TOME SIXIEME


CHAPITRE DIXIÈME.


Jésus à Atom et à Sikdor. -Retour en Judée par Héliopolis.

Du 12 décembre 1820 au l5 février 1821 .

Jésus arrive à Atom.-Guérison d'une hémorrhoisse et d'une possédée.
-Jésus va à Sikdor ; -à Mozian ; -à Ur.-Il arrive à la première ville égyptienne.-Jésus à Héliopolis-voyage par le désert à Bersabée et à la vallée de Mambré.-Arrivée au puits de Jacob près de Sichar.-Jésus à Ephron ;-à Jéricho ;-à Capharnaum ;-à Nazareth ;-à Thenath ;-à Silo ;-à Béthanie.-Vision circonstanciée sur l'expulsion d'un démon.


12 décembre.- Je vis le Seigneur quitter ses hôtes avant le jour : les lampes étaient encore allumées. Ils avaient formé le projet de lui faire la conduite avec la même solennité qui avait présidé à sa réception : mais il s'y refusa ; il ne voulut pas non plus accepter un chameau pour le porter. Les disciples prirent avec eux fut peu de pain et des flacons contenant un liquide. Le vieux Mensor supplia encore Jésus de rester avec eux : il lui offrit tout ce qu'il possédait et mit à ses pieds une couronne qu'il portait habituellement sur sa coiffure. Ce bon vieillard pleurait comme un enfant : ses larmes roulaient comme des perles sur ses joues basanées ; tout le monde pleurait et sanglotait.

Jésus sortit du côté où était le temple et il passa devant la tente de cette adoratrice des idoles qui s'était convertie : c'était une très grande et très belle tente. Cette femme et tous les enfants coururent à Jésus. Elle voulait retenir les enfants, mais il les prit, les caressa, et s'entretint avec la femme qui se prosterna la face contre terre en pleurant. Je vis Mensor, les prêtres et d'autres personnes accompagner Jésus ; ils allaient alternativement se mettre à ses côtés deux par deux et cédaient ensuite la place à d'autres. Jésus et les disciples avaient pris des bâtons.

Les trésors de Mensor se trouvaient sous sa tente, dans la chambre grillée du rez-de-chaussée, où ils étaient sous terre comme dans une cave. Il y avait là de l'or en barres, en lingots sphériques, en grains amassés ensemble par petits tas : il y avait aussi des cassettes. Mensor est un descendant de Job qui avait aussi le teint d'un brun jaunâtre. Cette couleur n'est pas aussi foncée que celle des gens qui habitent près du Gange, c'est un brun brillant et très beau. Judith que j'ai vue en Afrique a un teint du même genre, elle est en outre singulièrement belle et majestueuse : elle a souvent une couronne sur la tête.

J'ai été aujourd'hui au premier endroit où Jésus passa la nuit après avoir quitté le château des rois : il y avait bien douze heures de marche jusque-là. Je le vis dans un camp de bergers qui appartenait encore à la tribu de Mensor. Ses disciples et lui dormirent dans une tente ronde, sur des lits de repos séparés les uns des autres par des cloisons mobiles.

Je n'ai vu Jésus et ses disciples manger avec les païens que lorsqu'on leur souhaita la bienvenue, et même alors ils ne prirent qu'un peu de pain, des herbes et des fruits. Quand ils burent, on leur donna un vase qui n'avait pas encore servi : dans la suite ils mangèrent toujours seuls. Le pain consistait en gâteaux plats de forme ovale qu'ils coupaient en croix. On le faisait cuire sur de grandes plaques où le moule était en creux et on le recouvrait d'autres plaques : on allumait du feu au-dessus et au-dessous.

Note : Il s'agit ici d'une femme qui gouvernait une tribu juive dans les montagnes de l'Abyssinie, et qu'Anne Catherine visita plusieurs fois dans ses extases.

Je revins alors vers le camp de Mensor et je le trouvai encore en chemin, lui et les autres personnes qui l'avaient suivi sur des chameaux. Il faisait nuit lorsqu'ils arrivèrent. Je vis la païenne convertie debout devant sa tente je vis sur sa tête comme une couronne où on lisait les lettres CUPPES. C'est là son nom païen : lorsque Thomas la baptisa, elle reçut le nom de Serena elle fut l'une des premières martyres et elle est encore honorée sous le nom de sainte Serena. Je vis aussi ses enfants reposer sur des couches placées contre les parois de la tente. Lorsque ceux qui avaient accompagné Jésus furent revenus, on alluma les lampes partout : tout le peuple se porta dans le temple ou autour du temple, ils prièrent agenouillés et se prosternèrent la face contre terre.

Le roi païen arrivé hier s'appelait ACICUS ou AAICUS. (Elle ne sait pas prononcer le mot que font ces lettres, mais elle les nomme les unes après les autres comme elle avait fait à propos de Cuppès et elle croit que les lettres majuscules latines sont des lettres grecques.) Le vieillard ami et serviteur de ce roi, était un astrologue. Il était habillé comme un prophète, avec une longue robe et une ceinture a plusieurs noeuds : il portait un turban autour duquel pendaient des cordons et des noeuds qui paraissaient de coton blanc. Il avait une longue barbe. Ces gens avaient le teint blanc : leur intention était de s'arrêter ICI quelque temps. Ils avaient envoyé dans les tentes des femmes celles qui les suivaient eux-mêmes et d'autres personnes de leur suite. Ils venaient d'un endroit situé à deux journées de voyage. Je n'ai pas vu Jésus s'entretenir avec eux, mais je l'ai entendu dire qu'ils recevraient aussi la lumière et louer la charité de leur roi envers ses semblables. J'ai oublié le nom de leur pays et beaucoup de noms étrangers que j'entendis prononcer. J'entendis des noms comme Ormusd et Zorasdat. J'ai aussi oublié le nom du gros homme, mari de Cuppès : c'était un fils du frère de Mensor ; tout jeune encore, il avait été du voyage de Bethléhem. Cuppès et lui avaient le teint d'un brun jaunâtre et ils étaient de la postérité de Job.

Je vis aussi hier le cimetière des gens de l'endroit. C'est une colline située derrière les mines d'or et où il se trouve des grottes. J'y vis le corps d'un enfant exposé dans une petite maison sans toit. Je vis que ces gens mettaient le plus grand soin à bien appareiller les animaux : je vis qu'ils les plaçaient par couples dans des fossés très bien tenus et palissades, qu'en outre ils entouraient de toiles.

Les animaux malades sont ici dans une grande tente et ils ont suivant leur espèce des compartiments à part séparés par des sentiers. Ce sont la plupart du temps des jeunes filles et des enfants qui les soignent.
J'entendis hier le roi Mensor déclarer que quiconque ne voudrait pas conformer sa vie aux préceptes de Jésus et croire à sa doctrine aurait à quitter le pays. Mensor n'était pas le plus brun des trois chefs de tribu qui visitèrent Jésus ; il tenait le milieu entre les deux autres. Il y avait ici des personnes dont le teint était encore plus foncé que le sien. L'endroit où Jésus a été reçu est le chef-lieu où se trouvent le temple et la sépulture des trois races royales, mais à deux lieues à la ronde il y a encore quatre campements occupés par des gens dont la plupart résident ici le plus souvent.

13 décembre.-- Jésus s'était dirigé hier vers l'est avec les trois disciples, je le vis dormir sous la tente dans un village de bergers. Ce matin il quitta cet endroit avant que les habitants fussent éveillés et je vis qu'étant arrivé à un cours d'eau trop considérable pour qu'on pût le passer à gué, il le remonta dans la direction du nord pour le franchir : vers le soir il arriva à des cabanes rondes de mousse ou de terre. Il s'approcha d'une fontaine découverte entourée d'un retranchement en terre : ils s'y lavèrent les pieds. D'après mon calcul, le voyage avait dû être de sept lieues.

Jésus, n'ayant rencontré personne, entra dans une cabane de feuillage où il passa la nuit. C'était une hutte ronde, ouverte de tous côtés faite de branches tressées et de gazon. et surmontée d'un toit pointu : il y avait à l'entour une enceinte de filets pour écarter les bêtes sauvages.
Le pays ici est très fertile. Je vis de très beaux champs bordés de rangées de gros arbres touffus ; je vis aux angles, où les arbres se confondaient ensemble, des habitations qui n'étaient pas des tentes comme chez Mensor, mais plutôt des cabanes rondes faites de branches tressées. Au milieu de tout cela se trouve un grand édifice ovale, avec un toit oblique aplati par en haut en sorte qu'on peut y marcher entre deux balustrades. Sur ces balustrades se trouvaient diverses figures qui regardaient le ciel à travers des tubes ; l'édifice était entouré d'emplacements séparés par des barrières. Les habitants du pays avaient le teint brûlé par le soleil, mais non pas d'un beau brun comme Mensor. Ils étaient vêtus à peu près comme les premiers adorateurs des astres que Jésus avait visités dans ce voyage. Les femmes ont des pantalons larges et sont enveloppées dans des manteaux. Ces gens paraissaient exercer le métier de tisserand ; ils ont des toiles et des fils tendus d'un arbre à l'autre à d'assez grandes distances et plusieurs personnes y travaillent en même temps. Les arbres qui bordent les champs et beaucoup d'autres sont taillés avec un soin recherché : on voit même des sièges pratiqués au milieu des branches.

Je vis les prêtres du pays en longs vêtements blancs avec des rubans de diverses couleurs formant des garnitures en zigzag. Autour du corps ils avaient une large ceinture dont l'extrémité pendante était ornée de pierres brillantes et de lettres : des cordons avec des plaques de métal étaient attachés à l'une de leurs épaules. Les gens de l'endroit portaient suspendu à leur côté un cor recourbé assez court. Il y a devant le temple une fontaine sacrée qui est fermée : il y a aussi un brasier pour le feu, mais qui ne pose pas immédiatement à terre, car on peut voir au-dessous. Voilà à peu près tout ce que je me rappelle de la physionomie de cette contrée.

14 décembre.-- Je vis le Seigneur et les disciples dormir dans la cabane couchés contre les parois. Je vis plusieurs hommes s'approcher de cette cabane : mais lorsqu'ils virent le Seigneur et ses disciples, ils furent saisis d'une crainte respectueuse, s'éloignèrent rapidement et se prosternèrent la face contre terre. Je ne sais pas en ce moment pourquoi ils semblaient si effrayés et tellement pénétrés de respect. Je crois que l'habillement du Seigneur leur fit présumer qu'il était juif et qu'ils n'avaient jamais vu chez eux personne de cette nation.

Les disciples se levèrent et semblèrent réveiller Jésus qui se leva à son tour, attacha autour de sa large tunique sa ceinture qu'il dénouait toujours la nuit et se revêtit du manteau qui lui avait servi de couverture En route ils n'avaient pas leur manteau sur eux, mais ils le portaient roulé ou empaqueté. Les disciples apportèrent de l'eau et lui lavèrent les pieds : il se retira ensuite avec eux dans un coin où ils firent une courte prière. Pendant tout ce temps les gens qui étaient au dehors restèrent prosternés la face contre terre. Jésus sortit, alla à eux et leur dit de ne pas avoir peur de lui. D'autres vinrent encore et ils allèrent avec lui du côté du temple. Un prêtre se tenait au haut de l'édifice et regardait en l'air avec un tube : Jésus l'appela et il descendit. Je vis ensuite un homme sortir du temple et présenter à Jésus une branche qu'il prit et qu'il donna à Erémenzear. Celui-ci la passa à Silas et Silas à Eliud ; puis Erémenzear la reprit et la porta au temple où Jésus et les autres le suivirent. Il y avait là un petit autel rond et sur cet autel un calice sans pied, ayant à peu près la forme d'un mortier et rempli d'un liquide jaunâtre dans lequel Erémenzear plaça la branche. Cette branche semblait desséchée ou artificielle, elle avait des feuilles des deux côtés et il me semble que Jésus dit qu'elle verdirait.

Je vis dans ce temple plusieurs figures : mais elles étaient enveloppées : il y avait dessus comme un fourreau, un masque d'étoffe très légère et un peu raide, semblable à du papier. Ces gens apportèrent les diverses parties d'une chaire qu'ils ajustèrent promptement . On y montait par deux marches. Jésus y monta, enseigna et leur lit des questions de tout genre comme à des enfants : pendant ce temps les femmes étaient venues se placer dans les enceintes dont il a été question. Je ne me rappelle pas autre chose quant à présent.

Le chef de cette colonie est sous la dépendance de Mensor. C'est le fils de son frère, mais ils ne peuvent pas s'accorder ensemble. C'est quelque chose qui ressemble à l'histoire d'Abraham et de Loth. Mensor aussi a partagé ses pâturages avec son neveu : du reste celui-ci après le séjour que Jésus a fait ici est devenu beaucoup meilleur et on peut même dire tout à fait bon.

Je vis plusieurs fois dans la journée des messagers ou des courriers de Mensor arriver ici et s'en retourner. L'arrivée de Jésus avait été annoncée par eux d'avance, et c'est ce qui fit que le mercredi, ces gens se prosternèrent si respectueusement devant la cabane ou il dormait. Ils avaient reçu dans la matinée le message qui leur annonçait la venue de Jésus chez eux et ils ne savaient pas qu'il était déjà arrivé pendant la nuit ; ce fut à la première aube du jour qu'ils s'approchèrent : je vis encore des étoiles dans le ciel.

Le chef de la tribu, qui était un homme de très bonne mine, était présent et il tenait à la main la branche, symbole de paix. La chaire qu'ils montèrent pour Jésus était hors du temple, près des palissades : le temple était ouvert dans toute sa longueur. Il y avait tout autour, des enceintes formées par des espèces de retranchements en terre, dans lesquelles un très grand nombre de personnes s'étaient rassemblées pour entendre Jésus. Les femmes étaient en arrière à une grande distance, et il me semble qu'elles ne pouvaient entendre que difficilement. Jésus dit quelque chose touchant la branche qu'il avait reçue et qui, pour preuve de la vérité de sa doctrine, devait reverdir lorsqu'il prendrait congé d'eux. Je ne sais pas s'il l'entendait dans le sens littéral ou si c'était seulement une comparaison qu'il faisait. Ces gens étaient simples comme des enfants et accueillaient tout avec empressement.

Je ne me rappelle rien de plus à présent si ce n'est que Jésus enseigna pendant la plus grande partie du temps et passa la première nuit dans la maison du chef de la tribu. Cette maison était ronde et à plusieurs étages : des escaliers circulaient à l'extérieur. Au-dessus de la porte, je vis un écusson de métal jaune sur lequel on lisait le nom d'Azarias d'Atom.

Note : Elle répéta souvent les lettres les unes après les autres, et hésita d'abord entre Azérias et Azéritas : elle s'arrêta enfin à Azarias Au commencement elle dit : " Atomicus ", puis elle finit par dire " d'Atom ", en ajoutant : " c'est le nom de l'endroit ". Cet écusson était-il réellement au-dessus de la porte ou lui fut-il seulement montré pour lui indiquer le nom, c'est ce qu'il est difficile de dire. Dans sa vision relative à Cuppès, elle vit un écusson semblable au-dessus de l'entrée de la tente pendant que cette femme était sur le seuil : elle le vit en outre surmonté d'une couronne qui indiquait peut-être la descendance royale ou la sainteté future de la personne en question. (Note du Pèlerin.)

15 décembre.-- Je vis que ce soir Jésus ne logea pas dans la maison d'Azarias : il alla de nouveau avec ses disciples dans la maison ouverte où ils avaient passé la première nuit et ils y célébrèrent le sabbat en particulier. Ils disposèrent une lampe, mirent leurs longs vêtements et les disciples se tinrent comme de coutume aux côtés de Jésus et derrière lui.

Je fus aussi dans la maison d'Azarias : l'intérieur était richement décoré avec de beaux tapis de couleurs varices : derrière se trouvait l'habitation de sa femme qui était unie au corps de logis principal par un passage couvert, et distribuée à peu près comme la maison de la sainte Vierge À Éphèse. Dans la partie antérieure était un foyer derrière lequel s'étendaient des deux côtés les appartements de cette femme : dans le coin le plus reculé il y avait une idole Cette femme avait plusieurs enfants : un certain nombre d'autres femmes ou servantes étaient présentes.

Sur une table assez grande soutenue par des colonnettes se trouvait un petit socle avec des ouvertures de tous les côtés et des ornements en feuillage, au-dessus duquel était placée l'idole qui avait la forme d'un chien assis sur ses pattes de derrière. Elle avait sous elle des feuilles écrites : il semblait qu'on eût voulu représenter un livre composé de plusieurs tablettes attachées ensemble avec des cordons. L'idole levait en l'air une de ses pattes de devant, comme pour montrer le livre Sa tête était grosse, longue et aplatie et avait quelque ressemblance avec un visage humain. Je vis que des prêtres prenaient du feu à l'aide d'un tube dans le bassin placé devant le temple et le répandaient sous l'idole : celle-ci était creuse, car des étincelles et de la fumée sortaient de la bouche et du nez, et le feu jaillissait par les yeux.

Au-dessus de cette idole il y en avait une autre à plusieurs bras. Elle semblait assise sur des serpents. Il y avait là quelque chose d'abominable : on adorait en elle le sexe féminin : mais je n'en puis rien dire de plus. C'était une divinité indienne et j'appris comment son culte était arrivé ici.

Je vis alors entrer une femme d'Azarias lequel était aussi présent : elle était malade et conduite par deux autres femmes. C'était celle qui tenait le premier rang parmi ses épouses et elle souffrait d'une perte de sang. Elle venait devant l'idole pour être guérie. On la fit asseoir sur une espèce de trône garni de coussins et de tapis, ses enfants se tenaient debout auprès d'elle. Les prêtres firent des prières, encensèrent et même sacrifièrent (des oiseaux, je crois) devant l'idole : mais il n'en résulta rien. Des flammes sortirent de l'idole, une vapeur noire et épaisse s'échappa, je vis de hideuses figures de doguins s'enfuir et disparaître et la malade se trouva dans un état très misérable. Pendant qu'elle s'affaissait sur elle-même, À demi morte, elle s'écria : " Ces idoles ne peuvent pas me secourir ! ce sont de mauvais esprits. Ils ne peuvent plus rester ici : ils fuient devant le prophète, le roi des Juifs qui est chez nous. Nous avons vu son étoile et nous l'avons suivie ! Le prophète seul peut me guérir " !

Elle dit cela beaucoup plus brièvement, puis tomba sans mouvement et comme sans vie, ce qui consterna les assistants. Ils ne savaient pas que Jésus en personne était parmi eux. Ils avaient cru que c'était seulement un envoyé du roi des Juifs. Ils allèrent alors respectueusement trouver Jésus qui célébrait le sabbat dans la cabane où il s'était retiré avec ses disciples, et le supplièrent de venir près de la malade, lui disant qu'elle avait assuré que lui seul pouvait la guérir. et comment les idoles étaient réduites à l'impuissance, etc.

Je vis alors Jésus qui avait encore ses vêtements du sabbat, se rendre avec les disciples près de la malade : elle était étendue par terre et semblait mourante. Jésus parla avec beaucoup de force et de vivacité contre les idoles et le culte qu'on leur rendait : il leur dit qu'elles n'étaient rien par elles-mêmes et que c'était Satan qu'ils servaient. Il fit de grands reproches à Azarias de ce qu'après son retour de Bethléhem, où il était allé très jeune encore avec les rois mages, il était retombé si profondément dans les abominations de l'idolâtrie. Il leur dit que s'ils voulaient croire à ses enseignements, observer ses préceptes et se faire baptiser, il leur enverrait dans trois ans son apôtre (Thomas) : il ajouta qu'il allait guérir la malade. Il parla en outre à celle-ci : elle répondit qu'elle croyait en lui et les autres promirent aussi de croire.

Cependant on avait enlevé les parois qui fermaient la tente et un très grand nombre de personnes se tenaient autour : Jésus demanda un bassin plein d'eau, mais d'eau ordinaire et qui ne fût pas prise à leur fontaine sacrée, il ne se servit pas non plus de leur aspersoir. Il se fit apporter une branche fraîchement cueillie, qui avait de jolies petites feuilles effilées. Il ordonna de couvrir les idoles, ce qu'on fit avec de beaux tapis blancs brodés d'or. Jésus plaça l'eau sur l'autel ; puis un des trois disciples, lesquels pendant tout ceci se tenaient à sa droite, à sa gauche et derrière lui, lui présenta une boîte ronde en métal prise dans la bourse qu'ils portaient avec eux. Il y avait plusieurs de ces boîtes placées les unes sur les autres : je remarquai dans l'une de l'huile, dans l'autre du coton ; celle qu'il présenta à Jésus renfermait une poudre blanche très fine. Je ne puis pas dire que ce fût du sel, mais cela m'en fit l'effet. Jésus en jeta dans l'eau sur laquelle il se pencha : je ne sais pas s'il souffla dessus. Ayant prié, il la bénit avec la main, y trempa la branche et aspergea tous les assistants ; puis il étendit la main vers la malade en lui commandant de se lever. Elle obéit et se trouva guérie. Alors elle se jeta à genoux et voulut lui embrasser les pieds, mais il ne se laissa pas toucher par elle.

Après avoir guéri cette femme, Jésus dit qu'il en y avait ici une autre qui était beaucoup plus malade et qui ne réclamait pourtant pas son secours : que celle-là adorait un homme. Je vis la femme dont il parlait : elle s'appelait Ratimiris : je vis aussi sa maladie, consistant en ce que la vue, le nom, la pensée d'un jeune homme que je vis aussi, la faisaient tomber dans une espèce de fièvre d'amour impudique qui la rendait malade à la mort. Elle avait pourtant un mari et même plus d'un. Le jeune homme ignorait tout cela. (Anne Catherine ne pouvait s'empêcher de rire de cette femme et de sa maladie qu'il lui était impossible de comprendre.)

Jésus fit appeler cette Ratimiris. Elle s'approcha toute honteuse : il alla à l'écart avec elle, lui révéla toutes les circonstances de sa maladie et tous ses péchés, et elle convint de tout. Le jeune homme qu'elle aimait était employé au service du temple, et toutes les fois qu'elle apportait ses offrandes qui étaient reçues par lui, elle tombait dans ses accès. Après lui avoir parlé en particulier, Jésus la ramena devant l'assistance et lui demanda si elle voulait croire en lui et recevoir le baptême lorsqu'il enverrait ici son messager. Elle dit qu'elle le voulait et se montra pleine de respect et de foi : alors il chassa d'elle le démon de l'amour impur et je vis sortir de son corps une vapeur noire.

Le jeune homme s'appelait Kaisar. Il était très beau et très svelte et il avait dans sa personne quelque chose de Jean. Il était parfaitement pur et chaste : c'était un descendant de Cetura et un parent d'Erémenzear qui était aussi de cet endroit : voilà pourquoi Jésus avait donné à celui-ci la branche de paix lors de sa réception.

Kaisar ou César s'entretint avec les disciples : il avait depuis longtemps un pressentiment de la rédemption : il leur raconta aussi plusieurs songes qu'il avait eux. Il avait rêvé entre autres choses qu'il portait sur ses épaules un très grand nombre de personnes à travers un courant d'eau : cela fit penser aux autres qu'il était peut-être destiné à opérer beaucoup de conversions. J'ai vu qu'il partira d'ici avec Jésus. J'eus une vision touchant son avenir où je vis que trois ans après l'Ascension, lorsque Thomas baptisait dans ce pays, il y revint avec Thaddée ; plus tard Thomas l'envoya en qualité d'évêque dans un endroit où il fut crucifié quoiqu'innocent, comme voleur mourut l'âme remplie de joie.

Jésus enseigna ici jusqu'au moment où le jour parut et où l'on éteignit les lampes. Il leur ordonna de détruire les images du démon, il leur reprocha d'adorer le sexe féminin dans une image diabolique et de traiter leurs femmes plus mal que les chiens qui étaient pour eux des animaux sacrés. Dans la matinée Jésus se retira de nouveau avec les disciples pour célébrer le sabbat dans une cabane isolée.

Vers le soir, Anne Catherine, plongée dans un sommeil extatique, parla ainsi : " Avec quelle véhémence Jésus a parlé à ces paiens, lui qui s'était montré si indulgent envers d'autres ! Il y avait de grandes différences dans sa manière d'agir. Je voudrais que X. vît cela pour apprendre qu'il ne faut pas se servir, comme il le fait, du même onguent pour tous les malades ".

Je fus aussi informée pourquoi ce voyage de Jésus était resté si secret. Autant qu'il m'en souvient, Jésus a dit à ses apôtres et à ses disciples, qu'il voulait s'éloigner un peu pour se faire oublier, et eux-mêmes ne savaient rien de la route qu'il voulait prendre. Le Seigneur avait pris avec lui des adolescents d'une grande simplicité pour qui les rapports avec les païens n'étaient pas un objet de scandale et qui ne se faisaient pas des scrupules à tout propos. Je crois aussi qu'il leur défendit sévèrement d'en parler dans la suite, sur quoi l'un d'eux lui répondit naïvement : " L'aveugle redevenu voyant auquel vous aviez défendu d'en rien dire l'a pourtant fait et il n'a pas été puni " ! Jésus repartit : " Cela s'est fait pour que Dieu fût glorifié : cette fois il en résulterait un grand scandale " ! Je crois que les Juifs et ses apôtres eux-mêmes pour la plupart, se seraient scandalisés en apprenant qu'il était allé chez les Gentils.

Je vis aussi qu'outre Kaïsar qu'il prit ici, quelques autres disciples suivront Jésus à son départ d'Égypte. Si j'ai vu cela, ainsi que beaucoup de particularités touchant Kaïsar, cela tient à ce que j'ai près de moi une amulette où il y a de ses reliques mêlées à quelques autres. J'ai oublié les noms de ceux auxquels elles appartiennent, mais je sais que quelques-unes de ces reliques sont désignées à tort par des noms d'apôtres. Je vois toujours plus clairement ce qui concerne les personnes quand il y a près de moi de leurs reliques ou de celles de leurs parents : il semble que je vois tout ce qui les concernent au moyen de ce qui a fait leur substance.

16 décembre.-- Le soir du sabbat le Seigneur convoqua de nouveau tous les habitants de l'endroit et les enseigna. Il bénit de l'eau pour leur usage et se fit préparer par eux un calice neuf comme chez Mensor. Il bénit aussi comme il l'avait fait là, du pain et une liqueur rouge. Dans le vase où Erémenzear avait mis la branche qu'on leur avait présentée à leur arrivée, afin qu'elle se conservât fraîche, il y avait un liquide d'un vert jaunâtre qu'ils exprimaient d'une certaine plante et qu'ils considéraient comme un breuvage sacré. Je vis que pendant toute la nuit du samedi au dimanche Jésus enseigna devant le temple, qu'il aida lui-même à briser leurs idoles et leur dit comment ils devaient distribuer le prix du métal. Je vis encore qu'il mit les mains sur les épaules des prêtres comme il l'avait fait chez Mensor et qu'il leur apprit aussi à distribuer le pain bénit et à préparer le breuvage ; seulement ici le vase était plus grand.

Azarias est devenu plus tard prêtre et martyr. Les deux femmes que Jésus guérit ici sont aussi devenues des martyres comme Cuppès. Le Seigneur parla contre la pluralité des femmes et il donna des instructions sur l'état du mariage. Comme la femme d'Azarias et Ratimiris voulaient être dès à présent baptisées par lui, il leur dit qu'il avait bien le pouvoir de le faire, mais que le moment n'était pas venu : il devait d'abord retourner à son Père et envoyer le Consolateur, ensuite ses envoyés les baptiseraient. En attendant elles devaient vivre dans le désir d'accomplir sa volonté : cela servirait de baptême à ceux qui mourraient avant l'arrivée de ses envoyés. Ratimiris fut baptisée par Thomas et reçut le nom d'Emilie, lorsque trois ans après l'Ascension il vint dans ces contrées avec Thaddée et Kaïsar, et qu'il baptisa le peuple et les rois : il venait d'un point plus méridional que celui d'où Jésus était parti.

17 décembre.-- Je crois que Jésus est parti d'Atom dimanche. Je ne me souviens plus bien des adieux. Il s'est mis en voyage vers midi et il a continué à marcher jusqu'au matin. La contrée qu'il traversa était très fertile, coupée de rivières et de canaux. Il y a là beaucoup d'arbres fruitiers, spécialement des pêchers qui sont plantés en lignes régulières. J'entendis les noms d'Euphrate, de Tigre, de Chaldar : je crois que Ur, le Pays d'Abraham n'est pas loin d'ici, non plus que le lieu où Thaddée a souffert le martyr.

Jésus arriva vers le soir dans un endroit qui paraissait s'étendre le long de la grande route. Des Chaldéens y habitaient. Ce n'était pas proprement une ville, il y avait seulement quelques maisons plates bâties en pierre et disséminées le long du chemin J'entendis le nom de Sikdor comme étant celui de cet endroit Les habitants étaient bons, Jésus les enseigna. Près de là s'élevait une montagne surmontée d'une haute pyramide où l'on montait par des escaliers. On trouvait en haut des galeries, des sièges et de grands tubes dont ils se servaient pour observer les astres. Il y avait ici beaucoup de jeunes gens comme s'il s'y fut trouvé une école.

Ces gens étaient moins vêtus que les trois rois, mais ils avaient des couvertures sur eux et portaient des ceintures. Ils faisaient des prédictions d'après la course des animaux interprétaient les songes et prophétisaient. Ils avaient certains pressentiments touchant une mère de Dieu. Dans leur temple qui était de forme ovale on voyait beaucoup de figures en métal d'un travail singulièrement beau et élégant. Le principal objet qui s'y trouvât était une colonne triangulaire. A l'un des côtés se tenait une idole à plusieurs pieds qui étaient moins des pieds d'homme que des pattes d'animaux. Elle avait aussi plusieurs bras et portait dans ses mains plusieurs objets, par exemple une boule, un cerceau, une grosse pomme à côtes avec une queue, et un petit bouquet d'herbes : je me souviens de cela. Son visage ressemblait à un soleil, elle avait un grand nombre de mamelles et je crois que c'était l'image de la force génératrice et conservatrice dans la nature : elle s'appelait Mytor ou Mitras. De l'autre côté de la colonne était un animal à une seule corne. C'était une licorne et son nom était quelque chose comme Asphas ou Aspax. Cet animal combattait avec sa corne contre un autre animal malfaisant qui se trouvait sur le troisième côté de la colonne. Celui-ci avait une tête avec un bec crochu semblable à celle d'un hibou, quatre pattes armées de griffes, deux ailes et une queue dont l'extrémité ressemblait à un scorpion. Je ne me souviens plus de son nom ; quant aux autres noms, je ne puis non plus donner que des à peu près parce que je les retiens très difficilement. Au-dessous de ces deux animaux, en avant de l'angle de la colonne, était une figure qui représentait la mère de tous les dieux. Son nom était Frau ou Alpha. Elle était supérieure à tous les dieux et quiconque voulait obtenir quelque chose du Dieu suprême, devait avoir recours à son intercession. Ils l'appelaient aussi grenier de blé. Du milieu du ventre ou du nombril de cette figure sortait un bouquet de gros épis de blé qu'elle tenait serré dans ses mains. Sa tête était enfoncée entre ses épaules et courbée en avant : sur la nuque se trouvait un vase plein de vin. (Elle dit une fois qu'on avait dû d'abord y mettre du vin.) il était dit aussi dans leurs traditions que ce blé devait devenir du pain et que le vin devait réconforter tous lés hommes. Cette figure était surmontée d'une espèce de couronne au-dessus de laquelle on voyait sur la colonne deux lettres ou deux signes qui me parurent être O W.
Il y avait encore dans le temple une table ou autel de bronze sur lequel je vis quelque chose qui m'étonna beaucoup. Sous un léger couvercle de forme arrondie qu'ils enlevèrent, se trouvait un petit jardin rond entouré d'un grillage en or, comme une volière, et au-dessus duquel était l'image d'une vierge. Au milieu du petit jardin on voyait sous un petit temple une fontaine consistant en plusieurs bassins superposés qui tous étaient fermés. Devant cette fontaine se trouvait un cep de vigne vert avec une belle grappe rouge suspendue dans une machine noire dont la forme me rappelle tout à fait la croix. L'extrémité supérieure était ouverte comme un entonnoir : le tronc était creux et ce qu'on introduisait par le haut pouvait s'écouler par en bas.

Comme on lui demandait quelle forme avait le pressoir dans ses visions sur les travaux de la vigne, Anne Catherine répondit : " il a bien le même aspect mais il est placé dans une cuve ". Le soir suivant, parlant encore de cette machine, elle dit : " il y avait au haut de l'entonnoir comme un sac de cuir et on pouvait faire jouer les bras de la croix comme des leviers : ils pressaient alors le vin qui s'échappait par des ouvertures pratiquées au bas du tronc. C'était donc à la fois une croix et un pressoir.

Ce petit jardin avait de cinq à six pieds en longueur et en largeur. On y voyait de jolis buissons et des arbustes verts : le cep de vigne et la grappe avaient l'air d'objets naturels. Ces gens avaient fait tout cela d'après ce qu'ils avaient observé dans les astres et je crois qu'ils virent aussi quelque chose de semblable sur l'échelle de Jacob. Ils avaient encore d'autres pressentiments et d'autres symboles de la très sainte mère de Dieu.

Ils sacrifiaient des animaux et ils avaient une horreur particulière pour le sang qu'ils faisaient toujours couler dans un trou creusé en terre. Ils avaient du reste le feu de l'eau sacrée, le calice rempli du jus d'une plante, les petits pains, enfin tout ce qu'avaient les autres. Jésus leur reprocha leur idolâtrie. Il leur dit il est vrai qu'il y avait là beaucoup de pressentiments de la vérité, mais que Satan s'était introduit dans toutes ces formes pour les souiller. Il leur expliqua l'image du jardin fermé et leur dit aussi que lui-même était le cep de vigne dont le sang réconforterait le monde, et le grain de blé qui devait être mis en terre et ressusciter. Il parla ici beaucoup plus clairement et plus nettement que chez les Juifs, car ces gens étaient si humbles qu'ils croyaient que les Juifs seuls étaient la race d'élection. Le Seigneur les consola et leur dit qu'il était venu pour tous les hommes : il leur ordonna de brûler les idoles et d'en distribuer le prix aux pauvres. Il leur reprocha particulièrement d'avoir mêlé des symboles et des indications de céleste origine avec des images de Satan.

Il y avait ici une maison où l'on instruisait des jeunes filles. Lorsque le Seigneur partit de Sikdor, les habitants furent très émus. Ils se jetèrent en travers sur son chemin et ne voulaient pas le laisser aller plus loin, mais il continua sa marche. Je le vis ensuite avec ses disciples près d'une maison voisine de la route, se reposer sur des couches placées sous un grand arbre qui était entouré d'une clôture : il y mangea du pain et du miel qu'on leur apporta de la maison.

Dans la nuit du lundi au mardi, je ne vis le Seigneur s'arrêter nulle part. Je le vis avec ses quatre disciples marcher dans la plaine, tantôt parmi des cailloux blancs, tantôt à travers des prairies couvertes de fleurs blanches. Il y avait le long du chemin beaucoup de pêchers dont le tronc était mince et élancé. Plusieurs fois le Seigneur s'arrêta et s'entretint avec les disciples en leur montrant du doigt ce qui les entourait. Il y a dans ce pays beaucoup de cours d'eau et de canaux.

Jésus voyageait avec une rapidité étonnante, faisant quelquefois vingt lieues de suite, sans s'arrêter ni jour ni nuit. Pour revenir en Judée, il suivit une route qui décrit un très grand arc de cercle. Je crois toujours qu'Erémenzear a écrit sur ce voyage, et que son écrit a été brûlé, mais que pourtant, il s'en est conservé quelque chose jusqu'à nous. Ils marchèrent toujours jusqu'au mardi soir : alors je vis le Seigneur et les disciples approcher d'une ville qui était précédée de plusieurs jardins circulaires entourant une colline ; la plupart avaient une fontaine au milieu et ils étaient plantés d'arbres élégants et de jolis arbustes. La route que suivait le Seigneur se dirigeait au midi ; Babylone était vers le nord : je crois qu'en partant d'ici on descendait toujours pour aller à Babylone qui était située beaucoup plus bas.

Une perspective s'ouvrit ici pour moi entre le nord et le levant. Je vis comme de hautes montagnes resplendissantes sur lesquelles s'élevaient plusieurs tours merveilleuses. Tout cela est situé au-dessus des nuages : c'est la montagne des prophètes, de laquelle toutes ces rivières reçoivent leurs eaux. La rivière d'ici se divisait près de la ville en trois bras qui se réunissaient plus bas. Deux d'entre eux l'entouraient et le troisième la traversait. Le Seigneur repassa encore une fois de l'autre côté du fleuve, puis il se dirigea vers le midi, où ce fleuve se jette dans la mer. Je crois qu'il s'appelle le Tigre, du moins j'ai entendu prononcer ce nom.

Le Seigneur passa dans cette ville très paisiblement et sans être accosté par personne. C'était le soir : on voyait peu d'habitants, personne ne s'inquiéta de lui ; mais bientôt je vis venir à sa rencontre plusieurs hommes vêtus de longues robes comme Abraham et ayant des pièces d'étoffes roulées autour de la tête. Ces hommes s'inclinèrent devant lui et l'un d'eux lui présenta un bâton court, recourbé par le haut comme une houlette. C'était un roseau de la même espèce que celui qu'on mit par dérision dans les mains du Christ : ils l'appelaient le bâton de la paix. Les autres étaient allés deux par deux étendre un tapis en travers de la rue et quand le Seigneur avait passé dessus, ils le relevaient et prenaient les devants pour l'étendre de nouveau. Ils arrivèrent ainsi à une cour entourée d'une grille sur laquelle étaient placées plusieurs idoles au-dessus de la rue s'avançait un drapeau porté par une hampe et sur lequel était représenté un homme tenant une crosse comme celle dont il a été parlé. C'était le drapeau de la paix. Ils conduisirent le Seigneur à travers un bâtiment couronné d'une balustrade que surmontait un autre drapeau. Cela paraissait être leur temple. Autour de la salle intérieure étaient des idoles voilées et au milieu une autre figure également voilée. L'enveloppe qui la couvrait se terminait en haut en forme de couronne. Le Seigneur ne s'arrêta pas là. Ils suivirent un couloir des deux côtés duquel on voyait des chambres à coucher ; puis ils arrivèrent à un petit jardin intérieur fermé de tous côtés qui était élégamment pavé de pierres de diverses couleurs et planté de beaux massifs et de jolis arbrisseaux. Au centre était une fontaine surmontée d'un petit temple ouvert. Le Seigneur et les disciples s'arrêtèrent là. Sur leur demande les idolâtres leur apportèrent de l'eau dans un bassin. Le Seigneur la bénit d'abord comme s'il eût voulu effacer par là la bénédiction païenne qu'elle avait reçue ; puis les disciples lui lavèrent les pieds et il leur rendit le même office ; après quoi ils versèrent le reste de l'eau dans la fontaine. Les païens conduisirent ensuite le Seigneur dans une salle ouverte adjacente où était préparé un repas : c'étaient de grosses pommes jaunes à côtes et d'autres fruits, des rayons de miel, des gâteaux ressemblant à des gaufres et de petits morceaux coupés en carré, le tout placé sur une table basse. Ils mangèrent quelque chose sans s'asseoir. L'arrivée de Jésus avait été annoncée aux gens d'ici par les prêtres de l'endroit qu'il avait visités précédemment, et ils l'avaient attendu tout le jour : c'est pourquoi on lui fit une réception si solennelle. Abraham aussi présentait à ses hôtes pour leur souhaiter la bienvenue un bâton comme celui qu'ils offrirent à Jésus.

20 décembre.-- J'ai entendu prononcer le nom de la ville où Jésus alla hier : elle s'appelle Mozin ou Mozian. C'est une ville de prêtres : les habitants sont profondément plongés dans l'idolâtrie. Jésus n'entra pas dans leur temple : je le vis devant ce temple enseigner en présence d'un nombreux auditoire, sur un tertre où étaient pratiqués des degrés en maçonnerie et situé près d'une fontaine Il les blâma très sévèrement de leur attachement au culte du démon, plus grand encore que celui de leurs voisins. Il leur reprocha toutes leurs pratiques idolâtriques et dit qu'ils avaient abandonné la loi. J'entendis qu'il leur parla de la destruction du Temple de Jérusalem à laquelle ils avaient pris part, de Nabuchodonosor, et de Daniel. Il leur dit qu'il devait se faire chez eux une séparation entre les croyants et les aveugles : car il y avait des gens bien disposés. Il dit à ceux-ci où ils devaient aller. Beaucoup étaient endurcis : il y avait un point touchant les femmes dont ils ne voulaient pas entendre parler : je crois qu'il s'agissait de l'abolition de la polygamie.

Les femmes chez eux vivaient tout à fait à part, dans une rue située à l'extrémité de la ville dont elle était séparée par des allées. Elles semblaient très méprisées et les hommes les prenaient en horreur lorsqu'elles étaient malades : les filles ne devaient se laisser voir que jusqu'à un certain âge. Aucune femme ici ne vit Jésus : il y avait de jeunes garçons dans l'assistance.

Jésus parla à ces gens en termes très sévères : il leur dit qu'ils étaient tellement aveuglés et plongés dans le mal que, lorsque son envoyé viendrait les visiter, il ne les trouverait pas encore disposés à recevoir le baptême : j'ai vu qu'en effet il en fut ainsi dans une vision que j'ai eue cette nuit sur la vie de l'apôtre saint Thomas. Jésus ne voulut pas rester plus longtemps parmi eux et il quitta la ville. Des jeunes filles vinrent à sa rencontre près de la porte : elles avaient de larges pantalons, des guirlandes autour des bras et du cou, et des bouquets à la main : elles chantaient des cantiques à sa louange. Il s'entretint avec elles.

Je vis ensuite Jésus traverser une grande plaine avec ses compagnons et entrer vers midi dans un village de bergers qui habitaient sous des tentes. Il s'assit près de la fontaine, les disciples lui lavèrent les pieds et il vit des hommes portant des branches d'arbre, qui le reçurent avec joie. Ils avaient de longs vêtements qui rappelaient ceux du temps d'Abraham : il y avait chez eux une pyramide d'où l'on observait les étoiles. Je ne vis pas d'idoles parmi eux, ils me parurent être purement des adorateurs des astres. Je crois qu'ils appartiennent à des races dont quelques membres étaient allés à Bethléhem avec les rois mages. C'était uniquement, à ce qu'il me sembla, une petite agglomération de bergers dont un seul, qui était leur chef, avait une maison bâtie. Jésus mangea debout du pain et des fruits dans cette maison et il but dans un verre à part. Il enseigna ensuite près de la fontaine et lorsqu'il partit, ils se prosternèrent sur son chemin et le supplièrent de rester.

Le Seigneur marcha toute la nuit et le jour suivant : je le vis une fois se reposer avec les disciples près d'une fontaine, à l'ombre de grands arbres, dans un lieu où s'arrêtaient ordinairement les voyageurs : il mangea là un peu de pain et se désaltéra.

22 décembre.-- Le Seigneur et ses disciples se dirigèrent vers le sud, en s'éloignant un peu du fleuve, et vers le soir, avant le sabbat, ils arrivèrent près d'une ville. Elle est aussi située sur le bord du fleuve et environ trente lieues plus au midi que la précédente. Les habitations y sont plus rapprochées les unes des autres et il n'y existe pas la même séparation entre les hommes et les femmes. J'entendis le nom de la ville, c'est quelque chose comme Ur ou Urhi. Il y avait un rapport entre cette ville et Abraham, soit qu'Abraham fût de ce pays, soit que les habitants fussent venus de la patrie d'Abraham : je ne sais plus bien ce qui en était. Je vis Jésus et ses compagnons arriver devant la ville prés d'une fontaine qui se trouvait au milieu d'un enclos entouré de plusieurs allées de grands arbres touffus et où il y avait de petits sièges de pierre. Les disciples lavèrent les pieds du Seigneur et les leurs. Ils entrèrent ensuite dans la ville dont l'architecture ne me parut pas ressembler à celle de l'autre. Il y avait plusieurs tours au haut desquelles on montait par des escaliers tant à l'extérieur qu'à l'intérieur : à l'étage supérieur, il y avait des galeries d'où l'on observait les étoiles.

Les habitants avaient appris par les étoiles l'arrivée du Seigneur, ils l'attendaient depuis longtemps et faisaient attention à tous les étrangers qui arrivaient. Cette fois quelques personnes ayant vu Jésus dans la ville coururent pour annoncer sa venue à une grande maison devant laquelle était une place. Cette maison était surmontée d'une plate-forme d'où l'on pouvait voir de tous les côtés. Devant la porte le Seigneur et les disciples avaient changé quelque chose à l'arrangement de leurs ceintures et ils avaient laissé retomber leurs robes qui étaient relevées. Plusieurs hommes portant de longs vêtements sortirent de la maison qui me parut ressembler à une école. Ils avaient pour ceintures des courroies dont les bouts étaient pendants leurs habits étaient d'une couleur uniforme : ils n'avaient pas de bandeaux roulés autour de la tête, mais portaient des bonnets semblables à des bourrelets d'enfants dont la partie bombée était faite d'objets frisés, floconneux comme de la plume : il en partait des bandes étroites qui se réunissaient au sommet, formant comme une touffe de plumes et à travers lesquelles on pouvait voir les cheveux. Ces hommes se prosternèrent devant Jésus et lui présentèrent une branche d'arbre : l'un d'eux portait une espèce de sceptre. Un drapeau flottait en avant de la maison : je ne sais plus ce qui y était représenté. Ils placèrent Jésus et les disciples au milieu d'eux et les firent entrer dans la maison dont l'intérieur était occupé par une grande salle Ils le menèrent à une chaire à laquelle on montait par des degrés : il y avait plusieurs sièges les uns au-dessus des autres et celui du milieu était le plus élevé. Il vint beaucoup de monde pour entendre Jésus : mais il n'enseigna pas longtemps, car ils le conduisirent à une autre maison où on arrivait à travers une longue rangée de chambres à coucher, et ils l'introduisirent dans une salle où un repas était préparé pour lui. Il mangea à peine quelques bouchées qu'il prit debout : après quoi on le conduisit dans une chambre où on le laissa seul avec les disciples et où ils prirent ensemble quelque nourriture ; après quoi ils prièrent pour célébrer le sabbat.

23 décembre. Ils célébrèrent le sabbat. Quand il fut fini, je vis Jésus enseigner encore du haut d'une tribune en pierre, sur une place où il y avait une fontaine. Un auditoire de femmes était rassemblé autour de lui. Elles avaient des vêtements étroits dans lesquels elles étaient tellement serrées que je ne comprenais pas comment elles pouvaient marcher. Quelques-unes portaient des étoffes à grandes fleurs, et aussi des bonnets faits avec ces plumes floconneuses dont j'ai parlé. Ces bonnets ressemblaient à un capuchon : ils se terminaient par un petit sommet arrondi, descendaient en pointe sur le front et avaient deux appendices qui retombaient sur les joues.

Après cela Jésus enseigna encore dans la maison des hommes. Il y avait ici des temples avec des idoles, mais le Seigneur n'y entra pas : toutes les idoles étaient enveloppées dans des couvertures. Il parla beaucoup d'Abraham à ces gens en termes véhéments et s'exprima très vivement sur le degré d'abjection où ils étaient tombés.

Thomas ne les baptisa pas lorsqu'il vint pour la première fois dans ce pays.

24 décembre.-- Les habitants d'Ur accompagnèrent Jésus ce matin et jetèrent des branches d'arbre devant lui dans la rue. Il marcha longtemps dans la direction de l'ouest à travers une belle campagne, ensuite le sol devint plus sablonneux, puis passant à travers des halliers, ils arrivèrent vers midi à une fontaine près de laquelle ils mangèrent et se reposèrent. Ils trouvèrent ensuite une forêt où étaient disséminées quelques cabanes : le pays était cultivé par places. Vers le soir ils arrivèrent près d'un grand édifice rond qui était entouré d'eau ainsi qu'une cour attenante. Il y avait tout autour des maisons à toits plats très grossièrement construites. Au haut du château on voyait de la verdure : je vis même des arbres ; mais cela est-il possible ? dans l'épaisseur des murs étaient pratiquées des habitations pour des gens de la classe inférieure.

Jésus et les disciples entrèrent dans la cour où il y avait une fontaine entourée d'arbres de diverses espèces. Ils lui lavèrent les pieds comme à l'ordinaire. Alors il vint du grand édifice deux hommes chamarrés d'une quantité de rubans et coiffés de bonnets de plumes. L'un d'eux, un vieillard vêtu d'une longue robe et ayant sur la tête une haute coiffure pointue, tenait à la main une branche et un bouquet de verdure où il y avait des baies. Il les donna à Jésus qui le suivit ainsi que les disciples dans l'édifice rond. Au centre de cet édifice était une chambre circulaire qui recevait le jour d'en haut et où il y avait un foyer élevé sur des degrés. Cette pièce communiquait par des portes à des chambres irrégulières dont le mur postérieur était recouvert de tapis, derrière lesquels on plaçait des objets de toute espèce. Le sol était bien aplani et couvert, comme les parois, d'épaisses couvertures. Ils prirent là un repas, toutefois avec quelque réserve : ils mangèrent du pain et des tranches d'un gros fruit : il y avait là aussi une boisson particulière que je ne connaissais pas : ils burent dans des vases neufs.

Alors le maître de la maison montra tout à Jésus et le conduisit partout. Tout le château était plein d'idoles d'un beau travail : il y avait des figures grandes et petites, avec des têtes de chien et de boeuf et des corps de serpent, beaucoup d'autres figures d'animaux, et des simulacres qui ressemblaient à des enfants au maillot. Quelques-unes étaient placées dans la cour sous les arbres, par exemple un oiseau qui regardait en l'air et d'autres animaux rangés à l'entour. J'eus des visions sur leur religion : je me rappelle seulement qu'ils sacrifiaient des animaux et qu'ils avaient horreur du sang et le faisaient couler sous la terre. Ils avaient aussi une cérémonie où on distribuait du pain aux assistants. Je me souviens que les gens considérables voulaient en avoir plus que les autres, deux parts ou une plus grosse part. Il y avait là aussi une idole ayant sur la poitrine plusieurs bras et plusieurs têtes, dans la bouche desquelles ils introduisaient quelque chose.

Jésus enseigna ensuite dans la cour, prés de la fontaine, et il s'éleva avec beaucoup de force contre leur culte diabolique. Ils ne l'écoutèrent pas sans mécontentement : je vis surtout le chef principal qui était des plus aveuglés, s'irriter et contredire Jésus. J'entendis alors Jésus leur dire qu'en témoignage de la vérité de ce qu'il disait, ils verraient leurs idoles se briser dans la nuit où l'étoile était apparue aux rois mages : qu'ils entendraient les figures de boeufs beugler, celles de chiens aboyer et celles d'oiseaux crier. Ils écoutèrent cela avec déplaisir et sans y croire. Il ajouta qu'il en serait ainsi sur tout le chemin qu'il avait parcouru dans le pays des paiens. Il me revient en ce moment qu'il en avait dit autant partout où il était allé.

25 - 27 décembre.-- Le 27 ; au soir vers dix heures, je vis de nouveau le Seigneur et les disciples. Ils étaient déjà loin du château et suivaient un chemin qui passait entre des bois. A droite dans le lointain je vis des murs en ruines et un grand nombre de colonnes : il me sembla que de pauvres gens habitaient parmi ces décombres. Ce ne fut qu'un coup d'úil jeté rapidement. La route se dirigeait vers l'ouest. Maintenant Jésus voyageait très vite. Ce qui me surprit beaucoup, c'est que dans la nuit de Noël, peu avant la naissance du Christ, j'avais eu des visions touchant tout ce voyage : j'avais vu tous les lieux, la ville paienne près de Cédar, les premiers adorateurs des astres, les bergers qui trayaient leurs idoles d'animaux, le camp des trois rois, Azarias d'Atom, les premiers Chaldéens et le château rempli d'idoles, et je vis partout les idoles se briser et les figures de bêtes crier. Je vis les rois en prières dans leur temple. Ils avaient allumé une quantité de lumières près de la petite crèche, et il me semble qu'il y avait là aussi une figure d'âne. Ils n'honoraient plus leurs images d'animaux, cependant elles crièrent pour leur donner un signe que Jésus était bien celui vers lequel l'étoile les avait conduits, ce qui était encore resté douteux pour bien des faibles.

Depuis hier soir je n'ai pas vu Jésus ni les disciples entrer nulle part, mais je les ai vus toujours en route, d'abord traversant un désert de sable très étendu, puis franchissant une arête de montagnes qui s'élevaient insensiblement, puis de nouveau dans une contrée plus verdoyante au milieu de massifs d'arbres peu élevés ayant des feuilles très menues : cela ressemblait à des petits bosquets de genévriers. Ces arbres étaient tondus par en haut et réunis par leurs sommets, mais le dessous était dégagé et formait comme une salle très spacieuse. Les animaux doivent pouvoir se faire là des retraites. Ensuite vinrent des pierres verdâtres qui semblaient recouvertes de lierre, puis de nouveau des prairies et des fleurs. Plus loin se présentait un fleuve au bord duquel était à l'ancre un radeau formé de poutres dont ils se servirent pour passer l'eau sans secours étranger. Il y avait des gens qui habitaient dans les environs, mais ils passèrent pendant la nuit. Le fleuve n'était pas rapide, mais très profond. Un autre cours d'eau s'y jetait, à moins que ce ne fût un bras du premier, ce dont je ne me souviens plus. Ils suivirent ce bras et arrivèrent aujourd'hui dans la nuit à une ville située sur les deux rives du fleuve. C'était, je crois, la première ville égyptienne. Le silence régnait partout et je vis le Seigneur et les disciples se rendre sans être remarqués, sous le portique d'un temple où il y avait des couches pour les voyageurs. Ici la vision disparut. La ville me parut très ruinée. Il y avait de grands murs très épais, et des maisons de pierre très massives : beaucoup de pauvres gens semblaient y habiter. J'eus l'impression que Jésus avait longé l'un des côtés du désert où avaient erré les Israélites.

28 décembre.-- Je vis ce matin un mouvement tumultueux dans la ville égyptienne. Jésus et les disciples s'éloignèrent en toute hâte. Plusieurs enfants coururent après eux en criant : " Ce sont de saints personnages. ~ Mais les habitants étaient très irrités, et le Seigneur et ses compagnons leur échappèrent devant la ville. Il y avait eu une grande agitation pendant la nuit, car plusieurs idoles étaient tombées, et des enfants qui avaient eu des rêves prophétiques avaient parlé de saints personnages qui étaient entrés dans la ville.

Jésus et les disciples suivirent des chemins creux très profonds à travers un pays sablonneux : le soir, je les vis un peu en avant d'une ville se reposer prés de la source d'un ruisseau et prendre un peu de nourriture après que les disciples eurent lavé les pieds de Jésus. On voyait près de ce ruisseau, sur une grande pierre ronde, une figure de chien accroupi qui avait une tête humaine d'une expression agréable ; il avait une coiffure semblable à celle des gens du pays ; c'était une coiffe arrondie avec un bandeau sur le front et des bandelettes découpées retombant sur les épaules : il était de la grosseur d'une vache tout au moins. Devant la ville il y avait une idole sous un arbre, et je me disais en la voyant : " Celle-ci ne va-t-elle pas tomber " ? mais elle resta à sa place. Elle avait, si mes souvenirs sont exacts, une tête de boeuf avec plusieurs bras, et des trous dans le corps pour y brûler quelque chose. La ville était grande : cinq rues se dirigeaient de la porte vers l'intérieur.

Jésus suivit la première rue a droite qui longeait intérieurement le mur d'enceinte. Ce mur était un rempart de pierre large et massif, sur lequel il y avait des arbrisseaux verts, des jardins et un chemin carrossable. Au-dessous, dans la chaussée, étaient pratiquées des habitations avec des portes légères en clayonnage. Ils traversèrent ainsi la ville pendant la nuit sans parler à personne et sans être remarques. Ici aussi il y avait plusieurs temples d'idoles et beaucoup de grands édifices en ruines dans les murs desquels des logements étaient pratiqués.

Assez longtemps après être sortis de la ville, ils traversèrent le grand fleuve sur une espèce de large chaussée. Sa direction était du midi au nord et c'était le plus large que j'eusse vu dans ce voyage : on y voyait des îles et plusieurs fossés le longeaient. Le pays était plat et on aperçoit dans le lointain plusieurs édifices très élevés qui avaient des rapports avec les temples des adorateurs des astres : mais ils étaient en pierre et extrêmement grands. La terre était très fertile, mais seulement le long du fleuve.

Lorsqu'ils l'eurent passé, j'eus dans le lointain la vue d'une ville placée an bord de ce même fleuve. Je la vis comme on voit une ville située sur une montagne : je ne sais pas si elle était réellement dans une Position élevée, mais je crois avoir vu des tours et des arbres.

29 décembre.-- Je vis Jésus arriver avec les disciples vers quatre heures de l'après-midi dans la ville où il avait résidé enfant avec sa mère. C'était la même que j'ai vue hier pendant la nuit. Je dois dire encore que la chaussée de pierre qui traversait le fleuve n'était pas près de la dernière ville où ils avaient été, mais à une assez grande distance. Je crois aussi que celle où Jésus venait d'arriver était sur le premier bras du grand fleuve, lequel coulait vers la Judée. Dans cette contrée le fleuve se divisait en plusieurs bras qui coulaient dans diverses directions.

Je vis ça et là près du chemin, des hommes qui travaillaient : ils taillaient et liaient des haies ; j'en vis aussi transporter de grosses poutres et travailler dans des fossés profonds qui longeaient le fleuve. Jésus et les disciples laissaient flotter leurs robes, ce que je ne les avais pas encore vus faire en route. Je vis plusieurs des gens qui travaillaient sur le chemin, divisés par groupes de cinq ou six, demander la permission de leurs surveillants puis cueillir des branches d'arbres, courir à Jésus, se prosterner devant lui et lui présenter ces branches. Quand il les eut tenues dans sa main, ils les plantèrent en terre le long du chemin. Je ne sais pas ce qui fit qu'ils reconnurent tout de suite Jésus : peut-être virent-ils à ses vêtements qu'il était juif. Je me souviens qu'ils l'attendaient et croyaient qu'il serait leur libérateur. J'en vis d'autres qui semblaient mécontents et qui coururent à la ville, peut-être pour exciter les esprits contre lui. Il y eut bien une vingtaine d'hommes qui l'accompagnèrent jusqu'à la ville devant laquelle s'élevaient beaucoup d'arbres.

Avant d'entrer dans la ville, Jésus s'arrêta au bord du chemin près d'un arbre renversé dont les racines étaient sorties de terre et formaient une grande fosse qui était remplie d'une eau noirâtre. Ce bourbier était entouré d'un grillage en fer si serré qu'on ne pouvait pas passer la main à travers. Une idole s'était engloutie là lorsque Marie et Joseph y avaient passé avec l'enfant Jésus lors de la fuite en Egypte : c'était alors aussi que l'arbre avait été déraciné. Les gens qui accompagnaient Jésus le conduisirent dans la ville : il y avait devant la porte une grande pierre carrée d'un beau poli, sur laquelle était gravé avec d'autres noms, celui que portait la ville elle-même : il finissait par polis .

Je vis dans la ville un très grand temple entouré de deux enceintes murées, plusieurs hautes colonnes dont l'extrémité se terminait en pointe et ornées d'une quantité de figures : je vis aussi beaucoup de grands chiens accroupis avec des têtes humaines. Du reste la ville était dans un grand état de délabrement. Les gens qui accompagnaient Jésus le conduisirent en face du temple, sous un portique qui s'appuyait à un mur épais, et ils coururent appeler plusieurs habitants. Il en vint beaucoup parmi lesquels des hommes très vieux avec de longues barbes et aussi des jeunes gens : parmi les femmes il y en eut une qui fixa mon attention : c'était une femme âgée très grande et très robuste. Tous saluèrent respectueusement Jésus : c'étaient des Juifs qui avaient été les amis de la sainte famille lors de son séjour ici. Derrière le portique il y avait dans le mur une grande chambre qui était décorée comme pour une fête. Saint Joseph y avait arrangé autrefois un logement pour la sainte famille et maintenant Jésus y fut conduit par les hommes qui avaient été ici ses compagnons d'enfance. Il y avait des lampes suspendues.

Le soir je vis Jésus conduit par un homme très âgé dans l'école qui était parfaitement tenue. Les femmes étaient en arrière dans une tribune grillée et elles avaient une lampe à leur usage. Je vis Jésus prier et enseigner. Ils lui cédèrent respectueusement la première place.

Avant d'arriver à cette ville, Jésus avait suivi pendant une heure environ le chemin par lequel il y était venu dans sa jeunesse avec Marie..

30 décembre.-- Aujourd'hui je vis de nouveau Jésus enseigner dans la synagogue où comme hier, on lui céda la première place en lui témoignant un grand respect.

Les habitants avaient presque tous des bandeaux blancs autour de la tête et portaient des robes courtes : leurs épaules et leur poitrine étaient en partie couvertes. Les édifices ici sont extraordinairement lourds et massifs, et on emploie pour les construire des blocs de pierre énormes sur lesquels il y a beaucoup de figures gravées en creux. J'ai vu aussi de très grandes figures sculptées qui portaient sur la tête ou sur la nuque des pierres d'une dimension colossale : cela me surprit beaucoup. Les gens de ce pays ont une idolâtrie d'une étrange nature ; ils adorent des images de taureaux et l'on voit aussi partout des chiens accroupis avec des têtes d'hommes : du reste l'animal qu'on adore dans un lieu n'est pas celui qu'on adore dans l'autre.

Pendant la journée d'hier, j'ai vu aussi beaucoup de choses touchant Joseph et le séjour des fils de Jacob en Egypte : la seule chose dont je me souvienne, c'est qu'après la mort de Jacob Joseph établit ses frères dans les environs de cette ville et qu'il en éloigna l'un d'eux qui n'avait pas reçu de Jacob une bénédiction de bon augure afin que les maux qui lui avaient été annoncés ne portassent pas préjudice aux autres. Joseph lui-même demeurait plus au midi.

31 décembre.-- Ce matin je vis le Seigneur déjà en route ; plusieurs habitants l'accompagnaient. Il y a maintenant cinq disciples avec lui, car il avait à sa suite un homme d'Héliopolis portant un paquet et qui s'appelait Déodatus, ce qui signifie donné de Dieu. Sa mère s'appelait Mira : c'est un singulier nom : cela m'a rappelé Sémiramis. C'était une femme âgée, grande et forte qui le premier soir était déjà près de Jésus sous le portique. Lors du séjour de Marie ici, cette femme qui était depuis longtemps stérile avait obtenu ce fils par la prière de Marie. Il était grand et svelte et semblait avoir environ dix-huit ans.

Quand Jésus quitta la ville, il franchit un cours d'eau. Lorsque les gens qui lui faisaient la conduite l'eurent quitté pour retourner chez eux, je le vis entrer dans le désert avec les cinq disciples. Il prit un chemin plus à l'est que celui qui avait été suivi lors de la fuite en Egypte. La ville d'où il vient s'appelle Eliopolis : l'E est retourné et tout contre l'L, ce que je n'avais pas vu jusqu'à présent : j'avais cru d'abord qu'il y avait là un X. (Elle voyait les lettres ainsi écrites E (renversé) L). Je vis Jésus dans le désert, assez prés d'une petite ville habitée en partie par des Juifs qui s'y étaient enfuis autrefois lors de la destruction de Jérusalem.

1-6 janvier 1821 .--Le soir Jésus et ses disciples arrivèrent à une petite ville située dans le désert et où il y a trois catégories d'habitants : des Juifs qui ont des maisons bâties, des Arabes qui demeurent dans des cabanes de branchage recouvertes de peaux de bêtes, et encore d'autres habitants. Ces Juifs avaient émigré ici lorsqu'Antiochus dévasta Jérusalem et en chassa un si grand nombre de personnes. Toute cette histoire m'a été montrée :

J'ai vu comment un vieux prêtre très pieux tua un Juif qui sacrifiait aux idoles, renversa l'autel et appela à lui tous les gens de bien : j'ai vu aussi comment plus tard tout fut rétabli par un héros. Ces braves gens s'étaient réfugiés ici lors de cette persécution. Je vis aussi où ils avaient été auparavant. Les Arabes s'étaient joints à eux précédemment et avaient été chassés avec eux : mais dans la suite ils étaient retombés dans l'idolâtrie. Le Seigneur comme à l'ordinaire s'arrêta près du puits, où les habitants vinrent le saluer et le conduisirent dans une maison.

2 janvier.-- Je vis que le Seigneur fut accueilli avec beaucoup de respect et de sympathie dans cette petite ville par les Juifs, lesquels tiraient leur origine de Mathathias et de ses amis qui s'étaient réfugiés ici dans la montagne : ils tenaient de Mathathias une prophétie touchant le Messie. Ils considérèrent Jésus comme un prophète, et il enseigna dans une maison, car ils n'avaient pas d'école :parla de son prochain retour à son Père et des traitements qu'il aurait à éprouver de la part des Juifs comme il en avait parlé partout dans les derniers temps.

Note : Mathathias. voyez 1. Maccab. Il, 23-25.

Ses auditeurs ne pouvaient pas croire qu'il en dût être ainsi et ils auraient bien voulu le retenir parmi eux. Jésus partit ce matin de bonne heure, emmenant avec lui deux nouveaux disciples, qui tous deux descendaient de Mathathias. Ils étaient cousins : l'un n'avait guère plus de douze ans, j'ai oublié son nom : l'autre qui avait une vingtaine d'années s'appelait Sem. La route aboutissait à travers le désert à une vallée. Les gens de cet endroit n'avaient pas An champs mais seulement des jardins. Jésus bénit ici les enfants.

3 janvier .--Je vis le Seigneur poursuivre très rapidement sa marche à travers le désert. Ils voyageaient nuit, et jour et ne faisaient que de courtes haltes pour se reposer. On rencontrait ça et là quelques cabanes sur le chemin mais ils n'y entrèrent pas.

4 janvier.-- Aujourd'hui encore je vis Jésus voyager en grande hâte. Il laissa à sa droite le chemin par lequel il était entré dans ce pays : je le vis en dernier lieu s'arrêter à un endroit couvert de verdure où il y avait de belles haies de baumiers. On trouvait là une source d'eau vive et la contrée était agréable. C'était en celle-ci que Marie avait lavé l'enfant Jésus lors de la fuite en Egypte et qu'ils s'étaient reposés pour reprendre des forces. La source avait jailli alors : maintenant elle formait un ruisseau. Le Seigneur se reposa là avec les disciples ; ils firent couler des arbrisseaux un peu de baume qu'ils mêlèrent avec leur eau et mangèrent du pain. Le chemin que Jésus avait suivi pour sortir d'Egypte coupait ici celui que Marie avait pris pour y aller. Marie s'était dirigée à l'ouest en faisant un coude : et Jésus revenait par l'est en suivant une ligne plus directe. J'ai oublié de dire que Jésus allant d'Arabie en Egypte vit à sa droite le mont Sinaï s'élever dans le lointain

Ce soir je vis Jésus arrivé près du puits de Bersabée où les Juifs l'accueillirent amicalement.

5 et 6 janvier. A Bersabée, il y a de l'eau jaillissante Jean-Baptiste a résidé dans les environs pendant quelque temps. Il y a ici une grande synagogue : mais du reste les habitants n'ont pour demeure que de petites cabanes recouvertes en chaume. Jésus enseigna dans la synagogue, il se fit connaître pour ce qu'il était et parla de sa fin prochaine. Il emmena d'ici avec lui quatre ou cinq jeunes gens. Abraham et Abimélech ont contracte une alliance près du puits qui est ici (Genèse, XXI, 28-33). Le puits d'Agar est aussi dans le voisinage. Le Seigneur aura encore à faire environ quatre journées de voyage pour arriver au puits de Jacob, près de Sichar, où il a donné rendez-vous aux apôtres. Il a béni les enfants et il est parti de grand matin afin d'arriver avant le sabbat à un endroit situé dans la vallée de Mambré. Jésus s'y arrêta près d'un puits avec les siens : les cinq disciples de Bersabée se rendirent dans le bourg et convoquèrent les habitants qui vinrent saluer Jésus et les disciples, leur lavèrent les Pieds et les conduisirent à la synagogue où Jésus fit l'instruction du sabbat.

La double caverne d'Abraham n'est pas loin d'ici ; je crois qu'il y a tout au plus vingt lieues d'ici au puits de Jacob où le Seigneur a donné rendez-vous aux disciples. Je l'ai vu aujourd'hui enseigner de nouveau dans la synagogue et en outre dans la journée aller de maison en maison et guérir beaucoup de malades. Je l'ai vu une fois, au milieu de quelques disciples rangés des deux côtés du lit, ordonner à un malade de se lever et de marcher, ce que celui-ci fit à l'instant. Jésus resta tout le jour ici ; il partit dans la nuit se dirigeant vers Sichar.

7 - 10 janvier.--Remarque préliminaire. La pieuse fille fut en proie à de vives souffrances longtemps prolongées et ne put faire connaître que très succinctement et avec des interruptions fréquentes les scènes variées qui passaient devant ses yeux : en outre elle était très préoccupée d'un enfant qui demeurait avec elle et qui avait été pris d'un violent accès de toux convulsive. Le 9 janvier comme elle était plongée dans un sommeil extatique, son visage prit tout à coup l'expression de la joie la plus vive et elle s'écria : " Ah le voilà arrivé ! Avec quel bonheur ils vont à sa rencontre ! Il est près du puits de Jacob : ils pleurent de joie, ils lui lavent les pieds ainsi qu'aux disciples. Il y a là une douzaine de personnes du pays, les fils de bergers qui étaient avec lui lorsqu'il alla à Cédar, puis Pierre, André, Jean et encore un autre ! ils l'ont attendu ici " ! Alors elle se fut et après une courte interruption, elle reprit en ces termes : " Nous y voilà ; cela va bien, on peut tout voir ! ils le font inviter, le prient de venir guérir des malades, mais il ne veut pas, il dit qu'ils l'ont rebuté deux fois ". Alors elle pria un quart d'heure les bras en croix et elle dit sans sortir de l'extase : " " J'ai parlé au Seigneur du fond du coeur, je lui ai exposé toutes mes misères ; il est heureux qu'il soit de retour ". Plus tard étant éveillée elle raconta ce qui suit.

Jésus, depuis qu'il est rentré en Judée, a presque toujours voyagé pendant la nuit pour éviter l'agitation soudaine qu'aurait pu causer son retour. Il passa par les vallées de bergers voisines de Jéricho pour gagner le puits de Jacob où je l'ai vu arriver aujourd'hui à la lueur du crépuscule. Il avait maintenant seize compagnons, car, dans le dernier endroit où il s'était arrêté, quatre jeunes gens s'étaient encore joints à lui. Il y avait à peu de distance du puits une hôtellerie en règle : un caveau fermé, pratiqué dans la colline contenait tout ce qui était nécessaire pour des voyageurs qui voulaient s'arrêter là. On alla chercher un homme qui habitait à quelque distance de là et qui était chargé de la surveillance, il ouvrit le puits et la maison.

Le puits de Jacob est situé sur une petite éminence à deux lieues de Samarie. Le pays qui s'étend de Jéricho à Samarie est d'une beauté que rien ne peut rendre. Le chemin est presque toujours bordé d'arbres : comme les prairies et les champs sont verts et comme les ruisseaux murmurent doucement ! Le puits de Jacob est entouré de belles pelouses et d'arbres touffus. Il est surmonté d'un édifice octogone, au sommet duquel se trouve un réservoir duquel on peut faire couler l'eau dans des rigoles : il y a autour du puits des bancs pour s'asseoir.

Le soir Jésus fit encore ici une instruction conçue en termes très sévères. Il parla de sa Passion qui était proche, de l'ingratitude des Juifs et de la ruine qui les menaçait. Je crois qu'il s'écoulera encore trois mois jusqu'au moment de sa Passion. Jésus congédia les apôtres et les disciples après leur avoir donné rendez-vous à Sichar pour le sabbat : lui-même, accompagné des seize nouveaux disciples avec lesquels il était revenu, alla à un village de bergers situé à deux lieues et formé d'habitations disséminées, pour visiter les parents d'Eliud, de Silas et d'Eremenzear qui demeuraient là.

12 janvier.-- Aujourd'hui le Seigneur quitta les habitations des bergers pour se rendre à Sichar où il est déjà allé deux fois antérieurement. Il a réparti entre les bergers les jeunes gens qui s'étaient joints à lui à son retour : les bergers eux-mêmes qui n'ont que des habitations légères se préparent à renoncer à leur profession pour s'adjoindre aux disciples de Jésus. Il a enseigné chez ces bergers pendant deux jours, puis accompagné de Silas, d'Eliud et d'Erémenzear, il est parti pour Sichar où il a donné rendez-vous pour le jour du sabbat à ses apôtres et à ses disciples. Pendant ce voyage qui n'était guère que de quatre lieues, je vis le Seigneur marcher très lentement, s'arrêter souvent et s'appliquer à instruire ses jeunes compagnons. Il leur enjoignit de ne faire connaître à personne où ils avaient été avec lui et ce qui s'était passé pendant ce voyage, et il leur donna en partie les motifs de cette injonction. Il parla longtemps à ce sujet, mais je vis aussi Erémenzear le prendre par la manche de sa robe et le prier de lui permettre au moins de mettre par écrit quelque chose touchant ce voyage. Jésus lui permit de le faire après sa mort à condition qu'il soumettrait à Jean ce qu'il aurait écrit. Je crois aussi que cette relation existe encore quelque part, au moins en partie.

Pierre et Jean vinrent sur la route au devant du Seigneur : six autres apôtres les attendaient devant la porte de la ville : ils conduisirent le Seigneur et les disciples dans une maison dont le maître les reçut bien. Il n'avait jamais vu Jésus antérieurement et celui-ci, de son côté, ne semblait pas vouloir se faire connaître. Il était parmi les autres comme l'un d'eux. On lava les pieds aux arrivants et quand le sabbat s'ouvrit la lampe fut allumée. Ils mirent de longs vêtements blancs et des ceintures, firent des prières et se rendirent ensuite à l'école qui était située sur un point plus élevé. Après cela leur hôte leur fit préparer un repas auquel assistèrent d'autres vieux Juifs avec de longues barbes : il y en eut, entr'autres, un très âgé qu'il envoya chercher et qui vint conduit par deux personnes : il était vêtu comme un prêtre d'un rang élevé. Jésus ne fit rien qui put attirer l'attention soit à l'école, soit pendant le repas. Le maître de la maison avait le regard faux : il me fit l'effet d'un Pharisien. Je vis encore qu'après le souper il assigna à ses hôtes une partie de la maison pour y dormir.

13 janvier. -- Près de Sichar se trouve le mont Garizim où les Samaritains pratiquent leur culte idolâtrique : il est environ à une demi lieue du puits de Jacob : de ce puits on peut aussi voir Samarie qui est une grande ville. Le patriarche Joseph et ses frères sont enterrés ici.

Je vis que plusieurs autres apôtres étaient arrivés pour le sabbat. Ils auraient désiré apprendre des trois compagnons de Jésus où il était allé et ce qu'il avait fait ; mais ceux-ci n'ayant voulu rien dire pour se conformer aux ordres de Jésus, ils en éprouvèrent du mécontentement : ce qui fit de la peine à Jésus. Les apôtres lui demandèrent de s'expliquer plus clairement avec eux parce qu'ils ne comprenaient pas ce qu'il disait de sa fin prochaine. Pourquoi, disaient-ils, n'allait-il pas à Nazareth sa patrie, pour y montrer sa puissance et prouver sa mission par des prodiges ? Mais Jésus ne le voulut pas : il répondit que les miracles ne servaient à rien si les hommes ne se corrigeaient pas ; qu'ils verraient les miracles sans s'émouvoir et ne changeraient rien à leur vie, etc. Jean et Pierre étaient de son avis, mais les autres n'étaient pas contents.

Il leur dit aussi qu'il voulait aller à Jérusalem et enseigner dans le temple plus qu'il ne l'avait fait. Il ajouta que l'effet des prodiges qu'il avait opérés, par exemple, de la multiplication des pains et de la résurrection de Lazare, n'avait pas été bien grand, puisqu'eux-mêmes réclamaient de nouveaux miracles.

Je vis aussi que le soir après le repas, comme leur hôte voulait les conduire à l'endroit où ils devaient dormir, le Seigneur demanda qu'on lui ouvrit la synagogue, parce qu'ayant assisté à l'instruction donnée dans la journée, il voulait enseigner à son tour. Il y alla avec tous ses disciples et il enseigna. Il y avait entre autres dans l'auditoire deux Juifs que son instruction mécontenta. J'ai vu aussi que les Juifs de l'endroit envoyèrent des messagers à Jérusalem et firent dire que Jésus avait reparu chez eux. Cette nuit j'ai entendu très distinctement son instruction qui m'a fait éprouver une grande consolation. J'en ai retenu quelque chose : il était principalement question des signes et des miracles qui ne servent à rien quand les hommes oublient à cette occasion combien ils sont pécheurs et d(pourvus de charité : il dit que l'enseignement était plus nécessaire que les miracles, etc. Il raconta aussi des paraboles, notamment celle de l'enfant prodigue. En venant ici, il a dit aux trois disciples auxquels il avait prescrit le silence pourquoi il avait opéré si peu de prodiges pendant le voyage : c'était parce que ses apôtres et ses disciples devaient confirmer sa doctrine par des miracles et en faire plus que lui.

14 janvier. -- Les Pharisiens étaient extrêmement mécontents et ils menaçaient de se saisir de lui et de l'envoyer à Jérusalem. Jésus dit que son temps n'était pas encore venu, qu'il irait lui-même et qu'il n'avait pas parlé pour eux, mais pour ses compagnons. Ensuite il quitta cet endroit, congédia les apôtres et les disciples et ne garda avec lui que ses trois confidents, Erémenzear, Eliud et Silas. Il se dirigea au sud-est vers Éphron qui est au nord de Jéricho et où il avait guéri les aveugles le 22 août de l'année précédente. Il avait fait dire à Marie et aux saintes femmes de Béthanie par les parents des trois disciples compagnons de son voyage qu'il était de retour en Judée. Elles l'attendaient dans une maison qu'elles avaient louée près d'Ephron. Les femmes de Pierre et d'André étaient avec elles.

15 janvier. Pendant ce voyage que fit Jésus de Sichar à Éphron, il plut beaucoup et le temps fut très nébuleux. Le Seigneur est arrivé ce soir à Éphron. Il n'a pas toujours suivi le chemin qui va de Sichar ici, mais il s'est détourné à plusieurs reprises pour visiter divers endroits et diverses maisons ; il a consolé, guéri et exhorté à le suivre. Les disciples et les apôtres ne se rendirent pas non plus directement dans les endroits où ils étaient envoyés, mais ils visitèrent aussi des métairies et des maisons peu éloignées de la route qu'ils suivaient et annoncèrent que Jésus était dans le voisinage. On semblait vouloir réveiller l'ardeur de ceux qui soupiraient après le salut ; on allait à la recherche des brebis qui s'étaient dispersées dans les bois pendant l'absence du pasteur et que ses serviteurs voulaient ramener au bercail.

Je vis Jésus arriver ce soir à Ephron avec les trois disciples. Il visita différentes maisons, guérit des malades et des gens couverts d'ulcères et les convoqua à l'école. Il y avait ici une grande école, elle avait une salle inférieure et une salle supérieure Jésus y entra, suivi d'une grande quantité d'hommes. Il y vint aussi beaucoup de femmes et beaucoup de gens des environs, désireux de l'entendre prêcher. La synagogue était pleine de monde. Jésus fit placer un siège pour lui au milieu de la salle et il enseigna d'abord les hommes : puis vinrent les femmes qui se tenaient derrière et auxquelles les hommes cédèrent la place. Il parla de la voie où il fallait entrer à sa suite, de sa fin prochaine et du châtiment réservé à tous ceux qui ne croiraient pas. Il y eut des murmures parmi les gens de l'endroit, car il y avait parmi eux beaucoup de malveillants.

Je vois les saintes femmes en route : elles viennent de deux côtés. La sainte Vierge, Madeleine, Marthe et deux autres dont l'une est, je crois, Marie, la soeur aînée de la mère de Jésus, viennent de l'ouest et de la contrée de Jérusalem. Le messager que Jésus leur a envoyé est avec elles : il marche en avant et porte deux paquets. Elles ne voyagent pas vite : elles se sont arrêtées pour passer la nuit chez de pieux paysans. Quand elles doivent s'arrêter quelque part, le messager prend les devants et commande les logements. Je vois aussi la femme de Pierre avec sa fille et la femme d'André venir du nord-ouest. Elles ont aussi avec elles un messager comme celui qui accompagne les autres.

Les saintes femmes arrivèrent ce soir dans la maison qu'elles avaient louée en avant de Jéricho sur le chemin d'Éphron. Douze d'entre elles y sont réunies, car la femme et la fille de Zachée sont venues se joindre à elles. La fille est mariée à un disciple de Jésus qui est même un des plus importants. Il appartient à une famille de bergers de ce pays ? et s'appelle Annadias : je ne sais pas sous quel nom il a été baptisé plus tard. Il est parent de la mère de Silas. Les saintes femmes ont préparé un repas dans la maison. J'y vis les trois jeunes disciples. Jésus les avait peut-être envoyés par avance d'Éphron pour annoncer son arrivée aux saintes femmes. On voit près d'Ephron un grand chêne près duquel s'est passé un événement remarquable mentionné dans l'Ancien Testament, mais dont je ne me souviens pas maintenant : Jésus, lors du voyage qu'il fit à Samarie avant la résurrection de Lazare, enseigna sous cet arbre et y bénit un grand nombre d'enfants.

16 janvier.-- Cette après-midi je vis la sainte Vierge, Madeleine, Marthe et quelques autres personnes, hommes et femmes, aller au-devant de Jésus. Il y avait sur le chemin d'Ephron un puits près duquel ils s'assirent pour attendre Jésus. Il vint avec Jean, Pierre et André. Ils se réunirent deux heures environ avant le coucher du soleil : son disque paraissait très grand comme c'est l'ordinaire dans ce pays. Marie, Madeleine, Marthe et les disciples discrets (car on les avait ainsi surnommés) allèrent plus avant que les autres à la rencontre de Jésus. Les femmes se prosternèrent devant lui et lui baisèrent la main. Marie aussi lui baisa la main, et quand elle se retira, Jésus lui baisa la main à son tour. Madeleine se tenait un peu en arrière. Près du puits les disciples lui lavèrent les pieds ainsi qu'aux apôtres. Quand ils furent dans la maison, le Seigneur s'entretint avec toutes les femmes, puis il enseigna. Il y eut ensuite un repas. Les femmes mangèrent seules, après quoi elles vinrent se placer au bout de la salle et écoutèrent.

Le Seigneur et les autres hommes ne sont pas restés ici ce soir : ils sont allés à Jéricho où étaient déjà d'autres apôtres et d'autres disciples ainsi que beaucoup de malades. Les femmes s'y rendirent aussi à leur suite. Ils marchaient en groupes séparés. Je vis Jésus entrer dans plusieurs maisons et y guérir des malades : je le vis aussi se faire ouvrir l'école et faire placer un siège au milieu. Les saintes femmes étaient là dans une pièce séparée, et elles avaient une lampe à leur usage : Marie aussi était en haut. Beaucoup de gens étaient venus à Jéricho et on y avait amené beaucoup de malades, car l'arrivée de Jésus avait été annoncée par les disciples dispersés dans le pays.

17 janvier.-- Dans la matinée Jésus a encore enseigné et guéri à Jéricho. Les saintes femmes sont reparties, chacune de son côté. Ce matin je vis Marie avec la femme de Pierre, la fille de celle-ci et la femme d'André remonter un petit cours d'eau qui se jette dans le Jourdain. Il me semble qu'elle va avec ces femmes dans leur patrie. Elles n'ont pas passé la nuit à Jéricho, mais sont retournées à la maison où elles avaient souhaité la bienvenue à Jésus.

La presse fut très grande à Jéricho : il y eut de violents murmures de la part des Pharisiens, lesquels envoyèrent aussi à Jérusalem. Mais Jésus quitta Jéricho et se rendit au lieu où il avait été baptisé dans le Jourdain. Quelle quantité de malades il y a là sur le bord du fleuve ! Ils ont entendu dire que Jésus arrivait, ils l'ont fait prier de venir. On a dressé des cabanes et des tentes sous lesquelles on peut entrer dans l'eau. Je vois aussi le bassin creusé dans la petite île où Jésus a été baptisé : tantôt il est plein, tantôt il se vide ; on vient de tous les côtés y prendre de l'eau comme on fait chez nous pour l'eau des fonts baptismaux. Il y a là des gens venus de la Samarie, de la Judée, de la Galilée et même de la Syrie. Ils remplissent de cette eau des sacs de cuir qu'ils chargent sur des ânes : ces sacs pendent des deux côtés et sont assujettis à l'aide de cerceaux sur le des de l'animal. Jésus est là et guérit beaucoup de malades : il n'y a avec lui que Jean, André et Jacques le Mineur.

On ne baptisait pas ici, il y avait seulement des ablutions suivies de guérisons. Le baptême de Jean lui-même tenait plus du sacrement que les ablutions qu'on faisait ici. Lors du précédent séjour de Jésus à Jéricho, beaucoup de malades furent ainsi guéris par un bain qui n'était pas non plus un baptême à proprement parler. Je crois qu'on venait d'ordinaire se baigner ici et que Jean avait seulement agrandi l'emplacement. Au milieu du bassin de l'île où Jésus a été baptisé s'élève encore l'arbre contre lequel on s'appuie. Il y avait ici des malades de toute espèce. Jésus en guérit beaucoup sans employer l'eau : il en ver sait sur la tête des lépreux et les disciples leur en frottaient le corps.

Le baptême proprement dit ne se donna qu'après la Pentecôte. Jésus n'a jamais baptisé. La mère de Dieu a été baptisée après la Pentecôte près de la piscine de Bethesda. Elle était toute seule et ce fut Jean qui fit la cérémonie. Il dit auparavant la sainte messe comme on le faisait alors ; c'est-à-dire qu'il consacra en récitant certaines prières.

18 janvier.-- Je vis Jésus s'éloigner du Jourdain avec Jean, André et Jacques le Mineur lorsque la presse fut trop grande. Je les vis ensuite comme ils approchaient de Béthel. C'est dans ce pays que Jacob a vu l'échelle céleste sur une colline. Il faisait déjà nuit lorsqu'ils arrivèrent. Ils se dirigèrent vers une maison appartenant à des gens de leur connaissance qui les attendaient. Lazare s'y trouvait avec ses soeurs, Nicodème, disciple caché de Jésus, et Jean Marc : ils étaient venus en secret de Jérusalem. Le maître de la maison avait une femme et quatre enfants : la maison avait une cour et un puits. Lorsque le Seigneur et les apôtres frappèrent à la porte, le maître de la maison et deux de ses enfants leur ouvrirent. Il conduisit le Seigneur au puits et lui lava les pieds ainsi qu'aux apôtres. Comme le Seigneur était assis sur la margelle du puits, je vis Madeleine sortir de la maison et vider sur sa tète un petit flacon plat contenant un liquide parfumé. Elle fit cela en s'approchant de lui par derrière, puis elle se retira. Elle a souvent fait ainsi. Je m'émerveillais de sa hardiesse.

Lorsque le Seigneur et les apôtres entrèrent dans la maison, Lazare, Nicodème et Jean vinrent à lui : il serra dans ses bras Lazare qui était encore pâle et maigre et dont les cheveux étaient très noirs. Il y eut ici un repas composé de fruits, de petits pains, de rayons de miel, et d'herbes vertes, comme c'est l'ordinaire en Judée. Jésus enseigna et guérit encore plusieurs malades qui étaient couchés dans une espèce de galerie qui entourait la maison. Les femmes mangèrent encore seules et vinrent ensuite se placer au fond de la salle pour entendre Jésus.

19 janvier.-- Aujourd'hui le Seigneur, accompagné d'André, de Jean et de Jacques, quitta Béthel pour se rendre à deux lieues de là dans un endroit situé au nord de Jéricho. Mais il fit un grand détour. Dans la matinée, il avait encore guéri beaucoup de malades à Béthel. Lazare et ses compagnons s'en retournèrent avec Marthe et Madeleine. Ils doivent passer la nuit dans un bourg situé sur une hauteur et où il y a des espèces de fortifications : ils se rencontreront de nouveau avec Jésus. Sur le chemin que suivit aujourd'hui Jésus, il guérit plusieurs malades et bénit des enfants qu'on avait amenés sur son passage ou qui se trouvaient dans des cabanes isolées. Ils firent ce détour dont j'ai parlé pour visiter le fils d'un demi frère d'André dont la fille était malade. Ils arrivèrent vers midi à un puits près duquel étaient disposés des logements : à quelque distance de là était la maison du neveu d'André auquel appartenaient le puits et l'hôtellerie. C'était un homme robuste : il fabriquait divers objets en clayonnage dont on voyait une grande quantité près de sa maison. Jésus et les apôtres s'assirent près du puits : cet homme sur l'invitation d'André vint leur laver les pieds et les conduisit dans sa maison où un repas était préparé. Il avait une femme et plusieurs enfants dont quelques-uns encore en bas âge. Deux grands fils de seize à dix-huit ans n'étaient pas à la maison, ils étaient employés dans une pêcherie au bord de la mer de Galilée et demeuraient, je crois, chez André. Celui-ci leur avait envoyé quelqu'un pour leur faire savoir que Jésus était arrivé et les engager à venir.

Après le repas, le maître de la maison conduisit Jésus et les apôtres près d'une de ses filles, âgée de douze ans elle était pâle comme une morte et depuis longtemps elle ne pouvait se lever, ni faire aucun mouvement. Elle était chlorotique et lunatique. Jésus lui ordonna de se lever et quand elle fut debout, André et lui la conduisirent par la main près du puits où Jésus lui versa de l'eau sur la tête. Il lui prescrivit ensuite de prendre un bain, ce qu'elle fit dans un réservoir placé sous une tente près du puits après quoi elle revint dans la maison de ses parents ; avec Jésus et André, sans avoir besoin d'être soutenue

C'était une grande jeune fille. Lorsque Jésus partit avec les apôtres, le père lui fit la conduite jusqu'à une certaine distance.

Je vis le Seigneur arriver dans une petite ville avant le sabbat. Il trouva sous la porte un homme qui les conduisit à une habitation pratiquée dans le mur de la ville où ils passèrent la nuit. Du reste, il ne leur donna pas à manger. Jésus et ses compagnons se rendirent aussitôt à la synagogue où ils célébrèrent le sabbat.

20 janvier.--
Ce matin je vis Jésus aller encore à la synagogue avec ses compagnon s. Il pria et fit une courte instruction. Plus tard je vis une foule nombreuse se presser autour de lui. On amena une quantité de malades de toute espèce qu'il guérit. Je vis que tous les gens de cet endroit le vénéraient, car tout le monde se pressait autour de lui et il y avait une grande affluence de peuple. Les apôtres aussi guérirent et bénirent. Des prêtres même amenèrent des malades.

Je vis encore Jésus guérir un lépreux que précédemment on avait amené et placé sur son chemin à plusieurs reprises, mais devant lequel il avait toujours passé sans s'arrêter. On l'amena d'un quartier éloigné de la ville où il habitait une maisonnette adossée au mur d'enceinte. On l'apporta sur une civière où il était assis dans une espèce de coffre recouvert de rideaux. Personne ne s'approcha, si ce n'est Jésus, qui leva les rideaux, le toucha, et ordonna de le mener au bain et de le laver. Je vis qu'on le conduisit à un bain situé contre le mur de la ville, et que, quand il se lava, les croûtes de la lèpre tombèrent. Il avait une double lèpre : celle de l'incontinence et la lèpre ordinaire. Le Seigneur guérit aussi plusieurs femmes affligées de pertes de sang ; et, comme la plupart de ces guérisons eurent lieu dans la cour qui précédait l'école, la presse fut si grande que le peuple abattit les barrières et grimpa sur les toits.

Le soir je ne vis plus Jésus. Il était avec les trois apôtres devant un château fort entouré de fossés, d'étangs ou de pièces d'eau avec des écoulements. Il semblait qu'il y eût là des bains. Je vis aussi des caveaux et des constructions de toute espèce. Jésus voulait entrer dans ce château : les apôtres lui firent des représentations à ce sujet, dans la crainte que cela ne lui attirât des désagréments et qu'il n'en résultât du scandale. Jésus leur répondit que s'ils ne voulaient pas l'accompagner, il y entrerait seul. Il y avait dans l'intérieur des gens de toute espèce, dont quelques-uns semblaient être des prisonniers, d'autres des malades et des infirmes. Des gardiens se tenaient aux portes, car il ne leur était pas permis de rester seuls : ils ne pouvaient aller au dehors que plusieurs ensemble et escortés par un gardien. Ils étaient astreints aussi à creuser des fossés dans les environs et à faire d'autres travaux de terrassement. Le Seigneur accompagne des apôtres franchit la porte du château. Les gardiens l'arrêtèrent d'abord, mais quand il leur eut parlé, ils le laissèrent aller en lui montrant de la déférence Les détenus se rassemblèrent autour de lui dans la cour où il s'entretint avec eux et fit ranger à part plusieurs d'entre eux. Il fit ensuite appeler à la ville voisine deux hommes qui paraissaient des gens de justice, car ils portaient de petits écussons de métal suspendus à leurs épaules par des courroies. Il leur parla et sembla se porter garant pour les gens qu'il avait rangés à part des autres. Je le vis ensuite quitter le château avec vingt cinq d'entre eux et les apôtres, et marcher toute la nuit en remontant au nord le long du Jourdain.

Lazare et ses compagnons qui étaient en route pour revenir chez eux, avaient aussi passé la nuit dans la ville voisine.

21 janvier.-- Aujourd'hui, Jésus, poursuivant son voyage avec une grande promptitude, arriva, en compagnie des prisonniers délivrés, dans une petite ville d'où étaient plusieurs d'entre eux, et il les rendit à leurs femmes et à leurs enfants. D'autres allèrent passer le Jourdain plus haut et se dirigèrent à l'est ; ils étaient du pays de Cédar, où Jésus, au commencement de son voyage s'était si longtemps arrêté pour enseigner les adorateurs des astres. Il congédia les apôtres en route, et, passant à l'est du puits de Jacob, il se dirigea vers Tibériade à travers des vallées ; il allait ainsi à Capharnaum. Dans les environs de Sichar, les trois disciples discrets et les autres qui l'avaient accompagné chez les païens vinrent le rejoindre et firent route avec lui. Il marcha encore une partie de la nuit ; ils se reposèrent et dormirent quelques heures sous un hangar.

22 janvier. Vers le soir, Jésus et les disciples arrivèrent à Capharnaum. Il entra dans la maison où il avait habité autrefois. Pierre, André, Jacques le Mineur et un autre encore s'y trouvaient ; Pierre n'y était pas. Il y avait là, en outre, un homme auquel la maison appartenait Ils lavèrent les pieds au Seigneur et lui présentèrent un jeune homme qui s'appelait Sela ou Selam ; c'était un cousin de ce fiancé de Cédar auquel le Seigneur avait fait donner une maison et une vigne lors de son voyage chez les adorateurs des astres, et il venait trouver Jésus de sa part ; il avait d'abord attendu le Seigneur dans la maison d'André, à Bethsaïde. Il se jeta à genoux devant Jésus, et le Seigneur l'admit aussitôt parmi ses disciples et lui posa les mains sur les épaules. Il l'employa tout de suite, et l'envoya au chef de la synagogue pour demander la clef et l'écrit qui avait été trouvé dans le temple lorsqu'on y avait rétabli le culte, après sept ans d'interruption ; cet écrit était d'Isaïe, et le Seigneur l'avait eu entre les mains la dernière fois qu'il avait enseigné ici. Lorsque le jeune homme fut de retour, ils se rendirent tous à la synagogue, où on alluma les lampes. Jésus se fit faire place et fit dresser une chaire avec des marches. L'assistance était très nombreuse. Il enseigna longtemps sur des passages de l'écrit en question ; les esprits étaient très excités. Tout le peuple accourait en foule dans la rue, et j'entendis crier : "  Voilà encore le fils de Joseph " !

23 janvier.-- Jésus quitta Capharnaum avant le jour, et je le vis aller à Nazareth avec les disciples et plusieurs apôtres qui étaient venus se joindre aux autres. Je vis, à cette occasion, que la maison de sainte Anne était occupée par des personnes étrangères ; je vis aussi Jésus à Nazareth, près de la maison de Joseph, qui est maintenant fermée et inhabitée. Le Seigneur alla sur-le-champ à la synagogue ; son apparition fit beaucoup d'effet, et l'on accourut en foule. Un homme qui était possédé d'un démon muet se mit tout à coup à crier : " C'est le fils de Joseph ! le séditieux ! arrêtez-le ! saisissez-vous de lui " ! Je vis alors Jésus se tourner vers lui et lui ordonner de se taire ; il se fut, mais Jésus ne chassa pas le démon qui le possédait.

A la synagogue, Jésus se fit faire place et ordonna qu'on dressât la chaire. Dans ce dernier voyage, il agit toujours en toute liberté, et il enseigna très ouvertement et comme en vertu d'un droit, ce dont les Juifs se scandalisèrent fort. Ils passèrent la nuit dans une hôtellerie.

24 janvier.-- Ce matin, Jésus alla dans plusieurs maisons, du côté de la maison de Joseph : il guérit des malades et bénit des enfants. Lorsque Jésus avait enseigné les Juifs s'étaient tenus assez tranquilles ; mais, quand il se mit à guérir, ils témoignèrent un grand mécontentement. Il quitta alors la ville et donna rendez-vous aux apôtres sur une montagne où il était déjà allé dans une autre occasion. Il les suivit seul avec les disciples.

Je vis tous les apôtres et tous les disciples rassemblés sur une montagne qui s'élevait en pente douce de tous les côtés ; cette montagne ne doit pas être très éloignée du lieu où Jésus rencontra Pierre pour la première fois'. Ils avaient allumé au sommet un feu qui, de loin, faisait l'effet d'un de nos feux de la Saint Jean. Lorsque Jésus arriva avec ses disciples, il faisait déjà nuit. Il se plaça au milieu, les apôtres se rangèrent autour de lui, et les disciples se tenaient hors du cercle. Il était venu, en outre beaucoup d'autres personnes. Là, Jésus enseigna pendant toute la nuit, jusqu'au matin. Il dit aux apôtres, en leur montrant du doigt divers points de l'horizon. dans quels lieux ils devaient aller enseigner et guérir ; il semblait leur assigner une série de courses et de travaux pour un temps très rapproché. Les apôtres et plusieurs des disciples se séparèrent ici de lui, ainsi que le reste de l'assistance, et, dans la matinée, il se dirigea au midi.

25 janvier.-- Je vis le Seigneur accosté en chemin par des parents qui le priaient de venir chez eux guérir leur fille malade ; elle était, comme la petite-nièce d'André chlorotique et lunatique. Le Seigneur lui ordonna de se lever : elle se leva et fut guérie.

Dans l'après-midi, je vis Jésus, en compagnie des disciples qu'il avait emmenés avec lui de son voyage, arriver à une lieue de Thenath-Silo, près d'un puits où les douze apôtres vinrent à sa rencontre, portant à la main des branches vertes ; ils se prosternèrent devant lui, et il prit une de ces branches ; ils lui lavèrent aussi les pieds.

Note : Elle veut parler incontestablement de la montagne dite de la Multiplication des pains, située à six lieues au midi de Tibériade et où Pierre se mit la première fois en rapport avec le Seigneur. (voyez tome I, page 389)

Je crois que la chose se fit avec cette solennité parce que tous étaient réunis, et parce que Jésus voulait se montrer de nouveau en public comme leur maître et enseigner en tous lieux. Le Seigneur, accompagné des apôtres et des disciples, se rapprocha de la ville, où la sainte Vierge, Madeleine et Marthe le reçurent devant une hôtellerie ; elles n'avaient pas avec elles la femme de Pierre, ni sa fille (laquelle n'était pas fille de l'apôtre, mais de sa femme qui l'avait eue d'un premier mariage) ; la femme d'André n'y était pas non plus ; elles étaient restées à Bethsaïde. Marie était partie des environs de Jéricho avec la femme de Pierre et celle d'André qui s'en retournaient chez elles ; elle était venue ici attendre Jésus, et les autres femmes s'y étaient rendues aussi, mais par d'autres chemins ; elles avaient apprêté un repas, et il y avait bien une cinquantaine de convives. Ils allèrent ensuite à la ville, et Jésus se rendit aussitôt à la synagogue, dont il fit demander les clefs. Il enseigna le soir devant une nombreuse assistance, dont les saintes femmes faisaient partie.

Tous passèrent la nuit dans la grande hôtellerie : les hommes et les femmes étaient dans des parties différentes de la maison. Beaucoup de malades avaient été amenés dans la cour, et on les avait établis dans deux grandes pièces où ils étaient abrités. Il me sembla qu'il y avait là une espèce d'hôpital, avec des bains dans le voisinage.

26 janvier.-- Ce matin, Jésus guérit encore beaucoup de malades dans la ville ; cependant il passa devant plusieurs maisons sans y entrer ; il guérit aussi dans l'hôtellerie. Ensuite il envoya les apôtres en divers lieux : les uns à Capharnaum, d'autres à l'endroit où s'était faite la multiplication des pains. Les saintes femmes partirent pour Béthanie, et lui-même en prit aussi le chemin. Avant le sabbat, il alla avec plusieurs disciples dans une hôtellerie où l'attendaient tous les disciples qu'il avait emmenés d'Égypte lors de son grand voyage ; ils venaient de ce canton habité par des bergers, situé entre Jéricho et Sichar, où il les avait répartis récemment. Le chemin que suivit Jésus pour venir ici passait entre deux montagnes, puis par des prairies, puis par ces champs où les disciples avaient arraché des épis dans l'été de l'année précédente.

Jésus célébra ici le sabbat avec ces disciples. L'hôte leur donna une lampe qu'ils suspendirent au milieu de la salle ; ils placèrent sur une table une couverture rouge et blanche, mirent leurs vêtements blancs du jour du sabbat et se rangèrent autour de Jésus dans l'ordre qui leur était assigné en pareil cas. Il lut des prières dans un livre ; la maison où ils étaient avait quelque ressemblance avec la maison de Zachée. Il y avait ici une vingtaine de disciples ; la lampe du sabbat resta allumée toute la journée. Je vis le Seigneur, dans l'intervalle des prières, donner aux disciples des instructions sur leurs devoirs.

Il se trouve parmi eux un nouveau disciple, nommé Sylvain, que Jésus a pris dans la dernière ville où il s'est arrêté. Il est âgé de plus de trente ans. Ses parents dont j'ai oublié les noms sont de la race d'Aaron. Jésus le connaît depuis sa jeunesse, et vit déjà en lui un futur disciple à la fête donnée chez sainte Anne. (voyez tome I, page 139), lorsque le Sauveur, âgé de douze ans, revint après avoir enseigné dans le temple. A cette même fête, il avait aussi choisi Nathanael, le fiancé de Cana. Je dois posséder une relique de ce Sylvain, c'est un très petit fragment d'ossement tout blanc. Je sens que cette relique agit sur moi '.

27 janvier.-- Aujourd'hui je vis Jésus et les disciples qui l'accompagnaient, se rapprocher de Béthanie. Je l'entendis leur dire entre autres choses qu'il allait maintenant à Jérusalem pour y enseigner et que bientôt après il retournerait vers son Père céleste.

Note : Ce petit fragment d'os ne se trouvait pas alors chez Anne-Catherine, et cependant elle sentait l'effet qu'il produisait sur elle. Il était au milieu d'un petit paquet de chiffons de soie qui avaien5 été en contact avec des saints, et qui pour cela avaient été cousus ensemble comme reliques. Ce petit paquet, qu'elle n'avait jamais ouvert elle-même, elle l'avait prêté dix-huit mois auparavant à une femme malade, comme un objet saint qui devait lui donner des forces. Elle le redemanda ces jours-ci, l'ouvrit pour la première fois, et il s'y trouva en effet un petit fragment d'ossement.

Il leur parla de la fidélité avec laquelle il fallait marcher à sa suite, et il ajouta que parmi leurs compagnons qui allaient venir le rejoindre à Béthanie, il y en avait un qui ferait défection et qui avait déjà la trahison dans le coeur. J'eus le sentiment que ces nouveaux disciples resteraient parfaitement fidèles à Jésus : je vis qu'ils qu'ils demandèrent s'il voulait bien leur apprendre à prier ainsi qu'il avait fait pour les autres, et je l'entendis leur donner une admirable explication de l'oraison dominicale. J'admirai surtout ce qu'il dit avant et après la demande : " Donnez-nous aujourd'hui notre pain quotidien " ; mais je ne puis pas le redire. Dans ce voyage. Jésus guérit plusieurs lépreux qui furent amenés sur son passage.

Ils n'allèrent pas ce soir jusqu'à Béthanie, mais quand ils furent à une lieue du bourg, ils entrèrent dans une maison servant d'hôtellerie qui appartenait aux saintes femmes. Cette nuit, j'ai vu distinctement qu'elles avaient à leur disposition plusieurs maisons de ce genre, dont une à Capharnaum, une près de Jéricho où elles avaient reçu le Seigneur tout récemment, et celle-ci en avant de Béthanie. C'est la même où j'ai vu Jésus enseigner si longtemps le soir d'avant la résurrection de Lazare, et Madeleine aller à sa rencontre. Elles avaient établi dans ces maisons de pauvres familles chargées de prendre soin du Seigneur et des apôtres : elles servaient à la fois comme lieux de réunion et comme hôtelleries. Celle-ci, située à une lieue de Béthanie, était tenue par un homme qui avait une femme et des enfants. Il y a quelques minutes je me rappelais encore son nom S mais il m'est échappé de nouveau.. Le Seigneur avait fait un miracle en sa faveur près de la mer de Galilée. vers le temps où eut lieu celui de la multiplication des pains.

Aujourd'hui Marie se trouvait dans cette maison avec les autres femmes et cinq apôtres, Judas, Thomas, Simon, Jacques le Mineur et Thaddée. Jean Marc y était aussi, ainsi que quelques prêtres et d'autres personnes. Lazare n'y était pas. Les apôtres et les disciples allèrent au-devant du Seigneur jusqu'à un puits où ils le saluèrent et lui lavèrent les pieds. Ils allèrent ensuite rejoindre les femmes dans la maison. Le Seigneur y enseigna et il y eut un repas. Les saintes femmes s'en allèrent ensuite à Béthanie : Jésus et les prêtres passèrent la nuit dans la maison avec les apôtres et les disciples.

29 janvier.-- Jésus et les disciples n'allèrent pas encore ce matin à Béthanie. Les cinq apôtres et les seize disciples qui étaient venus avec Jésus se partagèrent en deux groupes qui, sous la conduite de Thaddée et de Jacques, parcoururent les environs et guérirent des malades. Je les vis guérir de différentes manières ; tantôt ils imposaient les mains, tantôt ils soufflaient sur les malades ou s'étendaient sur eux : quelquefois ils couchaient des enfants en travers sur leurs genoux et soufflaient sur eux.

Jésus parcourut aussi le pays avec les trois disciples discrets et il y opéra des guérisons. Je l'ai vu guérir plusieurs femmes affligées de pertes de sang, des jeunes filles chlorotiques et lunatiques, et des gens contrefaits : il délivra aussi un possédé dont je me souviens disti4ctement. C'était un jeune homme dont les parents coururent au-devant du Seigneur comme il entrait dans un village composé de maisons disséminées : il les suivit dans la cour de leur maison où se trouvait leur fils qui eut comme un accès de frénésie à l'approche du Seigneur, fit des sauts extravagants et se jeta contre les murailles. Les gens qui étaient là voulurent se saisir de lui, mais ils ne purent pas y parvenir parce que sa fureur allait toujours croissant et qu'il les déchirait avec ses dents. Alors le Seigneur ordonna à tous les assistants de sortir et de le laisser seul, sur quoi tous s'en allèrent dans la cour. Jésus se trouvant seul avec le possédé lui cria de venir à lui. Mais celui-ci ne vint pas et tira la langue à Jésus en faisant d'affreuses contorsions. Il l'appela une seconde fois et il ne vint pas, mais il le regarda en tournant la tête derrière lui. Alors Jésus leva les yeux au ciel et pria : cette fois, le possédé vint à son commandement et se jeta à ses pieds tout de son long. Le Seigneur passa un pied sur lui, puis l'autre, et fit cela deux fois comme s'il lui eût marché sur le corps ; je vis alors sortir de la bouche ouverte du possédé comme un tourbillon de vapeur noire qui montait et se dissipait dans l'air. Dans cette vapeur qui s'échappait, je distinguai trois noeuds dont le dernier était le plus foncé et le plus fort. Ces trois noeuds étaient joints ensemble par un gros fit et par plusieurs autres plus déliés. Je ne puis comparer le tout qu'à trois encensoirs superposés, laissant échapper par des ouvertures des nuages de fumée qui se réunissent les uns aux autres.

Le possédé était couché sans mouvement et comme sans vie aux pieds du Seigneur ; celui-ci remua la main au-dessus de lui, le bénit, comme quand on fait un signe de croix sur quelque chose, puis étendit le bras vers lui en lui ordonnant de se lever ; alors le pauvre jeune homme se leva : il était nu et tout pâle. Jésus le conduisit vers la porte de la cour, à la rencontre de ses parents, le leur rendit, et leur dit qu'il le leur rendait quant à présent, mais qu'il le leur redemanderait plus tard ; il leur recommanda aussi de ne plus pécher contre leur fils, car ils s'étaient rendus coupables à son égard, et c'était là ce qui l'avait fait tomber dans ce déplorable état ; toutefois je ne sais plus quel était leur péché.

Après cela, Jésus quitta cette famille et se rendit à Béthanie ; les malades qu'il avait guéris et beaucoup de leurs proches l'y précédèrent ou l'y suivirent, et ceux que les apôtres avaient guéris se rendirent aussi à Béthanie. Le bourg fut alors en grand émoi, car tous ces gens publiaient partout les grâces qu'ils avaient reçues. Je vis aussi que Jésus fut bien accueilli, que des prêtres vinrent au-devant de lui et le conduisirent à la synagogue, où ils lui présentèrent un livre de Moïse sur lequel on le priait d'enseigner. Il y avait beaucoup de monde à la synagogue ; les femmes étaient à la place qui leur était assignée.

Ils allèrent ensuite dans la maison de Simon, le lépreux de Béthanie, que Jésus avait guéri ; les femmes y avaient préparé un repas ; Lazare n'était pas présent. .Jésus et les trois disciples discrets dormirent dans un logement dépendant de la synagogue ; les apôtres et les autres disciples allèrent passer la nuit dans la maison appartenant à la communauté. C'était la femme du préposé de cette maison qui, avant la résurrection de Lazare, avait annoncé à Marthe l'arrivée de Jésus ; elle était grande et forte, et faisait souvent des courses pour les affaires de la communauté. Marie et les autres femmes logeaient dans la maison de Marthe et de Madeleine, laquelle était distincte de la maison de Lazare : celle-ci, située du côté qui regardait Jérusalem, était entourée de fossés avec des ponts, comme dans un château ; la maison de Marthe était du côté de la ville par lequel Jésus était entré.

J'eus, cette nuit, une grande et merveilleuse vision touchant l'expulsion d'un démon que j'avais vu Jésus opérer près de Béthanie ; je ne puis guère la reproduire d'une manière suivie. C'était une succession de tableaux qui se perdaient les uns dans les autres, et je ne m'en rappelle même plus le commencement, ni l'ordre dans lequel ils se suivaient.

Je vis sortir de la bouche du possédé une vapeur ténébreuse, dans laquelle je vis trois noeuds ou trois points principaux, communiquant ensemble par des cordons de fumée noire. Je ne pouvais pas comprendre ce que c'était ; et, comme j'y réfléchissais, j'eus une vision. Je vis encore une fois, d'un coup d'úil rapide, le possédé couché par terre, et le Seigneur qui passait le pied sur lui ; je vis les nuages de vapeur noire liés ensemble sortir de sa bouche, et je vis le groupe qu'ils formaient comme suspendu en l'air devant moi. Alors je perdis de vue le possédé ; et, en considérant ce noir réseau, je pénétrai de plus en plus dans les détails de la vision, où je finis par voir tout un monde. Il me semblait voir d'abord une ombre en mouvement ; ensuite on reconnaissait l'ombre d'un homme, puis une forme humaine ; puis on distinguait tous les membres, puis on voyait l'intérieur : on voyait le coeur, le cerveau et tout le reste ; on se rendait compte enfin de toutes leurs fonctions, et on voyait toutes les pensées, tous les sentiments, tous les actes, et on visitait tout l'intérieur du corps et de l'âme de cet homme qui n'avait apparu d'abord que comme une pure ombre, et on voyait aussi dans quels rapports il était avec d'autres ; mais il n'est pas possible de trouver des paroles pour exprimer tout cela.

Je vis des différences dans la teinte sombre et noire des trois noeuds ; j'y vis ensuite diverses subdivisions qui prirent sous mes yeux la forme de jardins, dans les planches desquels j'aperçus toutes sortes d'affreuses choses. Dans les carrés d'un de ces jardins, je vis les instruments de torture les plus étranges et les plus effrayants, des mauvaises herbes de toutes sortes, des plantes vénéneuses et des bêtes venimeuses ; dans les planches d'un autre jardin, de singulières associations de plantes, d'animaux, de pierres, de métaux, de cachets, de chiffres, d'anneaux, de miroirs, de machines, d'instruments, de figures curieuses, etc. ; dans les planches du troisième jardin, il n'y avait que des objets agréables et magnifiques : des fleurs, des fruits, de la musique, de beaux tableaux, des 9gures nues ; mais rien qui parlât à l'âme, rien de saint. Au milieu de chacun de ces trois jardins et de tout ce qu'ils contenaient, je vis une fontaine ou une mare servant à arroser chacun d'eux à sa manière ; chacune de ces fontaines était remplie d'une espèce différente d'objets horribles et dégoûtants : il y avait des crapauds, des serpents, des reptiles et des bêtes venimeuses de tous genres, du sang et des abominations de toutes sortes. Dans chacun de ces jardins, toutes choses avaient entre elles une relation intime, et se rapportaient les unes aux autres d'une façon qui ne produisait que le mal, l'abomination, la douleur, le péché, les ténèbres, l'aveuglement ; mais, plus je voyais les détails, plus j'entrais moi-même dans cette sphère, au point de n'en plus bien distinguer les limites.

Je vis à la fin dans ces circonscriptions, de petites figures, puis des personnages et c'était comme un royaume où tout se tenait et où régnaient partout la vie et le mouvement. Les jardins formaient maintenant diverses sphères d'action et d'opération. Quand la vision fut arrivée à ce degré de développement, je ne vis plus les noeuds suspendus en l'air, mais tout cela était devenu comme un monde. Je vis encore des sphères et des enceintes lumineuses opposées à ces sphères ténébreuses et placées entre elles ; mais je ne distinguai pas les détails sinon lorsque je voyais des gens qui en sortaient pour passer dans les sphères ténébreuses.

Quand ces sphères se présentèrent à mes yeux sous la forme de mondes pleins de personnages et de scènes dive1ses, je vis ce qui m'avait été montré d'abord comme des fontaines remplies de bêtes hideuses, apparaître comme des églises de ténèbres. Je vis dans la sphère inférieure qui était la plus sombre un culte abominable rendu au démon : tout y était horrible à voir. Je vis au lieu d'autel comme une petite montagne et par derrière un trou où d'énormes bûches entretenaient un brasier ardent. La flamme y était d'un rouge sombre et la fumée se dirigeait en bas vers la terre : toutes les cérémonies, toutes les prières semblaient se diriger en bas. Je vis là une espèce de sanctuaire, et comme un sacrifice : mais à tout cela se mêlaient des abominations, des parodies insultantes, des profanations, des actes infâmes et dégoûtants. Il y avait tout un cérémonial qui se rapportait directement au démon. Je ne puis exprimer ces horreurs : tout y était révoltant, atroce, immonde et abominable. Je vis autour de ce point central des gens qui faisaient bouillir dans de grandes chaudières des plantes dont je connaissais les noms et dont la vue me faisait frissonner dans mon enfance lorsque je les rencontrais quelque part, et toute sorte d'autres choses affreuses. Je vis qu'ils s'oignaient avec cela : je les vis ensuite couchés là, puis transportés dans d'autres lieux où ils se réunissaient à des hommes qui étaient comme eux tout raidis et avec lesquels ils se livraient au péché. Je vis aussi partir de toutes leurs âmes des fils qui allaient ailleurs et revenaient, et je connus que par là chacun savait et voyait ce qui concernait l'autre. Ce n'était qu'abomination et confusion : je vis dans ces fils ou canaux spirituels comme des oiseaux noirs qui allaient et venaient pour établir les communications. Je vis qu'ils propageaient parmi les hommes beaucoup de fléaux et de maladies, et qu'ils apportaient à ces gens toute sorte d'ordures et d'étranges ingrédients comme des cheveux et des aiguilles qu'ils mettaient dans leurs onguents. Je vis parmi ceux-ci des personnes des contrées les plus diverses, et malheureusement aussi quelques-unes de notre temps et de notre pays : il y avait spécialement beaucoup de Juifs de pays étrangers : tout compris, ils ne formaient pas une troupe très nombreuse. Toutes choses se faisaient mystérieusement et dans les ténèbres, et il n'en provenait que de la folle, de l'abomination et du mal, sans aucun profit pour ceux qui y prenaient part.

Je vis dans l'enceinte de cette église diabolique se produire une masse d'horreurs, d'impudicités et de crimes contre nature. C'étaient là les bonnes oeuvres de ces adorateurs du démon et je reconnus que tous ceux qui s'adonnent à des vices de cette espèce appartiennent sans le savoir à cette église du démon. Je vis en outre dans cette sphère certains états et certaines relations qui dans la vie ordinaire ne sont pas considérés comme tout à fait illicites, surtout dans l'entourage de ces extatiques qui se frottent avec des onguents, puis voient à de grandes distances et commettent les plus affreux péchés avec d'autres ; il y avait notamment beaucoup de personnes magnétisées. Je vis quelque chose d'horrible entre elles et le magnétiseur ; c'étaient comme des nuages noirs de toutes les formes qui allaient des uns aux autres. Je n'ai presque jamais vu personne sous l'influence du magnétisme, sans qu'il s'y mêlât au moins une impureté charnelle très subtile. Je vois aussi toujours leur clairvoyance ayant pour agents de mauvais esprits. Je vis des gens tomber de la sphère lumineuse dans la région ténébreuse qui était au-dessous, par suite de leur participation à ces procédés magiques qu'ils appliquaient au traitement des malades, prenant pour prétexte l'intérêt de la science. Je les vis alors magnétiser et, égarés par des succès trompeurs, attirer beaucoup de personnes hors de la région lumineuse. Je vis qu'ils voulaient confondre ces guérisons d'origine infernale et ces reflets du miroir des ténèbres, avec les guérisons opérées par la lumière et avec la clairvoyance des personnes favorisées du Ciel. Je vis, à cet étage inférieur, des hommes très distingués travailler à leur insu dans la sphère de l'église infernale.

Dans l'enceinte de l'autre sphère, il y avait aussi une église, un culte mystérieux, mais c'était plutôt comme l'organisation de diverses confréries. Il n'y avait pas là de culte public rendu au démon : je n'y vis pas Satan en personne : je n'y vis pas non plus de si abominables choses pratiquées volontairement et avec malice. On y était plutôt préoccupé de certaines sciences occultes et de certains secrets de la nature. Ils faisaient de l'or ; ils avaient de petits bâtons où ils taillaient une espèce de peigne et dont ils frappaient la terre. Ils employaient à toute sorte d'usages des anneaux sur lesquels étaient gravées des lettres, et des amulettes qu'ils portaient sur eux, célébraient certaines fêtes, tiraient les cartes, conjuraient la fièvre, cherchaient à guérir par des procédés bizarres, comme en jetant dans l'eau courante de petits linges ensanglantés avec lesquels on avait pansé des plaies ou en mesurant des enfants d'une certaine façon. J'ai vu là mille choses extraordinaires destinées en apparence à la santé du corps et à la récréation momentanée des hommes : mais dans toutes je vis le culte caché du démon, le désir d'être guéri sans renoncer au péché comme source de la mort ou de la maladie, l'assistance demandée non à Jésus et à son Eglise, mais à la nature déchue. Je vis aussi que toutes ces guérisons n'étaient qu'apparentes et qu'elles aggravaient le mal. Cela me fut montré par des symboles, comme celui d'un trou qu'on recouvre de papier pour le dissimuler aux yeux.

Cette fausse église était autant et plus que la première entourée de personnes magnétiques : mais elles n'étaient pas plongées aussi avant dans le péché. Toutefois il y avait là comme une école préparatoire à tout ce qu'il y a de pire. Je vis aussi cette sphère peuplée d'une multitude de gens de toute espèce qui étaient par rapport à l'autre centre situé à une plus grande profondeur ce que sont des laïques par rapport à des prêtres ; au lieu de l'horrible culte diabolique, des impudicités, des meurtres, des vices contre nature, de la préparation de breuvages empoisonnés, de la fabrication d'images et d'écrits obscènes que j'avais vus dans la région inférieure, je voyais ici de folles amours, des langueurs, l'idolâtrie de la nature et de la créature, l'affectation des affections de famille, des lettres amoureuses, surtout de la musique mondaine, des danses, des boucles de cheveux, des anneaux, des portraits. Dans le cercle précédent j'avais vu préparer des poisons, procurer des avortements ; ici c'étaient des recettes superstitieuses pour réveiller l'amour.

Dans la troisième sphère, c'était tout autre chose et c'était pourtant la même chose, mais à un degré différent. Ici encore il y avait une église au centre et c'était purement de la franc-maçonnerie et des choses de ce genre Il n'était question ici que de bienfaisance sans Jésus-Christ, de lumières en dehors de la vraie lumière, de science sans Dieu, de bien-être, de vie commode, etc. Les gens de ce cercle ne croyaient pas aux deux autres cercles et s'imaginaient travailler contre eux tandis qu'ils ne travaillaient que contre la religion et aidaient à l'agrandissement des autres, dans le sol desquels ils avaient leurs racines. Tous ces mondes étaient liés les uns aux autres par de triples canaux et par une foule de lignes et de rayons qui les mettaient en rapport : tous se donnaient beaucoup de peine et travaillaient avec beaucoup d'efforts, mais tout ce qu'ils produisaient n'était que confusion, ténèbres, douleur et désespoir : toutes leurs guérisons n'étaient que des palliatifs et souvent un déplacement du mal qui l'aggravait. Je vis dans ce dernier cercle et dans le précédent un grand nombre de savants et spécialement des médecins et des pharmaciens.

Je ne me souviens plus bien de la suite de cette vision : ce que j'avais maintenant sous les yeux, c'était le monde et son train de vie. Je ne vis plus de séparation entre la région de la lumière et les sphères ténébreuses : tout était confondu ensemble. Je me trouvai moi-même allant et venant au milieu de tout cela ; je vis des amis et des gens de ma connaissance qu'une espèce de vertige poussait vers les cercles ténébreux et je les ramenai en arrière. Je ne me souviens plus bien de la situation dans laquelle je me trouvais : il me semblait être avec ma soeur dans un trou, comme dans un purgatoire. Je tenais toujours par la main l'enfant de mon frère et je le retenais en arrière : mon père et ma mère étaient près de moi. L'enfant Jésus vint une fois à moi et m'apporta quelque chose : je ne sais plus ce que c'était. J'élevai aussi en l'air l'enfant Jésus : je le montrai de loin à mes amis qui s'égaraient et qui alors accoururent près de moi. W. était de ceux qui chancelaient, le Pèlerin tournait autour du royaume de ténèbres pour y faire des observations, ce qui l'exposait à de grands dangers : mais tous revinrent à moi, même B. qui s'était écarté très loin. Je ne me rappelle plus distinctement la fin de la vision : mais c'était une espèce de tableau de la moisson ; on coupait les blés, on criblait, on brûlait les mauvaises herbes, on recueillait le froment, et je courus encore avec mes amis vers le côté lumineux du champ.

Remarque du Pèlerin. Il était impossible de reproduire cette vision en conservant toutes les paroles d'Anne Catherine, car elle se répétait sans cesse et ses récits se confondaient les uns avec les autres. Du reste on n'y a rien ajouté, car elle en a dit beaucoup plus long : on à seulement mis un certain ordre d'après les indications qu'elle donna elle-même, lorsque plus tard on lui lut ce qui avait été écrit.

Elle vit dans chacun des cercles dont il a été parlé tout un règne végétal et animal qui avait avec ce cercle un rapport physique, moral et mystique, et elle vit dans tous les trois le mauvais usage qui en était fait. Elle vit la signification des animaux, leur rapport réel et symbolique avec les péchés et avec les vertus opposées à ces péchés.

Elle vit ce qu'est le monde déchu en dehors de l'Église de Jésus-Christ, comment par ses abominations il adore le démon soit directement et personnellement, soit indirectement dans la nature et comment il s'adore lui-même dans sa raison et veut se racheter lui-même.

30 et 31 janvier. - Ce matin le Seigneur enseigna encore dans la synagogue. Je connaissais beaucoup des disciples qui étaient là, je vis, entre autres Saturnin, Nathanael Khased et Zachée. Beaucoup de malades avaient été amenés à Béthanie. Jésus prit encore un repas avec les disciples dans la maison de Simon, le lépreux guéri : beaucoup de pauvres y assistèrent et Jésus leur fit d'amples distributions de ce qui était servi. Il en fit convoquer d'autres encore qu'il fit manger avec lui. Cela mécontenta le maître de la maison. II envoya des messagers aux divers Pharisiens de Béthanie, ce qui fit tenir aussi beaucoup de propos à Jérusalem où l'on dit que Jésus était devenu un dissipateur et prodiguait tout à la canaille. Jésus passa encore la nuit dans le voisinage de la synagogue : les disciples et les apôtres dans l'hôtellerie appartenant à la communauté qui était en avant du bourg.

Je vis de nouveau Jésus enseigner et guérir à Béthanie.

On avait amené beaucoup de malades et pendant qu'il enseignait à la synagogue, on avait dressé depuis là jusqu'à la maison de Simon une double rangée de tentes sous lesquelles les malades étaient couchés ; il n'y avait que des hommes. J'ai bien vu là avec quelle gravité calme Jésus opérait ses guérisons et je m'attristai en pensant à la légèreté et à la dissipation qui ôtent souvent toute efficacité au ministère des ecclésiastiques. Il n'y avait pas là de lépreux : je vois qu'on les fait toujours venir dans des endroits séparés. Jésus passa devant quelques malades sans s'arrêter, il donna des avis à d'autres sans les guérir : il fallait qu'auparavant ils se corrigeassent. Il était suivi le plus souvent par trois disciples : deux se tenaient à ses côtés, un peu en arrière, et le troisième tout à fait derrière lui : ils étaient comme ses lévites. Il n'y avait pas de presse autour du Seigneur quoiqu'il y eût toujours beaucoup de gens qui se tenaient à une certaine distance et suivaient. Il passa d'abord le long d'un des rangs et revint sur ses pas en prenant l'autre côté : il opéra ses guérisons d'une manière fort diverse. Il en prit quelques-uns par la main et leur ordonna de se lever : il en toucha d'autres : je vis un hydropique auquel il passa la main sur le corps à partir de la tête et qui désenfla aussitôt, car l'eau dont il était plein sortit sous la forme d'une soeur extraordinairement abondante. Je la vis couler à flots de sa tête et de son corps. Beaucoup de ceux que Jésus avait guéris se prosternèrent la face contre terre devant lui : ses compagnons les relevèrent et les emmenèrent. Lorsque le Seigneur revint à la synagogue, il fit placer pour ces malades guéris des sièges tout auprès de lui, après quoi il enseigna.

1-3 février.-- Je vis Jésus à Béthanie envoyer les disciples deux par deux dans les environs pour y enseigner et y guérir les malades. Il leur dit de revenir l'attendre les uns à Béthanie, les autres à Bethphagé. Je vis ensuite Jésus lui-même, accompagné des trois disciples discrets, aller dans un petit endroit à deux lieues au midi de Béthanie. J'avais cru d'abord qu'il allait dans cet endroit situé sur la route de Bethléhem où se trouve maintenant Lazare, mais je le vis guérir ici. Je le vis notamment entrer dans la maison d'un homme auquel il avait rendu précédemment l'usage de la parole, mais qui, étant retombé dans le péché, était devenu paralytique. Ses mains et ses doigts avaient entièrement perdu leur forme. Je vis Jésus lui faire une exhortation et le toucher, sur quoi il se leva guéri. Je vis Jésus guérir encore dans cet endroit plusieurs jeunes filles qui avaient les pâles couleurs et qui ressemblaient à des mortes : souvent elles pleuraient ou riaient convulsivement et comme par accès : elles étaient lunatiques. `

Ce soir je vis Jésus de retour à Béthanie avant l'ouverture du sabbat : il alla à la synagogue. J'entendis les Juifs malveillants alléguer emphatiquement contre lui qu'après tout il n'avait pas le pouvoir de faire ce que Dieu avait fait pour les enfants d'Israël auxquels il avait donné la manne dans le désert, etc. Ils étaient très mal disposés à son égard. J'entendis aussi toute la nuit une instruction qu'il fit et qui était très belle et très claire, mais je ne puis pas la rapporter. Il ne passa pas la nuit à Béthanie, mais hors de la ville dans l'hôtellerie des disciples.

Aujourd'hui j'ai vu Jésus enseigner à la synagogue. Le repas eut lieu dans la maison de Simon qui se montra plus sensé qu'il ne l'avait été récemment. Jésus enseigna et passa la nuit dans l'hôtellerie des disciples, en avant de Béthanie.

4 et 5 février.- Trois disciples cachés vinrent de Jérusalem trouver Jésus auquel ils demandèrent pourquoi il les avait si longtemps délaissés et fait dans d'autres endroits tant de choses dont ils n'avaient rien su. J'entendis une réponse qu'il fit dont je me rappelle encore quelque chose. Il était question de tapis et d'objets utiles auxquels on attache du prix ; si on s'en sépare pendant un certain temps, on les retrouve avec plus de plaisir et comme si c'étaient de nouvelles acquisitions. Il dit encore que si on sème toute sa semence en une fois dans un même endroit, une grêle peut survenir et tout détruire, tandis que l'enseignement et la grâce disséminés en plusieurs lieux, laissent des traces qui ne s'effacent pas si facilement. Tel fut le sens de sa réponse. Quant à ces trois disciples cachés, je ne me rappelle que ce qui suit. Le premier était un fils du vieux prêtre Siméon qui était mort après la présentation du Christ au Temple. Il s'appelait Obed et je S rois qu'il fut mis à mort à Jérusalem avec Jacques ou quelques autres des premiers martyrs. Le second était un fils ou un parent de Véronique : il fut aussi martyrisé : j'ai encore devant les yeux une vision où je vis brûler ses ossements. Le troisième, allié à Jeanne Chusa avait, dès l'âge de douze ans, fait connaissance avec Jésus lorsqu'il était resté à Jérusalem. Il alla plus tard avec Simon et Jude, devint évêque de Cédar et vécut assez longtemps comme anachorète en Egypte, non loin du dattier qui s'était penché vers Marie lors de sa fuite pour qu'elle pût manger de ses fruits. Cet arbre s'élevait au milieu d'un hallier. J'ai vu cette scène : plusieurs enfants de bergers vinrent ensuite près de cet arbre pour cueillir ses fruits, une signification et une bénédiction y étaient attachées. Cela eut lieu à peu de distance du grand fleuve qui arrose ce pays : je vis creuser une quantité de fossés pour l'inondation. Ce disciple mourut à l'âge de cent ans ou de cent dix ans.

Ces trois disciples apportaient de mauvaises nouvelles : ils dirent à Jésus que les princes des prêtres et les Pharisiens se proposaient d'aposter des espions dans les endroits voisins de Jérusalem, pour se saisir de lui lorsqu'il se rapprocherait de la ville. Là-dessus Jésus ne prit avec lui que ses deux disciples les plus nouveaux, Selam de Cédar et Sylvain du pays de Sichar, et il marcha avec eux toute la nuit pour se rendre à cette métairie de Lazare qui était voisine d'une forteresse et où Lazare se trouvait alors. Lazare était encore deux jours auparavant dans la petite ville située entre Béthanie et Bethléhem, près de laquelle les trois rois avaient fait manger leurs bêtes lors de leur voyage à Bethléhem, mais ayant reçu un message de Jésus il s'était rendu de là à sa métairie. Jésus savait donc déjà qu'il aurait à s'éloigner, avant la nouvelle que lui apportaient les disciples ; cela m'explique pourquoi il avait passé deux nuits, non pas à Béthanie, mais hors de la ville dans l'hôtellerie des disciples.

Ce matin, je vis Jésus arriver avant le jour devant la maison de Lazare située près de la forteresse. Il frappa à la porte de la cour : la maison était entourée d'un fossé, Lazare vint lui-même avec une lanterne sourde, il ouvrit et conduisit Jésus dans une salle de la maison. Il y trouva Nicodème, Joseph d'Arimathie, Jean Marc et Jaïr, le second fils de Siméon. Ils saluèrent Jésus et lui lavèrent les pieds : un repas était préparé. J'entendis dire que Jésus voulait aller à l'endroit où il avait béni un si grand nombre d'enfants avant la mort de Lazare et près duquel il avait guéri des lépreux dans une espèce d'hôpital ; je crois que cet endroit s'appelle Bethabara, cependant je n'en suis pas sûre.

6-15 février . -Il y eut ces jour-là une interruption presque complète dans les communications de la pieuse fille, car son vieil ami le pieux abbé Lambert, prêtre émigré natif d'Amiens, mourut le 9 février. Pour lui obtenir la grâce d'une bonne mort et une prompte délivrance du purgatoire, Anne Catherine avait pris à sa charge des peines excessives et elle participa, même corporellement, à toutes les souffrances de l'agonisant. Dans cet état douloureux, elle ne put communiquer rapidement que le peu qui suit :

Je vis ces derniers jours Jésus, accompagné de Silas et de Sylvain, aller de l'autre côté du Jourdain, à Béthabara, où il avait béni dans une autre occasion une si grande quantité d'enfants Il y a célébré le sabbat et il a adressé de nouvelles exhortations à des gens qu'il avait antérieurement guéris et convertis. Le 11 février, elle dit avec tout le naturel d'une personne qui rapporte ce qu'elle vient de voir à l'instant : " Maintenant Notre Seigneur Jésus est parti pour Ebrian ". (Note : Elle voulait dire vraisemblablement Ephraim ou Ephron.) C'est un petit endroit à une demi lieue environ de la grande ville (Jéricho). Il a été à Béthabara. Il a guéri ici deux aveugles ; Sélam et Sylvain étaient avec lui. André' Judas, Thomas, Jacques le Mineur, Thaddée, Zachée, un disciple de Jérusalem, un parent de Véronique, un disciple de Béthanie qui avait été présent à la résurrection de Lazare, et sept autres disciples encore vinrent se réunir ici à Jésus. J'ai vu ceux d'entre eux qui étaient de Jérusalem aller prendre les autres à Béthanie ; c'est pourquoi je sais d'où ils étaient. Je n'ai pas le temps de raconter par où ils ont passé pour venir ici. Avant que Judas partît de Béthanie, je vis la sainte Vierge s'entretenir avec lui et l'exhorter instamment à être plus mesure, à veiller sur lui-même et à ne pas se mêler de tout comme il faisait.

12 février.- Ce soir Jésus alla dans un endroit situé à une lieue au nord de Jéricho, où il y a une espèce d'hospice dans lequel on recueille des malades et des pauvres. Il passa la nuit dans une hôtellerie où il rendit la vue à un vieillard aveugle qu'il s'était abstenu de guérir précédemment, lorsque, près de ce même endroit, il avait guéri deux autres aveugles avec un mélange de terre et de salive. Cette fois il l'a guéri par sa seule parole. L'endroit est près du chemin. Le Seigneur se rendit de là à la métairie de Lazare.


15 février.- Aujourd'hui Jésus alla avec Lazare de la métairie de celui-ci à Béthanie. Les saintes femmes allèrent à leur rencontre.