LA RECHERCHE MYSTIQUE DU BONHEUR

     Nous faisons, vous tous et moi, œuvre de collaborateurs. Nous nous rencontrons, amenés, vous par votre désir des choses divines, moi par la dilection que je ressens à en parler. Peut-être, de ces échanges de nos plus chers élans, sortira-t-il quelque jour une belle action ou une belle œuvre.
Ne m'écoutez donc pas dans l'espérance d'entendre dévoiler des arcanes, ou pour juger si je connais plus ou moins de mystères que tel autre conférencier, ou pour classer les faits que je vous expose dans tel système ésotérique. Ouvrez, pour m'entendre, votre cœur plutôt que votre intelligence; veuillez sentir les êtres de Lumière dont j'essaie de vous évoquer les mouvements, veuillez les aimer plutôt que les comprendre. Ainsi vous entrerez plus loin dans le palais de notre Roi, l'air plus léger que vos âmes y respireront les clarifiera et, plus proches des célestes Présences, vous serez indulgents au parleur malhabile qui s'efforce à vous les rendre sensibles.
Nous allons donc nous entretenir bien simplement. La simplicité est convenable aux choses éternelles qui seules peuvent dignifier nos misères et hausser nos désirs jusqu'aux jardins de la Béatitude divine.

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     Cette recherche du Bonheur est un des appétits les plus profonds et les plus constants de notre cœur. C'est qu'elle correspond à quelqu'une des réalités absolues; c'est que, quelque part dans cette immense création, s'étend un royaume béni dont tous les habitants sont heureux, où l'existence même est béatifique, où chaque être vit, de seconde en seconde, par des transfigurations incessantes, par des extases régénératrices, et où il lui semble mourir aussi, de seconde en seconde, sous la délicieuse oppression de l'Idéal qui se verse sans relâche en lui. Ce mode d'existence, c'est celui de la vie divine; rien n'a lieu en nous, rien n'y bouge, aucune intuition n'y bat des ailes, aucun enthousiasme n'y flambe, aucune larme n'y flétrît, qui ne vienne de Dieu.

Sachons donc que nos pitoyables tâtonnements, quand nous nous bousculons les uns les autres vers un peu d'or, vers un fauteuil présidentiel, vers un peu de beauté matérielle, vers un peu de science, vers un peu de gloire, c'est le magnifique instinct des choses divines qui palpite en nous, de ses premiers tressaillements.
Ces obscurs efforts dureront des siècles? Qu'importe. Ce sont des graines en travail dans le noir terreau, sous la neige; et la neige, cela veut dire les averses bienfaisantes du printemps et les rayons vivifiants du soleil.

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     On a défini l'homme un animal raisonnable. Ce n'est pas la Raison qui est notre prérogative, c'est l'Amour. Nos décisions les plus froidement rationnelles ne contiennent-elles pas toujours une préférence secrète, parfois inavouée? Quand nous optons, même pour le parti pénible, n'est-ce pas parce que nous aimons un but plus haut et que nous espérons nous en rapprocher par ce sacrifice? Nos mobiles ont toujours une racine dans notre centre émotif et aucune de nos œuvres n'est viable si nous ne lui infusons le sang de notre amour. C'est pourquoi il est écrit : « Là où est votre trésor, là est votre cœur. »
Seulement, par une erreur qui tient à notre courte vue et à la sujétion de la matière, en obéissant à cette soif d'Absolu nous cherchons à l'étancher aux sources troubles des formes du Relatif; l'ardeur qui nous consume s'irrite à ces eaux doucereuses et nous nous traînons ainsi, toujours plus enfiévrés, de déceptions en désillusions.

     Mais la mère Nature est là qui nous guide avec patience, le long du sentier des renaissances. Par ses soins, l'homme aime d'abord les satisfactions sensorielles et instinctives; puis il goûte celles de l'orgueil, de la force violente; puis, par une seconde réaction, il s'attendrit aux délices sentimentales.
Mais il ne fait, en réalité, que changer le mode de son égoïsme; il souffre, se rebute et se rejette vers les joies plus calmes de l'intellect. Enfin, l'heureuse nuit où il s'est convaincu de la vanité du savoir, il revient vers l'action et, grâce à l'expérience acquise, il conçoit l'amour du prochain, l'amour fraternel, l'amour qui se donne et qui n'attend rien en retour. Et, lorsque l'exercice de la charité a mis de l'ordre dans ses puissances et de la Lumière dans les appartements de son esprit, l'homme sent vibrer tout son être de la commotion très profonde et ineffable qui précède l'éclosion de l'amour divin, comme le frémissement de l'aurore annonce, dans la colline, le lever triomphal du soleil.

     Remercions le Père de ce qu'Il a mis en nous le germe des plus vastes développements. Le dernier des hommes porte tout de même un inestimable joyau. Le plus misérable des amours contient, si on sait le regarder, sa part de noblesse, ne serait-ce que par la douleur qu'il exhale.
     Bornons-nous à étudier la recherche sentimentale du bonheur. Nous verrons plus tard comment le service du prochain et le service de Dieu sont les splendides roses presque pareilles où se couronnent, sous la pure clarté de l'Esprit, les mille efforts obscurs de la sève le long des canaux dolents du tronc et des rameaux.

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     L'amour passionnel débute, chez le sauvage, avec la violence de l'instinct; il atteint son maximum dans la polygamie et la polyandrie, et s'affine au moyen d'institutions comme le gynécée ou le harem; enfin, il revêt sa forme la plus digne par la monogamie.
Parallèlement, avec l'évolution civilisatrice, se sont fait jour quelques fleurettes de l'amour du prochain, sous forme d'humanité, de bonté, de tolérance. Et, sur une troisième spirale, mais alors presque tout à fait dans l'inconscient collectif ou individuel, s'éveillent les premières vibrations de l'amour de Dieu.
     Le but de l'existence, c'est d'apprendre à nous aimer les uns les autres; mais, dans l'état d'égoïsme profond qui est naturel à l'homme, jamais celui-ci ne s'occupera d'autrui s'il ne trouve à ce soin un avantage immédiat. Et, si nous sympathisons volontiers avec l'âme grecque, par exemple, avec l'âme hindoue, c'est que nous sommes certains de n'avoir jamais à souffrir de leurs travers; par contre, le monsieur qui prend trop de place dans le tramway, nous ne le goûtons pas du tout, serait-il même d'un commerce exquis.

     Pour toutes ces raisons, la Nature a cherché comment attacher côte à côte deux êtres, afin qu'une cohabitation constante les oblige d'arrondir mutuellement les aspérités de leurs égoïsmes. Elle a imaginé le philtre sentimental.
     Le mariage ou, plus exactement, le contrat par lequel se lient l'un à l'autre un homme et une femme, a pour but de fonder une famille, de s'entr'aider dans les travaux de la vie et de réaliser une harmonie spirituelle.
     Laissons ici de côté l'aspect physiologique de la question, le point de vue social, ainsi que l'ésotérique. Les deux premiers ne sont pas de notre ressort; quant au troisième, il y a déjà assez de criminels qui, sous couleur d'initiation et d'ésotérisme, ont détraqué et aliéné un trop grand nombre de disciples crédules! La Koundalini hindoue., l'Hervah kabbalistique doivent rester des notions secrètes.

     Ce qui lie les époux, ce n'est ni le maire ni le prêtre. Ceux-ci ne sont que des témoins pour les deux collectifs où ils sont appelés à exercer leurs fonctions. Ce qui lie les époux, c'est leur parole. L'Eglise enseigne fort justement que ce qui confère le sacrement de mariage, c'est le consentement des époux. Il faut donc faire très attention au manque de parole. La pensée suffit à rendre adultère : « Celui qui regarde une femme avec convoitise a déjà commis l'adultère avec elle dans son cœur. » Le mariage, c'est l'engagement qui, de deux êtres humains, fait un seul esprit corporel, mélange deux vitalités, attelle deux volontés aux mêmes travaux et adoucit deux égoïsmes.
     C'est pourquoi le divorce n'existe pas. Le divorce est aussi illusoire que le suicide; il reporte à une époque ultérieure le travail actuel. Seulement, à ce moment-là, les conditions dans lesquelles le travail devait être effectué sont changées; les personnes, le milieu, les aides ne sont plus les mêmes. Et il en résulte pour les retardataires des complications et des difficultés accrues.

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     L'âme-sœur, telle que Platon l'a décrite, n'est qu'une vue métaphysique. Il n'existe rien de semblable dans la réalité, nulle part dans aucune des régions qu'habite l'homme universel. Il ne faut pas vous étonner de ceci, car aucun homme vivant sur terre n'a connu ni ne connaît l'homme. Pour nous connaître, en effet, nous qui existons depuis le commencement du monde, il aurait fallu être témoin de l'acte de création. Il est heureux, d'ailleurs, que les savants et les sages même ignorent ce que nous sommes, car ils n'auraient pu garder secrète leur découverte et le monde serait depuis longtemps arrêté dans sa croissance.
     C'est Dieu qui a créé des hommes et des femmes. Le sexe existe dans l'individualité avant d'exister dans le corps. Les hommes et les femmes sont simplement des êtres pourvus de qualités différentes et complémentaires. Ils n'ont pas les mêmes droits parce qu'ils n'ont pas les mêmes devoirs, et ils n'ont pas les mêmes devoirs parce qu'ils n'ont pas les mêmes facultés. A l'homme sont la force physique, l'action extérieure; à la femme, la force morale, l'action intérieure.

     C'est pourquoi le féminisme, qui veut conquérir à la femme des fonctions de pouvoir, d'activité physique, est faux. Il est exact que « la femme est l'ange du foyer ». Ce qui signifie qu'elle en est la prêtresse, que son activité s'exerce dans le plan spirituel, qu'elle est l'inspiratrice, la gardienne, la consolatrice. Elle a une sensibilité aiguë, un esprit naturellement anxieux; il lui a été fait le don subtil et périlleux de l'intuition; elle souffre donc plus que l'homme, mais plus que lui aussi elle est près du Père.
L'homme, dans le visible, est le maître. Toutefois, de même que les pouvoirs politiques consultent parfois des illuminés, il écoute la femme, il devrait l'écouter plus souvent encore et plus attentivement. 
     Quant à la femme, que jamais elle n'oublie qu'elle a auprès d'elle le Modèle ineffable de l'enfant, de la jeune fille, de l'épouse, de la mère; qu'elle se souvienne à jamais que la Vierge a tout souffert et tout accompli, qu'en son être infiniment pur la Vierge a donné asile à tous les états d'âme, enfant élevée modestement dans l'ombre du Temple, jeune fille de bonne heure orpheline, épouse en butte au plus injuste soupçon, mère ayant connu la pauvreté, les deuils, les douleurs et dont, en un jour solennel, « une épée transperça l'âme ». Qu'elle se remémore constamment que la Vierge a été la plus humble, la plus belle, la plus inconnue, que son Fils lui a accordé - et non pas aux seules noces de Cana - ce qu'elle Lui a demandé et que, pour ces raisons, la femme peut la prier sans crainte, lui exposer tout ce qui la préoccupe ou la chagrine, certaine d'être entendue, certaine d'être aidée.

     Ainsi, la femme a entrepris un travail plus lourd que l'homme. Dans quelques cas, même, ce travail lui a été imposé, comme, par exemple, quand un homme s'est dégradé extraordinairement et qu'on lui donne un corps de femme pour lui fournir la possibilité de payer un peu plus vite.
Mais ces lois des mutations ontologiques ne sont utiles à connaître que pour le conducteur d'âmes, pour le théurge, pour l'Envoyé du Père, pour le Chien mystérieux du Céleste Berger qui, souvent, doit modifier des destinées individuelles et changer les pâturages des troupeaux humains.

     Nous autres, comprenons bien que, puisque nous sommes ici, nous ne sommes pas parfaits, que, par conséquent, nous nous ferons souffrir forcément les uns les autres. Aussi, malgré les ivresses des fiançailles, malgré les enthousiasmes des hyménées, sachons que notre bonheur aura des défaillances et nos sentiments des fluctuations; nous diminuerons ainsi la douleur des faux pas futurs. Ce n'est qu'en apparence que nous avons choisi librement notre compagnon de route.
     De nos jours on apparie les jeunes gens suivant des convenances de dot, d'espérances, de position sociale, et quelquefois selon l'appel des vœux du cœur. Mais ces choix ne sont pas libres; il y a de puissantes volontés qui pèsent sur les volontés à courte vue des marieurs, des parents et des fiancés; tous les motifs de notre prudence, de nos prévoyances sont illusoires; on n'épouse jamais que la femme ou le mari que notre destin nous impose, selon la sentence de la justice universelle.

     Les anciens sages, qui savaient l'existence et le mécanisme de ces lois du Destin, consultaient les astres pour connaître la signature invisible des jeunes hommes et des jeunes filles, afin de les unir au mieux de leurs intérêts matériels, sociaux, physiologiques et spirituels. Dans ces époques reculées, les roues astrales de l'Univers tournaient dans un sens connu, les arrivées et les départs des âmes dans l'azur radieux de l'éther avaient lieu à des moments fixes du Temps cosmique. Aujourd'hui, l'Invisible a changé d'aspect. Voici deux mille ans que les dieux qui régnaient dans les hauteurs ont été jetés à bas par le vent des ailes de l'Esprit et que les esclaves des anciens lieux inférieurs ont été élevés sur des trônes. Les sciences divinatoires ne valent donc plus rien puisqu'elles avaient été construites sur les observations de l'antiquité; elles ne disent plus juste que par hasard.

     Il devient ainsi bien inutile de s'impatienter, de gémir, de se venger, de même se séparer, puisque l'inexorable Fatalité nous ramènera tôt ou tard au compagnon de chaîne jusqu'à ce que le temps marqué sur le Livre secret soit écoulé. Telle est la seconde raison pour laquelle le divorce est illusoire.
     Mais de ce que les directeurs des Générations ne sont plus actuellement les mêmes que dans l'antiquité, il ne s'ensuit pas qu'il n'y a plus de règles. Un mariage est une rencontre sur la grande route, rencontre fugitive mais grosse de conséquences. De ce que le choix du conjoint n'est libre qu'en apparence, il ne s'ensuit pas qu'il puisse être fait à la légère, au gré du caprice. Le mariage existe pour que l'homme et la femme apprennent à se connaître eux-mêmes et l'un l'autre. La vraie connaissance, ce n'est pas de la psychologie ou de la littérature, c'est de l'expérience. Or, il n'est pas d'expérience sans travail et pas de travail sans souffrance.

     La vie conjugale, qui pourrait être un paradis, est souvent un enfer parce qu'il y a des époux qui passent leur vie ensemble, en restant tout à fait étrangers l'un à l'autre. Tout être ne possède que le bonheur domestique, ou le malheur, qu'il mérite strictement. Si l'on croit en Dieu - et, sans cette foi, on ne serait pas un être humain, on ne serait qu'un animal plus ou moins intelligent -, si l'on croit en Dieu, on doit avoir confiance en Sa justice et savoir qu'aucune souffrance n'est imméritée, avoir confiance en Sa Bonté et savoir qu'aucune souffrance n'est excessive.

   Le mariage, nous l'avons dit, est une école, il est l'école de l'amour vrai. Il commence par un attrait spontané, mais il se parfait par les sacrifices qui évoquent et nourrissent l'Amour. Il nous achemine vers le lieu béni où il n'y aura plus d'appétits matériels, plus de convoitises sensorielles, où l'amour divin seul régnera, où tous sauront et pourront à tout instant se sacrifier avec bonheur pour le bonheur des autres. Heureux les époux qui, dès ici-bas, s'essaient à ce sacrifice !
Nous sommes en nous-mêmes anges et démons, et l'union conjugale, qui est aussi, un être, comporte également un ange et un démon. Mais c'est, hélas ! celui qui se croit l'ange qui souvent est le démon, car peut-on se juger avec indulgence sinon par orgueil? Et qu'est-ce que le diable, sinon l'orgueil? Et qu'est-ce que la perfection, sinon l'art de souffrir en silence et avec joie ?

     Ceci ne veut pas dire que la femme et le mari doivent s'approuver aveuglément et hypocritement. Il faut, en aimant, conserver du sens critique. Il faut, en aimant, avoir le courage de voir les défauts de celui qu'on chérit et qu'on voudrait tant, hélas! parfait.
     Ayez donc, maris et femmes, de l'indulgence patiente les uns pour les autres; souvenez-vous que votre Ami divin, Celui qui glorifie de Son ineffable et invisible présence les minutes trop rares où resplendit entre vous le véritable et pur amour, souvenez-vous qu'Il a défendu et pardonné la femme adultère. Celui de vous deux qui est sans péché a donc seul le droit de jeter à l'autre la première pierre.

     Mais ayez aussi le souci de votre amélioration réciproque. Prêchez-vous l'un à l'autre sans cesse le Bien, le Vrai et le Beau par l'éloquence toute-puissante du bon exemple, par la force du silence dans les choses importantes, par la forte douceur de la persuasion dans les petites choses. Ne tuez jamais rien dans votre amour réciproque par impatience, colère ou brutalité.
Faites tout pour conserver la paix de votre ménage, non pas une paix d'apparence, de tenue mondaine, de respectabilité, mais une paix plus profonde basée sur l'amour, sur l'amitié à défaut d'amour, sur l'estime à défaut d'amitié. Si, à force de patience, le plus sage a forcé le moins sage à reconnaître ses torts, quel immense résultat! En vérité plus grand que nous ne l'imaginons, car il a été dit : « Si vous êtes deux ou trois réunis en Mon Nom, je serai au milieu de vous. » Et où mieux que dans le mariage une telle réunion peut-elle être réalisée?

     Efforcez-vous vers la perfection l'un envers l'autre, car les actes et les sentiments évoquent toujours leurs anges ou leurs démons. Ne vous lassez jamais dans votre effort, même si la patience semble trop longue et la lutte trop dure, car on reste ensemble aussi longtemps que l'on a encore à se corriger mutuellement. Le lien noué ici-bas au moyen de ce qu'il y a d'éternel en nous -notre parole -dure de l'autre côté, après la mort.

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     La meilleure façon souvent de résoudre les problèmes spéciaux, c'est de rappeler la solution du cas général.
     Ainsi, quand des époux s'entendent mal et qu'ils en viennent à se demander, chacun dans son for intérieur, s'il est vraiment juste de subir ainsi les caprices, les égoïsmes et les défauts du conjoint, qu'ils se rappellent le précepte universel de l'amour du prochain, et celui du disciple de Jésus :
       « Fais du bien à celui qui te hait.
       « Prie pour celui qui t'outrage et te persécute.
       « La vie de l'Amour, c'est le sacrifice. »
     Nous le voyons dans les sphères minuscules où se développe l'existence des insectes; bien plus encore cela est-il dans les régions infiniment plus vastes où des anges descendent, en battant des ailes, unir deux coeurs humains et leur donner, pendant quelques si brèves années, l'avant-goût des béatitudes divines.

     Le mariage est un devoir. Il nous permet de transmettre la vie matérielle, il enrichit notre vie spirituelle. Parmi les célibataires, il en est qui ne sont pas fautifs: il se peut que l'être qu'ils devaient épouser ne soit pas incarné. Mais ce cas est accidentel. D'ailleurs, souvenons-nous toujours que, si nous nous décidons à vivre contre nos commodités et notre repos, nous sommes ainsi, toujours plus proches du Ciel et plus obéissants à la Volonté de Dieu.
 

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     Nous avons considéré la seule recherche sentimentale du bonheur. Mais les principes que nous avons redécouverts sont susceptibles des applications les plus étendues. Oui, le bonheur est un être, comme le malheur, comme la vérité, comme la musique, comme l'espérance, comme la guerre, comme la tentation, comme l'amour. Platon disait que tout ce qui est préexiste dans le monde des idées; nous savons que tout existe substantiellement. L'homme se croit mené par des aspirations, des sentiments, des désirs bons ou mauvais; il est mené par des êtres qui, s'il pouvait les percevoir dans leur réalité, l'empliraient de béatitude ou d'effroi.

     Le but que se propose l'homme, depuis le jour où il aborda aux plages du Créé, est bien le bonheur, cet état de stabilité, de sécurité, de certitude où peut s'épanouir pleinement la Vie qui palpite en lui. Cette plénitude qu'il a connue dans la préexistence, il doit la conquérir dans la relativité afin qu'elle soit véritablement sienne. L'important est qu'il cherche le bonheur là où il est. « Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir », a dit le Christ. Aussi a-t-Il résumé toute la Loi dans le double amour de Dieu et du prochain. Amour, c'est-à-dire don, offrande constamment renouvelée, sacrifice perpétuellement offert. Amour, c'est-à-dire bonheur permanent, inattaquable, anticipation de la béatitude des élus.

     Le Bonheur, c'est la rencontre avec Jésus. Et Jésus Se rencontre dans toutes les formes, dans toutes les conditions de l'existence, en attendant l'ineffable Rencontre, au terme du Créé. Puisse l'incendie de l'Amour embraser enfin nos cœurs et puissions-nous à notre tour entendre la divine Parole que, au moment de les quitter, le Christ laissa à Ses disciples : « Vous passez maintenant par la douleur; mais je vous reverrai : alors votre cœur se réjouira et personne ne vous ravira votre joie. »