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Tableau naturel des rapports qui existent
entre Dieu, l'Homme et l'Univers.

L.C. de St Martin

par Louis-Claude de Saint-Martin

VIII


Laissons tomber le voile sur cet abîme de désordres et de douleurs, et arrêtons nos yeux sur les secours qui nous environnent, pour y découvrir combien il nous reste encore d'espérances. La loi universelle de réaction, en nous servant de guide dans cette sublime carrière, nous convaincra de l'étendue des jouissances de celui de qui nous tenons notre origine et de son amour extrême pour ses productions.

Dans l'ordre des générations les Agents d'action et de réaction ont besoin d'être distincts par leurs vertus, mais il faut qu'ils soient de la même essence et de la même nature, pour que leur œuvre leur soit sensible.

C'est pour cela que la génération des plantes n'est pas sensible pour elles, parce qu'elle s'opère par la réaction de l'eau, ou par celle d'autres sucs terrestres très inférieurs et très différents d'elles.
C'est pour cela que la reproduction de la plupart des animaux se fait avec une grande sensibilité pour eux, parce qu'ils ont pour agents de réaction des Etres de leur espèce.

C'est pour cela que les fruits de la pensée et les actes de l'intelligence sont si séduisants pour l'homme, parce que toutes ces choses s'opèrent sur lui par des Agents de sa propre nature, et analogues à lui, quoiqu'il soit actuellement séparés d'eux.

Que l'on conçoive donc quelles doivent être l'activité et les délices de l'existence de Dieu, qui ne cesse de produire, hors de lui, l'immensité des êtres ; et qui, pour les produire, n'emploie que ses propres facultés, sa propre essence, c'est-à-dire, des agents de réaction non seulement qui sont relatifs, mais encore qui lui sont égaux, qui se sont confondus avec lui, qui sont lui-même. De façon que produisant des œuvres au dessus de tout ce que les sens et la pensée peuvent nous offrir, et réunissant, en lui seul tous les agents et toutes leurs jouissances, il devient à nos yeux le suprême foyer de toutes les félicités, et le centre universel où réfléchir l'ardeur de toutes les affections de la vie.

Ce rapport incontestable influe nécessairement sur les liens qui unissent les productions temporelles à leur Principe générateur : liens qui sont plus sensibles, à mesure que l'œuvre elle-même est plus considérable ; puisque ces liens sont nuls pour ainsi dire, entre l'arbre et le fruit, si nous considérons ceux qui se trouvent entre les animaux et leurs petits : et ils paraissent bien moindres encore lorsqu'on les compare à ceux qui ont lieu entre notre Etre intellectuel et les productions qui lui sont propres.

Que doivent donc être ceux qui correspondent de Dieu à l'homme ? Quelle doit être l'ardeur de son amour pour nous, puisque l'homme étant la plus sublime des productions, et Dieu le plus sublime de tous les Principes producteurs, tous les liens d'amour et d'union que nos plus hautes pensées puissent nous faire concevoir existent entre ces deux Etres.

I1 y aurait ici une infinité d'autres rapports à exposer sur les lois de la conception des Etres, sur leur simplicité, à mesure qu'ils s'élèvent et se rapprochent de la première source, et sur la subdivision à laquelle ils sont soumis, à proportion qu'ils s'en éloignent et qu'ils descendent. On verrait la raison pour laquelle, hors du temps toutes les facultés sont dans le même Etre ; au lieu que, pour les Etres dans le temps, ces facultés demandent autant d'agents distincts : on pourrait faire connaître la cause finale de cette grande et magnifique loi par laquelle les animaux parfaits naissent avec la similitude de leur Principe générateur : au lieu que les animaux imparfaits tels que les insectes, éprouvent plusieurs mutations sensibles dans leurs formes, avant de parvenir à cette ressemblance ; on pourrait observer que notre corps passant par toutes les révolutions de la matière, n'est pour ainsi dire, qu'un insecte, par rapport à notre Etre intellectuel, qui, dès l'instant de son émanation, a reçu le complément de son existence : on pourrait enfin remarquer que notre Etre intellectuel lui-même, dans son état présent, est une espèce d'insecte, relativement aux êtres à qui la corruption et le temps ne sont pas connus.

Car, quoiqu'il ait reçu avec l'émanation le complément de son existence, il est assujetti, depuis sa chute, à une transmutation continuelle de différents états successifs, avant d'arriver à son terme : tandis que le premier Auteur de tout ce qui existe, fut et sera toujours ce qu'il est et ce qu'il devait être. Mais ces détails nous entraîneraient dans les sentiers sans nombre et sans limites.

Il nous suffit de rappeler ici que l'homme porte en lui un germe invisible, incorruptible, dont il a droit d'attendre des fruits analogues à sa propre essence, comme lorsque nous semons des germes végétatifs nous en obtenons des fruits analogues aux principes dont ils sont sortis. Il suffit de remarquer que si nous voulons voir nos travaux couronnés par le succès, il faut par exemple qu'après avoir semé des fleurs, nous les cultivions avec l'attention la plus assidue ; et quand le terme de leur croissance est rempli c'est alors que, nous dédommageant de nos soins, elles nous rendent pour tribut les douceurs de toutes les propriétés qui sont en elles ; elles flattent nos yeux par leurs couleurs et notre odorat par leurs parfums ; elles peuvent même porter la joie et le bien-être dans tout notre individu par les sucs et les baumes salutaires qu'elles y font couler.

Ces images doivent nous faire comprendre que le bon ou le mauvais état des Etres dépendant presque toujours de l'espèce de réaction qu'ils reçoivent nous ne sommes placés ici-bas que pour nous défendre des mauvaises réactions et nous en procurer d'avantageuses : que si ce n'était pas la main de la sagesse qui cultive sa propre semence, et qui réactionne le germe sacré qu'elle a placé dans nous, en vain pré-tendrions-nous produire des fruits analogues à l'arbre qui nous a engendrés ; en vain pourrions-nous jamais espérer de voir s'exhaler de nous ces vertus actives dont tous les Etres sont dépositaires, chacun selon leur classe, ces vertus, qui circulant sans cesse du Principe suprême à ses productions et des productions à leur Principe, forment cette chaîne vivante et non interrompue, où tout est action, tout est force, tout est jouissance.

Mais indépendamment du besoin que nous avons de la réaction supérieure, nous voyons l'impossibilité que cette réaction n'ait pas lieu pour nous quoique nous en négligions si souvent les effets.

Et vraiment, si la nature essentielle et primitive de l'homme l'avait appelé à être l'image et l'expression des vertus du grand Principe, et que la nature des Etres soit indestructibles, quoique leurs faits et leurs propriétés s'altèrent ou se détruisent, l'homme n'a pu effacer la loi et la convention qui le constituent : il doit donc toujours lui rester les moyens d'en opérer l'accomplissement; et quel que soit le ténébreux abîme où l'homme est tombé, l'essence divine ne peut cesser de faire couler jusqu'à lui des ruisseaux de sa gloire.

En effet, la Sagesse suprême étant l'unique source clé tout ce qui existe de vrai, si rien ne peut être qui ne vienne d'elle et qui ne tienne à elle, dés qu'un Etre vrai existe il est nécessairement son image : or cette source universelle ne suspendant jamais l'action par laquelle elle se reproduit elle-même ne cesse par conséquent jamais de reproduire universellement ses propres images. Où l'homme pourrait-il donc aller qu'il ne les rencontrât et qu'il n'en fût environné ? En quel exil pourrait-il être banni, qui n'en portât pas quelque empreinte ?

Nous devons même en dire autant du Principe du mal dont l'existence est attestée par la contraction pénible qu'il opère sur notre pensée. Les rayons actifs de la lumière pénètrent sans doute jusqu'à lui ; car si nous voyons que les eaux douces ne se bornent point à féconder la terre, en subdivisant en mille ruisseaux sur sa surface mais qu'elles se rendent jusqu'à la mer, pour contribuer avec les autres causes naturelles, à tempérer son âcreté, et à l'empêcher de se convertir en une masse inutile de sel n'est-ce pas nous indiquer que de même les vertus supérieures, après avoir vivifié et rempli le cœur de l'homme qui est leur réservoir naturel débordent, pour ainsi dire et descendent jusqu'au foyer de la corruption afin d'en adoucir l'amertume, et d'empêcher que l'ardeur de ce feu impur ne dessèche tellement le germe du crime, qu'il ne puisse plus se dissoudre ni se décomposer.

Cependant, dès que les Etres sont criminels, ils sont réellement séparés du Chef divin par la privation de l'exercice de leurs facultés ; et quoique la vertu du Créateur se communique jusqu'à eux, si à cause de la corruption de leur volonté rien ne retourne d'eux à lui, ils restent dans les ténèbres et dans la mort destinées à tous les Etres de mensonges et d'erreur .

Car c'est une très grande vérité que les rapports des Etres doivent s'apprécier en remontant d'eux à leur Principe, et non pas en descendant de leur Principe à eux ; parce que c'est dans ce Principe qu'ils ont leur source et toute leur valeur au lieu que ce Principe ayant toutes ces choses en lui-même, n'a besoin de les chercher dans aucun autre Etre.

On peut dire enfin que si Dieu conserve encore de la vie et des vertus aux Etres coupables c'est comme il conserve la parole aux hommes oiseux ; et qu'ainsi dans l'un et l'autre exemple les traces de la dégradation sont évidentes.

Quoiqu'il y ait une distance incommensurable entre les hommes dégradés et le Créateur, nous devons reconnaître que cette distance n'est relative qu'à eux seuls et n'attaque en rien l'indivisible universalité de l'Eternel, il tient toujours à eux par les droits de leur nature intellectuelle et jamais le Père commun des Etres ne perdra de vue la moindre de ses productions ; autrement il faudrait que son amour s'éteignit et si l'amour s'éteignait, il n'y aurait plus de Dieu.

Permettons-nous une comparaison prise dans l'ordre physique. Lorsqu'un homme veille corporellement, il jouit de la lumière élémentaire, il sait sensiblement qu'elle existe et qu'elle est près de lui. S'il vient à s'endormir, il ne s'aperçoit plus ; mais ceux qui veillent près de lui, et qui la voient, ne peuvent nier qu'elle ne réfléchisse sur ce corps assoupi.

Il en est ainsi de la lumière intellectuelle : quand nous nous en approchons, elle nous réchauffe, nous connaissons évidemment son existence ; mais si nous fermons les yeux à sa clarté, nous n'apercevons plus cette lumière ; nous sommes dans les ténèbres, et cependant il est très certain pour ceux qui veillent, qu'elle est toujours sur nous : et qu'en qualité d'Etres libres et indestructibles, nous conservons le pouvoir d'ouvrir les yeux à ses rayons. Ainsi, soit que nous mourions, soit que nous vivions intellectuellement, nous sommes sans cesse sous l'aspect de la grande lumière, et nous ne pouvons jamais être inaccessibles à l'œil de l'Etre universel.

Posons ici la principale colonne de notre édifice, et examinons quelles sont les voies de la Sagesse ne cesse d'employer pour procurer à l'homme cette réaction supérieure, sans laquelle tous les fruits de sa nature seraient étouffés dans leur germe.

Si l'homme s'étant exclu du séjour où réside la lumière, ne peut plus aujourd'hui contempler la pensée, la volonté et l'action suprême, dans leur ensemble ou dans leur unité, il peut les reconnaître encore dans une subdivision relative à lui seul, c'est-à-dire, dans une multitude d'images de tous genres qui l'environnent, qui sont destinées à le réactionner et à lui faire ouvrir les yeux à la vérité ; car sans cette réaction, l'homme ne serait point coupable de rester dans les ténèbres et de ne pas recouvrer l'idée des facultés de son modèle.

En effet, si parmi les Etres matériels, il n'en est aucun qui puisse manifester ce qui est en lui sans une réaction, il y a de même une réaction pour l'esprit de l'homme, puisqu'il a comme eux un principe générateur.

Aussi l'homme ne peut-il porter ses regards autour de lui sans apercevoir les images les plus expressives de toutes les vérités qui lui sont nécessaires.

Le principe suprême manifeste d'abord l'existence de ses facultés créatrices par l'existence de la matière puisque tout individu matériel n'est et ne peut être qu'une production. Il manifeste en outre la loi progressive de l'action de ces facultés, par les actions successives et génératrices des éléments. Voici l'ordre de ces dernières.

Il y a un feu principe invisible, incoercible, d'où proviennent toutes les substances particulières qui constituent les corps. Ce feu principe indiqué par le Phlogistique qui s'exhale des matières en dissolution. Il produit trois actes sensibles.

Par le premier il engendre le feu matériel et visible qui dans les animaux se représente par le sang : et ce feu grossier et triple en ce qu'il contient en lui de l'eau et de la terre : mais cette triplicité est simple, parce qu'il n'y a point encore de séparation.

La seconde opération sépare de ce feu visible et matériel un fluide aqueux beaucoup plus grossier, représenté par le germe animal, qui est extrait du sang, ou du principe universel répandu dans la forme. Ce fluide aqueux, ce germe, cette eau est double, en ce qu'elle est unie avec la terre, et en ce qu'elle est produite par la seconde action.

La troisième action sépare de cette eau la terre, le solide ou la forme. Cette forme paraît simple ou une à nos yeux : mais cette simplicité est triple par ses dimensions et par son rang d'émanation : et en cela elle est l'opposé du feu, dont la triplicité est simple.
Voilà la loi progressive et numérique des actes sensibles, généraux et particuliers des facultés créatrices universelles. On y voit comment les choses deviennent physiques et grossières, à mesure qu'elles descendent, on y voit d'où viennent les disputes des philosophes qui ont prétendu, les uns, que tout venait de l'eau ; les autres, du feu ; les autres, du mercure ou de la terre. Chacun d'eux a eu raison, et tout dépend du degré de la progression, auquel ils se sont arrêtés.
Il y a aussi une loi ascendante, par laquelle les émanations de ces facultés remontent à leur Principe générateur, et cette loi est l'inverse de la première : mais agissant circulairement l'une et l'autre, elles se succèdent sans se nuire, et elles opèrent de concert, selon la raison double qui constitue le temps.

Par cette loi ascendante la forme solide et terrestre disparaît, en se liquéfiant ou devenant eau ;l'eau se volatilise et disparaît, étant dévorée par le feu élément ; le feu élémentaire disparaît, rentrant dans son feu principe, dont l'action vorace, mais invisible, est à démontrer par celle du feu élémentaire lui-même, qui consume sous nos yeux tous les objets qu'il a produits.

Les forces descendantes et ascendantes des facultés créatrices universelles, étant perpétuellement en action devant nous, nous pouvons donc toujours découvrir la source d'où les choses proviennent, et où elles doivent rentrer : car chacun des degrés que nous venons d'observer, est comme un fanal qui éclaire les points supérieurs et inférieurs, au milieu desquels il est placé dans la progression circulaire.

Mais considérons ces objets élémentaires dans la classe terrestre : quoique nous n'y puissions pas atteindre leur Principe générateur, nous pouvons au moins en apercevoir et en admirer les lois.
En effet, si l'on contemple les corps et les éléments, dans leurs faits et dans leurs actes temporels terrestres, on y pourra reconnaître une image de l'activité continue de ces facultés créatrices universelles, par cet état perpétuel d'effluves et de transpirations, où sont à la fois les Etres de toutes les classes de notre région.

On verra que parmi les trois éléments, le feu monte, la terre descend, et l'eau parcourt la ligne horizontale, pour nous apprendre que l'action des facultés supérieures, dont les éléments sont les organes, remplit et mesure toute l'étendue de la circonférence universelle.
Si nous considérons les propriétés des trois règnes, nous y trouverons l'indice des pouvoirs cachés, dont ils sont l'emblème et l'expression.

L'or, par son étonnante ductilité, nous indique la prodigieuse extension des forces de la Nature, qui par des efforts infinis transmet ses vertus jusqu'aux êtres les plus éloignés, et établit par là une correspondance universelle.

Les plantes absorbent toutes les vapeurs impures de l'atmosphère ; et en les combinant avec leurs émanations, elles les dissolvent, nous les renvoient avec des qualités moins malfaisantes, pour nous enseigner de nouveau, et physiquement, que l'existence de tous les êtres de la Nature n'a pour but que de tempérer les maux et les désordres.

Si les plantes produisent des effets différents pendant la nuit, ou même pendant le jour, lorsqu'elles ne sont pas exposées aux rayons du soleil, c'est que tenant parmi les trois règnes, le même rang que l'eau, parmi les trois éléments, elles font particulièrement, comme l'eau, un type double, et elles peuvent montrer alternativement les effets avantageux opérés par un Agent qui est un aspect de son Principe de réaction, et les effets funestes auxquels est réduit celui qui en est séparé.

Quant au règne animal, on y voit une représentation active de la célébrité avec de laquelle la vie du grand Etre, se communique à toute la chaîne de ses productions par ce mouvement rapide et un, qui transmet à la fois l'action du sang dans toutes les artères, et qui n'a besoin d'aucune progression, ni d'aucun intervalle pour passer du centre aux extrêmes les plus éloignées.

Enfin l'air, cet être à part des éléments, ce symbole sensible de la vie invisible, dont la destination est de purifier la terre, puisque son action est plus réglée et plus constante, selon que les climats où il agit, sont plus ou moins exposés à des exhalaisons corrompues ; cet air, dis-je, opère, à l'image de l'action supérieure, la réaction générale des corps, en pénétrant jusqu'au sein de tous les germes ; et il devient ainsi un mobile universel, où tous les Etres trouvent ce qui doit contribuer soit à leur existence, soit à leur salubrité. Car il y a un air pour la terre, un air pour l'eau, et un air pour le feu.

II est donc vrai que quelque obscure que soit notre demeure actuelle, nous n'y pouvons faire un pas, sans avoir autour de nous les signes visibles de ces mobiles créateurs vivants qui nous sont encore inconnus.

La Nature céleste nous présentera la même vérité. Quoique nous soyons privés de la vue du Principe qui meut les astres, quoique nous soyons même prodigieusement éloignés d'eux, nous jouissons de la lumière, nous recevons les émanations de leur feu : nous pouvons même former des conjectures hardies et lumineuses sur l'ordre qu'ils ont reçu lors de leur origine, et sur le véritable objet de leur existence ; jusque là que les Sages pensent que toutes les lois des êtres sensibles sont écrites sur ce vaste et magnifique Tableau, et que la main divine n'en a pour ainsi dire enveloppé la terre, qu'afin que ceux qui l'habitent puissent y lire à tous instants les signes et les caractères de la vérité.

Ainsi, l'ensemble de l'Univers matériel nous peint dans un pompeux éclat, la majesté des Puissances suprêmes. Nous y voyons des astres brillants distribuer leur lumière au Monde, les Cieux corporels imprimer les lois et les modèles des êtres sur l'air de l'atmosphère, celui-ci apporter ces plans à la terre, et la terre les exécuter avec une ardeur et une activité qui ne se reposent jamais.

Il est donc vrai que la Nature universelle est pour l'homme comme un grand arbre, dont il peut assez contempler et savourer les fruits, pour se consoler de ne pouvoir encore en découvrir les germes et les racines.

Non seulement la Nature présente à l'homme, par ces tableaux les traces de celui qu'il a pu contempler dans son origine : elle lui apprend encore à fixer sa vue sur ce tableau primitif, et sur les moyens qu'il doit prendre pour en réacquérir la jouissance. En effet, les lois des êtres de la région sensible fournissent à l'homme autant d'instructions parlantes de ce qu'il a journellement à faire pour recouvrir sa splendeur et sa gloire.

Tous les corps de la Nature tendent à se dépouiller de leurs écorces grossières, pour rendre au Principe qui les anime l'éclat qu'il porte en lui-même. Le feu particulier à chacun de ces corps, coopère sans cesse à ce grand œuvre, en purifiant continuellement les substances dont ils se nourrissent.

Notre sang même est destiné à remplir sans relâche cette importante fonction ; il doit élaborer nos boissons, nos aliments ; en séparer le pur et l'impur, et employer son action à éloigner tout ce qu'ils ont de malfaisant et de trop matériel.

C'est enseigner sans doute à l'homme quel doit être l'emploi des deux principaux agents qui sont en lui, son intelligence et sa volonté ; il doit exercer leur feu sur les substances intellectuelles qui lui sont offertes, en  parer tout ce qui n'est point analogue à son être pensant, afin de n'y laisser entrer que des sucs vivifiants et purs comme lui, et avec lesquels il puisse former cette union, cette harmonie, cette unité qui fait à la fois l'objet et le terme de toutes les actions et de tous les êtres de la Nature.

Quant au feu en général, il apprend aux hommes ce que seraient leurs jouissances et leurs lumières, s'ils exerçaient avec persévérance les facultés qui sont en eux et s'ils en portaient l'action jusqu'au point où leur essence leur permet d'atteindre. Le feu a le pouvoir de vitrifier tous les corps, c'est-à-dire, de tellement les purger de leurs scories et de leurs écorces, que leur principe radical parvienne en quelque sorte à sa pureté et à sa simplicité naturelle.

Par là ces corps que leur opacité rendait impénétrables à notre vue, et qui nous interceptaient les autres objets ; ces corps, dis-je, acquièrent une clarté visible une transparence dont les effets ne laissent plus de bornes à nos désirs et à nos connaissances.

Ils donnent à l'homme le moyen de jouir de la lumière des astres sans ressentir les rigueurs de l'atmosphère et d'exister au milieu des intempéries de cette région terrestre sans en recevoir les atteintes, comme si en effet elles n'avaient pas lieu pour lui ; image grossière mais instructive d'une autre espèce de sécurité que l'homme peut également se procurer au milieu des tempêtes qui grondent dans cette orageuse demeure.

Ces corps lui donnent le moyen de pénétrer pour ainsi dire, dans les mystères de la Nature, d'apercevoir d'une part, des merveilles que la petitesse des objets semblait avoir exclues pour jamais de ses connaissances et de l'autre, de diriger ses yeux jusqu'à la région la plus élevée des astres. Ils le mettent à portée d'en mesurer les dimensions, d'en calculer tous les mouvements et de lire, comme à découvert, les lois de ces grands mobiles, dont il est séparé par une distance si prodigieuse que plusieurs échappant à la vue simple, il n'avait pu même en soupçonner l'existence.

Tous ces faits sont pour l'homme autant de signes qui lui démontrent que s'il avait le courage d'amener sa volonté à son vrai point d'épurement, il rendrait à son Etre intellectuel, une clarté, une transparence analogue à sa classe, il lui procurerait un degré de purification qui lui ferait non seulement découvrir la marche des Etres immatériels qui l'environnent, mais même l'aiderait à s'élever jusqu'à l'ordre intellectuel le plus supérieur à lui, jusqu'à cet ordre vivant dans lequel il a puisé son origine, mais dont il est aujourd'hui tellement éloigné qu'il le regarde comme inaccessible à sa vue. Car dans le sensible et dans l'intellectuel, il est certain qu'il n'y a que le grossier, que la souillure qui forment pour l'homme les ténèbres, les éloignements et les distances et que tout est clair pour lui, tout est près de lui, quand tout est pur en lui.

Malgré toutes les beautés écrites dans la création temporelle, convenons que nous n'y voyons que
des lois de rigueur et de violence, que des faits non libres, et qui ne démontrent pas même une intelligence dans les agents qui les opèrent, quoiqu'il y en ait nécessairement une hors de ces agents, qui les commande dans tous leurs actes, puisque ces actes s'exécutent avec ordre et régularité.

Ce serait donc en vain que nous chercherions dans la matière des images réelles et permanentes du Principe de la vie, duquel nous sommes malheureusement séparés ; et si l'homme n'eût pas eu d'autres signes que les objets matériels pour recouvrer la connaissance de ce Principe, la Justice divine aurait peu de choses à lui redemander.

Nous avons déjà remarqué que, dans l'homme, quelque corrompu qu'il puisse être, il se trouvait toujours des traces de vertus et facultés étrangères à toute la
Nature matérielle ; nous avons vu que dans tous les siècles, chez tous les Peuples, les idées de la justice et de la bienfaisance ont été connues, quoiqu'ils les aient si souvent défigurées, et qu'ils en aient même appliqué les noms respectables à des objets criminels.

Bien plus, en considérant sa forme corporelle, l'homme pourra se prouver qu'il possède des vertus plus actives encore que ces vertus dont nous venons de parler.

On peut dire qu'il porte sur lui des signes vivants de tous les Mondes et de tous les Univers ; et si l'on considère intellectuellement trois des principaux organes dont sa tête est ornée, on verra pourquoi l'organe de l'ouïe est absolument passif, recevant les impressions et ne rendant rien ; pourquoi les yeux sont actifs et passifs, exprimant au dehors les affections internes, et communiquant à l'intérieur les impressions des objets extérieurs ; enfin, pourquoi la langue est un organe absolument actif, et ayant le double pouvoir de peindre avec la même faculté les opérations de la pensée ou du raisonnement, et les mouvements ou passions de l'âme.

Nous pouvons même porter nos observations intellectuelles jusqu'au centre invisible qui anime ces trois organes ; jusqu'à ce séjour caché de la pensée, qui a son siège dans l'intérieur de la tête, comme la Divinité suprême a mis le sien dans un sanctuaire impénétrable quoique ses attributs en manifestent l'existence et l'action à tous les Etres.

Nous trouverons dans cet homme invisible, le nombre des facultés du Principe divin qui forment le type de tous les Etres. Quoiqu'elles n'agissent plus dans nous que par une succession lente et pénible, elles y sont absolument indivisibles comme dans la Divinité : elles devraient avoir absolument le même objet ; et si l'homme n'avait le droit funeste de s'égarer par le seul pouvoir de sa volonté, il en est qui ne reconnaîtraient pas sa différence d'avec son modèle.

Indépendamment des objets de la Nature dont l'homme est environné, et qui lui peignent son principe, il a donc le moyen plus avantageux et plus vrai de le reconnaître en lui-même et dans ses semblables. Il est certain que Dieu s'étant peint lui-même dans toutes les œuvres de la Nature, et plus particulièrement dans l'homme, il n'existe rien dans nos ténèbres qui ne porte son signe, et l'immensité des images de Dieu. Vérité lumineuse qui doit servir de guide assuré pour découvrir toutes celles qui peuvent remplir les désirs de l'homme.

Dans l'union de l'homme à l'Univers, peut-on se dispenser d'apercevoir une esquisse active de l'harmonie divine, dans laquelle le premier Etre se représente à nous comme dominant sur toutes les intelligences, et recevant d'elles le tribut et l'hommage qu'elles doivent à sa grandeur ? En effet quel est le rang que l'homme occupe sur la terre ? Tous les êtres de la nature sont en action autour de lui, tous travaillent pour lui ; l'air, le temps, les astres, les vents, les mers, les éléments, tout agit, tout contribue à son bien-être, tout concourt au soutien de son existence ; lui seul au milieu de ce vaste empire a le privilège de pouvoir être supérieur à cette action temporelle ; il peut, s'il le veut et qu'il en ait le courage n'avoir d'autres occupations que de s'approprier tous les dons et toutes les Vertus de l'Univers.

Le seul tribut que la Sagesse exige de l'homme en lui laissant l'usage de ces bienfaits, c'est qu'il lui rende gloire, et qu'il la reconnaisse comme étant le souverain arbitre de tout ce qui existe ; c'est qu'il rétablisse dans ses facultés, la même loi, le même ordre, la même régularité par laquelle il voit que tous les Etres de la Nature sont dirigés ; c'est, en un mot, qu'au lieu d'agir en son propre nom, ainsi qu'il le fait sans cesse il agisse toujours, comme ces Etres, au seul nom du Dieu vivant qui l'a crée.

C'est là le grand œuvre, ou ce changement de volonté pour lequel nous avons dit que toutes les Puissances de la Nature étaient employées depuis l'origine des choses sans avoir encore pu l'opérer.

« Mais cette supériorité de l'homme sur la Nature se démontre d'une manière plus active par les simples manipulations qu'il peut faire sur la matière, et qui doivent nous donner encore une plus grande idée de l'étendue de ses droits. »

« Il n'est aucun corps matériel, tel dur, tel cristallisé qu'il soit, dont on ne puisse extraire les principes qui servent à engendrer tous les corps des trois règnes. Il suffit pour cela de prendre une marche opposée à celle que le corps dur a suivie lui-même pour parvenir à son état de solidité. Il faut donc commencer par travailler à sa dissolution. »

« Quoique l'homme sache opérer fort peu de ces sortes de dissolutions, il n'en est pas moins vrai qu'elles sont possibles, puisque la Nature, par ses opérations secondes, nous en fournit tous les jours la preuve et les moyens. Car à défaut de science, on peut au moins profiter des exemples de la Nature, qui est toujours prête à suppléer à notre faiblesse et à notre ignorance. Mais il faut se souvenir que les productions qui résulteront de nos procédés seront toujours inférieures à celles que la Nature opère immédiatement, lesquelles méritent seules les Noms attachés à leur règne, comme en portant sur elles les grands caractères. »

« Sans perdre de vue cette prudente observation, pulvérisons le sel le plus compact, le marbre, le granit le plus dur. Exposons cette poudre, que l'on ne peut rendre trop fine, si l'on veut réussir, exposons-la à l'air libre de l'atmosphère, sans eau, à couvert, autant qu'il est possible, de la pluie, de la poussière et des corps étrangers déjà déterminés ; peu à peu l'acide de l'air agira sur ce sel pulvérisé. II en extraira les substances qui lui sont analogues, et abandonnera les autres, qui à la longueur du temps se convertiront entièrement en terre végétale. »

« Dés que l'on est en possession de cette terre végétale, toutes les découvertes sont faite ; l'humidité de l'air se joint à elle, et en fait naître de petites plantes. »

« Ces plantes arrivées à leur point de maturité, subiront une nouvelle opération, ou dissolution plus naturelle que celle de la grossière infusion, et l'on et, verra naître des insectes et même des espèces de ni& taux, si l'on sait procéder, et ce sera là une démonstration complète que le Principe universel de vie est répandu dans tous les corps. »

« Qu'on ne croie pas que je contredise ici ce qui a été avancé précédemment sur la fixité des caractères des Etres, qui ne peuvent jamais s'élever à un autre rang que celui qui leur a été donné par la Nature. Dans, les procédés dont nous parlons, les transmutations n'ont lieu, que parce que les différents germes innés dans chaque corps se séparent les uns des autres pour agir librement selon leur loi ; mais aucun d'eux ne sort de son règne. Il faut remarquer encore que les résultats des transmutations vont toujours en dégénérant, et que plus on répète le procédé sur les mêmes substances, plus les productions qui en proviennent sont affaiblies, ce qui les rend de plus en plus inférieures aux productions premières de la Nature. »

« Nous pouvons néanmoins admirer les droits des l'homme puisque, par l'usage qu'il lui est libre de faire: des différentes substances matérielles, il a le pouvoir de transmuer, pour ainsi dire, tout ce qui se trouve' dans son enceinte, de convertir les terres en matériaux, les plantes en insectes, ceux-ci en une nouvelle' terre d'où résulteront de nouvelles combinaisons puisque enfin il peut transformer par un seul procédé, les animaux et les plantes en minéraux et en sels, les rochers les plus durs en corps organisés et vivants, et en quelque façon faire changer de face à tout ce qui l'approche. »

« N'hésitons pas d'appliquer ces observations aux objets immatériels. Ils sont tous pour lui, ou séparés, ou comme engagés dans des substances et dans des enveloppes qui semblent gêner leur action. Mais comme il est lui-même en dissolvant universel, il pourrait en quelque sorte, s'il jouissait des droits de son intelligence, opérer dans la classe des objets intellectuels, ce qu'il fait sur les corps par le moyen des agents sensibles et corporel. »

« Tout nous engage donc à croire que l'homme rétabli dans ses droits, pourrait agir tant sur les Etres immatériels corrompus, que sur les Etres purs dont il est actuellement séparé par de fortes barrières ; à l'image de l'Agent suprême, il aurait le pouvoir de dissoudre, de décomposer les enveloppes, de mettre à découvert les principes qui y sont contenus et concentrés, de leur fournir par là les moyens de produire les fruits de tous les règnes qui leur sont propres, de recomposer ceux qui sont simples, de tenir dans l'inaction ceux qui sont malsains, c'est-à-dire, de faire succéder partout l'abondance à la stérilité, la lumière aux ténèbres, la vie à la mort, et de transfigurer tellement tout ce qui l'environne, que son séjour ressemblât à celui de la Vérité même. »