LES GUÉRISONS DU CHRIST 

( 3 Février 1912 )
 
  « UNE FOULE DE GENS S'ASSEMBLAIENT POUR ETRE GUÉRIS... 
            MAIS LUI SE RETIRAIT DANS LE DÉSERT ET PRIAIT ».  (LUC V, 15-16.) 
   

    Lorsque le Ciel nous accorde l'insigne faveur de rencontrer un de Ses soldats, notre plus fervent désir est de lui voir faire la preuve de sa mission.  Or la preuve la plus convaincante et la plus touchante ne sera-t-elle pas le soulagement des souffrances ?  

  Les Amis de Dieu disposent de Sa miséricorde.  A leur demande, une catastrophe peut être suspendue, une épidémie circonscrite, une faillite évitée, une maladie arrêtée.  

Nous parlerons aujourd'hui de ce dernier pouvoir seulement; il intéresse le plus grand nombre, et il permet une analyse plus complète des ressorts occultes de la Vie.   

 D'abord, qu'est-ce que la maladie, qu'est-ce que la guérison ?   

 Les réponses varient avec les aspects sous lesquels on considère l'homme et la Nature : point de vue physico-chimique, point de vue des fluides, des esprits, des idées, et ainsi de suite, autant que votre érudition vous en fournira.   

 Toute maladie est une rupture dans l'harmonie des relations qui unissent l'individu à son milieu; la guérison est le rétablissement de cette harmonie.  L'agent curatif agit sur la partie du composé humain qui lui est semblable : le médicament sur le corps, le magnétisme sur les fluides, la suggestion sur le mental, etc...  Il y a donc trois grandes classes de thérapeutiques : la matérialiste, l'occultiste et la mystique, suivant que l'on croit au physique, à l'astral, ou à l'esprit pur.   

 Ceci posé, au moyen des souvenirs de vos études spéciales il vous sera facile de saisir les procédés du médecin ordinaire, du magnétiseur, du médium guérisseur, du mentaliste, du théurge, puisque la maladie peut entrer en nous par une corruption physiologique ou éthérique, astrale ou mentale, ou morale.  Notons que, par où qu'elle s'introduise, elle s'étend de proche en proche, et surtout de haut en bas, du centre de notre être vers la circonférence, des organismes les plus subtils vers les plus grossiers. 

 Or le Christ ne donnait pas de médicaments; bien qu'II imposât les mains, Il ne magnétisait pas, notez ceci.  Tout geste dégage de l'électricité, du magnétisme, je le sais, mais ce n'est pas du magnétisme curatif; Jésus n'émettait pas volontairement Ses forces fluidiques et mentales, bien qu'elles eussent été assez grandes pour produire presque tous Ses miracles.  Il n'était pas un médium au sens spirite du mot; aucun esprit ne L'a jamais entransé.  Jamais Il n'eut besoin de rites magiques; tout ce que l'on a dit de Ses études dans divers collèges initiatiques de la Judée, de l'Egypte, de l'Inde ou de la Celtide, est faux. 

 Les guérisons qu'II a opérées, de même que tous Ses autres miracles, le furent par des commande- ments.  Non par de pénibles efforts de volonté, soutenus par des pratiques de concentration, non par des éclats passagers d'énergie, des émissions extraordinaires de force spirituelle usurpatrice.  Mais des ordres légitimes, calmes, mesurés, normaux, comme les ordres qu'un roi donne à ses sujets.  Car le Christ est le Maître de cette terre, et le Seigneur universel.   

* * *

 La maladie n'est pas une punition : le Père ne punit personne; elle est la conséquence logique et fatale d'actes antérieurs.  L'atavisme, l'hérédité, la contagion, l'accident ne sont pas les causes des maladies, mais les moyens employés par la Nature pour nous faire subir les contre-coups de nos incartades.  Un enfant ne devient pas tuberculeux parce que ses parents sont alcooliques; mais il naît dans une famille d'alcooliques parce qu'il a mérité de souffrir la tuberculose.  Une auto ne nous renverse pas par surprise, ou par inattention, mais l'accident a lieu parce que la blessure qui en résulte pour nous est juste et utile à la libération de notre esprit.   

 Ceci n'est pas pour autoriser l'ivrognerie chez les parents, ni l'excès de vitesse chez les chauffeurs; nous avons le devoir d'amoindrir, par tous les moyens, les souffrances environnantes.  Il faut nous conduire comme des auxiliaires de la Miséricorde, et non comme des agents de la Justice.   

 La cause de toute souffrance, c'est une infraction à la loi du monde; si aucune créature n'avait jamais voulu prendre plus que sa part du festin de la vie, il n'y aurait ni dissensions, ni restitutions.  La cause première de la maladie est donc le péché. 

 Tout acte engendre, dans le plan central de l'univers, un esprit vivant; il ramène donc fatalement sur son auteur le bien ou le mal dont il fut la manifestation.  Tel avare qui a reçu un pauvre à coups de bâton paiera dans son coeur coléreux, dans son intelligence mauvaise, et aussi dans le bras qui a frappé.  Si, comme le croient beaucoup de spiritualistes, dans une incarnation prochaine cet homme renaît avec une main inerte, un thérapeute pourra peut-être la galvaniser; il n'atteindra pas la cause morale; il élèvera un mur entre cette cause et cet effet, provoquant ainsi de nouveaux désordres intérieurs, et chassant le mal de sa juste place pour l'envoyer ailleurs, où il sera intempestif.   

 Les jeteurs de sorts commettent souvent cette faute, liant une maladie d'homme à un arbre ou à une bête, qui en souffrent tout juste comme si l'un de nous recevait la maladie d'un dieu.   

 Celui-là seul qui peut apercevoir le génie de la maladie et le tableau de son origine est capable d'en modifier la route ou l'influence et de guérir réellement par la purification de la souillure primitive, qui est le péché.  Il faut qu'un tel homme ait reçu du Christ libre accès à la fontaine de la vie éternelle.   

 Il est difficile de vous expliquer en détail la marche par laquelle un vice moral devient une corruption physiologique.  Le Ciel ne veut pas qu'on recherche les causes profondes des maladies; sachant que telle infirmité est parfois produite par tel crime, nous généraliserions les cas particuliers, nous jugerions impitoyablement tout le monde, et nous nous condamnerions ainsi nous-mêmes à des travaux infinis.   

 D'une façon générale, voici ce qu'on peut dire.  Une tendance morale aboutit toujours à un acte; au cours de cette descente, elle passe du coeur à l'intellect, de l'intellect au cerveau, puis aux nerfs, aux muscles, aux cellules de tout ordre qui vont concourir à l'acte.  Toutes ces petites énergies vivantes, des subtiles aux matérielles, vont être viciées par l'intention qui les met en branle, si elle est perverse.   
Elles se mettront par là en travers du cours normal des choses, puisque la Loi, c'est la charité, et que toute faute est toujours un manquement à une espèce particulière de charité.   

 Ces petites énergies vont souvent contre l'ordre; plus elles s'affaiblissent, plus elles deviennent vulnérables aux forces de désagrégation, de lutte, de fractionnement.  Un jour viendra donc où elles ne voudront plus, où elles ne pourront plus accomplir leur fonction normale; ce jour-là, la maladie commencera.   

 Examinons le cas d'un être en cours d'évolution, l'un de nous.  Son corps contient les germes de toutes les maladies, puisque son coeur contient les germes de tous les vices.  Les premiers qui, au matériel, sont les microbes, ne se développent que s'ils entrent en contact avec des germes analogues; de même, dans l'invisible, le germe morbide spirituel a besoin du cliché de la maladie pour entrer en activité; de même, au moral, le mal latent a besoin de contacts avec la vie pour devenir un vice.   

 Il suffit que la volonté doute, pour que l'on succombe à la tentation; que l'esprit de l'estomac, par exemple, ait peur, pour que le cancer s'y installe; que la cellule soit faible, pour que des bacilles l'envahissent.  La foi est donc encore ici le glaive de toutes les victoires et le bouclier de toutes les résistances.  Dans les épidémies, voyez comme les sauveteurs courageux s'en tirent souvent indemnes.  La confiance en soi est certes une puissante défense; mais la confiance vraie en Dieu nous rend inattaquables.   

 Qu'est-ce que le cliché de la maladie ?  Ne considérons, pour simplifier, que ce qui se passe sur notre planète.  Tous les événements existent d'abord dans l'invisible, dans l'âme de la terre, avant de passer dans son corps; comme une maison existe d'abord dans le cerveau de l'architecte.  Ces tableaux vivants, où figurent les types spirituels de tous les êtres et de tous les objets qui se réaliseront plus tard, suivent des trajectoires, ou plutôt des chemins, fixés d'avance dès le commencement du monde.  

 Ainsi, il y a vingt-cinq mille ans environ, tel morceau de territoire douloureusement célèbre fut le théâtre d'atrocités semblables à celles qui viennent de s'y commettre; et il existe un certain rapport entre les hommes qui s'y égorgèrent récemment et ceux qui s'y massacrèrent autrefois.   

 L'existence de chaque individu est calculée par certains dieux, préposés à cet office, pour que sa courbe croise en des points convenus les courbes de tels ou tels clichés.  Ces intersections constituent les événements de l'existence terrestre, matériels ou moraux.  L'homme ne peut changer sa route que de quelques pas; parce qu'il est lâche, en général, et que, s'il entrevoyait le moyen d'éviter les épreuves, il s'empresserait de faire un détour.  C'est pour cela que nous ne savons rien de notre avenir; si nous le connaissions, nous ne travaillerions plus, nous ne progresserions pas.   

 La maladie elle-même : fièvre, tumeur, rhumatisme, quelle qu'elle soit, est, dans ce monde des clichés, une créature vivante, qui évolue, travaille et mérite ou démérite.  La vie physique de l'homme, de l'animal, de la plante, de la pierre même est son aliment.  Elle prend sa nourriture sur nous, puis s'en va.  A son départ, c'est la guérison ou la mort.   

 Les diverses thérapeutiques ne font que deux choses : la chasser un peu plus vite, ou l'empêcher de venir.  Dans le premier cas, on la jette avant l'heure sur un autre être, et c'est une injustice; dans le second cas, on ne fait qu'augmenter sa faim et la mettre en colère; et quand elle aura renversé la barricade de la médecine préventive, l'homme souffrira bien davantage.   

 Alors, il ne faut pas se soigner ?  direz-vous.  Si; on a le devoir strict de chercher à guérir, mais en disant toujours : « Que la volonté de Dieu soit faite et non la mienne ».  De la sorte les justes droits de tous sont respectés, et un secours providentiel est rendu possible.   

 Comprenez bien cela : le médicament, le magnétisme, les esprits, les liturgies, les pèlerinages, les reliques, rien ne guérit radicalement.  Il faut, pour que l'effet s'arrête, que la cause cesse.  L'effacement du péché est le seul remède définitif.   

 Souvenez-vous enfin que, depuis la venue du Christ, il est impossible d'assigner des lois exactes aux phénomènes; car une intervention spéciale et directe de Sa part peut toujours se produire.  Quand, à propos de l'aveugle-né, Il répond aux questionneurs que cet homme n'est ainsi ni par sa faute, ni par celle de ses parents, mais pour manifester les oeuvres de Dieu, Il nous fait entendre que l'on souffre parfois pour une autre expiation que celle de ses propres fautes, actuelles ou antérieures, que celle même des fautes d'autrui.  Toute règle comporte des exceptions, et les choses les plus simples ont souvent des motifs inconnus et inconnaissables.  C'est pourquoi il est prudent de ne juger personne.   
Tout à l'heure nous trouverons d'autres motifs à cette réserve.   

 La sagesse définitive réside dans une acceptation libre et joyeuse des épreuves.  Quand on sait que le Père nous aime, on aime les souffrances, on comprend que les maladies lentes, celles où on se voit mourir petit à petit, sont des faveurs; elles nous ramènent à l'humilité vraie; elles fomentent le brandon du repentir et le feu de la prière; notre sort dans l'Au-Delà, notre vie future peuvent en être considéra- blement améliorés.   

 Avant de clore ces considérations générales, je voudrais, par parenthèse, vous dire quelques mots de la chirurgie.   

 Le chirurgien est fatalement fauteur d'une souffrance, en dehors de celle du patient.  Le membre ou l'organe qu'il enlève se voient - au spirituel - mis à part dans ces magasins de la Nature où se fabriquent les formes physiques des êtres.  Ils demeurent là, entassés, inertes, inactifs, jusqu'à ce que leur forme matérielle ait été reprise entièrement par le sol.  L'heure où l'esprit de ces organes opérés devient propre à être remis en circulation ne coïncide plus avec celle où le corps, auquel ils étaient attachés, recommence une nouvelle vie.  Il y a rupture; les deux évolutions, de la partie et du tout, ne concordent plus; et cela produit plus tard des déséquilibres, des atrophies et parfois des troubles plus graves.   

 Ainsi le chirurgien est pris dans une alternative dont les deux termes sont également délicats; car il est tenu, en conscience, de tout faire pour guérir son malade, et il ne peut le soulager actuellement qu'en lui faisant du mal dans l'avenir.  Mais, s'il reconnaît son impuissance, qu'il demande au Ciel de parer à toutes ces complications; il n'est, en somme, que l'encaisseur involontaire de certaines dettes, puisque les maladies ne viennent jamais que par la faute des malades.   

 Deux remarques, pour clore cette parenthèse.  Il vaut mieux ne pas conserver les organes ou les membres opérés, mais les rendre à la terre; c'est là que l'esprit vivant de leurs cellules souffrira le moins.   

 L'anesthésie est nécessaire dans les cas où la douleur dépasserait la limite de résistance nerveuse; mais si on l'emploie pour éviter des souffrances supportables, elle devient un trompe-l'oeil : ces souffrances se capitalisent, si je puis dire, pour le moment où l'influence anesthésique sera éteinte.  Telle est la cause, entre autres, des tortures vraiment infernales de la démorphinisation.   

  Le Christ guérissait donc, par un simple commandement, toutes maladies, quelle qu'en soit l'origine, instantanément, à distance, en touchant le malade, ou en laissant toucher Ses vêtements.   

 Il commandait aux malades, aux maladies, aux organes et aux démons, parce que, à Ses yeux, tout est vivant, tout est un esprit individuel.  Il était un soleil de forces rayonnantes, énergies surnaturelles qu'II avait apportées du Royaume de Son Père.  Imposer les mains n'était pour Lui qu'un signe, comme nous faisons un geste en disant : oui, ou non.  Prononcer un ordre n'était non plus qu'un signe, parce que tout en Lui était simultané, de la cime de Son être jusqu'à Son corps.  Cette unité totale, plénière, admirable est propre au Christ; personne ne la possède au même degré.   

 Dans la mesure où l'homme est un, il est puissant.  Etre un, c'est faire que tout en nous concorde : que le corps ne veuille pas une chose et le mental une autre; que les muscles, les os, les nerfs soient d'accord; que la mémoire, le jugement, l'intuition tendent au même but; que tout en nous aime ce que le coeur aime; et que, à son tour, le coeur n'aime que ce que Dieu aime.  Alors l'homme recouvre la majesté perdue de sa stature; il grandit singulièrement; les êtres autour de lui le reconnaissent comme leur chef et commencent à lui obéir sans résistance.  Jésus possédait la perfection de cet état; un avec le Père, un en Lui-même, un avec Lui-même, un par Sa compassion avec tous les êtres, cette homogénéité indestructible dominait tous les antagonismes extérieurs et toutes les fermentations de la souffrance et de la maladie.   

 Parfois, quand un organe n'existe pas, Il le crée instantanément.  J'ai vu faire quelque chose de semblable, dans ma jeunesse : un bras pousser en trois jours sur un homme né manchot.  En récompense, le guérisseur fut condamné, quelque temps plus tard, pour exercice illégal de la médecine.   

 Presque toujours, Jésus demande la foi au malade, la foi en Lui-même, être unique et surnaturel.  Quand nos médecins parlent de la foi qui guérit, ils désignent par là de simples suggestions; or, la suggestion ne guérit pas.  Mais la foi à la toute-puissance du Verbe est la flèche nécessaire qui, dans l'esprit du malade, ouvre le chemin au pardon des péchés.  Une telle foi comporte le repentir et le repentir allume le désir d'être purifié.   

 Un seul regard suffit à Jésus pour connaître jusqu'au fond la pauvre créature qui se tient devant Lui.  La misère de ce suppliant, sa douleur muette L'émeuvent; Il a offert, en Son coeur magnifique, l'hospitalité à tous les sentiments humains.  Il ne S'est pas contenté d'une compassion souriante, sereine et distante; Il a souffert avec Ses amis les hommes; Il a pleuré avec eux; Il a tremblé avec eux; Il a désespéré avec eux.  Il a sondé la douleur des mères, la douleur des épouses, et celle des amis.  Pour faire revenir les jeunes êtres par delà les portes, il Lui a suffi de les appeler; mais, pour Son ami Lazare, Il a frémi, Il a pleuré, Il a crié.   

 Comme Sa tendresse est ingénieuse, et comme l'humaine nature en Lui s'est réellement chargée de tous les fardeaux !   

 En effet, pour que cette guérison parfaite ait lieu qui découle du pardon des péchés, il faut : ou bien que le malade accepte de payer sa dette sous une autre forme, et s'y engage; ou que quelqu'un paie pour lui.  Jésus a payé pour les foules qui se` pressèrent autrefois autour de Lui; et Il paie encore maintenant pour les foules, plus nombreuses encore, qui Le méconnaissent et qui L'oublient.   

 Si misérable que soit notre amour envers Lui, le Sien ne nous émeut-il pas jusqu'au tréfonds et ne chercherons-nous pas quoi faire pour soulager un peu Ses divines épaules meurtries ?   

* * *

 Soulager Dieu !  parole d'orgueil insensé ?  Mais non, c'est la parole de l'amour vrai, de cet amour pour qui l'impossible n'existe pas.  Nous ne pouvons refaire ce que Jésus fit; mais nous pouvons devenir des disciples moins indignes et moins tièdes.   

 Que ferons-nous pour les malades ?   
  Au jour du jugement, combien d'hommes le monde aura-t-il classés parmi les disciples du Christ, qui s'entendront dire par Lui : « Je ne vous ai jamais connus ».  Les miracles, la doctrine sublime peuvent coexister avec l'orgueil, et provenir de lumières inverties.  Nous sommes prévenus, d'ailleurs, que les princes de l'Enfer feront des merveilles plus grandes que celles de l'Évangile.  
Beaucoup sont bienfaisants; seul le vrai disciple est, en outre, humble et s'estime comme rien.  Telle est la première condition.   

 La seconde, c'est d'avoir reçu du Christ ou d'un Ami authentique le pouvoir de guérir.  Cette transmission doit être faite sur le plan physique, de bouche à oreille; permettez-moi de ne pas être plus explicite.  Ce don est toujours gratuit, et son accroissement subordonné à la bonne conduite du réci- piendaire.  Mais on ne doit empêcher personne de guérir au nom du Christ; chacun est responsable de ses actes; il faut respecter le libre arbitre d'autrui.   

 Quiconque essaie d'aimer son prochain comme soi-même est disciple du Christ.  En réalisant totalement cette Loi, le Christ a créé une force spéciale, un magnétisme nouveau, que même maintenant les chercheurs les plus ingénieux ignorent; Il le transmet à Ses amis et par ce fluide s'opère la réalisa- tion de leurs demandes.  Cette force insaisissable relie tous ceux qui aiment leur prochain comme eux-mêmes et constitue leur apanage.   

 Le succès d'une cure ne dépend ni d'un diplôme, ni d'une superstition, mais du dévouement, de la compassion vraie, de la ferveur intime.  Plus que toute science, plus que tout secret, le recours humble et sincère à la Vertu suprême, à la Charité infinie, est l'élixir miraculeux; mais il ne se communique pas, il faut que chacun le trouve par soi-même.  Ceci n'est point la théurgie des anciens mystères, la collaboration avec les dieux, mais la théurgie vraie, la collaboration avec Dieu.   

 Pour l'exercer, il faut une vie double : non pas l'entrée dans le plan invisible d'un collectif religieux, qu'un rite baptismal confère, mais une union effective entre le coeur du disciple et ce lieu central de l'univers spirituel, ce coeur du monde, où battent les flots de la vie cosmique, ce séjour propre du Verbe.  Là trône, en personne, Jésus, notre Guérisseur.   

 Plus le disciple s'attache à réaliser la volonté du Père, plus son esprit se fixe dans ce royaume, qui est le Ciel.  Il y vit, il y respire, il y pense, il y aime, il y travaille; tellement que si, par exemple, il offre un verre d'eau, ou compose un remède, cette eau ou cette substance seront saturées de la force divinement vivante que Jésus à créée et qui rayonne de ce lieu.   

 Le théurge vit dans l'unité.  Le soulagement qu'il procure à un fiévreux s'étend, s'il le désire, à beaucoup d'autres fiévreux; s'il guérit un paralytique, il peut agir sur le génie collectif de la paralysie et améliorer tous les paralytiques.  Ainsi, au début de ce siècle, un Ami de Dieu modifia l'invisible d'une des plus terribles maladies et, depuis, les médecins ont découvert peu à peu les moyens de la guérir complètement.  La même chose se produira dans quelque temps pour la tuberculose, puis pour le cancer.  Le théurge agit même sur la vie future d'un malade, et indique en toute connaissance de cause comment diminuer une épreuve ou la changer.   

 De tels hommes sont extrêmement rares; à peine s'en trouve-t-il un par siècle.  Il se peut toutefois, si les années prochaines doivent être terribles, qu'il en paraisse plusieurs.  Mais nous autres, hommes ordinaires, qui voudrions soulager nos semblables, que ferons-nous pour eux ?  Il faut d'abord essayer les ressources de la science; il faut tout essayer, du moins tous les remèdes permis.  Nous avons le droit d'utiliser toute substance minérale, végétale ou animale; mais, faites-y bien attention, nous ne devons pas en capter l'esprit.   

 Il vaut mieux mourir, ou laisser mourir un être cher, que de conserver la vie par un procédé illicite.  Sous aucun prétexte ne liez les esprits des arbres, des animaux, ou des hommes; ne faites jamais de transplantations paracelsiques; ne signez jamais de pactes avec les esprits, même s'ils paraissent bons; n'appelez jamais d'esprits.  Une grande partie des aliénés furent des maniaques du spiritisme et de la magie.  La psychiatrie est un leurre; toute suggestion est radicalement mauvaise.  Si votre enfant est glouton, le corrigerez-vous en le ligotant ou en l'affamant ?  Le bénéfice immédiat que donnent ces procédés défendus serait l'origine de douleurs futures bien plus amères.  Le Ciel ne veut pas qu'on attente à la liberté de personne.  Essayez de vous guérir, vous ou votre voisin, parce que c'est votre devoir, parce que votre corps est un instrument de travail qu'il faut maintenir en bon état.  Mais soyez résignés à la souffrance et à la mort, et satisfaits si elles viennent à la place de la santé.   

 Quand la prière échoue, c'est qu'elle n'est pas justifiée : par exemple, si le malade peut supporter la maladie, et ne supporterait pas une épreuve équivalente dans sa fortune, ou ses affections, ou bien si l'intention de celui qui prie n'était pas pure, s'il entrait dans sa demande quelque intérêt personnel; ou bien s'il n'avait pas assez jeûné.   

 L'intention pure, c'est une foi qui ne connaît que Dieu; ne demandez jamais rien à aucun invisible intermédiaire; ce serait un mauvais calcul.  Nous avons vu cela en parlant de la prière.   

 Le jeûne, c'est restreindre avec modération la nourriture du corps; mais, surtout, c'est restreindre avec rigueur la nourriture du moi.  Apprenez à vous priver au bénéfice de quelque souffrant; mais prenez garde, en même temps, de ne pas vouloir forcer le miracle; surveillez toujours scrupuleusement le moi; refoulé sur un point, il surgit sur un autre; veillez en esprit.   

 Disons maintenant qu'on n'a pas le droit de charger son corps du mal d'autrui; car notre corps n'est qu'un prêt.  Si Dieu veut écouter notre demande, Il est assez riche pour guérir par Ses propres moyens toutes les maladies de l'univers.  En Lui donnant, par le jeûne moral, la preuve de notre bon vouloir, Il entendra certainement nos supplications.   

 Parfois des contemplatifs, laïques ou religieux, traînent leur existence dans des maladies sans fin.  l'Église enseigne que c'est de la substitution.  Cela se peut; mais il s'agirait plus souvent d'âmes très  
 courageuses qui ont voulu d'un coup se débarrasser d'une grosse partie de leur dette.   

 Encore un motif pour ne pas juger les malheureux.   

 Cette abstention est la meilleure des prophylaxies.  Ne pas critiquer les malades, ne pas les dédaigner, ne pas les mépriser, ne pas s'en impatienter : voilà l'hygiène préventive la plus sûre, parce qu'elle est spirituelle.  Disons-nous que, si terrible que soit le mal du voisin, nous le méritons probablement, en justice, et que nous le subirons peut-être un jour.   

 Si votre prière est exaucée, voilà le plus difficile qui commence.  Il ne faut pas en devenir vaniteux.  Imitez le Christ : taisez-vous, et demandez la discrétion aux autres.  Le Ciel saura bien faire connaître le miracle, s'Il le juge à propos.  Et puis, tant d'êtres guettent les étincelles de la Lumière; or il est écrit : « Ne jetez pas les perles aux pourceaux ».   

 Ensuite ne détournez pas vos malades de leur religion; évitez le scandale.  Apprenez-leur plutôt à remercier le Ciel.  On ne le fait jamais assez; on ne le sait pas, on ne veut pas s'en rendre compte; mais le Père nous aime; Il est content lorsqu'une joie nous arrive.  Il sourit lorsqu'II nous donne quelque chose.  Il aime nos maladroites actions de grâces; nos petits bonheurs L'émeuvent.  Vous qui n'êtes que des hommes, n'aimez-vous pas, lorsque vous apportez un jouet à votre petit enfant, de sortir en plus de votre poche une surprise inattendue, pour que son bonheur soit au comble ?  Vous ne possédez cette bonté que parce que le Père la possède d'abord, infiniment.  Il en use de même avec nous.  Remercions-Le donc, et apprenons à nos amis à Le remercier.   

 Ceci est la première aurore de cette joie exquise dont nous parle le disciple bien-aimé.  Elle se lève ensuite quand on a appris comment le moindre secours offert pour l'amour de Jésus, c'est par Jésus Lui-même qu'il est reçu.  Il est certain que nous pouvons soulager le martyre innombrable de notre Ami éternel; c'est un fait vérifiable.  Que la grandeur de cette tâche nous exalte et nous rende faciles les plus ingrates besognes !