LES HOTES DE L'HOMME



Il y a donc, en nous, des vertus, des puissances, exprimées par des organes invisibles, qui sont surnaturelles. Il y en a de naturelles, comme les facultés mentales, par exemple; ce sont proprement nos outils de travail. Il y a les formes organiques du moi : vices, défauts, passions, résultats des existences antérieures, que nous avons actuellement à améliorer. Enfin, nous hébergeons des hôtes et des visiteurs bons ou mauvais, des diables le plus souvent.

Toutes ces puissances ne croissent que par le travail, et ne s'améliorent que par la purification du coeur. Il n'est pas besoin d'en savoir davantage, car il ne faut pas rechercher les causes réelles de nos souffrances. En effet, nous ne nous connaissons pas nous-mêmes; ce que nous voyons de nous-mêmes, c'est seulement l'effet des forces internes sur le plan de la conscience; il n'y a que le symptôme externe qui puisse être contrôlé.

Toute force tend, après avoir atteint son but, à revenir à son point d'émission; tout désir retourne au coeur qui l'a généré. Et, comme tout est un être, si nos désirs sont mauvais, ils finissent par nous amener la visite des démons. Voilà pourquoi il y a des obsédés.

D'autre part, pour être obéi, il faut prouver sa supériorité. Un être mauvais ne se soumettra donc qu'à celui qui se montre plus fort que lui; et un diable n'écoute que celui qu'il n'a jamais pu troubler. Voilà pourquoi il est si difficile de guérir l'aliénation mentale, et comment le Christ chassait les démons.

Or, les évangélistes racontent que les esprits qui tourmentaient le Gadarénien furent envoyés dans un troupeau de porcs, qui allèrent aussitôt se jeter dans la mer. L'esprit humain vaut en effet plus que beaucoup d'animaux. Un tel procédé semble cependant peu licite, puisque la vraie guérison ne consiste pas à déplacer le mal, mais à le transmuer. A vrai dire, ce ne fut pas un transfert; cette méthode thérapeutique n'est pas saine. Et, bien que Jésus, Maître de la vie, eût le droit de la retirer ou d'en changer la forme, à Son plaisir, Il accorda un soulagement à la légion démoniaque, en ne la rejetant pas dans les déserts infernaux. Les bêtes, précipitées ainsi dans la mort, bénéficièrent d'une évolution plus rapide; le propriétaire du troupeau paya une de ses dettes, et d'autres hommes furent préservés du long retard qu'occasionne toujours une obsession.

Cette fois-là, contrairement à Son habitude de silence, Jésus ordonne au malade de raconter le miracle dont il vient d'être l'objet. C'est que, lorsque nous parlons, il n'y a pas que les hommes qui nous entendent; une multitude d'oreilles sont aux aguets qui tâchent de surprendre les choses merveilleuses que nous disons pour en faire leur profit. Il fallait que les esprits des eaux connaissent aussi la présence de Dieu, et d'autres êtres encore dont nous sommes les dieux.

C'est ici une des raisons pour lesquelles, quand on converse sur des objets graves, il faut faire attention à ses paroles. En effet, quelques heures plus tard, en présence de cinq personnes, Jésus ayant ressuscité la fille de Jaïrus, commande à tous le secret; Il fait de même, tout de suite après, à propos des deux aveugles. Cette conduite différente était dictée par l'état du milieu : éviter le scandale, ne répandre la Lumière que dans la mesure où les auditeurs sont capables de l'assimiler, ne pas se servir des moyens qui amènent la gloire humaine. Ainsi le Ciel agit comme s'Il n'agissait pas; ainsi Il laisse à tous leur libre arbitre; ainsi Il leur offre la chance du plus grand mérite. L'homme donc n'a pas à s'occuper consciemment de ses hôtes invisibles; il suffit qu'il agisse bien et tous ses inférieurs participeront aux bénéfices de la Lumière qui grandit en lui.