CHAPITRE DOUZIÈME.



Visions appartenant au temps compris entre le dimanche de Pâques et l'Ascension

Première agape.-Première communion.-Les disciples d'Emmaus.- Le Seigneur apparaît aux apôtres.-Première prédication des apôtres sur la résurrection.-Seconde agape.-Le Seigneur apparaît à Thomas,-Jésus apparaît près de la mer de Galilée avec les âmes des patriarches -Pierre, m'aimes-tu ! Le Seigneur apparaît au cinq cents disciples. Marie reçoit le Très Saint Sacrement. -Chants en choeur devant le Très Saint Sacrement.

1er avril. - Je vis un repas préparé par Nicodème dans le péristyle ouvert du cénacle pour les apôtres, les saintes femmes et une partie des disciples. Dix apôtres s'y trouvaient réunis dans l'après-midi : Thomas n'y était pas avec eux. Il se tenait volontairement un peu à l'écart. Tout ce qui se passa là était conforme à la volonté de Jésus. Pendant la cène il avait révélé à Pierre et à Jean qui étaient assis à côté de lui et auxquels il avait donné ensuite sa consécration sacerdotale, plusieurs mystères relatifs au Saint Sacrement et il leur avait ordonné d'en faire part aux autres par la suite en leur rappelant ses enseignements antérieurs.

Je vis d'abord Pierre et ensuite Jean communiquer aux huit autres apôtres rangés en cercle autour d'eux les mystères que le Seigneur leur avait confiés et leur faire connaître les intentions du Seigneur quant à la manière de distribuer ce sacrement et d'instruire les disciples. Je vis par l'effet d'une action surnaturelle tout ce que Pierre disait, dit en même temps par Jean. Tous les apôtres avaient leurs vêtements blancs de cérémonie : par-dessus ceux-ci Pierre et Jean portaient autour du cou une étole croisée sur la Poitrine et assujettie par une agrafe : celle des autres apôtres allait de l'épaule au côté et les deux extrémités étaient rattachées sous le bras à l'endroit où elles se croisaient. Pierre et Jean avaient été ordonnés prêtres par Jésus : les autres semblaient n'être encore que diacres.

Après cette instruction, les saintes femmes, au nombre de neuf, entrèrent dans la salle : Pierre s'entretint avec elles et les enseigna. Jean reçut près de la porte, dans le logement du maître d'hôtel, plusieurs des disciples les plus éprouvés, de ceux qui avaient été le plus longtemps avec le Seigneur : j'en comptai dix-sept. Parmi eux étaient Zachée, Nathanaël, Matthias, Barsabas et d'autres encore. Jean les aida à se laver les pieds et à s'habiller : ils mirent de longues robes blanches et des ceintures. Après l'instruction, Matthieu fut envoyé par Pierre à Béthanie, pour y enseigner pendant un repas du même genre qui devait avoir lieu chez Lazare en présence d'autres disciples en beaucoup plus grand nombre : il avait ordre de faire là ce que faisaient ici les apôtres.
On avait placé une longue table dans le vestibule qui était ouvert de tous les côtés sur la cour entourée d'arbres : la cour elle-même était entourée de murs. La table était d'une telle longueur que les disciples se trouvaient assis en plein air hors des bâtiments Aujourd'hui les hommes et les femmes étaient assis à la même table et en garnissaient tout le pourtour si ce n'est que du côté de la cour on avait laissé entre les convives trois espaces vides pour servir les mets. Les saintes femmes étaient au boude la table. Elles avaient des voiles, mais qui n'étaient pas baissés sur leur visage et elles portaient aussi de longues robes blanches. Elles n'étaient pas couchées en travers comme les hommes, mais assises les jambes croisées sur des espèces de petits escabeaux qui avaient une sorte de manche. Pierre et Jean étaient au milieu de la table, l'un vis-à-vis de l'autre : ils séparaient les rangs des hommes de ceux des femmes. Les apôtres et les dix-sept disciples étaient des deux côtés. Ils n'étaient pas couchés sur des lits de repos comme le jour de la sainte. cène, mais sur de petites nattes rembourrées aux côtés et pourvues par derrière d'un appendice, dans lequel la hanche gauche sur laquelle ils étaient couchés se plaçait commodément. Ces sièges ne se prolongeaient pas beaucoup au delà des genoux. Ils avaient devant eux un coussinet placé sur deux pieds plus élevés qui étaient assujettis par des traverses. Tous étaient couchés en travers près de la table. Les pieds de l'un reposaient près du des de l'autre : dans la maison de Simon et à la cène. Ils étaient aussi placés sur des sièges différents coté opposé à la table.

Le repas était un repas en règle : ils prièrent debout et mangèrent couchés : Pierre et Jean enseignèrent pendant tout le temps. A la fin du repas on plaça devant Pierre un pain plat avec des divisions marquées par des entailles qu'il subdivisa en morceaux plus petits : puis il fit circuler les parts à droite et à gauche sur deux assiettes. On fit ensuite circuler de même une grande coupe dans laquelle tout le monde but. Quoique Pierre eût béni le pain, ce n'était pourtant pas une distribution de la sainte Eucharistie, mais un repas fraternel, des agapes : Pierre prit encore la parole et dit qu'ils devaient tous ne faire qu'un, comme étaient un ce pain dont ils se nourrissaient et ce vin qu'ils buvaient. Après cela ils se levèrent et chantèrent des psaumes.

Lorsque la table eut été enlevée, les saintes femmes se rangèrent en demi cercle au bout de la salle. Les disciple se tenaient sur les deux côtés et les apôtres allaient et venaient, enseignant et communiquant à ces disciples plu mûrs, ce qu'il leur était permis de dire du Très Saint Sacrement. Ce fut comme le premier enseignement du catéchisme fait après la mort de Jésus. Je les vis ensuite se donner mutuellement la main et tous déclarer avec joie qu'ils étaient résolus à mettre leurs biens en commun, à sacrifier les uns pour les autres tout ce qu'ils possédaient, et à vivre dans la plus parfaite unité.

Je les vis alors saisis d'une grande émotion. Peut-être n'eurent-ils que le sentiment intérieur de ce que je vis se manifester extérieurement, car je les vis, inondés de lumière, se fondre en quelque sorte les uns dans les autres ; après quoi tout se perdit dans un temple ou une pyramide lumineuse où la sainte Vierge apparaissait comme étant à la fois le sommet et le point central de tout le reste. Il me sembla que des torrents de lumière se répandaient d'elle sur les apôtres et revenaient d'eux au Seigneur par la sainte Vierge. C'était un symbole de ce qu'ils étaient intérieurement les uns par rapport aux autres. Ainsi se termina pour moi cette vision.

Pendant ce temps Matthieu donnait des enseignements analogues et présidait à un repas du même genre, qui fut donné dans la cour de la maison de Lazare, et où assistaient des disciples en beaucoup plus grand nombre qui n'étaient pas préparés au même degré que ceux dont il vient d'être parlé.

Lundi de Pâques.-- Je vis ce matin les saintes femmes dans la maison de Marie, mère de Marc. Les apôtres avaient passé la nuit dans le vestibule du cénacle, les disciples dans les galeries latérales. Je vis de grand matin Pierre et Jean entrer dans le cénacle avec André. Ils se revêtirent de leurs vêtements sacerdotaux : les autres apôtres tirent de même dans le vestibule. Ensuite les trois apôtres tirant un rideau en tapisserie entrèrent dans le sanctuaire. C'était comme une petite chambre à part, ou plutôt une petite tente formée à l'aide de rideaux, dont le plafond moins élevé que celui de la salle, s'ouvrait en tirant un cordon orné de franges pour y faire arriver le jour, que donnaient des lucarnes rondes pratiquées dans la partie supérieure de la salle. On y avait placé la table de la sainte cène sur laquelle était posé le calice avec ses accessoires : le tout était recouvert d'un voile. A droite et à gauche des niches pratiquées dans le mur contenaient divers objets. Une lampe dont un seul bras était allumé brûlait devant le Très Saint Sacrement. Ils y allumèrent la lampe de Pâques qui était suspendue au milieu de la salle y apportèrent la table de la cène, et y exposèrent le Saint Sacrement dans sa pyxide ; après quoi ils éteignirent la lampe du sanctuaire.

Alors, les autres apôtres, parmi lesquels se trouvait Thomas, entrèrent et se rangèrent autour de la table. Une grande partie du pain consacré par Jésus pour être le Très Saint Sacrement de son corps, était conservé sur la petite patène qui se trouvait au-dessus du calice, recouverte d'une cloche de métal surmontée d'un bouton. Un voile blanc était étendu sur le tout. Pierre tira la table à coulisse qui était au-dessous, la recouvrit avec le voile et y plaça la patène avec le Très Saint Sacrement. André et Jean se tenaient derrière lui et priaient. Pierre et Jean s'étant inclinés prirent eux-mêmes le Saint Sacrement : ensuite Pierre fit passer la patène et chacun se communia lui-même. Il ne restait plus dans le calice que la moindre partie du vin consacré par Jésus ; ils y versèrent un peu de vin et d'eau et en burent successivement. Après cela ils chantèrent des psaumes, firent des prières et recouvrirent les vases sacrés qu'ils reportèrent ainsi que la table à la place où ils les avaient pris. Ce fut la première fois que je vis les onze célébrer le service divin.

Thomas partit aujourd'hui pour un petit endroit des environs de Samarie avec un disciple qui était de ce pays.

Je vis Luc qui n'était avec les disciples que depuis quelque temps, mais qui avait reçu antérieurement le baptême de Jean, assister le dimanche soir aux agapes qui avaient lieu à Béthanie et à l'instruction sur le Saint Sacrement que Matthieu y avait faite. Je le vis après cette instruction, assailli de doutes et tout soucieux, se rendre à Jérusalem, entrer dans la maison de Jean Marc et y passer la nuit.

Plusieurs autres disciples se trouvaient réunis dans cette maison, entre autres Cléophas, petit-fils de l'oncle maternel de Marie de Cléophas. Celui-ci avait assisté à l'instruction et aux agapes qui avaient eu lieu au cénacle. Les disciples parlaient de la résurrection de Jésus et ils doutaient : Luc et Cléophas étaient de ceux dont la foi était la plus hésitante. Comme en outre il y avait eu une nouvelle notification de l'ordre du grand-prêtre qui défendait de donner le logement et la nourriture aux disciples de Jésus, ces deux-ci qui se connaissaient particulièrement prirent la résolution de s'en aller à Emmaus. Ils quittèrent la réunion : l'un d'eux prit à droite en sortant de la maison de Jean Marc et se dirigea au nord en contournant l'enceinte extérieure de Jérusalem, l'autre se dirigea du côté opposé, comme s'ils avaient voulu éviter qu'on les vît ensemble. Le premier ne rentra pas dans la ville, l'autre gagna la porte en passant entre des murs. Ils se réunirent sur une colline qui était devant la porte : ils avaient des bâtons à la main et portaient avec eux un petit bagage. Luc avait une besace de cuir et je le vis souvent s'écarter du chemin pour cueillir des plantes.

Luc n'avait pas vu le Seigneur dans ces derniers temps : il n'avait pas assisté non plus aux instructions données par le Seigneur chez Lazare : il s'était trouvé quelquefois à l'hôtellerie des disciples près de Béthanie et il était aussi allé à Machérunte chez des disciples. Jusqu'alors il n'avait pas été disciple en titre et ce fut la première fois qu'il s'adjoint sérieusement aux amis de Jésus : toutefois il avait eu des rapports fréquents avec les disciples : il était curieux et fort désireux d'acquérir de la science.

Je sentis intérieurement que tous deux étaient troubles, qu'ils doutaient et qu'ils voulaient se parler de tout ce qu'ils avaient entendu. Ce qui les déconcertait par-dessus tout, c'était que le Seigneur eût été crucifié si ignominieusement. Ils ne pouvaient pas comprendre que Rédempteur, le Messie, pût être ainsi outragé et maltraité. Voilà ce que j'ai retenu de ce qui me fut communiqué pendant leur entretien : je fis tout le chemin avec eux à travers une contrée très agréable.

Comme ils étaient à moitié chemin, je vis, longtemps avant qu'ils le remarquassent, Notre Seigneur s'approcher par un chemin de traverse. Lorsqu'ils l'aperçurent, ils ralentirent le pas, comme pour laisser passer cet étranger devant eux, et comme s'ils eussent craint qu'on n'entendît leur conversation. Mais Jésus de son côté ralentit sa marche et il n'arriva sur le chemin que lorsqu'ils eurent pris les devants. Je le vis marcher quelque temps derrière eux, puis s'approcher et leur demander de quoi ils s'entretenaient. J'entendis aussi une grande partie de ce qu'il leur dit, je l'ai écouté avec un plaisir extraordinaire, mais des tracas de toute espèce me l'ont fait oublier. Il fut fort question de Moïse.

Devant Emmaus qui est un joli endroit très propre, le Seigneur parut vouloir prendre un chemin qui tournait au midi dans la direction de Bethléem, mais ils le contraignirent d'entrer avec eux dans une maison qui faisait partie du second groupe de maisons d'Emmaus. Il n'y avait pas de femmes dans cette maison qui me parut destinée à donner des fêtes : car il semblait qu'on en eût célébré une récemment et il en restait des traces (peut-être des décorations). La pièce principale était carrée et fort propre : la table était couverte d'une nappe et il y avait des lits de repos comme ceux qui figuraient aux agapes du jour de Pâques. Un homme apporta un rayon de miel dans une espèce de corbeille tressée, un grand gâteau de forme carrée et un petit pain azyme, mince et diaphane, qui fut placé devant le Seigneur en sa qualité d'étranger auquel on faisait les honneurs. L'homme qui apporta le gâteau avait une bonne figure : il portait une espèce de tablier qui le faisait ressembler à un cuisinier ou à un maître d'hôtel ses cheveux étaient noirs. Du reste, il n'assista pas à la scène solennelle qui suivit. Le gâteau était épais : des lignes empreintes dans la pâte y traçaient des compartiments larges de deux doigts. Il y avait sur la table un couteau qui n'était pas en métal : j'en avais vu de semblables aux repas de Cana. Il était blanc comme s'il eût été de pierre ou d'os, il n'était pas droit, mais un peu recourbé, ce qui lui donnait à peu près la forme d'un sabre et pas plus grand qu'une grande lame de couteau chez nous : on en voyait quelquefois plusieurs de formes différentes, attachés ensemble avec une goupille. Avant de manger, ils appuyèrent le tranchant du couteau qui était tout à fait en avant, sur les lignes tracées d'avance à la surface du pain : ensuite ils détachèrent les parts ainsi entaillées.

Ils firent d'abord une prière, puis Jésus se mit à table et commença par manger avec eux du gâteau et du miel : il prit ensuite le petit pain azyme sur lequel des divisions étaient marquées, et après l'avoir entaillé avec le couteau blanc en os, il en détacha trois parts en un seul morceau. Il mit ce morceau sur le petit plat, le bénit et s'étant levé de sa place, il l'éleva avec les deux mains, et pria les yeux tournés vers le ciel. Les deux disciples se tenaient debout en face de lui, profondément émus et comme hors d'eux-mêmes. Le Seigneur ayant rompu le pain dont il fit trois parts, ils avancèrent la tête par-dessus la table jusqu'à sa main, ouvrirent la bouche et y reçurent chacun leur portion. Mais je le vis disparaître au moment même où il faisait le geste de porter à sa bouche le troisième morceau. Je ne puis pas dire qu'il l'y ait reçu en effet. Les morceaux de pain devinrent lumineux lorsqu'il les eut bénis. Je vis les deux disciples rester immobiles et comme pétrifiés pendant quelques instants, puis ils se jetèrent dans les bras l'un de l'autre en versant des larmes d'attendrissement.

Cette scène fut singulièrement touchante à cause de l'affectueuse bonté que mit le Sauveur dans tous ses actes et toutes ses paroles, de la joie silencieuse des deux disciples lorsqu'ils l'écoutaient sans savoir que c'était lui et de leur ravissement lorsqu'ils le reconnurent et qu'il disparut. Cléophas et Luc repartirent sur-le-champ pour retourner en toute hâte à Jérusalem.

Le soir du lundi de Pâques, je vis tous les apôtres, à l'exception de Thomas, réunis dans le cénacle ; il y avait aussi plusieurs disciples parmi lesquels Nicodème et Joseph d'Arimathie. Les portes de la maison et celles de la salle étaient fermées : au plafond était suspendue une lampe sous laquelle je les vis s'entretenir et, à trois reprises différentes, se ranger en cercle pour prier. Ils semblaient occupés comme du complément d'une fête consacrée au deuil. Tous avaient de longues robes blanches avec des ceintures : trois d'entre eux portaient des vêtements particuliers et tenaient à la main des rouleaux d'écriture.

Le premier de ces trois était Pierre. Son ample robe blanche, un peu plus longue par derrière que par devant, était serrée par une ceinture plus large que la main d'où tombaient sur chaque genou deux bandes d'étoffe de la même largeur terminées par deux pointes. Par derrière, la ceinture était nouée très simplement et ses deux extrémités qui se croisaient descendaient plus bas que les appendices placés sur le devant. Tout cela était noir comme la ceinture elle-même et couvert de grandes lettres blanches. Les manches étaient très larges : l'une d'elles semblait l'être plus que l'autre, elle servait de poche au besoin. On y mettait toute sorte de choses, même des écrits contenant des prières. Ils portaient encore attaché au-dessus du coude une espèce de manipule plus large avec deux bandes pendantes au-dessous du bras et terminées par des franges : il était, comme la ceinture, noir et couvert de lettres blanche'. Ils avaient autour du cou une sorte d'étole étroite par derrière, s'élargissant sur les épaules et croisée sur la poitrine où elle était assujettie par une plaque en forme de coeur. Cette plaque était luisante comme du cristal, il y avait comme des boutons ou peut être une figure : je ne sais pas si c'était un ornement symbolique ou tout simplement un fermoir. Les deux autres qui étaient auprès de Pierre avaient l'étole croisée sous le bras et des franges plus courtes à la ceinture Tous, en priant, mettaient leurs mains en forme de croix sur la poitrine. Quand ils priaient, ils se tenaient rangés en cercle sous la lampe : les apôtres formaient le cercle le plus rapproché et Pierre, placé entre ses deux assistants, se tenait le des tourné à la porte qui était fermée. Deux personnes tout au plus, étaient derrière lui : les autres formaient le cercle, rangées trois par trois

Cléophas et Luc, qui étaient revenus en toute hâte d'Emmaus à Jérusalem, coururent aussitôt au cénacle : la porte de la cour étant fermée ainsi que la maison, ils frappèrent et furent introduits. Dans le vestibule ouvert qui précédait la salle se trouvaient la sainte Vierge, Marie de Cléophas et Madeleine qui assistaient aux exercices religieux des apôtres et des disciples ; ceux-ci étaient rangés en cercle sous la lampe, mais de manière à ce que le cercle fût ouvert du côté du Très Saint Sacrement. Pierre place entre Jean et Jacques le Mineur priait et enseignait.

Ils avaient déjà une fois interrompu leurs prières pour s'entretenir ensemble. Tout cela semblait être une action de grâces, car aujourd'hui, à Jérusalem, on faisait la clôture des fêtes de Pâques. Quoique Jésus eût apparu déjà à Pierre, à Jean, à Jacques et aux frères de celui-ci, je voyais, à mon grand étonnement, que presque tous doutaient encore : il leur venait sans cesse à l'esprit que ce n'était pas Jésus en personne, mais une vision du genre de celle qu'avaient eue les prophètes.

Ils s'étaient remis en prière lorsque les deux disciples entrèrent d'un air joyeux et apportèrent leurs nouvelles Les prières furent interrompues et on s'entretint à ce sujet.

Comme après leur seconde pause, ils venaient de se remettre en rang pour la prière, je vis leurs visages s'illuminer pour ainsi dire et rayonner d'une joie intime, et je vis le Seigneur apparaître en deçà de la porte qui était fermée. Il avait une longue robe blanche avec une ceinture très simple. Ils ne parurent avoir qu'une impression vague de sa présence, jusqu'au moment où passant à travers leurs rangs, il se plaça au milieu d'eux sous la lampe : ils furent alors saisis d'étonnement et profondément émus. Il leur montra ses mains et ses pieds et ouvrit sa robe pour leur faire voir la plaie du côté. Il leur parla et comme ils étaient frappés de terreur, il demanda à manger. Je vis de la lumière sortir de sa bouche et se diriger vers eux. Ils étaient comme hors d'eux-mêmes.

Je vis encore que Pierre, passant derrière une cloison mobile ou un rideau suspendu, alla dans une partie séparée de la salle que l'on ne remarquait pas, parce que la tapisserie qui formait la séparation était de la même étoffe que celle dont les murs étaient revêtus. Outre cet endroit où le Très Saint Sacrement reposait au-dessus du foyer pascal, il y avait encore sur le côté un compartiment où ils avaient replacé la table haute d'un pied sur laquelle ils avaient mangé, couchés au-dessous de la lampe. Sur cette table était un plat profond de forme ovale et couvert d'un linge blanc, que Pierre apporta au Seigneur. Il s'y trouvait un morceau de poisson et un peu de miel : Jésus rendit grâces7 bénit les mets, en mangea et en donna à quelques-uns des assistants seulement. Il en distribua aussi à sa Mère et aux autres saintes femmes qui se tenaient à l'entrée du vestibule.

Après cela je le vis enseigner et distribuer des grâces. Il y avait autour de lui un triple cercle au milieu duquel étaient les dix apôtres : Thomas n'était pas présent. chose surprenante, je vis qu'une partie de ses paroles et de ses communications ne fut perçue que par les seuls apôtres, je ne puis pas dire entendue, car je ne vis pas Jésus remuer les lèvres. Il était tout lumineux, la lumière rayonnait sur eux de ses mains, de ses pieds, de son côté et de sa bouche, comme s'il eût soufflé sur eux : cette lumière coulait sur eux ; ils savaient, ils venaient d'être informés (sans que j'aie vu la bouche articuler, ni les oreilles entendre), qu'ils pourraient remettre les péchés, qu'ils baptiseraient, guériraient, imposeraient les mains et boiraient du poison sans qu'il leur fît de mal. Je ne sais pas comment cela se faisait, mais je sentis qu'il ne leur donna pas ce pouvoir avec des paroles, qu'il ne leur dit pas ces choses avec des paroles et que tous ne l'entendirent pas ; il leur communiqua tout cela en essence, comme au moyen d'une substance, d'un rayon partant de lui et entrant en eux. Je ne sais pourtant pas si eux-mêmes eurent le sentiment de l'avoir reçu ainsi, ou s'ils crurent l'avoir entendu à la manière ordinaire ; mais j'eus le sentiment que le cercle le plus rapproché, celui des apôtres, avait seul perçu ou compris tout cela. C'était comme un langage intérieur, et cependant cela ne ressemblait pas à des paroles dites à l'oreille et à voix basse. Jésus leur expliqua plusieurs points des saintes Écritures qui avaient rapport à lui ou au Très Saint Sacrement, et il indiqua certains honneurs à rendre au Très Saint Sacrement après la célébration du sabbat. Il parla à cette occasion de l'objet sacré de l'arche d'alliance qui était devenu maintenant le Très Saint Sacrement. Il parla des ossements et des reliques des patriarches qu'il fallait vénérer afin d'obtenir leur intercession. Il dit alors quelque chose d'Abraham et des ossements d'Adam que ce patriarche avait en sa possession et qu'il mettait sur l'autel lorsqu'il sacrifiait. Il y eut encore un point relatif au sacrifice de Melchisédech que Je ils à cette occasion : c'était très remarquable, mais je l'ai oublié. Jésus dit encore que la robe de plusieurs couleurs donnée à Joseph par son père Jacob avait été une figure symbolique de la soeur de sang sur la montagne des Oliviers. Je vis à cette occasion la robe de Joseph. Elle était blanche avec de larges raies rouges : il y avait sur la poitrine trois rubans noirs placés en travers et au milieu un ornement jaune. Elle était large par le haut, de manière à ce qu'on pût y mettre quelque chose, et serrée à la taille par une ceinture ; elle était étroite par le bas et il y avait des entailles sur le côté pour laisser du jeu à la marche Elle descendait jusqu'à terre et était plus longue par derrière que par devant. La robe ordinaire de Joseph ne descendait que jusqu'aux genoux.

Jésus dit encore aux disciples que l'arche d'alliance avait contenu des ossements d'Adam qui avaient été donnés à Joseph par Jacob avec la robe de plusieurs couleurs : je vis que Jacob les donna à Joseph sans que celui-ci sût ce que c'était. Il les lui donna dans l'excès de sa tendresse comme une protection et un trésor, parce qu'il savait bien que les frères de Joseph ne l'aimaient pas. Joseph portait ces ossements sur sa poitrine dans une espèce de sachet fait de deux morceaux de cuir et de forme carrée, sauf qu'il était arrondi par en haut. Lorsque ses frères le vendirent, ils lui enlevèrent sa robe de plusieurs couleurs et son vêtement de dessous ; mais il avait encore une bande d'étoffe autour du corps et sur la poitrine une espèce de scapulaire au-dessous duquel était suspendu ce sachet. Jacob, à son arrivée en Égypte, demanda à Joseph où était ce trésor et il lui révéla que c'étaient des ossements d'Adam. A cette occasion je vis de nouveau les ossements d'Adam qui sont sous la montagne du Calvaire : ils sont blancs comme la neige et pourtant très durs. Les ossements de Joseph lui-même étaient aussi conservés dans l'arche.

Jésus parla encore du mystère de l'arche d'alliance ce mystère, dit-il, était maintenant son corps et son sang qu'il leur avait donnés pour toujours dans le sacrement. Il Parla aussi de sa Passion, et raconta à propos de David quelque chose de merveilleux qu'ils ignoraient et qu'il leur expliqua.

Jésus leur ordonna aussi d'aller dans le pays de Sichar et d'y rendre témoignage de sa résurrection.

Après cela le Seigneur disparut et je vis les assistants tout ivres de joie se mêler confusément. Ils ouvrirent la porte et je les vis aller et venir ; toutefois ils se rassemblèrent de nouveau pour prier sous la lampe et chanter des cantiques d'actions de grâces et de réjouissances.

Sur la question qui lui fut faite pour savoir si l'arche d'Alliance, dont elle parlait si souvent, existait encore dans le temple au temps de Jésus, Anne Catherine répondit : " Non, l'ancienne arche d'alliance n'y était plus, mais on en avait fait une imitation. Elle était construite sur le modèle de l'arche de Noé ; il y avait une ouverture sur le côté et encore une autre dans la partie supérieure. L'objet sacré y était encore, car les prêtres l'avaient retiré de l'ancienne arche avant qu'elle se fût perdue. Les tables de la loi ne s'étaient pas perdues. Mais dans le dernier temple il ne restait que peu de chose de l'objet sacré, car plus on priait devant, plus il s'amoindrissait ". Précédemment Anne Catherine avait dit une fois : " Joachim a reçu l'objet sacré tout entier et il y eut dans la personne de Marie une nouvelle arche d'alliance ". Elle dit encore que les anges qui étaient placés au-dessus de l'arche d'alliance ne reposaient pas sur l'arche elle-même, autrement on n'aurait pas pu la porter : ils reposaient sur un ornement qui la surmontait, je visage tourné à l'extérieur ; leurs ailes se touchaient presque. On les retirait de là lorsqu'il y avait un voyage à faire.

3 avril.-- Cette nuit même les apôtres, sur l'ordre que leur en avait donné Jésus, allèrent à Béthanie en groupes séparés, et quelques-uns, en outre, firent des courses dans Jérusalem, notamment chez Véronique. Ils donnèrent diverses destinations aux disciples : quelques-uns de ceux-ci restèrent à Béthanie et instruisirent les plus faibles soit à la synagogue, soit dans la maison de Lazare, chez lequel se trouvaient Nicodème et Joseph d'Arimathie. Là aussi se trouvait ce fils de Siméon qui avait immolé l'agneau pour le repas pascal de Jésus. Il avait un nom bien connu : plus tard il fut assez longtemps compagnon de Paul et il raconta à celui-ci beaucoup de choses concernant la cène. Je le vis séjourner avec Paul dans la ville où la marchande de pourpre se convertit

Plusieurs des anciens disciples restèrent à Béthanie avec un certain nombre des nouveaux qu'ils instruisirent. Les saintes femmes, de leur côté, étaient toutes réunies dans un bâtiment attenant à la maison de Lazare et entouré d'une cour et d'un fossé.

Note : Tous les détails donnés en diverses occasions sur l'Arche d'alliance par Anne-Catherine seront communiqués complètement et de manière à former un ensemble dans les visions relatives à l'Ancien-Testament. (Note de l'Editeur)

On y entrait par la rue et c'était là qu'avaient habité antérieurement Madeleine et Marthe.

Les apôtres, avec une troupe de disciples parmi lesquels se trouvait Luc, allèrent dans la direction de Sichar et se divisèrent sur divers chemins pendant le voyage. Ils enseignèrent ça et là dans des hôtelleries et sur la route. Ils racontèrent la Passion et la résurrection de Jésus. Ce fut une préparation aux conversions qui eurent lieu le jour de la Pentecôte.

Luc, qui faisait partie de cette troupe, était né dans les environs d'Antioche de parents païens tenant un rang honorable, mais il avait embrassé le judaïsme. Il savait peindre et il était médecin de profession : il s'était formé par de longs voyages, notamment en Egypte. En Palestine, il s'était mis en rapport avec les disciples de Jésus et avait eu connaissance de sa doctrine : il avait dès lors attaché beaucoup moins d'importance à sa propre science. Il soignait les malades, suçait leurs plaies, non sans prendre beaucoup sur lui, et y appliquait des simples. Ce ne fut qu'après l'apparition d'Emmaus qu'il devint vraiment un disciple zélé.

Nicodème est marié : sa femme devait être morte à cette époque ; ses fils sont dans des écoles juives. Joseph d'Arimathie et lui avaient plusieurs habitations à Jérusalem ; mais c'était dans la maison du cénacle qu'ils se réunissaient le plus souvent.

Pilate a quitté Jérusalem par suite du trouble intérieur qui l'agite. Hérode est parti depuis deux jours déjà pour Machérunte, mais il n'y a pas trouvé le repos et il est allé plus loin, jusqu'à Madian. Les habitants de cette ville, qui n'avaient pas accueilli le Seigneur lorsqu'il était venu, Ouvrirent leurs portes au meurtrier. Simon le Cyrénéen est à Béthanie, près des disciples. Je crois qu'il a trouvé là deux de ses fils qui s'étaient réunis à eux sans qu'il le sût. C'était un homme pieux, natif de Cyrène, qui avait coutume de venir pour les fêtes à Jérusalem où il travaillait dans les jardins de diverses familles dont il était connu et taillait les haies. Il mangeait alors tantôt dans une maison, tantôt dans une autre : c'était un homme juste et qui parlait très peu. Ses fils étaient depuis longtemps à l'étranger et ils s'étaient réunis aux disciples, sans qu'il en eut connaissance, ainsi qu'il arrive souvent pour les enfants de parents pauvres.

4 avril.-- Les apôtres et les disciples qui s'étaient dispersés sur le chemin se réunirent devant Sichar dans une grande hôtellerie où le Seigneur avait guéri un grand nombre de malades pendant le dernier séjour qu'il y avait fait. Il y a des bains dans le voisinage et il s'y trouve comme une espèce d'hôpital. Les disciples restèrent là et les apôtres allèrent dans la ville chez un homme de leur connaissance ; je crois que c'était le père de Sylvain et qu'il était le propriétaire ou le surveillant de l'hôtellerie qui était hors de ta ville. Le disciple Sylvain les avait conduits chez son père et leur avait fait préparer un repas et tout ce dont ils pouvaient avoir besoin.

Pierre enseigna dans une école devant tout le peuple. Il parla de la Passion et de la résurrection de Jésus et spécialement de la nécessité de se mettre à sa suite : le temps était venu, disait-il, de tout quitter pour s'agréger à la communauté Il engagea tous les amis de Jésus qui étaient fort découragés, à venir à Jérusalem et à mettre en commun tout ce qu'ils possédaient : ils ne devaient pas avoir peur des Juifs, leur dit-il, ceux-ci ne feraient rien contre eux, car ils les craignaient, etc.

Ils prirent un repas dans l'hôtellerie qui est devant la ville. Thomas vint les y trouver avec deux autres disciples. Il était allé de son côté avec un disciple des environs de Samarie dans la patrie de celui-ci. C'était un des disciples qui accompagnaient Jésus lors de son entretien avec la Samaritaine près du puits de Jacob.

Note : La narratrice veut incontestablement parler de la ville de Thenath-Silo, située à trois lieues à l'est de Sichar, où Jésus enseigna et opéra des guérisons après son retour du voyage au pays des rois Mages.

Elle croit que le Pèlerin connaît cette circonstance : mais dans les visions qui se rapportent au temps en question, il y a eu une lacune causée par des tracas extérieurs, d'où il résulte que l'incident auquel elle fait allusion n'a pas été mentionné.

Il en vint encore un autre avec lui ; c'était un des fils du vieux Siméon, le même dont je disais hier qu'il était allé de Jérusalem à Béthanie et qu'il avait immolé l'agneau pascal au cénacle. Il était employé au service du temple et y faisait, je crois, les fonctions de rabbin. Ce n'est pas ce fils de Siméon qui périt à Jérusalem avec Jacques le Mineur. Plus tard il fut souvent avec saint Paul, mais jamais longtemps de suite, car l'apôtre l'envoyait sans cesse ailleurs. Il était avec lui dans la ville où la marchande de pourpre se convertit ; il l'accompagnait aussi lorsqu'il revint de l'endroit où il avait été jeté en prison après son naufrage. J'ai su son nom et j'ai vu plusieurs fois les lettres dont il se composait. (Ici la narratrice balbutia plusieurs fois les syllabes Man, Mamio 1.)

Note : Antérieurement elle l'avait appelé Obed : peut-être que plus tard il changea de nom et prit celui de Mamio : beaucoup d'autres changèrent ainsi de nom, probablement à cause de la persécution.
(Note du Pèlerin)

Elle l'avait aussi vu faire un miracle. Il apparut au moment de la mort à une pécheresse convertie qui avait reçu de saint Ambroise une de ses reliques. Elle avait nu cela dans une vision touchant saint Ambroise (dont on fait aujourd'hui la fête dans le diocèse de Munster).

Lorsque Thomas vint rejoindre les apôtres dans la maison du père de Sylvain, je vis qu'ils lui racontèrent l'apparition du Seigneur parmi eux, mais il fit un geste de dénégation et déclara qu'il n'y croirait pas jusqu'à ce qu'il eût touché ses plaies ; ils allèrent ensuite retrouver les disciples hors de la ville et ceux-ci lui ayant affirmé à leur tour la vérité de l'apparition, il témoigna la même incrédulité. Après la mort du Christ, Thomas s'est tenu un peu plus à l'écart de la communauté : c'est là ce qui a causé son manque de foi. Le lundi, après avoir fait la communion le matin avec les apôtres, il était allé avec des disciples dans un petit endroit situé derrière Samarie, à quelque distance de la route. Il y était reste jusqu'au mercredi soir ou il vint trouver les apôtres à Thenath-Silo. Je vis cela dans une vision dans laquelle j'aperçus comme à vol d'oiseau les endroits où se trouvaient les apôtres : je vis alors Thomas seul avec deux disciples dans un endroit éloigné.

Il me revient encore quelque chose touchant Mamio. Il était avec saint Paul lors d'une émeute excitée par un orfèvre : plus tard ce fut lui qui attira l'attention de Lydie, la marchande de pourpre, sur la prédication de Paul. Il fit infiniment de bien par son intervention charitable et il gagna beaucoup de personnes à l'Eglise. Il se trouvait aussi dans un endroit où Paul fut arrêté. A ce propos Silas me revient aussi en mémoire. Ce compagnon de voyage de Jésus a certainement été attaché à Paul comme disciple et je crois qu'il lui a fait part de bien des choses.

Pendant ces jours-ci, je vis à Jérusalem des affidés des princes des prêtres aller dans les maisons dont les propriétaires s'étaient trouvés en rapport avec Jésus et ses disciples, leur retirer les emplois publics qu'ils pouvaient avoir et défendre de communiquer avec eux. Depuis qu'ils avaient mis le Christ au tombeau, Nicodème et Joseph d'Arimathie n'avaient plus eu aucun rapport avec les Juifs. Joseph d'Arimathie était comme un des anciens de la communauté, et il était toujours vis-à-vis des Juifs comme un homme qui, par des services rendus sans bruit et par l'action intelligente qu'il n'ai ait cessé d'exercer, avait conquis l'estime de tous, même celle des méchants. Je vis avec beaucoup de plaisir le mari de Véronique se montrer plein de condescendance pour elle lorsqu'elle lui déclara qu'elle se séparerait plutôt de lui qui de Jésus le crucifié. Je vis aussi qu'il ne se mêlait plus des affaires publiques, mais il me fut dit que c'était plutôt par affection pour sa femme que par attachement pour Jésus. Je vis en outre les Juifs rendre impraticables les chemins qui menaient au Calvaire et au saint Sépulcre en les barrant par des fossés et des clôtures, parce que beaucoup de gens allaient visiter ces saints lieux, et qu'il s'y faisait des conversions et des miracles. A Béthanie les disciples continuaient à prêcher tranquillement.

5 avril . Les apôtres ont guéri ici un très grand nombre de malades parmi lesquels des lunatiques : ils ont aussi chassé des démons. Je les vis procéder en cela absolument comme Jésus, je les vis souffler sur les malades, leur imposer les mains ou s'étendre sur eux. C'étaient uniquement des malades que Jésus avait omis de guérir lors de son dernier se jour. Je vis les habitants de l'endroit se montrer en en général très bienveillant pour les apôtres. Les disciples ne guérissaient pas, mais ils rendaient des services aux malades en les portant, les soulevant, les conduisant. Luc qui était médecin s'était fait maintenant infirmier.

Le soir Pierre enseigna dans l'école jusqu'à une heure avancée de la nuit. Il s'expliqua franchement sur la manière dont eux-mêmes s'étaient conduits envers Jésus. Il parla avec beaucoup de détails des dernières prédictions et des derniers enseignements du Sauveur, ce son amour inexprimable, de sa prière sur le mont des Oliviers, de la trahison de Judas et de sa triste fin. Les gens de l'endroit en furent très surpris et très contristés : car ils avaient aimé Judas, qui, pendant l'absence de Jésus, avait rendu des services à beaucoup d'entre eux et qui avait même opéré des miracles. Pierre ne s'épargna pas lui-même : il raconta sa fuite et son reniement en versant des larmes amères, sur quoi tout l'auditoire pleura avec lui : sa douleur devint de plus en plus vive et il raconta de la manière la plus éloquente avec quelle cruauté les Juifs avaient traite Jésus, comment il était ressuscite le troisième jour, comment il était apparu aux saintes femmes, à lui-même, à d'autres encore. enfin aux apôtres et aux disciples réunis, et il en appela au témoignage de tous ceux des assistants qui l'avaient vu. Là-dessus il y en eut bien une centaine qui levèrent la main en l'air. Thomas garda le silence et ne fit pas comme les autres : rien ne pouvait encore vaincre son incrédulité. Pierre parla encore longtemps et engagea ses auditeurs à venir à Jérusalem. Ils étaient tous très émus et beaucoup se convertirent Ils voulaient que les apôtres restassent parmi eux, mais Pierre déclara qu'ils repartiraient le lendemain : je les ai vus se mettre en route le vendredi avant le lever du soleil. Beaucoup de personnes les accompagnèrent sur le chemin ; quelques-unes allèrent avec eux, d'autres vinrent les rejoindre plus tard.

Je vis les disciples qui étaient à Béthanie continuer à enseigner, et les saintes femmes St' tenir en silence dans la maison attenante à celle de Lazare. La mère de Dieu est triste, mais sa tristesse est pleine de gravité : je vois souvent Marie de Cléophas, qui est singulièrement affectueuse et qui est celle de toutes qui ressemble le plus à Marie, se pencher tendrement vers elle et la consoler d'une manière touchante. Marie est silencieuse : il y a en elle je ne sais quoi d'auguste : sa douleur n'est pas une douleur humaine.

Madeleine est transportée de douleur et d'amour : elle est comme hors d'elle-même : elle ne sait ce que c'est que la crainte : elle est d'un courage héroïque et qui ne tient compte d'aucune difficulté : souvent elle court à travers les rues, les cheveux épars, et partout où elle rencontre des auditeurs, soit dans les maisons, soit eu public, elle s'élève contre les meurtriers du Seigneur, raconte en termes très chaleureux les traitements qu'on lui a 1ait subir, et parle de sa résurrection : quand elle ne trouve personne pour l'écouter, elle erre à travers les jardins et parle aux fleurs, aux arbres et aux fontaines. Souvent on se rassemble autour d'elle, quelques-uns la prennent en pitié, d'autres l'injurient et lui reprochent sa vie passée. Le peuple n'a aucune considération pour elle ``a cause des grands scandales qu'elle a donnes autrefois. J'ai vu que la douleur violente dont elle est maintenant transpercée scandalisait plusieurs Juifs, au point que cinq d'entre eux voulaient s'emparer d'elle et la faire enfermer, mais, elle va droit son chemin au milieu d'eux et ne change rien à ses allures, car elle a oublié le monde entier et ne cherche que Jésus. Elle semble avoir perdu la raison.

Pendant la dispersion des disciples et le long supplice du Seigneur, Marthe eut de pénibles fonctions à remplir et elle les a encore : brisée par la douleur comme elle l'était, elle veillait à tout et s'occupait de tout le monde. Elle nourrissait et soignait tous ceux qui étaient dispersés et errants : elle pourvoyait à tous les besoins. Elle est aidée dans tout cela, spécialement pour la préparation des aliments, par Jeanne, Veuve de Chusa, serviteur d'Hérode. C'est une personne que j'ai vue depuis longtemps se rendre utile à la communauté par sa grande activité et les travaux de toute espèce auxquels elle se livrait : maintenant c'est de la cuisine qu'elle s'occupe particulièrement.

Le cénacle a pour gardiens de tout jeunes gens : ce sont, je crois, des fils ou des serviteurs du majordome. Nicodème et Joseph d'Arimathie y vont de temps en temps.

Pendant ces jours-ci, j'ai vu .Jésus apparaître en plusieurs endroits : la dernière apparition a eu lieu en Galilée au delà du Jourdain, dans une vallée ou il y avait une grande école. Plusieurs personnes étaient réunies, parlaient de lui et doutaient de ce qu'on disait de sa résurrection : alors il apparut au milieu d'elles et disparut après leur avoir adressé quelques paroles. Je l'ai vu apparaître ainsi en diverses contrées, mais pas dans les parties les plus éloignées de l'Asie.

6 avril.-- J'ai oublié de dire que dernièrement, lorsque les apôtres allaient à Sichar, Pierre dit aux autres d'un air joyeux : " il faut que nous allions en mer prendre des poissons ". Il entendait parler des âmes.

Les apôtres revinrent très vite de Sichar : ils avaient envoyé d'avance à Béthanie un messager chargé d'annoncer leur retour, et de convoquer plusieurs personnes à Jérusalem pour le sabbat : d'autres devaient célébrer le sabbat à Béthanie, car ils avaient déjà établi des lois et des règlements précis. Eux-mêmes ne firent que traverser, sans s'y arrêter, les endroits qui se trouvaient sur leur route. Je vis Thaddée, Jacques le Mineur et Eliud précéder les autres en habits de voyage et se rendre dans la maison de Jean Marc, près de la sainte Vierge, et de Marie Cléophas lesquelles se montrèrent très joyeuses comme si elles ne les eussent pas vus depuis longtemps. Je vis, en outre, que Jacques portait sur son bras un ornement sacerdotal un manteau que les saintes femmes avaient fait pour Pierre à Béthanie, et dont il se revêtait dans le cénacle.

Il était si tard quand les apôtres se réunirent au cénacle, qu'ils ne purent pas prendre le repas qui avait été préparé pour eux, et commencèrent aussitôt à célébrer le sabbat. Ils se revêtirent de leurs habits de cérémonie : on commença, comme toujours, par le lavement des pieds. La lampe fut allumée, et je remarquai qu'ils ne se conformaient pas en tout aux règles qu'observaient les Juifs dans la célébration du sabbat. On ouvrit d'abord les rideaux qui cachaient le Saint Sacrement, devant lequel on plaça un banc. Pierre, ayant à ses côtés Jean et Jacques, fit une méditation ou une prière dans laquelle il était question de l'institution de l'Eucharistie, de la Passion du Seigneur et d'un sacrifice intérieur à offrir à Dieu. Après cela, se tenant debout sous la lampe, ils firent les cérémonies ordinaires du sabbat. Lorsque tout cela fut fini, ils prirent un repas dans le vestibule. Quant à la salle du cénacle, je n'y ai plus rien vu manger depuis l'institution de l'Eucharistie, si ce n'est peut-être un peu de pain et de vin.

Lorsque Jésus leur était apparu les portes fermées, il leur avait dit d'ajouter aux cérémonies du sabbat ce qu'ils venaient de faire en l'honneur du Saint Sacrement. J'ai vu cette nuit quelque chose à ce sujet, mais je l'ai oublié.

Comme on demandait à Anne-Catherine ce que c'était que ce banc place devant le saint Sacrement. elle répondit : " C'était le siège qui avait servi à Jésus-Christ lors de l'institution de l'Eucharistie ". Ils l'avaient couvert d'un tapis et y posaient les rouleaux où étaient écrites les prières dont ils faisaient usage. Pierre s'agenouilla devant, ayant Jean et Jacques un peu en arrière de lui, puis après eux, les autres apôtres derrière ceux-ci et les disciples. Quand ils s'agenouillaient, ils courbaient jusqu'à terre et cachaient leur visage de leurs mains. Le voile du calice avait été retiré, mais le linge blanc était placé et pendait des deux côtés. Il n'y avait de disciples présents que ceux qui étaient déjà plus inities que les autres au mystère du Saint Sacrement ; de même dans leur voyage à Sichar, ils n'avaient guère pris avec Eux que ceux qui avaient vu le Seigneur après sa résurrection afin qu'ils pussent l'attester.

La sainte Vierge avait été conduite aujourd'hui à Jérusalem par Marie, mère de Marc ; Véronique, qui maintenant se montre en public avec elle, l'y avait accompagnée de Béthanie avec Jeanne Chusa. La sainte Vierge aime à se trouver à Jérusalem, parce qu'elle peut y suivre les traces de son Fils sur sa voie douloureuse, ce qu'elle fait tonte seule à la chute du jour et pendant la nuit. Elle prie et médite dans tous les endroits où il a souffert et où il est tombé, et comme elle ne peut pas les visiter tous parce que les Juifs ont mis des clôtures et amoncelé des décombres sur plusieurs points dans beaucoup d'endroits, elle fait les stations chez elle ou dans la campagne. Elle a dans l'esprit un souvenir très exact de tout le chemin qu'il a suivi et du nombre de pas qu'il a faits, et elle renouvelle ainsi sa Passion dont elle contemple tous les détails en elle-même. Il est certain que la sainte Vierge, aussitôt après la mort du Sauveur, a commencé à faire le Chemin de la Croix et à méditer les mystères de la Passion, et qu'elle a toujours continué depuis à se livrer à ces pieux exercices.

7 avril.-- J'ai eu ce soir une vision. Les apôtres célébraient le sabbat. Quand ils eurent fini et déposé leurs habits de cérémonie, je vis un grand repas dans le vestibule : ce n'était pas une communion, mais des agapes comme le dimanche précèdent. Thomas doit avoir célébré le sabbat quelque part dans le voisinage, car je ne je vis arriver qu'après le repas, lorsqu'on était rentré dans la salle du cénacle. Quand je vis ce qui se passait dans l'intérieur de la salle, la soirée n'était pas avancée, et on n'avait pas encore allumé la lampe. Plusieurs apôtres et disciples de Jésus se trouvaient déjà là, et j'en vis arriver d'autres. Ils entrèrent successivement, se revêtirent de longs vêtements blancs et se préparèrent à la prière comme la dernière fois. Pierre et deux autres, dont était encore Jean se revêtirent des habits sacerdotaux qui les distinguaient du reste des assistants. Pierre portait le plus remarquable, celui que j'ai décrit récemment L'autre apôtre qui était près de Jean, avait les yeux noirs et le teint brun.

Pendant que tous se préparaient ainsi, je vis entrer Thomas. Il semblait être en retard, car les autres étaient prêts pour la plupart. Il passa au milieu d'eux pour aller s'habiller. Plusieurs des assistants l'entourèrent et s'entretinrent avec lui : quelques-uns, en lui parlant, le tiraient par les manches de sa robe, d'autres l'interpellaient en faisant avec la main droite des gestes très animés, comme pour affirmer quelque chose. Il était au milieu d'eux comme quelqu'un qui s'habille à la hâte et auquel d'autres déjà habillés affirment la réalité d'un fait extraordinaire qui s'est passé dans cet endroit même et auquel il refuse de croire. Pendant ce temps, je vis entrer un homme qui semblait être un domestique ; il avait une espèce de tablier, et tenait dans une main une petite lampe allumée, dans l'autre un bâton garni d'un crochet avec lequel il tira en bas la lampe suspendue au milieu de la salle ; il l'alluma, la fit remonter à sa place, et quitta la salle. Après cela, je vis encore la sainte Vierge, Madeleine et une autre femme entrer dans la maison, enveloppées dans leurs manteaux. La sainte Vierge et Madeleine vinrent dans la salle, Pierre et Jean allèrent à leur rencontre, et cinq des assistants environ se tinrent près d'elles à peu de distance de la porte et s'entretinrent avec elles. Les autres, pendant ce temps-là. allaient, venaient et conversaient entre eux. La femme qui était venue en troisième avec la sainte Vierge et Madeleine resta dans la pièce antérieure : elle était tout enveloppée dans ses voiles, et très grande, plus grande encore que Madeleine : c'était la personne qui vint à Béthanie après la mort de Lazare, annoncer à ses soeurs l'arrivée de Jésus. Le vestibule était ouvert du côté de l'intérieur : il en était de même d'une partie des salles latérales. Les portes extérieures donnant sur la cour et la cour elle-même étaient fermées. Il se trouvait un très grand nombre de disciples dans les salles latérales.
Aussitôt que Marie et Madeleine furent entrées dans la salle, les portes furent fermées et chacun prit sa place pour la prière. Les deux saintes femmes se tinrent respectueusement des deux côtés de la porte, les mains jointes sur la poitrine. Cependant je vis encore les apôtres commencer par prier à genoux devant le Très Saint Sacrement, puis se lever, faire au-dessous de la lampe les prières accoutumées et chanter des psaumes en choeur. Pierre se tenait en avant de la lampe, je visage tourné vers le Saint Sacrement ; Jean et l'autre apôtre (Jacques le Mineur) étaient à ses côtés, les autres apôtres se tenaient des deux côtés de la lampe. Il n'y avait personne du côté qui regardait le Saint Sacrement : Pierre et les deux assistants, revêtus d'ornements particuliers, tournaient le des à la porte, en sorte .que les deux femmes étaient derrière eux, mais à une certaine distance.

Au bout de quelque temps, il y eut comme une interruption dans la prière : elle paraissait à sa fin et les assistants parlaient de leurs projets, du dessein qu'ils avaient d'aller au bord de la mer de Tibériade et de se partager pour visiter divers endroits. Mais bientôt leurs visages prirent une expression de recueillement et de ferveur extraordinaire excitée par l'approche du Seigneur. Je vis alors Jésus dans la cour, il était tout lumineux et revêtu d'une robe entièrement blanche, avec une ceinture blanche. Il se dirigea vers la porte du vestibule qui s'ouvrit devant lui et se referma derrière lui. Les disciples qui se trouvaient là, voyant la porte s'ouvrir, se retirèrent des deux côtés pour laisser le passage libre. Le Seigneur traversant rapidement le vestibule entra dans la salle et vint se mettre à la place de Pierre, entre Pierre et Jean qui se rangèrent des deux côtés de même que tous les apôtres. Sa démarche n'était pas, à proprement parler, celle d'un homme ordinaire ; et ce n'était pas non plus l'allure d'un esprit qui semble raser la terre : c'était quelque chose qui tenait de l'un et de l'autre. Quand ils s'écartèrent tous devant lui, cela me fit l'effet d'un prêtre revêtu de son aube qui passe à travers la foule serrée des fidèles. En cet instant tout parut dans la salle s'agrandir et s'illuminer, car je vis le Seigneur environné de lumière ; seulement les apôtres étaient sortis de ce cercle lumineux : je crois que sans cela ils n'auraient pas pu voir le Seigneur.

Les prières paroles de Jésus furent : " La paix soit avec vous ! Après quoi, il parla encore à Pierre et à Jean. Tout ce que je me rappelle, c'est qu'il y eut un reproche au sujet de quelque chose qu'ils avaient fait de leur propre autorité, en dehors des règles tracées par lui, et qui à cause de cela ne leur avait pas réussi. Il s'agissait de guérisons de malades, essayées comme ils revenaient de Sichar et de Thenath-Silo, et dans lesquelles ils n'avaient pas exactement suivi ses prescriptions : aussi y avait-il eu des insuccès. Ils avaient agi en partie d'après leurs propres idées et il leur dit que quand ils repasseraient par ces endroits, il faudrait qu'ils procédassent autrement. Je ne me souviens plus de ce que c'était à proprement parler : je crois que dans cette occasion ils avaient pris quelque chose sur eux, qu'il y avait eu un manquement intérieur, un défaut de foi ou d'autres choses semblables. Après quelques discours à ce sujet, Jésus se plaça sous la lampe et le cercle se resserra autour de lui.

Je vis Thomas tout bouleversé lorsqu'il vit le Seigneur, et je le vis se retirer timidement en arrière. Mais Jésus prenant dans sa main droite la main droite de Thomas, introduisit le bout de l'index dans la plaie de sa main gauche, puis il prit de la main gauche l'autre main de Thomas dont il mit le doigt dans la plaie de sa main droite : ensuite, sans découvrir sa poitrine il plaça sous son manteau la main droite de Thomas dont il introduisit l'index et le doigt du milieu dans la plaie de son côté droit. Il dit en même temps quelques paroles que je ne me rappelle plus. Thomas s'écria : " Mon Seigneur et mon Dieu " ! et s'affaissa sur lui-même comme s'il fût tombé en défaillance pendant que Jésus le tenait toujours par la main : ceux qui étaient près de l'apôtre le soutinrent et Jésus le releva. Je sus aussi ce que signifiaient cette défaillance et la manière dont il avait été relevé par Jésus.

Je vis Jésus apparaître revêtu d'une longue robe blanche et complètement transparente. Au commencement je ne vis pas ses plaies ; quand il prit la main de Thomas, je les vis non comme des stigmates sanglants, mais comme de petits soleils rayonnants. Les autres disciples furent vivement émus et sans se trop presser autour de lut, ils avancèrent la tête pour voir ce que le Seigneur faisait toucher à Thomas. Pendant tout. le temps que le Seigneur fut présent, Marie fut la seule dont l'émotion ne se trahit par aucun mouvement extérieur : elle resta absorbée dans une méditation profonde et silencieuse : elle était comme ravie en extase. Madeleine paraissait un peu plus émue, cependant elle faisait bien moins de démonstrations extérieures que les disciples.

Jésus ne disparut pas sur-le-champ, il dit encore quelque chose et demanda à manger. Je vis qu'on lui apporta de nouveau de l'endroit où était la table un petit plat ovale, mais qui n'était pas tout à fait comme celui qu'on lui avait apporté la première fois. Il y avait sur ce plat, si je ne me trompe, un peu de poisson dont il mangea après l'avoir bénit, puis il donna le reste, d'abord à Thomas et ensuite à quelques autres.

Après la conversion de Thomas, Jésus dit encore pourquoi il était venu au milieu d'eux quoiqu'ils l'eussent abandonné et pourquoi il ne se rapprochait pas davantage de quelques-uns d'entre eux qui lui étaient restés plus fidèles. J'ai oublié les détails. Il rappela aussi ce qu'il avait dit à Pierre, de confirmer ses frères, et expliqua pourquoi il lui avait dit cela. s'adressant à tous, il leur dit pourquoi il voulait leur donner Pierre pour conducteur quoiqu'il l'eut renié : il fallait que le troupeau eût un pasteur et il parla à ce sujet du zèle de Pierre.

Je vis encore Jean entrer dans le sanctuaire et rapporter sur son bras l'ample manteau brodé et bariole que j'avais vu hier sur le bras de Jacques lorsqu'il vint visiter Marie et auquel j'avais vu dernièrement travailler les saintes femmes de Béthanie. Il avait en outre à la main un bâton creux, long et mince, recourbé par en haut comme une houlette de berger, mais brillant d'un éclat métallique et ressemblant à un grand roseau. Je vis Pierre s'agenouiller devant Jésus et Jésus lui donner à manger quelque chose de rond qui ressemblait à un petit gâteau : je ne me souviens pas d'avoir vu de plat où Jésus eût Du prendre cet objet qui était lumineux. J'appris qu'il communiquait à Pierre une force particulière : je vis aussi que Jésus souffla sur Pierre et répandit en lui un pouvoir, une vertu. Ce ne fut pas proprement une insufflation : il y eut des paroles et une force, une chose essentielle que Pierre reçut ; et pourtant ce n'étaient point des paroles articulées. Jésus approcha sa bouche de la bouche et des deux oreilles de Pierre et il versa cette force dans ces trois organes. Je sus que ce n'était pas encore le Saint Esprit lui-même, mais quelque chose que le Saint Esprit devait vivifier complètement en lui le jour de la Pentecôte. Jésus lui imposa aussi les mains et lui donna un pouvoir et une autorité supérieure sur les autres ; ensuite il le revêtit du manteau que Jean, place auprès de lui, tenait sur son bras et il lui mit le bâton dans la main. Il lui dit aussi que le manteau tiendrait concentrées en lui toute la force et toute l'autorité qu'il lui avait données et qu'il devrait s'en revêtir lorsqu'il aurait à faire usage de son pouvoir.

Jésus parla encore d'un grand baptême qui aurait lieu quand le Saint Esprit serait descendu sur eux ; il ajouta que Pierre, huit jours après, devrait à son tour communiquer aux autres cette force qui venait de lui être donnée. Il dit en outre que quelques-uns d'entre eux devaient déposer la robe blanche qu'ils portaient et en mettre une autre ornée d'un pectoral : d'autres devaient se revêtir de nouveau de cette robe blanche. Il y eut des règles données sur l'établissement de hautes dignités ecclésiastiques parmi eux et sur les consécrations qui devaient les conférer.

Après cela, les disciples présents, sur l'ordre de Jésus, se divisèrent en sept groupes dont chacun avait un apôtre à sa tète. Jacques le Mineur et Thomas se tenaient debout près de Pierre. Les sept groupes qui s'étaient formés sur l'ordre de Jésus, semblaient représenter sept congrégations, sept Églises : je ne sais pas bien ce que représentaient les trois apôtres restés en dehors de ces groupes. (Elle exprima d'abord l'opinion que ceux-ci devaient être les premiers évêques ou des évêques d'un rang supérieur. Toutefois elle ne savait rien de positif à ce sujet.)

Pierre, en vertu de sa nouvelle dignité, fit une allocution adressée à tous : il était devenu comme un autre homme, revêtu d'une force surnaturelle. Les autres l'écoutèrent avec une vive émotion et ne purent retenir leurs larmes : il les consola et leur rappela beaucoup de choses que Jésus avait annoncées d'avance à plusieurs reprises, et qui maintenant étaient arrivées à leur accomplissement. Il dit aussi, je m'en souviens, comment Jésus, pendant les dix-huit heures qu'avait duré sa Passion, avait subi les injures et les outrages du monde entier : il fut dit dans cette occasion de combien il s'en fallait que la trente-quatrième année du Sauveur fût accomplie. Je l'ai dit exactement il y a peu de temps. Pendant le discours de Pierre, Jésus avait disparu. Aucun mouvement d'effroi ou de surprise n'interrompit l'attention excitée par le discours de Pierre, lequel parut revêtu d'une force toute nouvelle On chanta ensuite un psaume d'actions de grâces. Aujourd'hui Jésus n'a parlé ni a sa mère ni à Madeleine.

Pendant que Jésus parlait des consécrations qui devaient avoir lieu après la descente du Saint Esprit, j'eus une vision touchant un grand baptême donné près de la piscine de Béthesda, et je vis, à cette occasion, le manteau de Pierre : il était brodé de fleurs blanches et rouges, et maintenu sur la poitrine par un fermoir carré ressemblant à une plaque de métal. Cette plaque était divisée par une raie en deux moitiés : sur l'une était un agneau, sur l'autre une figure qui semblait enveloppée dans un long manteau étroitement serre par en bas, mais je ne me rappelle plus ce détail que confusément. J'ai vu cela comme dans une vision accessoire, de la même manière que je vois les choses dont parle Jésus. Il avait été question, dans le discours de Jésus, de la consécration sacerdotale et de l'Esprit du Père qu'il voulait envoyer. Le manteau était très ample, il tombait jusque sur les pieds et avait une queue par derrière. Il était blanc, avec de larges raies rouges dans le sens de la longueur, et brodé d'épis, de pampres de vigne, d'épis et d'autres figures encore, tout cela rouge, vert et jaune. Les deux raies rouges les plus rapprochées des deux bords antérieurs étaient croisées par d'autres raies transversales fort courtes sur lesquelles étaient des lettres formant quelques mots dont j'ai oublié le sens. Le manteau avait encore un collet et un capuchon qui se relevaient autour du cou et sur la tête. Le capuchon pouvait se rabattre par derrière. Il était bleu de ciel ainsi que le collet.

Pendant toute la durée de cette vision, Anne Catherine ressentit des douleurs très vives au côté droit, mais surtout au moment où Thomas mit le doigt dans la plaie du côté de Jésus : alors, le sang sortit abondamment du côté de la pieuse fille.

" Après cela, dit-elle, je vis encore les apôtres rendre grâces et chanter des psaumes. Le Seigneur avait dit à Pierre, entre autres choses, d'aller avec ses compagnons prêcher près de Tibériade ".

8-10 avril.-- Je les vis déposer leurs habits de cérémonie et se préparer au voyage. Ils allèrent par groupes séparés suivirent d'abord la voie douloureuse de Jésus jusqu'au Calvaire, puis se rendirent à Béthanie où ils prirent avec eux divers disciples. Ils se dirigèrent alors vers la mer de Galilée, divisés en plusieurs groupes, et par des chemins différents. Pierre ayant avec lui Jean, Jacques le Majeur, Thomas, Nathanaël, Jean Marc et Silas, ce qui faisait sept personnes en tout, prit la route de Tibériade. Ils laissèrent Samarie à gauche. Tous les apôtres suivirent des chemins qui leur faisaient éviter les endroits habités.

Note : Ce qu'elle se rappelle ici d'une manière confuse faisait peut-être allusion à ce qu'elle avait déjà entendu dire pendant la sainte cène, que le jour de la sainte Trinité, c'est-à-dire huit jours après la Pentecôte, Pierre et Jean devaient conférer aux autres la consécration sacerdotale. (Note du Pèlerin.)

Ils arrivèrent devant Tibériade à une pêcherie que Pierre avait tenue à loyer autrefois, et qu'occupait présentement un autre homme : c'était un veuf avec deux fils. Ils prirent quelque nourriture chez cet homme et j'entendis Pierre dire qu'il n'avait pas pêche en cet endroit depuis trois ans.

Ils montèrent sur deux barques dont l'une était un peu plus grande et meilleure que l'autre. Je vis que les compagnons de Pierre lui firent les honneurs de la grande barque : il y monta avec Nathanael, Thomas et un serviteur du pêcheur : Jean, Jacques, Jean Marc et Silas étaient dans l'autre barque. Pierre ne souffrit pas que personne ramât à sa place : il voulut ramer lui-même, car malgré les faveurs signalées qu'il venait de recevoir de Jésus-Christ, il était resté extraordinairement humble et modeste. Je le vis particulièrement se montrer tel vis-à-vis de Nathanaël, qui était un homme instruit et de manières plus distinguées.

Je les vis toute la nuit naviguer de côté et d'autre avec des falots, jeter plusieurs fois le filet entre les deux barques et toujours le retirer vide. Je les entendis dans les intervalles prier à haute voix et chanter. Vers le matin, quand le jour commença à poindre, les navires avant dépassé le point où le Jourdain sort du lac, se rapprochèrent de la rive orientale, et, comme ils étaient fatigués, ils voulurent jeter l'ancre près de terre. Ils as aient ôté leurs habits pour pêcher, n'ayant qu'une bande d'étoffe autour des reins, et une espèce de petit manteau sur les épaules : ils allaient remettre leurs vêtements et prendre un peu de repos lorsqu'ils aperçurent une figure derrière les roseaux du rivage. C'était Jésus qui leur cria : "Enfants, avez-vous quelque chose à manger " ? à quoi ils répondirent qu'ils n'avaient rien. Alors Jésus leur cria de nouveau qu'il fallait jeter le filet à l'ouest de la barque de Pierre. C'est ce qu'ils firent en effet, et Jean fut obligé à cause de cela, de venir se placer avec sa barque de l'autre côté de celle de Pierre. Dès qu'ils sentirent combien le filet était chargé. Jean reconnut Jésus et cria à Pierre par dessus la mer, alors fort tranquille : "  C'est le Seigneur ! ". Alors Pierre passa sa robe en toute hâte, sauta dans l'eau et se frayant passage à travers les roseaux, aborda à l'endroit où était Jésus. Jésus, de son côté, vint sur un petit canot très loger qui était amarré à son navire. Il y avait deux de ces canots attachés ensemble : on en poussait un en avant de l'autre, et on arrivait à terre en passant dessus. Il n'y avait place que pour une personne, et on en faisait usage quand on était séparé du rivage par des bas-fonds.

Pendant que les apôtres pêchaient sur le lac, je vis le Sauveur accompagné d'âmes des patriarches qu'il avait tirées des limbes, et d'autres âmes également délivrées de la prison qu'elles subissaient en divers lieux dans des cavernes, des marécages et des déserts, arriver ici comme volant au ras de terre : il venait de la vallée de Josaphat. Je dois maintenant faire connaître une chose que je n'avais jamais osé dire. Pendant ces quarante jours, je vois Jésus, quand il n'est pas avec les disciples, visiter les lieux où il a fait quelque chose de remarquable pendant sa vie mortelle, en compagnie des âmes qui lui touchent de plus près depuis Adam et Eve jusqu'à Noé, Abraham, les autres patriarches et tous ses ancêtres, leur montrer et leur enseigner tout ce qu'il a fait et souffert pour eux, ce qui les remplit d'une consolation ineffable et excite en eux des transports de reconnaissance qui achèvent de les purifier. Pendant ce temps, il leur enseigna d'une certaine manière les mystères de la nouvelle alliance en vertu de laquelle ils étaient délivrés de leurs chaînes. Je le vis avec eux à Nazareth, dans la grotte de Bethléem, et partout où il lui était arrivé quelque chose de remarquable. Quoique ces âmes n'aient pas de sexe, il y a pourtant dans la manière dont elles se manifestent, je ne sais quoi de plus délicat ou de plus énergique qui peut faire reconnaître si elles ont animé sur la terre des corps d'hommes ou de femmes. Je les vois toutes comme revêtues de longs vêtements étroits avec des extrémités flottantes qui brillent et qui semblent s'allonger derrière elles. Leurs cheveux n'ont pas l'apparence de cheveux, mais de rayons qui représentent quelque chose ; des rayons semblables remplacent aussi, pour ainsi dire, la barbe des hommes. Quoiqu'ils n'aient pas d'insignes extérieurs, je vois pourtant quelque chose par quoi sont distingués les rois et surtout les prêtres qui, à partir de Moïse, ont été en rapport avec l'Arche d'alliance : dans ces voyages du Sauveur, je le vois toujours entouré d'eux, en sorte qu'ici aussi règne partout l'esprit de la hiérarchie. Toutes ces apparitions se meuvent avec une grâce et une dignité extraordinaires, et elles glissent dans l'air comme si elles planaient, légèrement penchées en avant : elles ne touchent pas la terre comme des êtres qui pèsent mais elles semblent la raser en planant.

Je vis le Seigneur arriver au bord du lac avec ces âmes, comme les apôtres prêchaient encore. Il y avait derrière une chaussée un enfoncement où se trouvait sous un abri un foyer qui était peut-être à l'usage des bergers. Je ne vis pas Jésus allumer du feu, ni prendre un poisson, ni le recevoir d'ailleurs. Le feu, le poisson et tout le reste se montrèrent tout à coup en présence des âmes des patriarches, au moment ou le Seigneur eut la pensée que du poisson devait être apporté là. Comment cela se fit-il ? c'est ce que je ne saurais dire.

Les âmes des patriarches se trouvaient intéressées à la préparation de ce poisson. Il figurait l'Église souffrante, les âmes qui étaient à l'état de purification. Ce repas fut comme le lien extérieur qui les unissait à l'Eglise. En leur faisant manger de ce poisson, Jésus donna aux apôtres la notion de l'union établie entre l'Eglise souffrante et l'Eglise militante. Jonas dans le ventre du poisson représente aussi le séjour de Jésus dans le monde inférieur. Devant la hutte était couchée une poutre qui servit de table.

J'avais vu déjà tout cela lorsque Jésus franchissant la chaussée arriva au bord du lac. Pierre ne nagea pas : il passa à gué dans l'eau : on pouvait voir le fond, cependant il y avait une certaine profondeur. Comme il se trouvait déjà près de Jésus, Jean arriva à son tour et ceux qui étaient restés sur la barque crièrent à ceux qui étaient à terre de les aider à tirer le filet. Jésus dit alors à Pierre d'apporter les poissons : ils tirèrent le filet à terre et je vis Pierre en tirer les poissons et les jeter sur le rivage. Ou en compta cent cinquante-trois de toute espèce, et j'appris sur la signification de ce nombre quelque chose que j'ai oublié. Il y avait sur la barque plusieurs hommes au service du pêcheur de Tibériade, lesquels restèrent près du poisson et de la barque : quant aux apôtres et aux disciples, ils allèrent avec Jésus jusqu'à la cabane et il leur dit de manger. Quand ils arrivèrent, je vis que les esprits des patriarches avaient disparu. Ils furent très surpris de voir le feu allumé, un poisson qui n'était pas de ceux qu'ils avaient pris, du pain et une gaufre au miel.

Note : Elle dit que c'étaient des rôties faites de miel et de farine, qu'on en mettait ordinairement une grande entre deux plus petites, qu'on les appelait gaufres au miel et que ce nom se rencontre dans la Bible. Le Pèlerin lui ayant fait remarquer qu'elle n'avait pas la Bible et qu'elle ne la lisait pas, elle répondit : Je l'ai entendu ainsi nommer : c'est ainsi que cela s'appelle).
(Note du Pèlerin)

Les apôtres et les disciples se placèrent près de la poutre et Jésus fit pour ainsi dire les honneurs. Il donna à chacun sur un morceau de pain une part de poisson qu'il prit dans la poêle et je ne vis pas que le poisson diminuât. Il Leur donna aussi du gâteau au miel, se mit lui-même à table et mangea. Tout cela se lit avec beaucoup de calme et de solennité.

Thomas avait été le troisième de ceux qui avaient eu sur la barque un sentiment de la présence de Jésus. Tous étaient fort intimidés, car Jésus avait une apparence plus surnaturelle que les autres fois d'ailleurs il y avait dans ce repas et dans toutes les circonstances qui l'accompagnaient quelque chose de mystérieux : personne n'osait l'interroger et tout était empreint d'une gravité calme et d'une solennité qui les jetaient dans un profond étonnement. Jésus se montra plus vêtu qu'à l'ordinaire et on ne voyait pas ses plaies.

Après le repas je vis Jésus se lever et les disciples aussi : je le vis aller et venir avec eux le long du rivage, puis s'arrêter et dire à Pierre d'un ton solennel : " Simon, fils de Jonas, m'aimes-tu plus que ceux-ci " ! Pierre lui répondit timidement : " Oui, Seigneur, vous savez que je vous aime " ! Alors Jésus lui dit : "  Pais mes agneaux " ! Et dans le même moment j'eus une vision touchant l'Église et l'évêque suprême, je vis comment il enseignait et guidait les premiers chrétiens qui étaient encore faibles ; et je vis baptiser et laver beaucoup de néophytes comme de tendres agneaux.

Il y eut alors quelques instants de silence sans qu'ils cessassent de marcher : Jésus s'arrêtait parfois en tournant la tête et tous venaient à lui : puis enfin il dit de nouveau à Pierre : " Simon, fils de Jean, m'aimes-tu " ! Pierre, tout intimidé au souvenir de son reniement, lui répondit avec beaucoup d'humilité : "Oui Seigneur, vous savez que je vous aime " ! Et Jésus dit encore d'un ton solennel : " Pais mes brebis " ! J'eus au même instant une vision sur l'Eglise grandissante et ses persécutions ; je vis comment l'évêque suprême rassemblait les chrétiens dispersés dent le nombre s'augmentait toujours, les soutenait, leur envoyait des pasteurs délégués par lui et les gouvernait.

Après une nouvelle pause, quand ils eurent encore marché, Jésus dit une troisième fois : " Simon, fils de Jonas, m'aimes-tu " ! Et je vis Pierre tout contristé parce que ces interrogations répétées lui faisaient croire que Jésus doutait : il se souvint de son triple reniement et répondit : " Seigneur, vous savez tout, vous savez que je vous aime " ! Je vis alors Jean se dire intérieurement : " Ah ! quel doit être l'amour de Jésus et quel doit être celui d'un pasteur puisque ayant confié son troupeau à Pierre il l'interroge trois fois sur son amour " ! Jésus dit encore : " Pais mes brebis ! En vérité ! en vérité, je te le dis, quand tu étais jeune, tu te ceignais toi-même et tu allais où tu voulais : mais quand tu seras devenu vieux, tu étendras tes mains, un autre t'attachera et te conduira où tu ne veux pas aller. Suis-moi " !

Alors il se retourna pour reprendre sa marche ; Jean alla à côté de lui, et Jésus lui dit en particulier quelque chose que je n'entendis pas. Mais Pierre, voyant cela, demanda au Seigneur en montrant Jean : " Seigneur ! qu'adviendra-t-il de celui-ci " ? Et Jésus blâmant sa curiosité, lui répondit : "  Si, je veux qu'il demeure jusqu'à ce que je veuille, que t'importe ? Toi, suis-moi " ! Alors il se retourna de nouveau et ils allèrent plus loin.

Lorsque Jésus dit pour la troisième fois : " Pais mes brebis " ! et ajouta que Pierre dans sa vieillesse serait chargé de liens et emmené malgré lui, je vis un tableau de l'Eglise avant pris son développement ; je vis Pierre enchaîné et crucifié à Rome, et je vis en divers lieux les saints martyrs livrés au supplice.

Je vis qu'il fut aussi donné à Pierre de voir cela en esprit et de connaître sa fin, et que, jetant les yeux sur Jean, il eut une vision où l'avenir de celui-ci lui fut révélé et ou il le vit marchant à la suite de Jésus à travers beaucoup de souffrances, sans toutefois cesser de le voir corporellement devant lui. Il se dit alors à lui-même : "  est-ce que celui-ci que Jésus aime tant ne doit pas être aussi crucifié comme lui " ? C'est pourquoi il interrogea Jésus qui le réprimanda. J'ai vu aussi que quelques-uns comprennent mal ces paroles de Jésus et les interprètent comme s'il avait dit : " Je veux qu'il demeure ainsi " ; tandis qu'il a dit : " Si Je veux qu'il demeure ". Les autres apôtres qui avaient entendu ces paroles, crurent, eux aussi, que Jean ne mourrait pas ; cependant il est mort. J'eus à cette occasion une vision sur ses derniers moments et sur un séjour qui lui fut assigne après sa mort.

Ils marchèrent encore quelque temps avec Jésus qui leur indiqua ce qu'ils devaient faire pour le moment et qui ensuite disparut à leurs yeux. Ils l'avaient accompagné à l'est du lac dans la direction de Gergesa ; ils revinrent ensuite à Tibériade, mais sans repasser par l'endroit où il les avait fait manger avec lui.

Aucun des poissons pris par les apôtres ne figura dans ce repas. Jésus ayant dit qu'on les apportât, Pierre les jeta les uns après les autres aux pieds de Jésus et on en fit le compte. C'était une manière de reconnaître qu'ils n'avaient pas pris ces poissons par leurs propres efforts et pour eux-mêmes, mais par son opération miraculeuse et pour lui. Lorsque les poissons eurent été déposés à ses pieds, le Seigneur dit : " Venez manger " ! Et il lés conduisit au delà du coteau ou de la chaussée dans un endroit ou l'on ne voyait pas le lac et où était la cabane de terre avec le foyer. Jésus ne se mit pas à table, mais il alla de la poêle aux disciples et porta à chacun sa part de poisson sur un morceau de pain. Il bénit aussi les portions et je les vis devenir lumineuses. Les gâteaux au miel n'étaient point dans la poêle : ils étaient préparés d'avance et posés les uns sur les autres : il les partagea de même. Lorsque tous eurent reçu leur part, il mangea à son tour. Il n'y avait qu'un poisson dans la poêle, mais il était plus grand qu'aucun des autres : il avait à peu près les dimensions d'un enfant.

Il y eut dans ce repas quelque chose de mystérieux : la présence des âmes des patriarches et des autres âmes, avant qu'il commençât, et la part qu'ils avaient prise en quelque sorte à sa préparation, la vocation de Pierre qui vint après, tout cela joint à un avertissement intérieur dont je ne puis plus bien rendre compte, me dit que l'Église souffrante, les âmes retenues dans le troisième séjour furent ici incorporées à l'Eglise militante et soumises à l'autorité de Pierre, et que cela se fit dans ce repas mystique. J'en eux la conviction pendant la vision, Quoique je ne puisse dire comment : c'est pour cela aussi que Jésus conclut par sa prophétie relative à la mort de Pierre et à la destinée future de Jean.

Après cela, Jésus alla avec les âmes des patriarches dans la contrée où il avait chassé les démons dans le corps des pourceaux : il y délivra encore plusieurs âmes qui étaient retenues là dans des lieux ténébreux et déserts : car dans ce pays on avait souvent mis à mort des possédés, quoique innocents, dont les âmes attendaient leur délivrance définitive après avoir paru devant le tribunal de Dieu.

Les poissons furent jetés dans les barques et transportés a la ville par les gens au service du pécheur qui avaient accompagné les apôtres.

Lorsque je vis près du feu les âmes des patriarches, me sembla qu'elles coopéraient en quelque chose à la préparation du repas ou qu'elles y prenaient une certaine part : cependant je ne puis pas dire clairement quelle part elles y prirent. Quand Jésus alla près du lac, tout était prêt.

Lorsque Jésus dit en parlant de Jean : " Si je veux qu'il demeure jusqu'à ce que je vienne, que t'importe " ? j'eus une vision sur la mort de l'apôtre qui eut lieu à Éphèse, où il se coucha lui-même dans le tombeau, s'entretint avec ses disciples et mourut, ainsi que je l'ai déjà vu dans une autre occasion. Je vis aussi que son corps n'est pas resté sur la terre : je vis entre le levant et le nord, un lieu resplendissant comme un soleil et j'y vis Jean comme un intermédiaire recevant d'en haut quelque chose qu'il transmet en bas. Ce lieu m'apparut comme faisant partie de la terre et pourtant comme très élevé au-dessus d'elle et tout à fait inaccessible. J'ai vu aussi que le paradis existe encore au-dessus de cette région, mais séparé de tout le reste. Je vis quatre lieux semblables placés aux quatre points cardinaux du monde : mais je ne me rappelle plus ce qui s'y trouvait. Je ne vis pas cette fois le séjour de Jean comme la montagne des Prophètes, car je n'y allai pas moi-même. mais il m'apparut de loin comme un corps resplendissant.

Le pêcheur de Tibériade fut de ceux qui plus tard se séparèrent de la communauté lors des enseignements pleins de sévérité que Jésus donna sur la montagne de Thébez, mais ses fils restèrent. J'ai su leurs noms à plusieurs reprises mais je les ai toujours oubliés.
Quelques jours après, Anne-Catherine étant en état d'extase, ajouta ce qui suit sur les noms des trois pêcheurs de Tibériade qui, après la pêche miraculeuse, allèrent avec les apôtres à Thébez où le Seigneur devait se montrer. Le père s'appelait Aminadab. Les deux fils qui avaient l'un vingt ans, l'autre dix-huit, s'appelaient Isaac et Josaphat. Le père revint chez lui et recommanda ses fils à Pierre qui les employa à son service.

Ce fut sur un ordre donné intérieurement pal Jésus que le poisson qui devait figurer au repas donné près du lac se trouva aussitôt sur le feu, en présence des âmes des patriarches que ce poisson intéressait particulièrement : car il était le symbole de l'Eglise souffrante, des âmes détenues dans le purgatoire. Celles-ci furent dans ce repas unies à l'Eglise par un signe extérieur, et Jésus donna par là aux apôtres l'idée de l'union qui existe entre l'Eglise souffrante et l'Eglise militante.

Les cent cinquante-trois poissons que prirent les apôtres lorsque le Seigneur leur eut dit : " N'avez-vous rien à manger ? " indiquaient cent cinquante-trois personnes qui se convertirent à Thébez.

11 avril.-- Après l'apparition de Jésus près du lac, je le vis avec les patriarches dans la contrée de Gergesa où il délivra plusieurs âmes de l'exil qu'elles subissaient : je le vis aussi avec toutes ces âmes dans le paradis. J'ai revu à cette occasion toutes les beautés du paradis aussi distinctement que jamais. Je vis qu'il leur expliqua tout ce que nos premiers parents avaient perdu par l'effet de la chute originelle et combien ils étaient heureux qu'il pût Ici racheter après cette chute. Je vis que ces âmes avaient ardemment soupiré après la rédemption, mais qu'elles ignoraient de quelle manière elle s'opérerait. comme les hommes aussi l'avaient ignoré, je vis Jésus procéder avec elles de la façon qui leur était la plus profitable suivant leur état, et leur donner des enseignements comme il l'avait fait pour les hommes durant le cours de sa vie mortelle.

J'appris de nouveau à cette occasion que l'homme avait été créé pour remplir dans le ciel la place des anges déchus. Si le péché originel n'avait pas eu lieu, il se serait multiplie jusqu'au moment où le chiffre de ces anges aurait été atteint, et alors la création aurait eu son terme. Mais par suite de la chute originelle, la propagation du genre humain était devenue une dispersion, ayant en elle-même une action destructive : il semblait que la génération eût été souillée par le mélange d'un élément impur et ténébreux : c'est pourquoi la sentence de mort qui en était la conséquence avait été aussi un bienfait. Quant à la fin du monde et à tout ce qu'on en dit, Anne-Catherine avait l'assurance qu'elle n'arriverait pas, jusqu'à ce que tout le froment eut été moissonné et sépare d. la paille pour remplir les places laissées vides par les anges déchus.

Je vis Jésus sur de grands champs de bataille, et je le vis expliquer aux âmes tous les événements au moyen desquels elles avaient été conduites dans la voie du salut : pendant qu'il leur parlait je voyais le spectacle des batailles et toutes choses comme si elles s'étaient passées en ce moment. Je crois que les âmes virent aussi tout cela. Je vis les principaux événements de la vie de Noé, de celle d'Abraham quand il était dans le pays d'Ur, et de celle de plusieurs prophètes.

Pendant que ces âmes passaient ainsi en troupes, je ne vis jamais personne témoigner de l'effroi, au contraire il se répandait sur le pays qu'elles traversaient comme un souffle doux et agréable et toutes les créatures étaient dans la joie. Jésus apparut aussi à sa mère en compagnie des patriarches lorsqu'il sortit des limbes avec eux : il est allé en outre dans tous les lieux où les apôtres portèrent d'abord l'Évangile et il a sanctifié ces lieux par sa présence. Il a parcouru pour ainsi dire toute la nature.

Lorsque Jésus eut disparu près du lac en présence des quatre apôtres et des trois disciples, ceux-ci revinrent à Tibériade chez le pécheur Amidanab. On était dans l'après-midi quand ils arrivèrent chez cet homme qui, depuis deux ans déjà, avait été mis par Pierre en possession de cette pêcherie. Ils prirent là un repas ; Pierre raconta les miracles dont ils avaient été témoins, l'apparition du Sauveur, le repas au Nord du lac, la pêche merveilleuse, et il enseigna sur la nécessité de suivre Jésus et de renoncer à tout. Le vieux pêcheur, qui avait vu arriver la barque pleine de poissons et auquel ses fils. de Leur coté, avaient raconté ce qu'ils avaient vu, prit la résolution de quitter tout ce qu'il possédait. Les poissons furent distribués aux pauvres, il céda sa pêcherie à un autre et il partit dans la nuit pour aller rejoindre les disciples avec ses deux fils Isaac et Josaphat. Ils suivirent quelque temps le bord occidental du lac, après quoi ils entrèrent dans l'intérieur des terres. J'appris que les vues de ce pêcheur n'étaient pas entièrement pures, et qu'en renonçant à ce qu'il possédait il croyait trouver plus tard une compensation avantageuse.

12 avril.-- Les apôtres arrivèrent au point du jour près d'une synagogue assez grande, située dans une plaine, entre trois villages, et entourée de quelques hôtelleries, ils trouvèrent là plusieurs disciples réunis. Ils prirent quelques rafraîchissements et se reposèrent un peu. Pierre raconta aux autres la pêche miraculeuse, le repas près du lac et ce qu'avait dit Jésus. Ensuite il enseigna dans l'école, parla de la pêche et exhorta à suivre Jésus, ce qu'il avait déjà fait sur sa route : les autres disciples étaient attristés de ce que Jésus ne leur avait pas adressé la parole. Cet endroit est à quelques lieues au midi de Tibériade. Un très grand nombre de personnes s'y étaient réunies, parmi lesquelles beaucoup de malades et un certain nombre de possédés : Pierre seul opéra des guérisons au nom de Jésus ; les autres apôtres et disciples l'assistèrent et enseignèrent. Beaucoup de gens de bien, affectionnés pour la plupart à la doctrine de Jésus, étaient venus de toute la contrée, convoqués par les disciples et attirés par les bruits qui s'étaient répandus. Pierre enseigna devant eux dans la synagogue sur les souffrances du Seigneur et sur sa résurrection : il raconta comment il s'était montré à eux, parla du miracle récent de la pêche et les invita à marcher à la suite de Jésus. Les auditeurs furent vivement émus, car la manière d'être de Pierre est totalement changée depuis les deux dernières apparitions. Il est plein d'enthousiasme et de douceur, et il remua tellement les coeurs de ces gens que tous voulaient aller aussitôt avec lui et qu'il fut obligé d'ordonner à un grand nombre d'entre eux de retourner dans leurs maisons et d'y rester.

Cependant Pierre, accompagné des autres disciples et de beaucoup de gens qui le suivaient par troupes, partit dans l'après-midi et fit plusieurs lieues dans la direction de l'ouest. La contrée où ils allaient était élevée : il s'y trouvait, au nord, une vallée extraordinairement fertile, où je vois souvent au milieu de l'hiver l'herbe la plus haute et la plus belle du monde ; car ce pays est arrosé par un cours d'eau qui, dans la saison chaude, est souvent à sec. Quelquefois la vallée est entièrement inondée par l'eau des pluies qui descend des coteaux. Ils arrivèrent sur le plateau, près d'une hauteur isolée dont la circonférence est au moins égale à celle de Dulmen. La plaine qui entoure cette colline est couverte de maisons derrière lesquelles se trouvent des jardins adossés à la colline, qui n'est pas beaucoup plus élevée que les maisons. Cinq chemins bordés de haies et d'arbres y conduisent et il y a au sommet une grande plate-forme où quelques centaines d'hommes peuvent se tenir commodément.

On a là, de tous les côtés, un vaste horizon devant soi la vue est très belle et s'étend au delà de la mer de Galilée. Non loin de là se trouve la montagne sur laquelle le Seigneur a nourri miraculeusement une grande multitude ; c'est aussi dans cette contrée qu'il a fait les sermons sur la montagne. Il y a là, dans le bas, une source qu'on appelle, je crois, la fontaine de Capharnaum. Ils arrivèrent ici le soir et y trouvèrent les autres apôtres, beaucoup de disciples et toutes les saintes femmes a l'exception de la mère de Dieu et de Véronique. La femme et la fille de Pierre, ainsi que les femmes d'autres apôtres, celles d'André et de Matthieu, si je ne me trompe, étaient aussi venues ici de Bethsaïde. Il y avait en outre une quantité de personnes dont beaucoup étaient venues avec les disciples. Les apôtres et les disciples savaient qu'on devait se réunir en cet endroit. Ils se divisèrent en plusieurs groupes dont quelques-uns occupèrent des hangars qui se trouvaient là. Pierre et ses compagnons, après s'être lavé les pieds, racontèrent la pêche miraculeuse aux apôtres et aux saintes femmes. Ils prirent ensuite quelque nourriture et aussitôt après Pierre, accompagné des autres, se rendit au haut de la colline où quelques-uns des disciples

Il y avait sur cette hauteur un enfoncement au milieu duquel s'élevait une vieille colonne toute couverte de mousse : elle était creuse et on pouvait y monter comme dans une chaire à prêcher. L'enfoncement au milieu duquel elle se trouvait était disposé en amphithéâtre, de manière à ce qu'un grand nombre d'auditeurs pussent se placer les uns au-dessus des autres. Pierre plaça cinq apôtres sur les cinq chemins qui conduisaient au haut de la montagne et ceux-ci enseignèrent le peuple qui les entourait, parce que la foule était trop nombreuse pour que tous pussent entendre Pierre. Il se tenait debout, appuyé à la colonne, ayant autour de lui les apôtres, les disciples et un nombreux auditoire : il raconta la Passion, la résurrection et les apparitions du Seigneur et exhorta à marcher à sa suite. Cependant je vis bientôt Jésus arriver du même côté par lequel Pierre était venu. Il gravit la montagne : les saintes femmes qui se trouvaient sur son chemin se prosternèrent devant lui et il s'entretint avec elles en passant. Mais lorsqu'il traversa la foule tout lumineux plusieurs frissonnèrent et furent saisis d'effroi c'étaient ceux qui ne devaient pas lui rester fidèles. Il arriva à travers la foule près de la colonne contre laquelle se tentait Pierre. Celui-ci se trouvait alors en face de lui, parlant de la nécessité de tout quitter pour le suivre et de la persécution qu'ils auraient à souffrir : il y eut bien deux cents des assistants qui s'éloignèrent quand ils l'entendirent tenir ces discours.

Quand ils furent partis, le Seigneur dit que précédemment il avait parlé avec douceur pour ne pas scandaliser les faibles. Mais cette fois il parla avec beaucoup de véhémence des souffrances et des persécutions réservées à ceux qui marcheraient à sa suite sur la terre et de la récompense éternelle qui les attendait. Il s'adressa particulièrement aux apôtres et aux disciples comme il l'avait déjà fait dans ses dernières instructions données au temple.

Il leur dit qu'ils devaient d'abord rester à Jérusalem, qu'ensuite lorsqu'il leur aurait envoyé l'Esprit, ils auraient à baptiser au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, et à fonder d'abord une communauté. Il dit après cela qu'il leur faudrait se séparer pour fonder des communautés dans des pays plus éloignés, puis se réunir de nouveau, se disperser encore dans des pays lointains, et enfin recevoir le baptême du sang.

Pendant que Jésus parlait, les âmes des patriarches entouraient toute l'assemblée, mais en restant invisibles. Cependant Jésus disparut comme une lumière qui s'éteint, et beaucoup de personnes se prosternèrent la face contre terre. Après cela Pierre pria et enseigna encore.

Ce fut là la principale apparition de Jésus en Galilée : il y enseigna devant une assemblée nombreuse à laquelle il donna ainsi la preuve de sa résurrection ; les autres apparitions n'eurent lieu qu'en présence d'un petit nombre de témoins.

14 avril.-- Je vis les apôtres dans un endroit où Pierre, Thaddée, André, Jacques le Mineur et encore un autre apôtre opérèrent sur plusieurs malades des guérisons qu'ils avaient tentées sans succès quelque temps auparavant, par suite d'une faute intérieure que Jésus leur avait reprochée lors de son apparition. Cette faute avait été de vouloir contrefaire l'incomparable dignité qui distinguait Jésus dans tout ce qu'il faisait : ils avaient procédé d'une manière affectée et solennelle, et, au lieu de donner en toute humilité ce qu'ils avaient reçu, ils avaient agi comme s'ils l'eussent tiré de leur propre fond : c'était pour cela qu'en définitive leurs tentatives n'avaient pas réussi Aujourd'hui je fus très touchée de les voir s'humilier, s'agenouiller près des malades et leur demander pardon de ne les avoir pas guéris : je vis alors tous ces malades recouvrer complètement la santé. Il se trouvait là jusqu'à des gens venus de Cédar.

C'était comme une espèce d'hôpital : il y avait des hydropiques, des lépreux séparés des autres, etc. J'ai oublié en quoi consistait au juste leur faute : il y avait quelque autre chose que ce que j'ai dit : ils semblaient avoir agi trop naturellement et n'avoir pas assez tenu compte de l'efficacité des souffrances de Jésus : cependant je ne puis pas le dire avec certitude. Thomas fut l'un de ceux qui opérèrent des guérisons en cette circonstance : il ne s'était pas trouvé avec les autres la première fois. Je ne vois pas Jean opérer beaucoup de guérisons ; il est plus occupé de choses intérieures.

Les malades guéris par les apôtres allèrent avec eux à Béthanie après le sabbat.

Pendant ce temps-là, la mère de Dieu était à Jérusalem dans la maison de Jean Marc. Véronique, Nicodème et Joseph d'Arimathie la visitaient sans rien craindre. Chaque jour elle parcourait la voie douloureuse, le soir, le matin ou pendant la nuit, et là où l'accès des lieux sanctifiés était rendu impossible par des clôtures, elle s'en rapprochait par des chemins détournés. Elle avait aussi dans la maison qu'elle habitait sept stations où elle priait en mémoire de la Passion.

Les Juifs, non contents d'avoir privé des emplois publics et exclu de la synagogue tous ceux qui s'étaient déclarés pour Jésus et frayaient avec les disciples, avaient en outre coupé de fossés les endroits de la voie douloureuse ou Jésus était tombé et où il lui était arrivé quelque chose de particulier, et ils avaient fermé par des haies et des barrières tous les chemins qui menaient au Calvaire. Ils en avaient fait autant pour divers sentiers conduisant aux lieux où la plupart des partisans de Jésus habitaient et avaient coutume d'aller. Je fus très étonnée de voir que, dans tel de ces chemins, on se trouvait pris comme dans une impasse et obligé de revenir sur ses pas. Les chemins qui aboutissaient au Calvaire furent rouverts à plusieurs reprises pendant la nuit par les amis de Jésus.

15 avril..-- Je vis les apôtres à Béthanie. Une grande quantité de personnes s'y étaient rassemblées ; il y en avait bien trois cents, et dans ce nombre une cinquantaine de femmes ; tous avaient suivi ici les apôtres et avaient mis leurs biens en commun. Les apôtres et les disciples célébrèrent dans la maison de Lazare des agapes solennelles où l'on fit la fraction du pain, et où l'on fit passer la coupe de main en main. Cela se fit sans qu'il y eût consécration, c'était une simple cérémonie en signe d'union. Ce repas eut lieu dans la salle qui donnait sur la cour, toutes les portes étant ouvertes ; après quoi Pierre enseigna tous les assistants et une foule nombreuse. Il se trouvait plusieurs espions dans l'auditoire, et quand Pierre promit de subvenir complètement aux besoins de ceux qui quitteraient tout pour se joindre à lui, les railleurs tournèrent ses paroles en dérision, disant qu'il ne possédait rien lui-même, qu'il n'était qu'un misérable pêcheur et un vagabond qui pouvait à peine fournir à la subsistance de sa propre femme.

Pierre disait tout cela pour se conformer aux ordres de Jésus, plutôt que poussé par une vive et entière conviction qu'il n'avait pas encore et dont les apôtres ne furent animés qu'après avoir reçu le Saint Esprit.

La sainte Vierge était venue de nouveau à Béthanie dans la maison de Marthe et de Madeleine.

16 avril.-- Je vis encore les apôtres à Béthanie avec les disciples anciens et nouveaux, et je vis de nouveau Pierre enseigner publiquement chez Lazare. C'est maintenant Pierre qui porte la parole dans les assemblées : seulement quand les réunions sont trop nombreuses, il charge quelques-uns de ses compagnons de partager avec lui le ministère d. la prédication. Depuis que Jésus l'a revêtu du manteau, depuis qu'il a mangé de ce poisson qui n'était pas un poisson ordinaire et qui lui a communiqué une force particulière, il est devenu un tout autre homme : tous le reconnaissent comme étant le chef, la bouche et la main de la communauté chrétienne. Lorsque Jésus au bord du lac a prophétisé sur la mort de Pierre et la destinée future de Jean, lorsqu'il a ordonné au premier de paître ses agneaux, il m'a semblé voir Pierre dans la personne de ses successeurs veiller éternellement à la conduite et à la pâture du troupeau, tandis que .Jean se tient près de la source d'eau vive qui rafraîchit et arrose les pâturages et qui désaltère les brebis. Je reconnus (note) que l'action de Pierre s'exerçait plutôt dans le temps, dans le cercle de la constitution extérieure, qu'elle pouvait par conséquent passer à des successeurs, tandis que celle de Jean s'exerçait plutôt sur la nature, se faisait sentir par l'inspiration, par l'envoi de messagers inspirés. L'un était plutôt un rocher, un édifice : l'autre plutôt un souffle, un nuage, un orage, un enfant du tonnerre, un porte-voix. Pierre représentait plutôt le corps de la harpe, ses cordes et l'accord existant entre elles ; Jean était comme le souffle du vent à travers les cordes.

Je vis aujourd'hui une cinquantaine de soldats aller de Jérusalem à Béthanie ; ils ressemblaient à ceux qui avaient arrêté le Seigneur sur la montagne des Oliviers. Ils faisaient partie de la garde du temple et des grands prêtres. Je vis aussi des délégués se montrer dans la maison de ville de Béthanie et mander les apôtres devant eux. Pierre, Jean et Thomas comparurent devant eux ; ils répondirent librement et hardiment au reproche qui leur fut fait de tenir des réunions et de susciter des troubles parmi le peuple. Il y avait aussi des soldats près de la maison de Lazare.

Note : Le Pèlerin donne ici le sens des paroles d'Anne Catherine qu'il ne peut reproduire textuellement. (Note du Pèlerin.)

Les délégués de Jérusalem interrogèrent publiquement les apôtres devant la maison de ville mais le magistrat de Béthanie, je crois que c'était le chef de la municipalité, leur résista et leur dit que s'ils savaient quelque chose à la charge de ces hommes, il fallait les faire arrêter et ne pas troubler la tranquillité du bourg par la présence de leurs soldats.
Je vis ensuite Pierre parler aux adhérents de Jésus qui s'étaient réunis chez Lazare, et pour éviter le scandale, congédier cent vingt-trois d'entre eux. Ceux qui étaient venus des pays les plus éloignés devaient rester chez ceux qui demeuraient plus près, car ils avaient déjà tout mis en commun. Il y avait aussi une cinquantaine de femmes qui s'éloignèrent et allèrent habiter divers endroits ou, elles vivaient en commun. Toutefois Pierre donna rendez-vous ici à tous ses auditeurs pour le jour de l'Ascension du Christ dont il était sans doute averti Par un pressentiment.

17 et 18 avril.-- Le matin les apôtres allèrent de Béthanie à la maison du cénacle à Jérusalem. Je les vis ce même jour prendre un repas, puis prier sous la lampe et devant le Très Saint Sacrement. Il y avait environ sept disciples avec eux. Pierre en avait congédie récemment cent vingt-trois à Béthanie, mais il en était arrivé d'autres. Les apôtres et les disciples ne pouvaient plus traverser la ville pour aller à la maison du cénacle : le chemin de ce côté avait été intercepté par les Juifs. Ils furent obligés de prendre celui à gauche du temple, que terre et Jean avaient suivi le Jeudi Saint. Il y avait là beaucoup d'hôtelleries à l'usage des étrangers, et la population vraiment juive n'habitait pas de ce côté.

Certains discours des apôtres et des disciples m'ont fait reconnaître qu'ils ne sont pas encore complètement éclairés : ils croient encore qu'un royaume visible sera fondé, ou qu'ils auront en partage certains privilèges tout particuliers. Je crois que Jésus les tancera encore vertement à ce sujet.

Aujourd'hui vers six heures et demie du soir, Anne Catherine vit ce qui suit, étant éveillée et ayant les yeux ouverts ; le Pèlerin était auprès d'elle et les réalités vulgaires qui l'entouraient s'intercalaient dans sa vision et y faisaient un étrange contraste. Voici ce quelle dit : " il doit y avoir un grand repas dans la maison du cénacle Lazare s'y trouve, les apôtres sont allés ce matin de bonne heure le prendre à Béthanie. Les femmes et la sainte Vierge sont là, ainsi que Véronique, Nicodeme, Joseph d'Arimathie et le fils de Siméon qui immola l'Agneau pascal Aujourd'hui ils ont encore un agneau. Les femmes, à l'exception de Marie, sont occupées à préparer le repas. Tous les apôtres sont présents avec vingt disciples. Ce doit être une fête ". Ce fut ainsi qu'elle parla vers midi. au moment même où elle voyait tout cela. Elle raconta ce qui vient ensuite, le matin du jeudi 19 avril.

Je vis dans la salle les apôtres et vingt disciples se tenant debout sous la lampe. Après avoir prié, ils se séparèrent en deux groupes. Jean parla aux apôtres et Pierre aux disciples. Ils parlèrent en termes mystérieux de leur rapport avec la mère de Dieu et de ce qu'elle devait être pour eux. Pendant cet enseignement, ayant pour base, à ce qu'il me sembla, une communication de Jésus-Christ qui m'est sortie de la mémoire, je vis la figure de la sainte Vierge planer au-dessus d'eux revêtue d'un manteau lumineux qui se déployait comme pour les embrasser dans ses plis : je vis le ciel ouvert au-dessus d'elle et une couronne partant de la très sainte Trinité se poser sur sa tête. J'eus le sentiment que Marie était leur vrai chef à tous, leur temple et l'enceinte qui les renfermait. Pendant cette vision je perdis de vue la sainte Vierge qui était en prière hors de la salle. Je crois que c'était le symbole de ce que la volonté de Dieu opérait en ce moment pour l'Eglise par la déclaration des apôtres ; peut-être aussi était-ce la reproduction d'une vision qu'avait Marie, ravie en esprit pendant le discours des apôtres.

Vers neuf heures je vis un repas dans le vestibule. La sainte Vierge seule était assise à la table des apôtres, entre Pierre et Jean. Ils tournaient le des à la cour et ils avaient en face d'eux la porte de la maison. Les autres femmes et les disciples étaient assis à droite et à gauche, à des tables séparées. Pierre découpa l'agneau exactement comme Jésus avait découpé l'agneau pascal. A la fin du repas on rompit le pain qu'on fit passer à la ronde ainsi que la coupe. Ceci était pas la sainte Eucharistie. mais seulement des aliments bénits ; Pierre parla encore à cette occasion.

Je vis ensuite la sainte Vierge avec les apôtres dans la maison du cénacle, elle se tenait debout sous la lampe entre Pierre et Jean. Je dois ajouter qu'au repas tous les convives avaient leurs habits de cérémonie et Marie son vêtement de noces : pendant la prière sous la lampe, elle portait un beau manteau blanc et son voile était baissé. Le sanctuaire était ouvert et ils prièrent encore, agenouillés devant le Saint Sacrement.

Je vis ensuite, un peu après minuit, la sainte Vierge recevoir à genoux la sainte Eucharistie des mains de Pierre. Il tenait à la main la patène du calice sur laquelle étaient les saintes espèces, et il mit dans la bouche de Marie le morceau de pain rompu par Jésus lui-même. Au même instant, je vis le Seigneur Jésus, invisible aux autres, apparaître à sa Mère et disparaître aussitôt. Elle était toute pénétrée de lumière et de splendeur. Ils prièrent encore quelque temps et se retirèrent, chacun de son côté. Je vis les apôtres pendant toute la cérémonie se montrer plus respectueux qu'à l'ordinaire envers Marie. Auparavant ils en usaient avec elle, comme avec Jésus lui-même, d'une façon assez familière, quoique toujours mesurée.
La sainte Vierge ayant reçu le Saint Sacrement, sortit après minuit de la maison du cénacle et se rendit avec les autres femmes à la maison de Jean-Marc, où elle logeait. Je vis encore Marie prier debout dans sa chambre. Elle récita le Magnificat, le Cantique des trois enfants dans la fournaise et le psaume CXXX (note)

Note : D'après une communication postérieure, Anne Catherine vit que toutes les fois que la très sainte Vierge communiait, les saintes espèces restaient en elles sans altération d'une communion à l'autre, en sorte qu'elle adorait incessamment l'Homme-Dieu sacramentellement présent dans son coeur. Lors de la persécution qui suivit la lapidation de saint Etienne, les apôtres restèrent un certain temps sans consacrer mais l'Eglise ne dit pas privée de la présence du Saint Sacrement puisqu'il se conserva dans le coeur de la très sainte Vierge. Elle était le tabernacle du Très Saint Sacrement et en même temps elle pratiquait l'adoration perpétuelle.

L'aube commençait à paraître lorsque je vis Jésus entrer, chez elle, les portes fermées. Il s'entretint longtemps avec elle. Toutefois il ne l'embrassa pas, ni ne la toucha en aucune manière. Il s'entretint avec elle de ce qu'elle était par rapport aux apôtres et de l'aide qu'elle devait leur donner. Tout cela avait un sens spirituel et mystérieux. I| lui donna en même temps une certaine autorité sur l'Eglise, avec la force et le pouvoir nécessaire pour en être l'appui et la protectrice. Je vis son Fils répandre en elle sa propre lumière comme s'il la pénétrait de part en part. C'est quelque chose que je ne puis exprimer. Il disparut ensuite, la porte restant fermée. Marie pria encore et se coucha.

Remarque préliminaire du Pèlerin.-- Anne Catherine raconta ce qui suit le 21 avril 1820, entre dix et onze heures du matin, étant à l'état d'extase et les yeux ouverts : elle indiqua successivement du doigt divers points de la chambre, de même à peu près qu'un homme en voyage montre à un compagnon dont la vue est courte quelque chose qu'il voit se passer à quelque distance. Ceci ayant été communiqué par elle le vingtième jour après la résurrection, on l'intercale ici à cette date. Voici donc ce qu'elle dit : " voyez-vous cette troupe de gens qui passent par le mont des Oliviers allant à Béthanie ; ils sont là près de la prairie verte ! Ils sont autrement habillés qu'auparavant : cinq femmes les suivent à quelque distance, Marie n'est pas parmi elles. Ils viennent de Jérusalem. Chose singulière, ils regardent autour d'eux, ils montrent du doigt quelque chose sur leur gauche et pourtant ils ne voient pas Jésus qui vient de ce côté. Il ne vient pas du côté de la montagne des Oliviers. Il y a ça et là beaucoup de gens dans les petits jardins : ils réparent les clôtures qui ont été brisées le dimanche des Rameaux par les étrangers venus pour la Pâque et les gens de toute espèce qui allaient à Jérusalem, ou défaites lorsqu'on a élargi les chemins. C'est étrange ! les disciples vont de côté et d'autre et ne le voient pas' Il est lumineux et semble planer au ras de terre. Voilà qu'il a été vu de quelques gens qui sont dans le petit jardin ; ils se prosternent la face contre terre : il y a là cet homme, ce Simon qui l'a ai lé à porter sa croix ! il travaille dans ce petit jardin ! Ah ! le digne homme ! Le Seigneur passe devant lui' Le bon vieillard ôte son manteau, se prosterne et baise la terre devant les pieds du Seigneur. Celui- ci lui fait signe de se taire et disparaît.

Voyez encore ! à l'endroit où ils ont pris l'âne (Bethphagé), ils envoient un messager à Lazare pour lui annoncer qu'ils mangeront chez lui. Le messager est leste : il est déjà arrivé. Lazare est de nouveau dans sa maison. Je l'y vois revenu : il s'était réfugié là-bas, de l'autre côté du lac, dans l'endroit où le Seigneur a fait ce miracle que vous savez, ou il a nourri cette nombreuse multitude. voyez ces petites cabanes : c'était là qu'il était. Je le vois dans sa maison de Béthanie : le messager y était déjà. Ils préparent tout pour un repas. Il y a une femme près de lui, elle est grande et elle a de longs cheveux, je crois que c'est Madeleine. Je vois aujourd'hui la table plus haute qu'à l'ordinaire : les sièges sont bas : on dirait des demi canapés, mais le dossier est tourné du côté de la table.

Aujourd'hui vers midi, je vis la mère de Dieu à Jérusalem, dans la maison où les saintes femmes se tenaient après le crucifiement : elle était seule et assise devant un écrit qu'elle lisait. Cependant elle se leva et une personne de grande taille entra et l'enveloppa dans une longue couverture. C'était la femme que j'avais vue, le jour où Jésus apparut à Thomas, rester dans le vestibule du cénacle pendant que Marie et Madeleine entraient dans la salle où se tenaient les disciples. Elles allèrent ensuite à la montagne des Oliviers. Cette personne suivait Marie à quelque distance. C'est elle que je vis dans la maison de Jean près d'Ephèse : elle s'était mise au service de Marie et y resta jusqu'à la mort de celle-ci

22 avril.-- Depuis la communion de Marie, j'ai encore eu plusieurs fois des visions concernant les apôtres. Ce que j'y ai vu de plus remarquable, c'est que le nombre des fidèles allait toujours croissant. Je vis arriver avec des ânes et des bagages beaucoup de gens dont la plupart venaient des bords de la mer de Galilée : on s'occupait aussitôt de leur logement et de leur entretien. Ordinairement ils venaient d'abord dans l'hôtellerie située devant Béthanie où des disciples se succédaient continuellement. Ces gens recevaient d'eux des instructions et des conseils. Il y avait toujours là beaucoup de monde. Les disciples adressaient les nouveaux arrivants à Lazare qui possédait un grand nombre de maisons et d'habitations. Beaucoup aussi logeaient à Jérusalem dans les environs de la montagne de Sion. Il y avait peu de Juifs dans cette partie de la ville et la plupart appartenaient à la classe pauvre : il s'y trouvait de grands espaces inhabités ; on y voyait de vieux murs en ruines d'une épaisseur extraordinaire et des emplacements déserts ou je vis paître des ânes. C'étaient pour la plupart des étrangers qui logeaient là : il y avait aussi des hôtelleries à l'usage des païens qui venaient pour les fêtes. Indépendamment de l'ancienne demeure des héros de David, devenue la maison du cénacle, je vis dans les environs un très grand bâtiment en ruines qui avait aussi été célèbre dans les temps anciens. (C'était peut-être la forteresse de David, que dans une autre occasion elle avait représentée comme étant en ruines.) On établit dans son enceinte plusieurs des nouveaux venus. Je vis aussi sur quelques points, dans cette partie inhabitée de la ville, construire des cabanes ou plutôt des abris. Je vis encore dresser des tentes faites d'étoffes semblables à de la tapisserie grossière, sur des restes de murs très épais dans lesquels étaient pratiquées des habitations.

Les Chaldéens que Jésus avait adressés au centurion de Capharnaum et qui ensuite étaient retournés chez eux sont revenus ces jours-ci en plus grand nombre avec des bêtes de somme et des bagages. Ils ont installé leurs bêtes et leurs ballots dans la cour intérieure de ce grand édifice en ruines, autrefois célèbre. mais dont j'ai oublié l'ancienne destination.

Les Juifs ne font rien pour empêcher tout cela ; ils sont assez effrayés par les faits miraculeux qui se sont produits en grand nombre et ils cherchent seulement à tout cacher et à tout dénaturer. L'accès à la montagne du temple et à la partie de la ville qui en dépend est tout à fait intercepté par un mur du côté de la montagne de Sion où les chrétiens se sont établis, et la communauté se trouve par là isolée et séparée du reste de la ville.

Je vis les nouveaux arrivants mettre à la disposition de la communauté de gros ballots contenant des étoffes de laine blanche et jaunâtre, les unes fines, les autres grossières, de la toile destinée à la fabrication des tentes et des tapis. Nicodème et Joseph étaient chargés de répartir tout cela. On en fait des ornements pour le service divin et des robes baptismales. On donne à ceux qui sont dans le besoin et l'on veille à ce que tous soient pourvus.

Ces jours-ci les apôtres ont pris possession d'une nouvelle maison. Elle est située près de la piscine de Béthesda, un peu plus haut que la pièce d'eau et elle ressemble à une longue grange. Il y a plusieurs divisions, et une chaire est placée au fond : on dirait une synagogue. C'est dans cet endroit qu'à l'occasion du baptême qui eut lieu après la Pentecôte, je vis célébrer une espèce. La messe pour laquelle on avait apporté les ornements et les vases de la maison du cénacle. Les nouveaux arrives s'y rassemblent habituellement : ils y sont instruits par quelques-uns des apôtres et on leur dorme des directions. Je vois aussi souvent des femmes assister à ces réunions.

Les nouveaux venus ne vont pas au cénacle. Je n'ai vu ni les apôtres, ni les disciples, ni les néophytes visiter le temple : si les apôtres y allèrent après la Pentecôte, ce fut pour annoncer le christianisme à la foule assemblée lorsqu'ils eurent reçu le Saint Esprit et que le nombre des fidèles se multiplia. Leur temple est le cénacle où se trouve leur Saint des Saints.
Depuis que la sainte Vierge a communie, je la vois plus souvent avec les apôtres : ses rapports avec eux sont autres que ce qu'ils étaient auparavant. Ils ont des conférences avec elle et elle est comme leur mère à tons et comme un apôtre elle même.

23 avril.-- Ce matin, entre trois et quatre heures, j'ai vu lés apôtres dans le cénacle. Le sanctuaire était ouvert : ils se tenaient debout des deux côtés. La cloison du vestibule avait été enlevée : il s'y trouvait environ trente disciples. On pria et on chanta à deux choeurs. Tout cela me fit l'effet d'un office de matines. Pierre fit ensuite une instruction à ces disciples. Quand le vestibule était fermé la pièce centrale de la maison du cénacle était plus large que longue : maintenant qu'il était ouvert, la maison avait tout à fait l'apparence d'une église, parce que le sanctuaire ouvert, s'arrondissant en voûte par en haut, faisait l'impression d'un choeur avec l'autel. Nicodème, Joseph d'Arimathie et le fils de Siméon étaient présents.

24 avril . Aujourd'hui, de bon matin, j'ai vu célébrer au cénacle un office comme celui d'hier. Marie était présente : elle se tenait dans la salle, devant l'autel du vestibule, seule et je visage tourné vers le Très Saint Sacrement. Un peu en arrière d'elle, entre les colonnes du vestibule, les disciples et les apôtres se tenaient debout devant le Saint Sacrement, rangés sur deux lignes placées en face l'une de l'autre. Le rideau était ouvert, mais le tabernacle était fermé. La sainte Vierge avait un long manteau blanc : son voile était baissé. Il me sembla voir une couronne sur sa tête ; je crois bien toutefois que ce n'était pas une couronne véritable mais une auréole.

Cette forme de Prière a été instituée par Jésus lui-même. Il leur a révélé le mystère de cet office divin lors du repas où il leur fit manger le poisson, près de Tibériade et aussi lorsqu'il convainquit Thomas de sa résurrection ; mais je n'ai plus de souvenirs bien précis à ce sujet. Maintenant la mère de Dieu fait toujours au cénacle ses stations du chemin de la croix.

Ce matin, de bonne heure, tous les apôtres allèrent à Béthanie. La femme et la fille de Pierre, et d'autres femmes parmi lesquelles se trouvait la femme de Marc, sont venues de Bethsaïde à Béthanie. Elles habitent sous des espèces de tentes. Ces femmes n'ont aucun rapport avec les hommes. Les biens sont en commun. On ne se réunit près des apôtres que pour l'instruction. Ces femmes s'occupent à tisser et à tresser de longues bandes d'étoffes et de grosses couvertures pour les tentes. Plusieurs travaillent ensemble a une même pièce.

Marie, Marthe et Madeleine font des broderies. Elles y travaillent tantôt couchées sur le côté, tantôt en marchant, tenant l'étoffe sur la main. J'ai vu Marie broder sur un morceau d'étoffe moins grand qu'une serviette une figure qui semblait être celle d'un apôtre ou celle du Seigneur. Cette figure était un peu plus dégagée que d'autres que j'avais vues précédemment et qui ressemblaient en quelque sorte à des enfants au maillot. Ce sont des images pour de petits autels privés : elles sont assez grossières et tic couleurs peu voyantes ; car elles ont toutes des vêtements blancs et sont pour la plupart appliquées sur un fond jaunâtre et brunâtre, quelquefois aussi sur un fond bleu de ciel. Je me souviens aussi de l'avoir vue une fois, je ne sais pas si ce fut maintenant ou plus tard, broder une représentation de la très sainte Trinité, telle à peu près que je la vois dans mes visions ; mais je suis maintenant trop souffrante pour pouvoir la décrire : je craindrais de faire quelque confusion. Dieu le Père, semblable à un grand prêtre, pressentait la croix au Fils ; le Saint Esprit procédait de tous les deux, mais il n'avait pas la forme d'une colombe : au lieu d'ailes c'étaient des bras. Ces figures n'étaient pas les unes sous les autres, mais formaient plutôt un triangle. J'ai déjà vu en vision des ornements brodés par Marie figurer dans les cérémonies de l'Eglise primitive.

25 avril.-- Ce matin les apôtres sont allés à Béthanie : les saintes femmes s'y rendirent aussi, à l'exception de Marie. Les apôtres y étaient allés surtout pour pourvoir n l'établissement des nombreux arrivants et pour les instruire. On enseigna dans trois endroits : dans l'hôtellerie qui est hors de la ville, chez Lazare et dans la maison de Marthe. Les apôtres aidèrent eux-mêmes à construire des habitations pour ces néophytes : ils portèrent du bois, dés briques, des cloisons en clayonnage et travaillèrent très activement. Les pauvres reçoivent des vêtements : on a pris aussi des mesures pour leur nourriture. Je crois que c'est surtout Lazare qui aura fourni aux dépenses de la caisse générale.

Pierre s'est entretenu avec sa femme. Elle est âgée : est une personne de peu d'éducation et assez rude, sa fille est grande, hardie et a quelque chose de plus noble. Siméon, le dernier fils de Marie de Cléophas, est venu avec elle : il a environ douze ans et c'est un très bel enfant. Il se tient avec les apôtres et les disciples : il est surtout beaucoup avec Silas.

Les saintes femmes aussi s'occupent à venir en aide aux femmes nouvellement arrivées. Personne ne possède rien en propre : ceux qui apportent quelque chose le donnent ; ceux qui n'ont rien reçoivent.

La maison de Simon le lépreux est remplie de disciples. Je n'y vois plus Simon lui-même : il doit avoir donné sa maison et s'être confondu dans la foule. La femme de Zachée se trouve aussi là.

On construit et on élève de tous côtés des cabanes en toile et des hangars ; on utilise tous les coins de murs, spécialement dans les vieux édifices. Ici et à Jérusalem, il y a beaucoup d'habitations inoccupées ; car, après le crucifiement, beaucoup de Juifs, choqués et indignés, sont allés ailleurs. Vers le soir les apôtres revinrent à Jérusalem.

26 avril.-- Aujourd'hui je vis de nouveau faire au cénacle, avant le lever du soleil, ces prières qui me font l'effet de l'office des matines ; je vis, pendant qu'ils priaient, Jésus apparaître soudainement au milieu d'eux Je ne sais pas ce qu'il leur dit, mais je sus qu'il leur avait donné à entendre qu'il viendrait à eux le second jour d'après le sabbat. Il disparut avant qu'ils se fussent remis de leur surprise et qu'ils eussent pu lui adresser la parole.

La sainte Vierge était encore présente. Depuis qu'elle a reçu la sainte Eucharistie, elle loge près du cénacle dans la maisonnette qui est à droite de la porte devant laquelle l'agneau pascal fut immolé. Jean y loge aussi. On a arrangé pour la sainte Vierge, avec des tapis et des nattes, un passage couvert qui conduit au cénacle par la cour ; en sorte qu'elle peut aller directement de sa cellule dans la maison de Dieu. C'est dans cette cellule que Jésus lui apparut le matin du jour où elle reçut l'Eucharistie pour la première fois. Je vis de nouveau sa tête entourée d'une couronne d'étoiles que j'avais déjà vue lorsqu'elle communia.

Les apôtres allèrent encore à Béthanie. Sur le chemin je vis tout à coup Jésus passer devant eux, puis disparaître.

27 avril.-- Ce matin je vis de nouveau les apôtres faire l'office de matines. Vers le soir il y eut pour le sabbat une grande réunion au cénacle où ils étaient revêtus de leurs vêtements sacerdotaux ou de leurs habits de fête. La prière et le chant à deux choeurs se prolongèrent jusqu'assez avant dans la nuit. Les salles latérales étaient ouvertes : beaucoup de disciples étaient présents. La sainte Vierge était à sa place accoutumée ; les femmes derrière elle dans le vestibule.

28 avril. -- Aujourd'hui encore j'ai vu les apôtres prier en commun. Ils étaient tantôt assis, tantôt debout. Pendant cet office, il m'a semblé un moment que j'étais à vêpres.

29 avril. --Après les matines les apôtres allèrent de nouveau à Béthanie. Ils travaillèrent eux-mêmes à construire des cabanes pour les nouveaux arrivants. Ils enseignèrent aussi dans la maison de Simon. Cette maison, qui servait à donner des fêtes, est maintenant transformée en synagogue. Sur le toit qui est en terrasse, on a établi une salle ouverte de tous les côtés dont les parois en clayonnage s'enlèvent facilement, et où l'on a placé une chaire. Les auditeurs se tiennent à l'entour. On y monte par des degrés placés contre le mur à l'extérieur de la maison.

Tous les arrivants n'ont pas été admis dans la communauté. Les hommes venus de Chaldée ne sont pas encore admis.

Vers midi, Pierre, Jean, Jacques le Mineur, Thomas et quelques autres apôtres allaient de Béthanie à Jérusalem par la montagne des Oliviers, lorsque Jésus parut tout à coup au milieu d'eux et leur parla comme ils continuaient a marcher ; il sembla rester en arrière, puis il disparut.

30 avril.-- Vers quatre heures, Jésus apparut dans le cénacle aux apôtres seuls et mangea avec eux de l'agneau, de la salade et du pain. Les saintes femmes mangeaient hors de la salle, dans le vestibule, et les disciples dans les passages latéraux. C'étaient des agapes. Jésus rompit et distribua du pain qu'il avait bénit, puis il enseigna.