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COMMENTAIRE SUR L'ÉPÎTRE AUX ROMAINS.

 

HOMÉLIE I. PAUL, SERVITEUR DE JÉSUS-CHRIST, APPELÉ A L'APOSTOLAT, CHOISI POUR L'ÉVANGILE DE DIEU, QU'IL AVAIT PROMIS AUPARAVANT PAR DES PROPHÈTES DANS LES SAINTES ÉCRITURES. (CHAP. 1, VERS. JUSQU'A 7.)

 

Analyse.

 

1. Explication très-intéressante et très-profonde des mots : Paul, serviteur, Jésus-Christ, appelé, apôtre, choisi, Evangile de Dieu.

2. L'Evangile que quelques-uns considèrent comme une nouveauté, a été annoncé et figuré longtemps d'avance, de sorte qu'il est plus ancien que les Gentils. — Saint Paul parle de deux générations de Jésus-Christ en commençant parla génération selon la chair, pourquoi?.. Cinq preuves de la divinité de Jésus-Christ indiquées en passant par l'Apôtre.

3. Pour faire obéir à la foi... C'est de for et non de raisonnement que les chrétiens ont besoin. — Toutes les nations. — L'Evangile doit être prêché à toutes les nations de la terre, sinon par Paul et les autres apôtres ses contemporains, du moins par ceux qui leur succéderont dans l'apostolat. — Les Romains, quoique maîtres du monde, n'ont devant l'Evangile aucun privilège.

4. Que la sanctification vient de la charité.- Que les dignités qui s'achètent à prix d'argent ne sont pas proprement des dignités.

 

1. Moïse a composé cinq, livres et n'y a écrit son nom nulle part, non plus que ceux qui ont raconté ce qui s'est passé après lui; il en est de même de Matthieu, de Jean , de Marc et de Luc; mais le bienheureux Paul place toujours le sien en tête de ses lettres. Pourquoi cela ? Parce que ces autres auteurs écrivaient pour des personnes présentes et qu'il leur était inutile de se nommer eux-mêmes ; tandis que Paul, écrivant au loin et sous forme de lettres, devait nécessairement mettre son nom. S'il ne le fait pas dans son Epître aux Hébreux, c'est à dessein et par prudence. Car comme il leur était odieux et qu'il craignait,qu'en entendant son nom ils ne se refusassent tout d'abord à l'écouter , il le supprime afin de les attirer. Mais si les prophètes et Salomon . ont écrit leurs noms, je vous laisse le soin de chercher pourquoi les uns l'ont fait et les autres non ; car ce n'est point à moi de tout vous apprendre, mais à vous de travailler et de chercher, pour ne pas devenir trop paresseux.

« Paul, serviteur de Jésus-Christ. » Pourquoi Dieu a-t-il changé son nom, en l'appelant Paul au lieu de Saul? Pour qu'en cela il ne fût point inférieur aux autres apôtres, mais qu'il jouît (192) du même privilège que le chef des disciples et fût plus intimement uni à la famille. Et ce n'est pas sans raison qu'il se nomme serviteur du Christ, car il y a bien des espèces de servitude: l'une découle de la création, comme il est dit: «Toutes choses vous servent » (Ps. CXVIII) ; et ailleurs: « Mon serviteur Nabuchodonosor (Jérémie, XXV, 9) : tout ouvrage étant au service de l'ouvrier ; une autre dérive de la foi , dont Paul dit : « Mais grâces soient rendues à Dieu de ce qu'avant été esclaves du péché , vous avez obéi du fond du coeur à ce modèle de doctrine sur lequel vous avez été formés, et de ce qu'affranchis du péché, vous êtes devenus esclaves de la justice ». (Rom. VI,17, 18) ; une autre encore tirée de la conduite, de laquelle on lit: « Moïse mon serviteur est mort » (Job, 1, 2) ; car bien que tous les Juifs fussent serviteurs de Dieu: Moïse l'était par excellence, à raison de sa conduite. Mais comme Paul était serviteur de Di, u dans tous les sens, il s'en glorifie comme d'une très-haute dignité par ces mots : «Serviteur de Jésus-Christ ». Il prononce les noms de l'incarnation , en remontant de bas en haut; car le nom de Jésus fut apporté du ciel par un ange, le jour où le Sauveur prit naissance dans le sein d'une vierge; et le mot Christ vient dé l'onction, qui appartient à la chair. Et de quelle huile, direz-vous, le Christ a-t-il été oint? D'aucune, mais bien de l'Esprit ; or l'Ecriture a coutume d'appeler Christs ceux qui ont reçu cette onction. Car le principal, dans,l'onction, c'est l'Esprit ; l'huile n'est que l'accessoire: Mais où appelle-t-on Christs ceux qui n'ont pas été oints avec l'huile ? Dans le passage où il est dit : « Ne touchez point à mes Christs, et ne maltraitez point mes prophètes». (Ps. CIV.) Car là il n'était pas question d'onction par l'huile.

« Appelé à l'apostolat ». Partout il se donne le titre d'appelé, pour témoigner sa reconnaissance et faire voir que s'il a trouvé, ce n'est point pour avoir cherché; mais parce qu'il a été appelé et qu'il a obéi. C'est aussi le nom qu'il donne aux fidèles appelés ainsi. Mais les fidèles ont été simplement appelés à la foi ; tandis qu'à lui on a confié autre chose, l'apostolat ; fonction pleine de biens sans nombre qui l'emporte sur toute les grâces et les renferme toutes. Et qu'est-il besoin de dire autre chose, sinon que ce gué le Christ a fait lui-même sur la terre, il a chargé les apôtres de le faire après son départ? C'est ce que Paul

nous crie lui-même, quand il exalte en ces termes la dignité des apôtres : « Nous faisons les fonctions d'ambassadeurs pour le Christ, Dieu exhortant par notre bouche » (II Cor. V, 20), c'est-à-dire, nous remplaçons le Christ.

« Choisi pour l'Evangile de Dieu ». Du même que, dans une maison, chacun est destiné à un. emploi différent, ainsi lés divers ministères sont distribués dans l'Eglise. Ici il me semble moins désigner son lot particulier , qu'insinuer qu'il y a été appelé depuis longtemps, et d'en-haut. C'est ainsi que Jérémie affirme que Dieu a dit, en parlant de lui : « Avant que tu sortisses du sein de ta mère , je t'ai sanctifié et établi prophète parmi les « nations ». (Jér. I, 5.) Comme Paul écrivait à un peuple fier et orgueilleux, il veut prouver que l'élection vient de Dieu : c'est Dieu qui a appelé, c'est Dieu quia choisi. Son but est de rendre sa lettre digne de foi et de la faire agréer. « Pour l'Evangile de Dieu ». Matthieu et Marc ne sont donc pas les seuls évangélistes, pas plus qu'il n'est, lui-même le seul apôtre ; bien que ce nom lui soit donné par excellence, comme à ceux-là celui d'évangéliste. Il l'appelle Évangile, non-seulement à cause des biens déjà accordés, mais à cause des biens à venir. Et comment dit-il qu'il apporte la bonne nouvelle de Dieu ? Voici en effet ses paroles : « Choisi pour l'Evarngile de Dieu ». Or le Père était connu avant les Evangiles. Mais s'il était connu, ce n'était que des Juifs , et pas de tous encore, comme il l'aurait fallu: car ils ne le connaissaient point comme Père, et s'en formaient beaucoup d'idées indignes de lui : aussi le Christ disait-il : « Les vrais adorateurs viendront ; ce sont de tels adorateurs que le Père cherche ». (Jean, IV, 23.) Enfin il s'est manifesté au monde entier avec le Fils : comme le Christ lui-même l'avait prédit, en disant : « Afin qu'ils vous connaissent, vous seul vrai Dieu, et celui que vous avez envoyé, Jésus-Christ ». (Id. XVII, 3.) Il l'appelle Evangile de Dieu, pour exciter dès l'abord l'attention de l'auditeur. Car il ne vient pas apporter de tristes nouvelles, des injures, des accusations , des reproches, comme le prophète; mais annoncer de bonnes nouvelles, les bonnes nouvelles de Dieu, des trésors infinis de biens permanents et immuables. — « Qu'il avait promis auparavant par des prophètes dans les saintes Ecritures ». Car il est écrit: « Le Seigneur mettra la parole dans la bouche (193) de ceux qui évangélisent avec beaucoup de force ». (Ps. LXVII.) Et encore: « Qu'ils sont beaux les pieds de ceux qui, évangélisent la paix ! » (Is. LII, 7.)

2. Voyez-vous comme le nom et le mode de l'Evangile sont clairement énoncés dans l'Ancien Testament ? Car, dit-il, nous n'évangélisons pas seulement en paroles, mais en action ; vu que ce n'est point une oeuvre humaine, mais divine, mystérieuse, et élevée au-dessus de toute la nature. Et comme on traitait la chose de nouveauté, il démontre qu'elle est plus ancienne que les Grecs et déjà décrite d'avance par les prophètes. Que si elle n'a pas été donnée dès le commencement, la faute en est à ceux qui n'ont pas voulu la recevoir; car ceux qui l'ont voulu, ont entendu. « Abraham votre père »,  dit le Christ, « a tressailli pour voir mon jour ; il 'a vu et il s'en est réjoui ». (Jean, VIII, 56.) Comment donc le Sauveur dit-il ailleurs: «Beaucoup de prophètes et de justes ont désiré voir ce que vous voyez, et ne l'ont pas vu? » (Matth. XIII, 17.) C'est-à-dire, voir comme vous voyez et entendez, la chair même, les signes visibles. Mais considérez combien de temps à l'avance cela avait été prédit : car quand Dieu prépare de grandes choses, il les annonce longtemps d'avance, afin de disposer nos oreilles à les accueillir quand elles arriveront. — « Dans les Saintes Ecritures ». Les prophètes ne parlaient pas seulement, mais ils écrivaient ce qu'ils disaient; non-seulement ils l'écrivaient, mais ils le représentaient en figures, comme Abraham conduisant Isaac, Moïse élevant le serpent, ou étendant les mains contre Amalec, ou immolant l'agneau de la Pâque.

« Touchant son Fils qui lui est né de David « selon la chair (3) ». Que faites-vous , Paul ? Après avoir élevé nos esprits, nous avoir fait pressentir des choses sublimes et mystérieuses, avoir parlé d'Evangile et d'Evangile de Dieu, introduit le choeur des prophètes et avoir démontré que tous ont prédit longtemps d'avance ces événements futurs ; après tout cela, dis-je, comment nous ramenez-vous à David ? De grâce, quel est l'homme dont vous parlez, et à qui vous donnez pour père le fils de Jessé ? Comment cela répond-il à ce que vous venez de dire ? — Cela y répond parfaitement; car, nous dit-il, il ne s'agit pas ici d'un pur mortel. Aussi ajoute-t-il : « Selon la chair », insinuant par là qu'il a aussi une génération selon l'Esprit.

Et pourquoi a-t-il commencé par là, et non par le côté le plus élevé ? Parce que Matthieu, Luc et Marc l'ont fait aussi. Car celui qui veut conduire au ciel, doit nécessairement commencer par ce qu'il y a de plus bas pour élever à ce qu'il y a de plus haut : c'est l'ordre suivi par le Verbe incarné. On l'a d'abord vu comme homme sur la terre, puis on a compris le Dieu. Ainsi la manière dont le Maître a réglé son enseignement, est celle que le disciple adopte pour tracer la voie qui conduit au ciel. Il parlera donc d'abord de la génération selon la chair, non parce qu'elle est la première , mais parce qu'il veut élever l'esprit de son auditeur de celle-là à l'autre.

« Qui a été prédestiné Fils de Dieu en puissance selon l'Esprit de sanctification, par la résurrection de Jésus-Christ d'entre les morts (4) ». La complication des termes rend ici le sens obscur; aussi devons-nous distinguer. Que dit-il donc ? Nous prêchons Celui qui est né de David : voilà qui est clair. Mais qu'est-ce qui montre que celui-là est aussi le Fils de Dieu qui s'est incarné ? La première preuve est tirée des prophètes; c'est pourquoi il « dit: Qu'il avait promis auparavant par ses prophètes dans les saintes Ecritures ». Ce genre de démonstration n'est pas sans valeur. La seconde ressort du mode de génération exprimée par ces mots : « De la race de David selon la chair », car cette naissance a été une dérogation à la loi de la nature. La troisième se tire des miracles qu'il a opérés, donnant ainsi une preuve de sa grande puissance, ainsi que l'indique ce mot : « En puissance ». La quatrième est tirée de l'Esprit-Saint qu'il a donné à ceux qui croient en lui, et par lequel il les fait tous saints ; ce que veulent dire ces paroles : « Selon l'Esprit de sanctification » car Dieu seul pouvait faire de tels dons. La cinquième est la résurrection du Seigneur : Car le Christ est le premier et le seul qui soit ressuscité par sa propre vertu : signe que le Sauveur lui-même donne comme le plus propre à fermer la bouche aux plus impudents. « Détruisez ce temple »; leur dit-il, « et je le relèverai en trois jours » (Jean, II, 19) ; « Quand vous aurez élevé le Fils de l'homme, c'est alors que vous connaîtrez ce que je suis ». (Id. VIII, 28.) Et encore : « Cette génération demande un miracle ; et il ne lui en sera point donné d'autre que celui de Jonas ». (Matth. XII, 39.) Que veut donc dire (194) « Prédestiné? » Montré, déclaré, jugé, confessé par le suffrage de tous, par les prophètes, par sa naissance inouïe selon la chair, par la puissance des miracles, par l'Esprit en qui il a donné la sanctification, par la résurrection qui a brisé la puissance de la mort.

« Par qui nous avons reçu la grâce et l'apostolat pour faire obéir à la foi (6) ». Voyez la reconnaissance du serviteur : il ne s'attribue rien, mais renvoie tout au Maître. Or le Seigneur lui-même a donné cet Esprit. Aussi disait-il : « J'ai encore bien des choses à vous dire, mais vous ne les pouvez porter à présent. Mais quand cet Esprit de vérité sera venu, il vous enseignera toute vérité ». (Jean, XVI, 12.) Et encore : « Séparez-moi Paul et Barnabé ». (Act. XIII, 2.) Et Paul nous dit dans l'Epître aux Corinthiens : « A l'un est donné par l'Esprit la parole de sagesse, à un autre la parole de science ». (I Cor. XII, 8) Et encore: « Lui-même distribue tout comme il veut ». (I Cor. XII, 11.) Prêchant aux Milésiens, il leur dit : « Dans lequel l'Esprit-Saint vous a établis pasteurs et évêques ». Voyez-vous comme il attribue au Fils ce qui est à l'Esprit, et à l'Esprit ce qui est au Fils? « La grâce et l'apostolat » ; c'est-à-dire, ce n'est pas nous qui avons mérité d'être apôtres. Ce n'est point par nos travaux et nos peines que nous avons obtenu cette dignité ; mais nous avons reçu la grâce, et ce ministère est un don d'en-haut. « Pour faire obéir à la foi ».

3. Ce n'était donc point là l'œuvre des apôtres, mais de la grâce qui les prévenait. Les voyages et la prédication étaient bien leur fait, mais la persuasion venait de Dieu qui agissait mieux; comme saint Luc nous le dit: « Il a ouvert leur coeur » ; et encore : « Ceux à qui il avait été donné d'entendre la parole de Dieu. — Pour faire obéir ». Il ne dit point: Pour chercher, pour démontrer; mais « Pour faire obéir ». Ce qui signifie : Nous n'avons pas été envoyés pour faire des raisonnements, mais pour rendre ce que nous avons reçu. Car quand le Maître prononce quelque chose, les auditeurs n'ont point à scruter et à s'enquérir curieusement, mais seulement à accepter. Les apôtres ont été envoyés pour dire ce qu'ils avaient entendu, et non pour y rien ajouter du leur; et nous, nous n'avons qu'à croire. Et quoi croire? « A son nom » (Act. III, 6) ; non pour nous livrer à des recherches curieuses sur sa substance, mais pour croire à son nom : car c'est ce nom qui opérait les miracles : comme il est écrit : « Au nom de Jésus-Christ, lève-toi et marche ». (Ib.) Ici il faut la foi, et nous ne pouvons rien comprendre par le raisonnement.

« Toutes les nations parmi lesquelles vous avez été, vous aussi, appelés par Jésus-Christ». Quoi donc ? Paul a-t-il prêché à toutes les nations ? On voit clairement par ce qu'il écrit aux Romains, qu'il est allé de Jérusalem en Illyrie, et de là aux extrémités de la terre. Mais quand il ne serait pas allé partout, sa parole n'en serait pas moins vraie : car il ne parle pas seulement de lui, mais des douze apôtres et de tous ceux qui ont évangélisé après eux. D'ailleurs quand vous prouveriez qu'il parle de lui seul, vous ne pourriez encore le contredire, si vous tenez compte de son ardeur, et si vous considérez qu'il ne cessé de prêcher par toute la terre même après sa mort. Voyez comme il exalte la grâce de l'Evangile, et fait voir qu'il est grand et bien au-dessus de la première, car l'ancien ordre de choses ne regardait qu'un seul peuple, tandis que le nouveau a conquis la terre et la mer ! Voyez encore comme l'âme de Paul est éloignée de toute flatterie ! Il parle aux Romains qui se trouvaient comme placés à la tête de l'univers entier, et pourtant il ne leur accorde pas plus qu'aux autres nations ; bien qu'ils régnassent sur les autres, il ne leur attribue rien de plus dans l'ordre spirituel : nous vous prêchons, leur dit-il, comme à toutes les autres nations; il les met au rang des Scythes et des Thraces; sinon, il eût été inutile de dire : « Parmi lesquelles vous avez été, vous aussi ». Il fait cela pour détruire leur orgueil, corriger leur vanité, et leur apprendre qu'ils ne sont point au-dessus des autres. Aussi ajoute-t-il: « Parmi lesquelles vous avez été, vous aussi, appelés par Jésus-Christ (6) ». C'est-à-dire, avec lesquelles vous avez été. Il ne dit point : a appelé les autres avec vous, mais vous a appelés avec les autres. Car, si dans le Christ Jésus il n'y a ni esclave ni libre, à plus forte raison ni roi ni particulier : aussi avez-vous été appelés et vous n'êtes point venus de vous-mêmes.

« A tous ceux qui sont à Rome, aux bien-aimés de Dieu, appelés saints, grâce à vous et paix de la part de Dieu notre Père et de Notre-Seigneur Jésus-Christ ». Voyez comme il répète continuellement le mot d'appelé : « Appelé à l'apostolat; parmi lesquelles vous (195) êtes, vous aussi, appelés; à tous ceux qui sont à Rome, aux appelés». Et ce n'est point ici une superfluité, mais il veut leur rappeler le bienfait. Car comme vraisemblablement il y avait, parmi les croyants, des chefs et des consuls, ainsi que des pauvres et de simples particuliers, il efface toute distinction de dignités, en leur donnant le même nom. Que si dans les choses les plus nécessaires, dans l'ordre spirituel, tout est communaux esclaves et aux hommes libres; l'amour de Dieu, la vocation, l'Evangile, l'adoption, la grâce, la paix, la sanctification et tout le reste : comment ne serait-il pas souverainement déraisonnable d'établir des distinctions temporelles entre ceux que Dieu a réunis et rendus égaux dans des choses plus importantes? Aussi, détruisant dès le début cette funeste maladie, le bienheureux les introduit-il tous dans la source de tous les biens, l'humilité. C'était le moyen de rendre meilleurs les serviteurs, en leur apprenant que leur condition ne leur faisait aucun tort, puisqu'ils possédaient la vraie liberté; cela inspirait aussi la modération aux maîtres, en leur faisant voir que la liberté ne sert à rien, si elle n'est précédée par la foi. Et ce qui vous prouve que Paul n'agit point ici au hasard et sans discernement, mais qu'il sait parfaitement faire la distinction vraie, c'est qu'à ces mots : « A tous ceux qui sont à Rome », il ajoute ceux-ci : « Aux bien-aimés de Dieu ». Excellente distinction en effet et qui nous apprend d'où vient la sanctification.

D'où vient donc la sanctification? de l’amour, Après avoir dit : Aux bien-aimés», il ajoute : « appelés saints » , indiquant que là est la source de tous les biens : or, ce nom de saints, il le donne à tous les fidèles. « Grâce à vous et paix ». O salutation pleine de bénédictions sans nombre C'est celle que le Christ a ordonné à ses apôtres de prononcer d'abord quand ils entrent dans les maisons. C'est pourquoi Paul débute ainsi partout, c'est-à-dire en souhaitant grâce et paix. Car ce n'est pas à une guerre médiocre, mais à une guerre variée, universelle, prolongée que le Christ a mis fin, non par nos travaux, mais par sa grâce. Donc, puisque l'amour nous a donné la grâce, et la grâce la paix, Paul en employant ces mots par forme de salut, demande que ces biens soient durables et permanents, pour empêcher la guerre de se rallumer; et il prie l'Auteur de ces dons de les consolider, en disant: « Grâce à  vous et paix par Dieu, notre Père et par Notre-Seigneur Jésus-Christ ». Ici le mot « par » est commun au Père et au Fils et a le même sens que « de la part de ». Il n'a pas dit: Grâce à vous et paix de la part de Dieu le Père, par l'intermédiaire de Notre-Seigneur Jésus-Christ; mais : « Par le Père et par Notre-Seigneur Jésus-Christ ».

O ciel ! que l'amour de Dieu est puissant ! Des ennemis, des hommes déshonorés sont devenus tout à coup des saints et des fils ! car, en nommant Dieu le Père, il indique qu'il y a des enfants, et en parlant d'enfants, il révèle le trésor de tous les biens. Persévérons donc dans une conduite digne d'un si grand bienfait, et conservons la paix et la sainteté. Les autres dignités sont passagères; elles s'évanouissent avec la vie présente et s'achètent à prix d'argent; aussi pourrait-on dire qu'elles ne sont point des dignités, mais des noms de dignités, puisqu'elles ne consistent que dans l'éclat des vêtements et dans les adulations des courtisans. Mais le don de la sanctification et de l'adoption venant de Dieu, ne disparaît point à la mort; c'est même alors qu'il nous fait briller et il nous accompagne jusqu'à la vie éternelle. Car celui qui conserve l'adoption et la sanctification avec fidélité, est beaucoup plus éclatant et plus heureux que celui qui porte le diadème et revêt la pourpre; il possède ici-bas une tranquillité parfaite, entretient les meilleures espérances, n'a aucun sujet d'agitation ni de trouble, mais jouit d'un bonheur perpétuel. Car ce n'est point l'étendue du commandement, ni l'abondance des richesses, ni l'orgueil du pouvoir, ni la vigueur du corps, ni le luxe de la table, ni l'éclat des vêtements, ni rien de mortel, qui donne la joie et la sérénité; mais les couvres spirituelles bien faites et une bonne conscience. Celui qui a la conscience pure, fût-il couvert de haillons et en lutte avec la faim, est plus joyeux que ceux qui nagent dans les délices; de même que celui qui a une conscience coupable, possédât-il toutes les richesses, est le plus malheureux des hommes. C'est pourquoi Paul, vivant toujours dans la faim et dans la nudité, flagellé tous les jours, était plus heureux et plus content que les rois d'alors; tandis qu'Achab, assis sur le trône, plongé dans les délices, mais coupable d'un crime, gémissait, était inquiet, avait les traits abattus et avant et après son péché. Si donc nous voulons être (196) heureux, avant tout fuyons le vice, et recherchons la vertu : convaincus qu'il n'y a pas d'autre moyen de parvenir au bonheur, fussions-nous même assis sur le trône. Aussi Paul disait-il : « Les fruits de l'Esprit sont la charité, la joie, la paix ». (Gal. V, 22.) Entretenons donc ces fruits en nous, afin de posséder la joie ici-bas, et d'obtenir le royaume éternel, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui la gloire est au Père en même temps qu'au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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