ALEXIS
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SAINT ALEXIS *

 

Alexis vient de a, qui veut dire beaucoup, et lexis, qui signifie sermon. De là Alexis, qui est très fort sur la parole de Dieu.

 

Alexis fut le fils d'Euphémien, homme d'une haute noblesse à Rome, et le premier à la cour de l’empereur : il avait pour serviteurs trois mille jeunes esclaves revêtus de ceintures d'or et d'habits de soie. Or, le préfet Euphémien était rempli de miséricorde, et tous les jours, dans sa maison, on dressait trois tables pour les pauvres, les orphelins, les veuves et les pèlerins qu'il servait avec empressement; et à l’heure de none, il prenait lui-même son repas dans la crainte du Seigneur avec des personnages religieux. Sa femme nommée Aglaë avait la même dévotion et les mêmes goûts. Or, comme ils n'avaient point d'enfant, à leurs prières Dieu accorda un fils, après la naissance duquel ils prirent la ferme résolution de vivre désormais dans la chasteté. L'enfant fut instruit dans les sciences libérales, et après avoir brillé dans tous les arts de la philosophie, et avoir atteint l’âge de puberté, on lui choisit une épouse de la maison de; l’empereur et on le maria. Arriva l’heure de la nuit où il alla avec son

 

* Sigebert de Gemblours, Chron, an., 405.

 

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épouse dans la chambre nuptiale : alors le saint jeune homme commença par instruire cette jeune personne de la crainte de Dieu, et à la porter à conserver la pudeur de la virginité. Ensuite il lui donna son anneau d'or et le bout de la ceinture qu'il portait en lui disant de les conserver: « Reçois ceci, et conserve-le tant qu'il plaira à Dieu, et que le Seigneur soit entre nous. » Après quoi il prit de ses biens, alla. à la mer et s'embarqua à la dérobée sur un vaisseau qui faisait voile pour Laodicée, d'où il partit pour Edesse, ville de Syrie, dans laquelle on conservait un portrait de Notre-Seigneur J.-C. peint sur .un linge sans que l’homme y ait mis la main. Quand il y fut arrivé, il distribua aux pauvres tout ce qu'il avait apporté avec soi, puis se revêtant de mauvais habits, il commença par se joindre aux autres pauvres qui restaient sous le porche de l’église de la Vierge Marie. Il gardait des aumônes ce qui pouvait lui suffire; le reste, il le donnait aux pauvres. Cependant, son père; inconsolable de la disparition de son fils, envoya ses serviteurs par tous pays, afin de le chercher avec soin. Quelques-uns vinrent à Edesse et Alexis les reconnut; mais eux ne le reconnurent point, et même ils lui donnèrent l’aumône comme aux autres pauvres. En l’acceptant, il rendit grâces à Dieu en disant « Je vous rends grâces, dit-il, Seigneur, de ce que vous  m’avez fait recevoir l’aumône de mes serviteurs. » A leur retour, ils annoncèrent au père qu'on n'avait pu le trouver en aucun lieu. Quant à sa mère, à partir du Jour de son départ, elle étendit un sac sur le pavé de sa chambre, où au milieu de ses veilles, elle poussait ces cris (232) lamentables : « Toujours je demeurerai ici dans le deuil, jusqu'à ce que j'aie retrouvé mon fils. » Pour son épouse, elle dit à sa belle-mère : « Jusqu'à ce que j'entende parler de mon très cher époux, semblable à une tourterelle; je resterai dans la solitude avec vous.» Or, la dix-septième année qu'Alexis demeurait dans le. service de Dieu sous le porche dont il a été question plus haut, une image de la Sainte Vierge qui se trouvait là, dit enfin au custode de l’église : « Fais entrer l’homme de Dieu, parce qu'il est digne du royaume du ciel et l’Esprit divin repose sur lui : sa prière s'élève comme l’encens en la présence de Dieu. » Et comme le custode ne savait de qui la Vierge parlait, elle ajouta : « C'est celui qui est assis dehors sous le porche. » Alors le custode se hâta de sortir et fit entrer Alexis dans l’église. Ce fait étant venu à la connaissance du public, on se mit à lui donner dés marques de vénération; mais Alexis, fuyant la vaine gloire, quitta Edesse et vint à Laodicée, où il s'embarqua dans l’intention d'aller à Tharse de Cilicie ; cependant Dieu en disposa autrement, car le navire, poussé par le vent, aborda au port de Rome. Quand Alexis eut vu cela, il se dit en lui-même : « Je resterai inconnu dans la maison de mon père et je ne serai à charge à aucun autre. » Il rencontra son père qui revenait du palais entouré d'une multitude de gens obséquieux, et il se mit à lui crier : « Serviteur de Dieu, je suis un pèlerin, fais-,moi recevoir dans ta maison, et laisse-moi me nourrir des miettes de ta table, afin que le Seigneur daigne avoir pitié de toi, à ton tour, qui es pèlerin aussi. » En entendant ces mots, le père, par amour (233) pour son fils, l’introduisit chez lui ; il lui donna un lieu particulier dans sa maison, lui envoya de la nourriture de sa table; en chargeant quelqu'un d'avoir soin de lui. Alexis persévérait dans la prière, macérait son corps par les jeûnes et par les veilles. Les serviteurs de la maison se moquaient de lui à tout instant; souvent ils lui jetaient sur la tête l’eau qui avait servi, et l’accablaient d'injures : mais il supportait tout avec une grande patience. Il demeura donc inconnu de la sorte pendant dix-sept ans dans la maison de son père.

Ayant vu en esprit que le terme de sa vie était proche, il demanda du papier, et de l’encre; et il écrivit le récit de toute sa vie. Un jour de dimanche, après la messe solennelle, une voix se fit entendre dans le sanctuaire en disant : « Venez à moi, vous tous qui travaillez et qui êtes fatigués et je vous soulagerai. », Quand on entendit cela, on fut effrayé; tout le monde e jeta la face contre terre, quand pour la seconde fois, la voix se fit entendre et dit : « Cherchez l’homme de Dieu afin qu'il prie pour Rome. » Les recherches n'ayant abouti à rien, la voix dit de nouveau: « C'est dans la maison d'Euphémien que vous devez chercher. » On s'informa auprès de lui, et il dit qu'il ne savait pas de qui on voulait parler. Alors les empereurs Arcadius et Honorius vinrent avec le pape Innocent à la maison d'Euphémien : et voilà que celui qui était chargé d'Alexis vint trouver son maître et lui dire : « Voyez, Seigneur, si ce ne serait pas notre pèlerin ; car vraiment c'est un homme d'une grande patience. » Euphémien courut aussitôt, mais il le trouva (234) mort: il vit sa figure toute resplendissante comme celle d'un ange: ensuite il voulut prendre le papier qu'il avait dans la main, mais il ne put l’ôter. En sortant il raconta ces détails aux empereurs et aux pontifes qui, étant entrés dans le lieu où gisait le pèlerin, dirent : « Quoique pécheurs, nous avons cependant le gouvernement du royaume; et l’un de nous a la charge du gouvernement pastoral de l’Eglise universelle, donne-nous donc ce papier :afin que nous sachions ce qui y est écrit: » Le pape s'approchant prit le papier, que le défunt laissa aussitôt échapper, et il le fit lire devant tout le peuple, en présence du père lui-même. Alors Euphémien, qui entendait cela, fut saisi d'une violente douleur; il perdit connaissance et tomba pâmé sur la terre. Revenu un peu à lui, il déchira ses vêtements, s'arracha les cheveux blanchis, se tira la barbe, et se déchira lui-même de ses propres mains, puis se jetant sur le corps de son fils, il criait : « Malheureux que je suis ! pourquoi, mon fils, pourquoi  m’as-tu contristé de la sorte ? pourquoi pendant tant d'années  m’as-tu plongé dans la douleur et les gémissements ? Ah! que je suis malheureux de te voir, toi, le bâton de ma vieillesse, étendu sur un grabat! tu ne parles pas : ah! misérable que je suis ! quelle consolation pourrai-je jamais goûter maintenant? » Sa mère en entendant cela, semblable à une lionne qui a brisé le piège où elle était prise, s'arrache les vêtements, se rue échevelée, lève les yeux au ciel, et comme la foule était si épaisse qu'elle ne pouvait arriver jusqu'au saint corps, elle criait: « Laissez-moi passer, que je voie mon fils, que (235) je voie la consolation de mon âme, celui qui a,sucé mes mamelles. » Arrivée au corps, elle se jeta sur, lui en criant : « Quel malheur pour moi! mon fils,, la lumière de mes yeux, qu'as-tu fait là? pourquoi avoir agi si cruellement envers nous? Tu voyais ton père et ta malheureuse mère en larmes, et tu ne te faisais pas connaître à nous ! Tes esclaves t'injuriaient et tu le supportais ! » Et à chaque instant elle se jetait sur le corps, tantôt étendant les bras sur lui, tantôt caressant de ses mains ce visage angélique, tantôt l’embrassant : « Pleurez tous avec moi, s'écriait-elle ; puisque, pendant dix-sept ans, je l’ai eu dans ma maison et je n'ai pas su que ce fût mon fils. Et encore il y avait des esclaves qui l’insultaient et qui l’outrageaient en le souffletant! Suis-je malheureuse! qui donnera à mes yeux une fontaine de larmes pour pleurer nuit et jour celui qui est la douleur de mon âme ? » La femme d'Alexis, vêtue d'habits de deuil, accourut baignée de larmes. « Quel malheur pour moi! quelle désolation! me voici veuve, je n'ai plus personne à regarder et sur lequel j'aie à lever les yeux. » Mon miroir est brisé, l’objet de mon espoir a péri. Aujourd'hui. commence pour moi une douleur qui n'aura point de fin. » Le peuple témoin de ce spectacle versait d'abondantes larmes. Alors le pontife et les empereurs avec lui placèrent le corps sur un riche brancard, et le conduisirent au milieu de la ville. On annonçait au peuple qu'on avait trouvé l’homme de Dieu que tous les citoyens recherchaient. Tout le monde courait au-devant du saint. Y avait-il un infirme? il touchait ce très saint corps, et aussitôt il était guéri ; les aveugles (236) recouvraient la vue, les possédés du démon étaient délivrés; tous ceux qui étaient souffrants de n'importe quelle infirmité recevaient guérison. Les empereurs, à la vue de tous ces prodiges, voulurent porter eux-mêmes, avec le souverain pontife, le lit funèbre, pour être sanctifiés aussi par ce corps saint. Alors les empereurs firent jeter une grande quantité d'or et d'argent sur les places publiques, afin que la foule, attirée par l’appât de cette monnaie, laissât parvenir le corps du saint jusqu'à l’église. Mais la populace qui ne tint aucun compte de l’argent, se portait de plus en plus auprès du corps saint pour le toucher. Enfin ce fut après de grandes difficultés qu'on parvint à le conduire à l’église de saint Boniface, martyr; on l’y laissa sept jours qui furent consacrés à la prière. Pendant ce temps on éleva un tombeau avec de l’or et des pierres précieuses de toute nature, et on y plaça le saint corps avec grande vénération. Il en émanait une odeur si suave que tout le monde le pensait plein d'aromates. Or, saint Alexis mourut le 16 des calendes d'août, vers l’an 398.

 

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