La Loi nouvelle

Un épisode remarquable de l'Evangile nous montre un jeune homme riche et sage qui vient demander à Jésus le chemin de la perfection.

Tu connais les préceptes , dit le Maître, observe-les .

Je le fais depuis mon enfance , répond le jeune homme. Que faut-il de plus ?

Alors Jésus l'aima, dit l'Evangile, et lui montra cette Loi parfaite du sacrifice qu'Il a si merveilleusement incarnée Lui-même : Vends tout ce que tu as, et donne-le aux pauvres... puis viens, et suis-moi.

C'était là trop demander, au gré de ce jeune homme qui, quoique sage, avait encore quelques attaches aux biens de ce monde.

Tous, nous avons aussi de grands biens, et nous ne voulons pas les donner aux pauvres !

La loi se résume dans l'amour fraternel : Portez les fardeaux les uns des autres, et vous accomplirez la loi du Christ.

Celui qui aime les autres accomplit tous les commandements.

Voilà ce que transmet l'apôtre Paul aux Romains.

Et voilà qui est bien nouveau !

Nul être avant le Christ, nul depuis n'a dit les paroles et réalisé les actes d'amour parfait qui, il y a deux mille ans, rayonnaient sur les campagnes galiléennes.

Si nos consciences parlent, si des lois naturelles, sociales, ou religieuses nous obligent, elles fixent des bornes, elles nous apprennent le mal qu'il faut fuir, elles sont restrictives, négatives, et fondées sur la crainte. Ce qu'elles ne défendent pas est permis, est bon.

Tandis que l'enseignement nouveau sans l'aide de Dieu, dépasserait infiniment toutes possibilités. Observer parfaitement la loi ancienne est possible à l'homme. Réaliser parfaitement l'amour, cela nous conduit à nous identifier avec Dieu, puisque seul peut nous conduire à la perfection l'Etre qui est Lui-même le chemin, la vie et la vérité absolus.

Ce n'est pas tant la forme de la loi nouvelle qu'il faut voir (forme inévitablement adaptée, limitée) que son esprit, son énergie interne, et l'infinie valeur que lui confère son origine.

Le Christ apporte aux hommes un idéal de liberté, de fraternité.

Il est d'abord le grand Libérateur, et nous affranchit de toutes les servitudes personnelles, sociales, humaines, religieuses. Avant Lui, c'étaient d'innombrables prescriptions, et la crainte perpétuelle d'en avoir oublié. Celui qui a obéi jusqu'à la mort nous libère des idoles et nous appelle Ses Amis, dès que nous laissons leur joug pour accepter le Sien qui est doux et léger, parce que c'est Lui-même qui nous aide à le porter.

Avant Lui, les hommes, les races, tous les êtres étaient classés en catégories fermées. Par souci de pureté, nous étions guindés, méfiants. Celui qui a aimé le publicain Lévi comme le riche Simon, la courtisane repentante comme la Samaritaine, a su montrer aux hommes la vanité des classifications. Il a donné à chacun sa mission particulière, son talent à faire valoir. Il a fait connaître l'humilité, vertu que tous ignoraient, que tous encore nous ignorons.

L'esprit de la loi nouvelle est enfin fait de fraternité. Même (et surtout) les plus misérables, les plus petits sont notre prochain qu'il faut aimer. Vous êtes tous frères , dit Jésus.

Ce fut une révolution de voir les disciples s'aimer et vivre dans les admirables communautés des premiers siècles. Ce fut un scandale de voir les misères secourues et les fautes pardonnées. Scandale, mais avant-goût du ciel.

Davantage encore : le Christ affirme Son identité mystérieuse avec ces  petits  qui ont faim et soif, ou qui sont nus, emprisonnés ou malades, mais qu'on dira bienheureux.

Voilà certes qui est nouveau, dans un monde où l'on exploite les pauvres, où l'on approuve toujours le succès, où l'on méprise les simples et les pacifiques.

Le royaume de Jésus n'est pas de ce monde Et, pour y entrer, nous devons briser nos liens avec Mammon, puisque nul ne peut servir deux Maîtres. Combien autrefois, combien aujourd'hui pensent qu'il vaut mieux servir tous les maîtres afin d'avoir meilleure pitance - ou pour être sûr de ne pas se tromper - et qu'il est plus habile de brûler des cierges à tous les autels ! Mais l'amour parfait du Christ ne souffre pas ces partages ingénieux, car c'est Dieu Lui-même, Père très bon, Créateur souverain, qui vient Se révéler à nous par Son

Fils unique et nous apprendre Sa présence miraculeuse en nous. Jamais initiateur, jamais fondateur de religion n'avait osé dire aux hommes cette formidable vérité. Jamais aucun ne s'était affirmé être le Maître de toutes choses, en en donnant la preuve.

Non seulement Jésus promulgue la Loi nouvelle, mais Il le fait avec autorité, parce qu'Il en a le droit et qu'Il représente Son Père. Non seulement Il commande, mais Il juge. Non seulement Il est l'hiérophante, le sacrificateur par excellence, mais, si nous le voulons, Il nous met en communion directe avec Dieu. A l'amour fraternel des hommes les uns pour les autres s'ajoute alors un amour filial de nous au Père.

Irrévérente prétention ? fol orgueil ? non pas. Relisez l'Evangile de Jean : ces deux amours vivent l'un par l'autre et se pénètrent. A nos efforts timides vers Dieu qui nous aime répond Sa grâce, Sa toute puissance qui les multiplie infiniment.

La Loi parfaite sera pleinement vécue dans le Royaume des cieux. Mais, dès maintenant (et depuis qu'elle fut incarnée sur la terre) les hommes de bonne volonté qui se donnent à Jésus entrent dans Sa joie ; ils créent peu à peu du Ciel autour d'eux ; une vie nouvelle circule en eux, comme dans le sarment passent la sève et l'énergie du cep. A l'esclavage amer succède un libre abandon à la Volonté de Père, et le disciple trouve en chaque circonstance, un réconfort, une lumière, une occasion d'aimer.

Si quelqu'un m'aime, a dit Jésus, il gardera ma parole et mon Père l'aimera, et nous viendrons à lui, et nous ferons notre demeure chez lui. (JEAN XIV, 23).