leur cœur...

L’orgueil s’exaltait jusqu’à refuser de reconnaître la main de Dieu dans les récents revers.

Mais voici le châtiment ou l’étape de justice divine. Elle ne sera rien moins que la destruction de la force militaire, boulevard du royaume.

C’est sous le coup d’une coalition que cette destruction, va se produire. Puisque l’invasion de Téglatphalasar II n’a pas converti, elle sera remplacée par une coalition. En effet, trois peuples vengeurs sont nommés d’avance par Isaïe :

Jéhovah suscitera contre lui les vainqueurs de Razin (7),

ce sont les Assyriens, premier peuple !

Il armera les Syriens à l’Orient (8),

deuxième peuple !

Les Philistins à l’Occident,

troisième peuple !

 

Ainsi trois peuples, trois nations armées contre Israël ; mais surtout les Assyriens, tète et force de la coalition.

Et que feront-ils ?

Ils dévoreront Israël ci pleine bouche,

c’est-à-dire que la force militaire du royaume va se trouver anéantie ; Israël, comme une proie blessée à mort, sera renversé et piétiné.

Cette première étape de destruction s’est accomplie à la lettre, et c’est avec Salmanasar IV, successeur de Téglatphalasar II.

Salmanasar n’a régné que cinq ans, de 727 à 722 ; mais, pendant ce court espace de temps, les ravages qu’il accomplit dans le royaume des Dix Tribus furent tels qu’ils lui ont mérité le surnom de marteau d’Israël. Le IVè livre des Rois n’a consacré à ce prince qu’un bref passage, quatre versets (9), quinze lignes environ, mais quinze lignes grosses d’évènements, car elles relatent de lui trois invasions dans le royaume d’Israël (10).

La première invasion est rapportée en ces termes :

La douzième année d’Achat, roi de Juda, Osée, fils d’Ela, commença à régner à Samarie, sur Israël, (et son règne fut de neuf ans). Et il fit le mal aux yeux de Jéhovah, non pas cependant comme les rois d’Israël qui avaient été avant lui. Salmanasar, roi d’Assur, monta contre lui, et Osée devint son serviteur et lui paya tribut. (IV Rois, XVII, 1-3).

On le voit, pas de phrases, pas même une mention des confédérés, les Syriens et les Philistins. Seul, Salmanasar est nommé comme tête de la coalition ; puis deux mots, rapides comme une flèche, pour marquer la déchéance du royaume d’Israël : Osée devint son serviteur et lui paya tribut, c’est-à-dire la vassalité et l’impôt de guerre.

Or, devenir vassal, alors qu’on pouvait mettre en ligne une armée de huit cent mille hommes (11) «car c’est à ce chiffre que la Bible, dans un recensement sous Jéroboam Il (II Paralipom., XIII, 3), élève l’armée d’Israël, et il ne présente rien d’exagéré lorsqu’on se rappelle que, chez les Juifs, tous, à l’exception du sacerdoce, étaient soldats) ; or, encore une fois, devenir vassal, quand on pouvait disposer de pareilles forces, c’est à se demander si ce ne fut point la trahison qui livra, plutôt que le courage du soldat ou la sagesse des chefs qui firent défaut. Questions irritantes, qu’on ne manque jamais de se poser à l’heure des grandes catastrophes nationales ! Peuples vaincus, c’est au-dessus des causes secondes, dans cette apostrophe de David, que se trouve la vraie raison de vos défaites :

Que tu es terrible, ô Jéhovah !
Qui pourrait résister, quand il passe, le souffle de ta colère ?
Les plus courageux sont restés anéantis,
Les hommes à la main puissante n’ont plus retrouvé leurs mains ;
Devant ta colère, Dieu de Jacob,
Le cavalier s’est assoupi sur son coursier.(11b)

Elle vient donc de passer sur Israël, la colère de Jéhovah ! A partir de ce moment, c’en est fait, dans l’histoire de ce peuple, de sa force militaire. Nous ne disons point de ses armées, car nous assisterons encore à de sanglants combats ; mais de sa force militaire, c’est-à-dire de la discipline, de l’élan, de l’enthousiasme, de la confiance dans les chefs, de la maturité du commandement, de l’unité de vues, des résolutions héroïques, toutes choses que ne produit pas le nombre et qui souvent suppléent au nombre ; c’est fini, désormais on ne les retrouve plus dans les rangs de l’armée israélite.

Plus de force militaire ! elle vient d’être dévorée à pleine bouche. C’est la première étape dans le châtiment, répondant à l’exaltation de l’orgueil, l’étape dans l’iniquité.

Et cependant :

Après tout cela, la colère de Dieu n’est point satisfaite.
Et sa main est encore étendue.

CHAPITRE DEUXIÈME haut
DEUXIEME ETAPE : -

LA RÉCONNAISSANCE DE LA SOUVERAINETÉ DE DIEU
ET LE RETRANCHEMENT DU POUVOIR

DEUXIEME STROPHE

Le peuple ne s’est point converti vers Celui qui le frappait,
Et ils n’ont point recherché Jéhovah Sabaoth.
Aussi Jéhovah retranchera-t-il d’Israël
Tête et queue,
Palmier et jonc,
En un seul jour.

Les anciens et les gens de distinction sont la tète,
Les Prophètes qui débitent des mensonges sont la queue.
Ils sont des séducteurs ceux qui guident ce peuple ;
Ceux qui les suivent se perdent.
C’est pourquoi le Seigneur ne prendra plus ses complaisances en ses jeunes guerriers ;
De leurs veuves et de leurs orphelins, il n’aura pas pitié,
Parce que tous sont impurs et criminels,
Et que toute bouche profère l’impiété.

Après tout cela, sa colère n’est point satisfaite,
Et sa main est encore étendue.

Cette deuxième strophe commence par dénoncer la nouvelle étape qui a été franchie dans la voie du mal. Loin de s’humilier sous la main du Dieu qui l’a frappé, Israël a ajouté l’impénitence à l’exaltation de l’orgueil, c’està-dire la méconnaissance réfléchie, voulue de la Souveraineté de Dieu :

Le peuple ne s’est point converti vers Celui qui le frappait,
Et ils n’ont point recherché Jéhovah Sabaoth.

Mais la cause de cette méconnaissance de la Souveraineté de Dieu, quelle est-elle ?
Il doit y en avoir une.
Il y en a une, en effet, et le Prophète l’indique :

Ils sont des séducteurs, ceux qui guident ce peuple !

L’expression hébraïque présente même une nuance plus expressive et plus complète :

Ils sont des séducteurs, en promettant le bonheur, ceux qui guident ce peuple !

Des séducteurs, voilà donc la cause de la méconnaissance dénoncée, de la marche en avant dans le mystère d’iniquité ! Des séducteurs, et c’est en promettant le bonheur qu’ils sont parvenus à séduire ! Hélas ! il est donc vrai : c’est de tout temps qu’on a trompé le peuple, et c’est avec le mirage du bonheur qu’on l’a trompé !

Pauvre Israël ! le Prophète achève d’indiquer à quelle suite d’actes néfastes les séducteurs l’ont attiré :

Tous sont impurs et criminels,
Toute bouche profère l’impiété ;

c’est-à-dire explosion d’impureté, explosion de crimes, explosion d’impiété :
Voilà ce qu’a produit la méconnaissance de la Souveraineté de Dieu, œuvre des séducteurs !
Lamentable, on le voit, a été la progression dans l’iniquité, lamentable sera la progression dans le châtiment :

Aussi Jéhovah retranchera-t-il d’Israël

Tète et queue,

Palmier et jonc,

En un seul jour.

Qu’est-ce à dire: tête et queue, palmier et jonc ?

La tète et le palmier, dans le style oriental, ont toujours été le symbole de l’autorité. Ou dit d’un chef d’État qu’il en est la tète ; et le palmier, dans un pays oit les arbres sont rares, se présentait naturellement à cause de sa forme élancée et de son feuillage disposé en couronne, comme une gracieuse image du Pouvoir suprême.

Eh bien! c’est le Pouvoir suprême qui va être frappé. Parce que la progression dans l’iniquité a consisté dans la méconnaissance de la Souveraineté divine, la progression dans le châtiment consistera dans le retranchement de la Souveraineté humaine. C’est le Pouvoir, tête de la nation, centre de sa force politique et sociale qui va être retranché ! Déjà la force militaire du royaume se trouve mortellement atteinte depuis la première invasion de Salmanasar. Le nouveau châtiment sera plus rude encore ; car, lorsqu’une nation se voit tout à coup privée de chef, ce n’est plus seulement dans ses forces extérieures, mais dans sa vie intime, dans son organisation tout entière et jusque dans les dernières couches sociales qu’elle est atteinte. Et c’est pourquoi, annonçant que la tête et le palmier allaient être retranchés, la prophétie ajoute que la queue et le jonc le seraient également :

Aussi Jéhova retranchera-t-il d’Israël,
Tête et queue,
Palmier et, jonc,
En un seul jour.

Ah ! malheureuse nation que celle où retentit tout à coup ce cri de détresse : Il nous manque un homme, il n’y a pas de chef, il n’y a plus de tète ! Ce malheur sans pareil s’y peut produire d’une double manière : ou d’une façon lente et progressive, par le vice même des institutions que, dans un secret jugement de la Providence, cette nation a été amenée à se donner ; ou d’une façon brusque et inattendue; comme, par exemple, un coup de force. C’est de cette seconde manière qu’il se produisit en Israël.

En effet, voici ce que rapporte le précieux passage du IVè livre des Rois, auquel nous avons déjà eu recours pour montrer l’accomplissement de la première strophe. Après avoir dit que Salmanasar, roi d’Assur, marcha contre Osée et qu’Osée devint son serviteur et lui paya tribut, le texte ajoute : Et le roi d’Assur découvrit une conspiration d’Osée, qui avait envoyé des messagers à Sô (Schabak) roi d’Egypte, et ne payait plus le tribut au roi d’Assur, année par année, et le roi d’Assur l’assiégea, l’enchaîna et l’enferma dans une prison. (Texte hébr. et Vulg., XVII, 4).

Quel accomplissement exact de la prophétie ! Il y a non seulement seconde invasion correspondant à la seconde étape d’iniquité; mais, chose vraiment remarquable, c’est la tète, la souveraineté qui est retranchée, c’est le palmier qui tombe! Osée est jeté dans les fers, il ne reparaît plus dans l’histoire (12). Désormais il n’y a plus de chef en Israël : la souveraineté humaine y est tombée, parce que la Souveraineté divine n’y était plus respectée.

Le texte des Rois, toujours sommaire, toujours sobre dans les détails, s’abstient même de faire connaître la ville (13) en laquelle le roi d’Assur, fondant comme un aigle, enleva le roi Osée. Il se borne à ces trois mots : Saltnanasar assiégea, enchaîna et enferma Osée (14). Cependant, sans manquer au respect dû, en cet endroit, à la réserve de la Bible, n’est-il pas permis d’ajouter que cette capture du dernier roi d’Israël, ne dut s’effectuer qu’à travers un nouveau et grand carnage de l’élite de toutes les tribus. Au reste, en annonçant que la tète et le palmier allaient être retranchés, Isaïe avait prophétisé que lorsque ces choses s’accompliraient en Israël,

Le Seigneur ne prendrait plus ses complaisances en ses jeunes guerriers ;

il avait même ajouté que

De leurs veuves et de leurs orphelins il n’aurait pas pitié.

Et cependant:

Après tout cela, la colère de Dieu n’est point satisfaite,
Et sa main est encore étendue.

CHAPITRE TROISIÈME haut

TROISIÈME ÉTAPE

L’UNIVERSALITÉ DE L’IMPIÉTÉ ET LE DÉCHAINEMENT DE LA GUERRE CIVIL
E

TROISIEME STROPHE

L’impiété a brûlé comme une flamme,
Qui dévore ronces et épines,
Elle a pénétré dans l’épaisseur de la forêt,
Et la fumée s’élève en volutes d’orgueil.
Par le courroux de Jéhovah Sabaoth, la terre s’est embrasée,
Et le peuple est devenu la proie des flammes.
Personne n’épargne son frère ;
On déchire à droite sans assouvir sa faim,
On dévore à gauche sans être rassasié ;
Chacun se repaît de la chair de son bras.
Manassé contre Éphraïm, Éphraïm contre Manassé,
Tous deux ensemble contre Juda.

Après tout cela, sa colère n’est point satisfaite,
Et sa main est encore étendue.

Le Prophète a déjà dénoncé deux étapes dans le développement du mystère d’iniquité, voici qu’il en marque une troisième : l’universalité du mal ou de l’impiété.

Tout ce qui a été, en effet, jusqu’à présent reproché à Israël pouvait n’être que le fait du plus grand nombre, dont le reste du peuple cependant se trouvait responsable, en vertu de la loi de solidarité. Mais, à l’heure qu’il est, l’impiété en Israël s’est faite si universelle que, pour suffire à la dépeindre, le Prophète en est réduit à se servir d’une image aussi effrayante que grandiose, celle d’un incendie au sein d’une vaste forêt :

L’impiété a brûlé comme une flamme,
Qui dévore ronces et épines,
Elle a pénétré dans l’épaisseur de la forêt,
Et la fumée s’élève en volutes d’orgueil.

Quelle vérité dans cette description ! Il semble que l’on assiste à la naissance de l’impiété, à ses développements, à la consommation de ses ravages. De même qu’une étincelle à la lisière d’une forêt, que cette étincelle provienne du feu du ciel ou de la négligence de quelque berger, commence par allumer des broussailles ; puis, serpentant à travers les halliers, devient tout à coup colonne de flamme, et, s’attaquant aux arbres, finit par tout embraser et par ne faire de la forêt tout entière qu’une vaste fournaise ; ainsi en a-t-il été de l’impiété au sein de la nation israélite. C’est dans les bas-fonds de la société, au milieu d’hommes qui étaient comme les broussailles et le rebut du peuple, qu’elle est d’abord apparue ; mais, de ces bas-fonds, elle n’a pas tardé à monter plus haut, et, se glissant comme une flamme, elle a peu à peu gagné tous les rangs, tous les âges, toutes les conditions, jusqu’aux plus nobles et aux plus saintes, jusqu’au sacerdoce lui-même ; et maintenant, forces vives de la nation, intelligence, cœur, virilité, traditions et espérances, tout est atteint, tout y passe, tout brûle !

Et comme il est instructif le trait final de cette description :

Et la fumée s’élève en volutes d’orgueil !

Admirable, mais ironique image â l’adresse de ceux qui, se réputant habiles et forts, se flattent, alors qu’ils érigent en institution la liberté du mal, de posséder assez de coup d’œil et assez de puissance pour l’arrêter à un moment donné. Illusion fatale ! une heure arrive où les calculs se trouvent déjoués, où les efforts, même héroïques, sont frappés d’impuissance : l’impiété, comme une flamme qui a forcé toutes les avenues, est montée de la base au sommet ; et maintenant, regardez-la ! Elle se balance au-dessus de vos habiletés, comme au-dessus des ruines, en volutes de satisfaction et d’orgueil !

Ainsi en était-il au sein de la société israélite : c’était l’embrasement universel ou l’universalité du mal. Mais voici le châtiment :

Par le courroux de Jéhovah Sabaotb, la terre s’est embrasée,
Et le peuple est devenu la proie des flammes.
Personne n’épargne son frère.
On déchire à droite sans assouvir sa faim,
On dévore à gauche sans être rassasié ;
Chacun se repaît de la chair de son bras.
Manassé contre Éphraïm, Ephraïm contre Manassé.

Le châtiment ! c’est à peine si on ose en prononcer le nom, même à la suite du Prophète, tant il est formidable.

Oui, la guerre civile, avec son cortège d’horreurs, voilà ce qu’Isaïe, annonce à Israël comme le châtiment prochain de l’impiété devenue universelle !

Dans les traités de littérature, il existe de nombreuses descriptions des horreurs de la guerre civile. Je ne crois pas qu’aucune puisse rivaliser avec celle du Prophète : c’est à des faméliques que les Israélites, livrés aux factions intérieures, vont devenir semblables. Chez les faméliques, plus de réserve, rien de sacré, nul souvenir de l’amitié ou des services rendus, pas même des liens du sang : pour assouvir leur faim, ils vont jusqu’à déchirer la chair de leur bras ; on a vu des mères dévorer le fruit de leurs entrailles !

Ainsi en sera-t-il bientôt des malheureuses tribus d’Israël : elles vont s’entrechoquer, se déchirer, se dévorer. Et afin qu’il n’y ait aucune espérance d’exception, même basée sur les plus anciennes tendresses, Isaïe a soin d’ajouter :

Manassé contre Ephraim, Ephraim contre Manassé.

Qu’est-ce à dire : Manassé contre Éphraïm, Ephraïm contre Manassé ? Ah! si deux tribus devaient se demeurer fidèles et s’aimer jusqu’à la fin, c’étaient bien celles de Manassé et d’Éphraïin : elles étaient sœurs, issues toutes deux de Joseph, le fils préféré de Jacob. C’est sur la terre d’Égypte, terre des souffrances et des grandeurs de ce fils longtemps pleuré, que le vieux patriarche avait béni Manassé et Éphraïm en étendant sur leurs têtes, en forme de croix, ses deux mains chargées de tendresses plus encore que d’années ; et la formule de bénédiction avait été celle-ci : Lorsque, dans la suite des âges, on voudra souhaiter du bonheur à quelqu’un, on dira : Que Dieu vous bénisse comme Éphraïm et Manassé ! (Gen., XLVIII. 20).

Depuis cette bénédiction, c’était toujours en demeurant unies et comme entrelacées aux pieds de Jacob, que les deux jeunes tribus avaient grandi et étaient entrées en partage de la Terre-Promise. Là, plus que leurs sœurs, les autres tribus d’Israël, elles s’étaient développées dans le triple domaine de la gloire, de la fécondité et du bien-être. Et si parfois il leur était arrivé de connaître aussi des jours obscurs, ces jours obscurs, que le soleil de la prospérité n’éclairait plus, resplendissaient encore de celui de l’amitié. Eh bien ! c’est cette amitié fraternelle, plus de dix-sept fois séculaire, que le feu de la guerre civile va bientôt atteindre et consumer :

Manassé contre Ephraim, Éphraïm contre Manassé.

Déjà le Prophète les voit aux prises : leurs yeux lancent des éclairs ; ils se mesurent, se précipitent, se saisissent, s’entre-déchirent. Des chairs pantelantes sont à leurs mains, et la lutte dure encore... Mais voici qu’elle s’arrête. Ensemble, les frères ennemis se sont tournés du côté de la tribu de Juda où est Jérusalem... Qu’y a-t-il donc?... Que le lecteur concentre son attention sur le trait qui va clore cette troisième strophe.

Le Prophète vient donc de dire :

Manassé contre Ephraim, Éphraïm contre Manassé;

maintenant :

Tous deux; ensemble contre Juda.

La tribu de Juda où se trouvait Jérusalem, était le centre de la vraie religion et aussi de l’autorité, méconnues, l’une et l’autre, par Jéroboam et les Dix Tribus schismatiques. Eh bien ! ô inflexible ténacité du schisme ! lorsque, dans leur acharnement mutuel, Manassé et Éphraïm se déchireront avec une férocité de bêtes fauves, il subsistera cependant un point de contact où, par intervalles, les deux frères ennemis se reprendront à s’unir : ce point de contact, la haine de l’autorité ! Plus tard, les siècles, devenus chrétiens, connaîtront la trêve de Dieu ; présentement, c’est la trêve de la haine ! Fatigués de se déchirer, mais non de se haïr, Manassé et Éphraïm ont donc fait halte un instant ; mais c’est pour se tourner du côté de la tribu de Juda et de Jérusalem, et leur envoyer, à travers le sang qui les couvre, une menace de la main et une parole de haine !

J’ai donné à cette scène de la terre le nom de trêve de la haine ; plus bas, là où elle se perpétue, elle porte un autre nom : la trêve de l’enfer !

Mais il est temps d’arriver à l’accomplissement.

Cette troisième étape de destruction, annoncée comme châtiment de l’universalité de l’impiété, s’est-elle accomplie ? La guerre civile a-t-elle, de fait, apparu en Israël après la capture du roi Osée ?

Le sommaire passage du IVè livre des Rois n’en fait point mention. Mais il n’y a pas lieu d’en être surpris.

C’est sur Salmanasar, en tant que marteau d’Israël, que l’Esprit-Saint a eu dessein d’attirer et de fixer l’attention des siècles. De ce prince, deux invasions déjà ont été relatées ; bientôt nous connaîtrons la troisième, la plus formidable. Or, la guerre civile en Israël n’ayant point fait partie des invasions de Salmanasar, il n’y avait pas lieu de l’introduire parmi les gestes du redoutable conquérant.

Mais pour n’avoir pas été mentionnée au IVè livre des Rois, l’explosion de la guerre civile, après la disparition du roi Osée, n’en est pas moins un fait certain. Car, outre qu’elle avait été annoncée par deux autres prophètes (Michée, VII, 1.7; Osée, IV, 1-5 ; X, 13, 14), elle était inévitable dans une terre aussi fiévreuse, aussi révolutionnée que celle des Dix Tribus. En l’espace de deux cent quarante-cinq ans, cette terre, depuis Jéroboam Ier, n’avait pas connu moins de huit renversements de rois (15); et de continuels pronunciamento de généraux l’avaient profondément bouleversée en tous sens, de Dan à Béthel. Aussi, toujours aux aguets et toujours prêtes à se soulever, les passions politiques, n’attendant qu’une occasion, dès que survint le brusque retranchement du roi Osée, firent de toutes parts explosion et il n’y eut plus de frein pour les retenir.

Alors se produisirent ces effroyables scènes décrites d’avance par Isaïe. Inutile d’y revenir. Il y a du sang partout.

Et cependant :

Après tout cela, la colère de Dieu n’est point satisfaite,
Et sa main est encore étendue.

CHAPITRE QUATRIÈME haut

QUATRIÈME ÉTAPE

L’INTRODUCTION DU MAL DANS LES LOIS ET LA CAPTIVITÉ OU LA MOR
T

QUATRIEME STROPHE

Malheur ce ceux qui font des lois d’iniquité,
Et a ceux qui écrivent des sentences injustes,
Écartant les pauvres du tribunal,
Privant de leur droit les faibles de mon peuple.
Faisant des veuves leur proie,
Et des orphelins leur butin.
Et que ferez-vous au jour de ma visite,
Quand la ruine fondra de loin ?
Vers qui fuirez-vous pour trouver du secours,
Et où confierez-vous vos trésors ?
Quiconque ne se courbera point parmi les captifs,
Tombera parmi les morts.

Après tout cela, sa colère n’est point satisfaite,
Et sa main est encore étendue.

Il est une chose plus inique que l’exaltation de l’orgueil ;

Il est une chose plus inique que la méconnaissance de la Souveraineté de Dieu ;

Il est une chose plus inique même que l’universalité de l’impiété...

Cette chose plus inique que toutes ces iniquités, c’est l’introduction du mal dans les lois.

L’exaltation de l’orgueil, la méconnaissance de la Souveraineté de Dieu, l’universalité même de l’impiété, choses déjà si perverses, ne sont cependant que le mal dans les faits. C’est le mal, sans doute toujours grossissant, mais contenu encore dans la région des faits ; tandis que des lois impies, des décrets iniques, c’est le mal qui a franchi les faits et atteint les principes, c’est le mal transporté dans l’essence des choses et cantonné dans les hauteurs !

Or, c’est à ce point d’audace que le mystère d’iniquité était parvenu dans le royaume des Dix Tribus :

 

Malheur à ceux qui font des lois d’iniquité,

Et à ceux qui écrivent des sentences injustes.

La conséquence en avait été la violation de tous les droits, même les plus saints :

Écartant les pauvres du tribunal,
Privant de leur droit les faibles de mon peuple,
Faisant des veuves leur proie,
Et des orphelins leur butin.

Ah! s’il est une chose sacrée ici-bas, c’est bien la triple faiblesse énumérée par le Prophète : la faiblesse du pauvre, la faiblesse de la veuve, la faiblesse de l’orphelin. Lorsque l’Écriture est amenée à en parler, elle ne le fait jamais qu’en termes de compassion et de souverain respect.

Eh bien ! depuis que le mal, en Israël, est parvenu à s’introduire jusque dans la région des lois, de quelle manière cette triple faiblesse y est-elle traitée ?

Les pauvres sont écartés,

Les orphelins sont exploités,

La veuve est une proie !

Dans l’énumération qu’il fait des droits ainsi méconnus et violés, le Prophète ne va pas au delà de cette triple faiblesse. C’est que, dans l’ancienne Synagogue, on n’en connaissait point d’autre. Lorsqu’on avait nommé le pauvre, l’orphelin et la veuve, on avait atteint les derniers degrés de la faiblesse naturelle, de la faiblesse par nature. Ce n’est que plus tard, sur le sol de l’Église, et par la vertu des conseils évangéliques, qu’à côté de la faiblesse par nature, on verra apparaître, non moins sacrée et non moins digne d’intérêt, un autre genre de faiblesse, celle de la religieuse, du religieux et du prêtre, ou la faiblesse volontaire. Mais, au temps dont nous parlons, cette triple faiblesse n’existait pas encore, et, aux pauvres seuls, ainsi qu’à la veuve et à l’orphelin pouvait s’appliquer ce gémissement du Prophète :

Privant de leur droit les faibles de mon peuple.

Mais le mal ainsi arrivé jusqu’à la Loi, c’est la dernière étape permise au mystère d’iniquité ; car c’est là que Dieu l’arrête !

Lorsque l’Écriture nous fait apercevoir, au livre de Job (15b), Satan se glissant à la dérobée, et apparaissant soudainement au milieu des fils de Dieu, cette audace de se mêler ainsi aux phalanges célestes, n’est cependant encore, si étrange soit-elle, qu’un fait mauvais ; Dieu la tolère, et le Démon peut aller jusque-là... Mais lorsque, aspirant plus haut, Satan, au livre d’Isaïe, se dit dans l’orgueil de ses succès et d’un règne qu’il croit déjà sûr :

... Je monterai jusqu’au ciel ;
J’établirai mon trône par-dessus les astres de Dieu;
Je m’assiérai sur la montagne du Testament, dans les flancs de l’Aquilon
Je m’élèverai sur les hauteurs des nuées,
Je serai semblable au Très Haut ! (Isaïe, XIV, 13, 14,)

 
Oh ! cette fois, ce n’est plus seulement le mal dans les faits ; c’est le mal qui ose ambitionner les hauteurs, le mal qui tente de porter son règne, d’établir son trône jusque dans les principes, jusque dans la Loi, et Dieu le foudroie :

En vérité, tu seras précipité jusque dans l’enfer;
Au plus profond des abîmes ! Isaïe, XIV, 15.

Voilà pourquoi la quatrième strophe a débuté par ce mot formidable, celui de malheur :

Malheur à ceux qui font des lois d’iniquité.

Ce mot de malheur, nous ne l’avons rencontré dans aucune des strophes précédentes, ni dans la strophe de l’exaltation de l’orgueil, ni dans la strophe de la méconnaissance de la Souveraineté de Dieu, pas même dans celle de l’universalité de l’impiété ; mais maintenant qu’il s’agit du mal parvenu jusqu’à la Loi, oh ! malheur, malheur à ceux qui y ont prêté la main !

Car que ferez-vous au jour de ma visite,
Quand la ruine fondra de loin?
Vers qui fuirez-vous pour trouver du secours,
Et où confierez-vous vos trésors ?
Quiconque ne se courbera point parmi les captifs,
Tombera parmi les morts.

Chose bien remarquable ! le châtiment réservé au mal dans la Loi porte également un nom à part, Dieu l’appelle : Sa visite

Que ferez-vous au jour de ma visite ?

Les divers châtiments, déjà envoyés pour punir les précédentes étapes d’iniquité, si terribles qu’ils aient paru, n’étaient cependant pas encore la visite de Dieu. Jéhovah, ce semble, ne les accompagnait point. Ils n’étaient que ses avant-coureurs, des messagers de colère... Mais aujourd’hui qu’il s’agit de venger la Loi, ce ne sont plus des messagers, c’est Dieu lui-même, Loi éternelle, Dieu en personne qui intervient !

Terrible intervention, car le Prophète lui assigne pour fin une destruction sans remède :

Quand la ruine fondra de loin.

De loin ! soit que Dieu ne se résolve que difficilement et comme à la longue à laisser s’accomplir une ruine ; soit encore, parce que c’est de steppes inconnues, ordinairement de l’Aquilon, désigné par la Bible (16) comme l’endroit où Dieu tient en réserve les instruments de Ses justices, de l’Aquilon que Jéhovah fait descendre les cohortes vengeresses, qui sont comme l’escorte de sa visite.

Nul espoir de leur échapper :

Vers qui fuirez-vous pour trouver du secours ?

Nulle puissance capable de sauver Israël de leur formidable choc... Mais parce qu’Israël a introduit ou laissé s’introduire le mal dans la Loi, suprême attentat, dernière étape de l’iniquité ici-bas, la sentence portée contre Israël est cette alternative également formidable :

Quiconque ne se courbera point parmi les captifs,
Tombera parmi les morts !

La captivité ou la mort, tels sont, dans l’Ancien Testament, les deux derniers mots de Dieu sur le royaume d’Israël (17) .

Il n’y a plus qu’à en montrer l’accomplissement.

C’est encore au bras inflexible de Salmanasar que cet accomplissement fut confié.

Favorisé par les discordes intestines du royaume, ce fut comme un tourbillon, dit le quatrième livre des Rois, que Salmanasar fondit sur la terre d’Israël : Et le roi d’Assur parcourut en tous sens la terre d’Israël (IV Rois, XVII, 5). Depuis l’entrée d’Emath jusqu’au torrent de l’Égypte, rien n’échappa ; tout fut parcouru. C’était la visite annoncée qui s’accomplissait : Jéhovah, escorté de Salmanasar, passait en ennemi dans toutes les terres d’Israël !

Et tandis que tout était de la sorte foulé sur son passage, pas un secours ne se présenta, nul ne se leva en faveur d’Israël. Cela aussi avait été prédit.

Samarie cependant restait encore : Samarie, la coupable, qui avait présenté à toutes les tribus la coupe des abominations.

Salmanasar y vint mettre le siège en décembre 724 (18) : Et le roi d’Assur, montant à Samarie, il l’assiégea pendant trois ans (IV Rois, XVII, 5, 6).

Les Israélites qui s’y étaient réfugiés, sachant quel sort les attendait, se défendirent avec l’énergie du désespoir(19). Durant deux ans et plus, ils résistèrent à tous les efforts de leurs ennemis. Mais la famine et la peste ayant prêté main forte aux assiégeants, il fallut enfin ouvrir les portes et se rendre à discrétion. Samarie fut saccagée. Ses petits enfants furent écrasés contre terre, sous les yeux de leurs mères ; et l’on égorgea les mères sur les cadavres de leurs fils (Michée, I , 6, 7 ; Osée, X ; Ezéchiel, XXIII , 46, 47).

Ceux des habitants qui survivaient encore à tant de fléaux, Dieu les chassa, comme des profanes, de la Terre Sainte : Car Salmanasar les ayant emmenés captifs en Assyrie, les dispersa à Hala et à Abor, sur les bords du fleuve Gozan et dans les villes des Mèdes (20).

C’était le dernier trait de la prophétie qui recevait son accomplissement : Se courber parmi les captifs ou tomber parmi les morts !

Ainsi finit le royaume d’Israël, après 245 ans de vie et 9 ans d’agonie, en tout 254 ans.

Le peu d’Israélites que le dédain du vainqueur laissa dans le pays ressemblaient, dit la Bible, à quelques grappes de raisins oubliées par les vendangeurs (Isaïe, XVII, 6) ; et parce que, du milieu de ses ruines fumantes, s’exhalait encore, même après que le fer et la flamme les avaient fouillées, une odeur d’impiété et de vices, le Prophète, jetant comme linceul, sur cette nation finie, les strophes de son chant funèbre, a pu les terminer par la reprise du terrible refrain :

Après tout cela, la colère de Dieu n’est point satisfaite,
Et sa main est encore étendue ;

C’est ainsi que les nations meurent : non d’une manière précipitée ou soudaine, mais graduellement et comme par étapes, par le fait des iniquités de l’homme, et sous des coups correspondants de la justice de Dieu.

Cette gradation correspondante de l’iniquité et de la justice, le Prophète a pris soin de l’indiquer à l’histoire par la division même de ses strophes :

A l’exaltation de l’orgueil, a correspondu la destruction de la force militaire ;

A la méconnaissance de la Souveraineté de Dieu, le retranchement ou l’abaissement du Pouvoir ;

A l’universalité de l’impiété, le déchaînement de la guerre civile ;

A l’introduction du mal dans les lois, la captivité ou la mort.

CONCLUSIO
N haut

SI UN RECOURS EN GRACE EST POSSIBLE SOUS LA LOI D’AMOUR

Et le Prophète a fait silence...

Il n’y a plus que l’écho prolongé du terrible refrain. Plus glacial que le vent qui souffle de la région des sépulcres, il passe et repasse encore sur ce qui reste de ruines d’une Nation qui n’est plus :

Après tout cela, la colère de Dieu n’est point satisfaite,
Et sa main est toujours étendue.

Est-ce donc ainsi avec des ruines, et des ruines sans espérance, que nous allons finir ? Et tandis que la nature, moins impitoyable que le Prophète, entoure pieusement de lierre les tombeaux et les ruines (elle y place même des nids d’oiseaux, touchant symbole de la vie qui renaît) ; tandis que la nature se fait de la sorte et universellement compatissante, seule cette main de Dieu, montrée par le Prophète, restera-t-elle inflexible et sans pitié ? Et quand il advient qu’une Nation est en voie de mourir, quand déjà les ruines y sont amoncelées, faut-il se dire avec amertume qu’un recours en grâce n’est plus possible, et qu’elles sont à jamais fermées les avenues qui mènent au trône de la miséricorde ?.. .

Fils de l’Évangile, relevez la tète !

Déjà, sous l’ancienne Loi, à travers ses arrêts de mort et le prolongement de ses tonnerres, on voyait poindre comme des lueurs, comme des éclaircies et des pronostics d’avenir meilleur. On lit au livre de la Sagesse ces grandes et consolantes paroles : C’est guérissables que Dieu a faites les nations de la terre : Et sanabiles fecit nationes orbis terravum (Sages., I, 14).

Oui, toute Nation, si descendue soit-elle dans les profondeurs de l’abîme, en peut remonter les pentes ; ne restât-il plus qu’une seule faute à commettre, elle peut ne la point commettre ; eût-elle même un pied dans l’enfer, la main de Dieu l’en peut retirer (Ps., LXX, 20).

Voilà ce qu’enseignait déjà la Loi ancienne, sous laquelle prophétisait Isaïe.

Mais si, au dire de la Loi ancienne, les nations sont guérissables, existe-t-il, également suggéré par la Loi ancienne, un moyen d’obtenir cette guérison ; voire celle d’une Nation qui présenterait déjà tous les symptômes de la mort, d’une Nation dont l’état serait jugé désespéré, incurable ?...

Pour répondre à cette question, et c’est par là que nous achèverons, que le lecteur permette que nous nous transportions avec lui, à travers les siècles et les espaces, jusqu’à l’une des plus anciennes routes du monde, celle qui mène, en Palestine, de la ville d’Hébron à celle de Sodome.

Jéhovah, dit la Genèse, y chemine avec Abraham, sous la forme qu’il avait revêtue dans la vision de Mambré.

Or, tandis qu’il cheminait, le Seigneur se dit à Lui-même : Pourrais-je cacher à Abraham ce que j’ai dessein d’accomplir, puisque toutes les nations de la terre doivent être bénies en lui ?

Et le Seigneur découvrit à Abraham qu’il avait le dessein de perdre Sodome, dont l’iniquité était montée jusqu’à son comble.

Transpercé, à cette confidence, jusqu’au fond du cœur, Abraham, hier encore homme de la Chaldée, mais aujourd’hui fils de la Palestine, par le don de Dieu d’abord et ensuite par le bon accueil qu’il a reçu des habitants, Abraham, faisant sien le malheur d’un peuple dont il est devenu le compatriote, se place devant Dieu, Abraham verô stabat coràm Domino; puis, s’approchant jusqu’à Ses pieds :

« Seigneur, dit-il, perdrez-Vous le juste avec l’impie ? S’il y a cinquante justes dans cette ville, périront-ils avec les autres ? Et ne pardonnerez-Vous pas plutôt à la ville, en considération des cinquante justes, s’ils s’y trouvent ? Non, Vous ne sauriez la détruire. Confondre le juste avec l’impie, le bon avec le méchant ne saurait convenir à Celui qui est juge de toute la terre. Vous ne sauriez, Seigneur, exercer pareil jugement ».

Et le Seigneur répondit : «Si Je trouve cinquante justes dans tout Sodome, à cause d’eux Je pardonnerai à toute la ville».

Abraham ajouta : «Puisque j’ai commencé, je parlerai encore à mon Seigneur, quoique je ne sois que cendre et poussière. S’il s’en manque de cinq pour qu’il y ait cinquante justes, perdrez-Vous toute la ville parce qu’il n’y en aura que quarante-cinq ?»

Le Seigneur lui dit : «Je ne perdrai point la ville s’il s’y trouve quarante-cinq justes».

Abraham reprit : «Mais s’il n’y en a que quarante, que ferez-Vous?

- Je ne détruirai point la ville, si J’y trouve quarante justes».

Enhardi par le succès trois fois répété de sa diplomatie suppliante, le Patriarche continue : «Je Vous prie, Seigneur, de ne point trouver mauvais si je parle encore» ; et lui qui, jusqu’à ce moment, n’avait osé procéder que prudemment et petitement par cinq, cinquante d’abord, puis quarante-cinq, puis quarante, le voici qui descend hardiment jusqu’à dix : «Mais, Seigneur, s’il Vous arrive de ne trouver que trente justes dans cette ville, que ferez-Vous?

-Si Je trouve trente justes, répond Jéhovah, Je ne la perdrai point.

-Je parlerai encore à mon Seigneur : Et s’il n’y en a que vingt ?

-Je ne la perdrai point non plus, s’il y en a vingt.

-Seigneur, ajoute Abraham, ne Vous irritez pas, je Vous en supplie, si je parle encore une fois : Et si Vous ne trouvez que dix justes dans celle ville ?

-Je ne la perdrai point», répond le Seigneur (Gen., XVIII, 16-33).

Et à cet instant, dit le texte, Jéhovah disparut, abiitque Dominus ; craignant, ce semble, remarque un ancien exégète (21), la prolongation d’un entretien où Il avait toujours cédé, et redoutant de se voir obligé, devant une nouvelle supplication de cet homme incomparable, de désarmer Sa justice au profit de Sa miséricorde.

Et la ville de Sodome, continu plus tard Samarie, rie put être sauvée !

Dans cette page de la Bible, ou plutôt dans cette lutte entre la justice de Dieu et le patriotisme d’un homme, nous venons d’apprendre les deux conditions indispensables pour obtenir la guérison d’une nation qui meurt.

Or, ces deux conditions, qui sont une prière obstinée à poursuivre Dieu et un nombre suffisant de justes, ces deux conditions ont souvent fait défaut durant les siècles du premier Testament. Car si, d’une part, le Dieu vengeur n’a pas craint de se dérober, plus d’une fois, aux supplications de l’homme ; d’autre part, les villes ou les nations coupables se trouvaient malheureusement vides, vides de justice : le nombre de justes ne s’y rencontrait pas.

Plus heureuses sont, dans leurs crises, les nations chrétiennes !

Car non seulement, au milieu d’elles, il y a des justes : il y a la pureté des vierges, les larmes des pénitents, le dévouement des missionnaires, la résignation du pauvre, la charité du riche, la prière des petits enfants, les angoisses religieuses des mères, l’agonie de tant d’hommes pour la justice, le sang des martyrs ! mais Dieu lui-même, Dieu n’est plus libre de se dérober aux supplications de l’homme, l’amour l’ayant fait descendre et le retenant captif à la croix !

Et levant les yeux sur cette croix, ô prodige ! qu’est-ce que je découvre ?... Ainsi que dans les strophes du chant d’Isaïe, sur la croix les mains de Dieu se trouvent également étendues !... Mais voici la différence : Ce n’est plus dans le sens de l’impitoyable prophétie, c’est-à-dire surchargées de colères et de foudres, sous une Loi de justice ; c’est par amour, débordantes de bienfaits et de tendresses, sous la Loi de grâce, que les mains de Dieu sont désormais étendues. Regardez-les, Chrétiens ! N’est–ce pas à l’Orient et à l’Occident, ce qui veut dire à tous les points de l’espace, vers tout homme ou toute nation qui meurt, que les mains de Jésus-Christ sont étendues ? Et elles le sont, mais dirigées en haut, dirigées du côté du Ciel, pour en faire descendre la miséricorde et la guérison !

 

FIN



NOTES haut

(1)Le royaume de Juda a survécu 135 ans au royaume d’Israël, celui-ci ayant été détruit en l’an 721 (av. .J.-C), et celui-la en l’année 589.

 

(2)Cette prophétie se trouve contenue, dans les Bibles hébraïques, au chapitre IX, 7, du Prophète Isaïe, jusqu’au chapitre X, 4 ; et dans la Vulgate, au chapitre IX, 8-x, 4. Cette répartition fautive d’une prophétie essentiellement une, en deux chapitres, ne surprend pas lorsqu’on rappelle qu’autrefois il n’existait aucune division dans le texte biblique. Ce n’est qu’au treizième siècle de notre ère, en l’an 1240, que le cardinal Hugues de Saint-Cher divisa la Bible en chapitres. Après lui, le célèbre imprimeur de Paris, Robert Estienne, y ajouta les versets, au seizième siècle. Mais l’une et l’autre division ne sont pas toujours heureuses, comme le prouve la répartition de la présente prophétie. Depuis, les Juifs ont eux-mêmes adopté, pour leurs Bibles, la division en chapitres et en verset d’Hugues de Saint-Cher et de Robert Estienne.

 

(3)Le lecteur ne doit pas s’étonner non plus si, dans ces vers, il ne rencontre point de rimes, comme dans les poésies de nos langues occidentales. Trois éléments à part constituent la poésie hébraïque : 1° l’abondance et l’éclat des images ; 2° le parallélisme, ou répétition de deux membres de phrase qui se correspondent, comme le mouvement d’un pendule, tantôt en exprimant la même idée en termes équivalents ; tantôt en présentant des idées et des termes opposés ; tantôt enfin en n’offrant qu’une ressemblance de construction ou de mesure ; 3° le nombre des mots, en sorte qu’il y a des vers de deux, de trois, de quatre et même de cinq mots. Les vers de trois mots sont les plus nombreux dans la présente prophétie ; mais il sera assez difficile au lecteur de s’en rendre compte : le transfert d’un mot hébreu dans la langue française exigeant qu’il soit traduit très souvent par deux, et quelquefois trois mots.


(4) D’après un certain nombre d’hébraïsants, les deux vers différenciés par le caractère ne feraient point partie du texte biblique, mais seraient une glose très ancienne, introduite ensuite dans l’original hébreu. Voici les principales raisons apportées à l’appui de cette opinion :
1° Il paraît peu vraisemblable qu’Isaïe ait eu l’intention de désigner les faux prophètes par cette expression, la queue ; car, placée en opposition de la tête, l’expression la queue indiquerait plutôt, d’après la logique, des gens de condition inférieure, le bas peuple.
2°L’admission de ces deux vers comme partie du texte, romprait le rythme ; car chacune de ces strophes se compose de douze vers, sans compter ceux du refrain. Or, admis les deux vers différenciés, la seconde strophe en compte quatorze. Les strophes hébraïques, sans doute, ne sont pas toujours très régulières; mais de l’aveu de tous, ce morceau se distingue, dans Isaïe, par une régularité parfaite.
3° Une interprétation, pour être exacte, ne doit pas déroger à l’analogie du langage. Or tel est, ce semble, le défaut de cette glose, dans l’emploi qu’elle fait du mot queue pour désigner les faux prophètes. Chaque fois, en effet, que dans la Bible, les mots tête et queue sont, comme ici, placés en opposition, c’est pour désigner, non pas des gens de distinction et des faux prophètes, mais pour marquer une idée de supériorité et d’infériorité (Deuter., XXVIII, 13, 14 ; Isaïe, VII, 4.).
4° Isaïe lui-même semble trancher la question dans un autre passage, XIX, 15 : «L’Égypte sera dans l’incertitude de ce qu’elle doit faire, la tête et la queue, le jonc et le palmier». Les expressions de ce passage sont, et cela est évident, absolument identiques à celles de la présente prophétie. Or, aucun interprète de ce passage ne s’est encore avisé de donner au mot queue l’acception de faux prophètes; mais tous traduisent : ceux qui commandent et ceux qui obéissent.
Quelle que soit la valeur de ces raisons, du moment qu’il s’agit d’une question ayant trait à l’intégrité des Livres Saints, c’est à l’Eglise romaine seule qu’il appartient de décider. C’est donc à son jugement qu’il faut soumettre la valeur de cette opinion ; comme nous-même lui soumettons chaque ligne de cet écrit.

 

(5) «Non content d’imposer à Israël un tribut extrêmement onéreux, Téglatphalasar II transporta en Assyrie une partie de ses habitants».(Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. IV, p. 113.)


(6) IV Rois XV, 29. «De la Syrie, Téglatphalasar pénétra dans le pays d’Israël, et occupa toute la Pérée et la Galilée, dont il fit transporter en Assyrie les principaux habitants». (Lenormant, Manuel d’Histoire ancienne de l’Orient, 1869, t. 1, p. 283.)

 

(7) Razin, roi de Syrie, avait été défait et tué par Téglatphalasar II, roi d’Assyrie, ann. 731. (IV Rois, XVI. 7-9 ; Vigouroux, Bible et déc.mod.. t. IV, p. 115).


(8) Les Syriens, après la défaite et la mort de Razin, leur roi, avaient été contraints de mettre leurs forces utilitaires au service du roi
d’Assyrie. C’était la coutume, dams l’antiquité, que le vainqueur enrôlât les vaincus, dans ses armées, ce qui grossissait considérablement sa puissance.


(9) IV Rois, XVII, 3-6. «A part quelques étalons de poids en bronze et un certain nombre de contrats qui portent le nom de Salmanasar, il ne nous est pas resté de monuments épigraphiques de ce roi, et nous ne connaissons son histoire que par des sources étrangères â l’Assyrie, par la Bible et par l’extrait de Ménandre conservé dans l’historien Josèphe : Antiq. jud., IX, XIV, 3». (Vigouroux, ouvr. cit., p.120).


(10) Ainsi que nous l’avons dit plus haut, cette prophétie d’Isaïe sur la ruine du royaume d’Israël date de l’année 740 (avant Jésus-Christ); et le IVè livre des Rois, qui en constate l’accomplissement, a été écrit entre l’année 625 et l’année 588 (avant Jésus-Christ), c’est-à-dire au moins 65 ans après l’énoncé de la prophétie. - D’après le Talmud, un grand nombre d’anciens commentateurs et beaucoup de modernes, l’auteur des IIIè et IVè livres des Rois serait Jérémie.


(11)Glaire, Les saints Livres vengés, t. II, p. 376.378

 

(11b) (Psaume LXXVI, 8, 6, 7, sel. l’hébr. ; LXXV. sel. les Sept. et la Vulg.)

 

(12) «Osée vaincu par Salmanasar, dans une première campagne de ce prince, s’était d’abord reconnu vassal de l’Assyrie ; mais ensuite, pour se soustraire au tribut qui lui avait été imposé, il fit alliance avec le roi éthiopien Schabak, qui était devenu maître de l’Égypte, en 725. Son intention était de ne secouer ouvertement le joug que quand son puissant allié se serait mis en campagne. Par malheur pour lui, ses projets furent révélés à Salmanasar. Celui-ci semble avoir marché précipitamment contre Osée, en même temps que contre Tyr, sans doute afin de pouvoir l’abattre avant que Schabak pût lui porter secours. Il s’empara de la personne d’Osée, et le jeta en prison. Osée ne reparaît plus dés lors sur le théâtre de la lutte, et le silence des inscriptions, d’ailleurs si explicites de Sargon, sur ce roi, confirme le fait relaté par la Bible de sa capture et de son emprisonnement par Salmanasar». (Vigouroux, ouvr. cité, t. IV, p. 121-122.)

 

(13) V. traduc., de l’historien Josèphe, par le R.P. Gillet, I. IX, remarq. XV, t. II, p. 295.


(14) Le IVè livre des Rois (XVII, 2) a cependant dit de ce prince que «s’il se rendit coupable aux yeux du Seigneur, ce fut toutefois sans aller aussi loin que les rois d’Israël qui l’avaient précédé». Mais, outre qu’Osée s’était frayé le chemin au trône par un parricide, il ne désavoua point les prévarications de ses prédécesseurs, ni ne travailla à bannir l’idolâtrie et à éteindre le schisme. Or, en même temps qu’il se rendait, par là, complice des crimes de ceux qui l’avaient précédé sur le trône, le peuple, qui devenait de plus en plus mauvais, combla, sous son règne, la mesure de ses iniquités.

 

(15) Baasa détrône et tue Nadab, ann. 953 (III Rois, XV, 28). — Zambri détrône et tue Ela, ann. 929 (III Rois, XVI, 10). — Amri assiège et détrône Zambri, ann. 929 (III Rois, XVI, 18-19). — Jéhu détrône et tue Joram, ann. 884 (IV Rois, IX, 24). — Sellum détrône et tue Zacharie, ann. 772 (IV Rois, XV, 10). — Manahem détrône et tue Sellum, ann. 771 (IV Rois, XV, 14.) — Phacée détrône et tue Phacéia, ann. 759 (IV Rois, XV, 25). — Osée détrône et tue Phacée, ann. 729 (IV Rois, XV, 30).


(15b) Job, I, 6 : « Or il arriva un jour que les fils de Dieu étant venus se présenter devant Jéhovah, Satan se présenta aussi au milieux d'eux. »

(16) «Et la parole du Seigneur me fut adressée une seconde fois, et Il me dit : Que vois-tu? Je lui dis : Te vois une chaudière bouillante dont la face paraît du côté de l’Aquilon. Le Seigneur me dit : Le mal viendra de l’Aquilon fondre sur tous les habitants de la terre». (Jérémie, I, 14). «C’est de l’Aquilon que je fais s’avancer le fléau et la grande ruine». (Id., IV, 6). C’est de l’Aquilon, que les Assyriens sont venus foudre sur Israël ; de l’Aquilon, que les Chaldéens sont venus foudre sur le royaume de Juda ; c’est de l’Aquilon aussi que les grandes invasions des Barbares ont fait irruption sur l’Empire romain.

(17) Lorsque, dans les prophètes postérieurs à Isaïe (par exemple, Jérémie III, 6-25), le Seigneur parle du rétablissement d’Israël, cela doit s’entendre d’Israël admis à faire partie de l’Église, soit comme individus, soit même comme tribus, mais jamais comme royaume. Le royaume schismatique d’Israël, qui fit si longtemps échec à celui de Juda, est fini, à jamais fini, après sa destruction par Salmanasar

(18) Fr. Lenormant, Manuel d’Hist. anc. de l’Orient. t. II, p. 88, 1è édit.

(19) «La guerre ne fut point terminée par le malheur arrivé à Osée. Les Israélites, sachant quel sort les attendait, s’enfermèrent dans Samarie et s’y défendirent avec l’énergie du désespoir. Pendant deux ans, ils résistèrent à tous les efforts de leurs ennemis. Ce ne fut que la troisième année que la ville se rendit». (Vigouroux, ouvr. cit , p. 122.)

(20) IV Rois, XVII, 5, 6 ; XVIII, 11. Pour la description des lieux où les Israélites furent dispersés, voir encore Vigouroux, ouv. cit., t. IV, p.143.147.

(21) Duguet. Explication de la Genèse, t.III, p. 70

 

retour