CHAPITRE VII


L'INITIATION CHRISTIQUE



Quand Jésus eut achevé ces discours, il quitta la Galilée et se rendit sur le territoire de la Judée, de l'autre côté du Jourdain. De grandes multitudes le suivirent, et il fit des guérisons.

Les pharisiens vinrent à lui et, pour le mettre à l'épreuve, ils lui dirent : " Est-il permis de répudier sa femme pour un motif quelconque ? " Il répondit : " N'avez-vous pas lu que, à l'origine, le Créateur a fait l'homme et la femme ? et il a dit : " A cause de cela, l'homme laissera son père et sa mère pour s'attacher à sa femme, et les deux ne feront qu'une seule chair. Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Donc, que l'homme ne sépare pas ce que Dieu a uni ". Alors ils dirent : " Pourquoi Moïse a-t-il prescrit de donner à la femme un acte de divorce et de la répudier ? " Il répondit : " C'est à cause de la dureté de vos coeurs que Moïse vous a permis de répudier vos femmes. Mais, à l'origine, il n'en était pas ainsi. Or, je vous le dis : Qui répudie sa femme, si ce n'est pour infidélité, et en épouse une autre, commet un adultère. Et si une femme, âpres avoir répudié son mari, en épouse un autre, elle devient adultère ". Les disciples lui dirent : " Si telle est la condition de l'homme vis-à-vis de la femme, il vaut mieux ne pas se marier ". Il leur dit : " Tout le monde n'est pas capable de cette résolution, mais seulement ceux à qui cela est donné. Il y a des eunuques qui sont tels dès leur naissance, dès les entrailles de leur mère; il en est d'autres que les hommes ont fait eunuques; et enfin il y en a qui se sont fait eunuques eux-mêmes en vue du Royaume des Cieux. Que celui qui a la force d'en arriver là, y arrive ! "

*


S'approchant de lui, quelqu'un lui dit : " Maître, que dois-je faire de bon pour avoir la vie éternelle ? " Il lui répondit : " Pourquoi m'interroges-tu sur ce qui est bon ? Un seul Être est bon. Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements ". -- " Lesquels ? " dit-il. Jésus répondit : " Ceux-ci : Tu ne tueras point; tu ne commettras point d'adultère; tu ne déroberas point; tu ne diras point de faux témoignage; honore ton père et ta mère; tu aimeras ton prochain comme toi-même ". Le jeune homme lui dit : " Tout cela, je l'ai observé; que me manque-t-il encore ? " Jésus, l'ayant regardé, l'aima. Il lui dit : " Il te manque une chose; si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donnes-en le prix aux pauvres; tu auras alors un trésor dans les cieux; viens ensuite et suis-moi ". Le jeune homme, entendant ces paroles, s'en alla tout triste, car il avait de grands biens.

Jésus dit alors à ses disciples : " Je vous le dis en vérité, un riche entrera difficilement dans le Royaume des Cieux. Oui, je vous le répète, il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'a un riche d'entrer dans le Royaume de Dieu ". Ces paroles consternèrent les disciples; ils disaient : " Qui donc pourra être sauvé ? " Jésus leur répondit en les regardant : " Aux hommes, cela est impossible; mais à Dieu tout est possible ".

Pierre s'adressa alors à lui et lui dit : " Et nous, nous avons tout quitté; nous t'avons suivi; qu'y aura-t-il pour nous ? " Jésus leur répondit : " Je vous le dis en vérité, lorsque, dans le renouvellement de toutes choses, le Fils de l'homme siégera sur le trône de sa gloire, vous aussi, vous, qui m'avez suivi, vous siégerez sur douze trônes, jugeant les douze tribus d'Israël; et quiconque, à cause de mon nom, aura quitté des frères, des soeurs, un père, une mère, des enfants, des terres, des maisons, en recevra le centuple des maintenant, au milieu des persécutions, et, dans le siècle à venir, il héritera de la vie éternelle ".

*


" Maître, lui dit quelqu'un de la foule, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage ". Il lui répondit : " O homme, qui m'a constitué juge entre vous, ou faiseur de partages ? " Puis il s'adressa aux autres : " Soyez bien attentifs à vous garder de toute avarice, car, en quelque abondance qu'on soit, la vie ne dépend pas de ce qu'on possède ". Puis il leur raconta une parabole : " Le champ d'un homme riche avait beaucoup rapporté; et il songeait en lui-même : Que ferai-je ? car je n'ai pas ou serrer ma récolte. Ce que je ferai, dit-il, le voici : j'abattrai mes greniers, j'en construirai de plus grands; et j'y ramasserai tous mes produits et tous mes biens. Et puis, je dirai à mon âme : Mon âme, tu as là en réserve beaucoup de biens, pour beaucoup d'années, repose-toi, mange, bois, et te réjouis ! Mais Dieu lui dit : Insensé ! c'est cette nuit que ton âme te sera redemandée. Et à qui sera ce que tu as préparé ? Ainsi en sera-t-il de celui qui thésaurise pour lui-même, et qui n'est pas riche pour Dieu ".

*


" Que vos reins soient ceints et vos lampes allumées. Soyez semblables à des hommes qui attendent leur Maître revenant du festin de noce, afin de lui ouvrir aussitôt qu'il arrivera et dès qu'il frappera. Heureux ces serviteurs que le Maître, en arrivant, trouvera veillant de la sorte; je vous le dis en vérité, c'est lui qui se ceindra, qui les fera asseoir à sa table, et qui, passant de l'un à l'autre, se mettra à les servir. Qu'il rentre à la seconde veille
(de neuf heures à minuit), qu'il rentre à la troisième (de minuit à trois heures ), heureux seront ces serviteurs, s'il les trouve veillant ainsi ! Sachez ceci; si le Maître de la maison savait à quelle heure doit venir le voleur, il veillerait, et ne laisserait pas forcer sa maison. Vous aussi, soyez prêts, parce que c'est à une heure où vous n'y penserez pas que le Fils de l'homme viendra ".

Pierre lui demanda : " Est-ce pour nous, Seigneur, que tu dis cette parabole, ou également pour tout le monde ? " Le Seigneur lui répondit : " Quel est l'administrateur fidèle et prudent que le Maître établira sur ses domestiques pour donner à chacun, au moment voulu, sa mesure de froment ? C'est celui que le Maître, à son arrivée, trouvera agissant ainsi; heureux ce serviteur ! En vérité je vous le dis, le Maître l'établira sur tous ses biens. Mais si ce serviteur dit en son coeur : Mon Maître tarde à venir, et qu'il se mette à battre valets et servantes, à manger et à boire, et à s'enivrer, son Maître surviendra au jour où ce serviteur ne s'y attend pas et à une heure qu'il ignore, et il le mettra en pièces et lui donnera le même lot qu'aux infidèles. Ce serviteur, qui connaissait la volonté de son Maître et n'a rien préparé, et qui n'a pas agi selon sa volonté, recevra plusieurs coups. Quant à celui qui n'a pas connu cette volonté et a fait des choses qui méritent des coups, il en recevra peu. A quiconque beaucoup a été donné, beaucoup sera demandé; et de celui à qui on a beaucoup confié il sera exigé davantage.

 " Je suis venu mettre le feu sur la terre. Ah ! que je voudrais qu'il fût déjà allumé ! Il est un baptême dont je dois être baptisé; et dans quelle angoisse je suis, jusqu'à ce qu'il soit accompli ! ".

*


Dans un village où Jésus entra pendant qu'ils étaient en route, ce fut une femme, nommée Marthe, qui le reçut dans sa maison. Elle avait une soeur appelée Marie, qui, assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. Marthe, cependant, était absorbée par toutes sortes de soins; elle s'arrêta pour dire : " Seigneur, n'as-tu aucun souci de ce que ma soeur m'a laissée servir toute seule ? dis-lui donc de m'aider ". Mais le Seigneur lui répondit : " Marthe, Marthe, tu t'inquiètes, tu t'agites pour une multitude de choses; une seule chose est nécessaire. Marie a choisi la bonne part, qui ne lui sera point ôtée ".

*


Vers cette époque, quelques-uns vinrent lui raconter ce qui s'était passé au sujet des Galiléens dont Pilate avait mêlé le sang à celui de leurs sacrifices. Voici ce qu'il leur répondit : " Croyez vous que ces Galiléens fussent de plus grands pécheurs que tous leurs compatriotes, parce qu'il leur est arrivé ce malheur ? Non, je vous le déclare; mais si vous ne vous repentez pas, vous périrez tous semblablement. Comme ces dix-huit personnes sur qui s'écroula la tour près de Siloé, et qui furent tuées, croyez-vous que leur dette dépassât celle de tous les autres habitants de Jérusalem ? Non, je vous le déclare; mais, si vous ne vous repentez pas, vous périrez tous pareillement ".

Il leur raconta cette parabole : " Un homme avait un figuier planté dans sa vigne; il vint y chercher du fruit, mais n'en trouva point. " Voilà trois ans, dit-il au vigneron, que je viens chercher du fruit sur ce figuier, et que je n'en trouve point; coupe-le; pourquoi épuise-t-il la terre inutilement ? " Le vigneron lui répondit : " Seigneur, laisse-le encore cette année; je bêcherai tout autour, je mettrai du fumier; peut-être portera-t-il du fruit dans l'avenir; sinon, tu le couperas ".

*


Un jour de sabbat, il enseignait dans une des synagogues. Une femme était là, possédée d'un esprit qui la tenait infirme depuis dix,huit ans. Elle était toute courbée et ne pouvait absolument pas se redresser. Quand Jésus la vit, il l'appela et lui dit : " Femme, tu es délivrée de ton infirmité "; et il lui imposa les mains. Immédiatement, elle redevint droite. Cette femme rendait gloire à Dieu, lorsque le chef de la synagogue se mit à parler avec indignation de ce que Jésus guérissait pendant le sabbat; il disait à la foule : " Il y a six jours pendant lesquels on doit travailler; venez, ces jours-là, vous faire guérir; mais les jours de sabbat, non point ". Le Seigneur dit, en lui répondant : " Hypocrites, est-ce que chacun de vous, le jour du sabbat, ne détache pas du râtelier son boeuf ou son âne, pour les mener boire ? Et cette femme, qui est une fille d'Abraham, que, depuis dix-huit ans, Satan tenait garrottée, ne fallait-il pas, le jour du sabbat, la délivrer de sa chaîne ? " Ces paroles couvrirent de confusion tous ses adversaires .Quant à la foule, elle était dans la joie de toutes les choses glorieuses qu'il accomplissait.

*


" Plusieurs des premiers seront les derniers, et plusieurs des derniers seront les premiers. En effet, le royaume des cieux est semblable à un père de famille qui sortit dès le point du jour, afin de louer des ouvriers pour sa vigne. Étant convenu avec les ouvriers d'un denier par jour, il les envoya à sa vigne. Il sortit encore vers la troisième heure
(neuf heures du matin), et il en vit d'autres qui se tenaient sur la place sans rien faire. Il leur dit : " Allez, vous aussi, dans la vigne et je vous donnerai ce qui sera juste ". Et ils y allèrent. Il sortit de nouveau vers la sixième (midi) et la neuvième heure (trois heures), et il fit la même chose. Étant sorti vers la onzième heure (cinq heures), il en trouva d'autres qui se tenaient sur la place, et il leur dit : " Pourquoi vous tenez-vous ici tout le jour sans rien faire ? " Ils lui répondirent : " Parce que personne ne nous a loués ". Il leur dit : " Allez, vous aussi, dans la vigne ".

Quand le soir fut venu, le Maître de la vigne dit à son intendant : Appelle les ouvriers, et paie-leur le salaire en commençant par les derniers et finissant par les premiers. Ceux de la onzième heure, étant venus, reçurent chacun un denier. Les premiers, venant à leur tour, s'attendaient à recevoir davantage; mais ils reçurent, eux aussi, chacun un denier. Et, l'ayant reçu, ils murmuraient contre le Père de famille, en disant : Ces derniers n'ont fait qu'une heure, et tu les as traités comme nous, qui avons supporté le poids du jour et de la chaleur ! Mais il répondit à l'un d'eux : Mon ami, je ne te fais point de tort; n'es-tu pas convenu avec moi d'un denier ? Prends ce qui est à toi et t'en va; je veux donner à ce dernier autant qu'à toi. Ne m'est-il pas permis de faire ce que je veux de ce qui m'appartient ? ou vois-tu de mauvais oeil que je sois bon ? Ainsi les derniers seront les premiers, et les premiers seront les derniers ".

*


Il traversait villes et villages, en enseignant, et s'avançait vers Jérusalem. Quelqu'un lui dit : " Seigneur, est-ce un petit nombre seulement qui sera sauvé ? " Il répondit à lui et aux autres : " Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite, car beaucoup, je vous le déclare, chercheront à entrer, et n'y parviendront pas. Quand le Maître de la maison se sera levé et aura fermé la porte, quand vous, restés dehors, vous vous mettrez à frapper et à dire; Seigneur, ouvre-nous; quand il vous répondra : Je ne sais d'où vous êtes; alors vous vous mettrez à dire : Nous avons mangé et bu en ta présence, et c'est sur nos places publiques que tu as enseigné. Et il dira : Je vous déclare que je ne sais pas d'où vous êtes : éloignez-vous de moi, vous tous, ouvriers d'iniquité ".

*


A ce moment-là, quelques pharisiens vinrent lui dire : " Pars, éloigne-toi d'ici; car Hérode veut te faire mourir ". Il leur répondit : " Allez dire à ce renard : Voici, je chasse les démons, et j'opère des guérisons aujourd'hui et demain, et le troisième jour j'achève ma vie. Mais il faut que je marche aujourd'hui, demain et le jour suivant, parce qu'il ne convient pas qu'un prophète périsse hors de Jérusalem ".

*


Un jour de sabbat, Jésus était entré tans la maison d'un des principaux pharisiens pour prendre un repas, et ceux qui étaient là l'observaient. Or, un homme hydropique se trouva devant lui. Jésus, prenant la parole, dit aux docteurs de la loi et aux pharisiens : " Est-il permis de guérir le jour de sabbat, ou non ? " Ils gardèrent le silence. Alors il toucha la main de l'hydropique, le guérit et le congédia. Puis, s'adressant toujours
à eux, il dit : " Lequel d'entre vous, si son fils ou son boeuf vient à tomber dans un puits un jour de sabbat, ne l'en retire aussitôt ? " A cela ils ne surent que répondre.

*


Ayant remarqué que les convives choisissaient les premières places, il leur raconta une parabole : " Quand tu seras invité par quelqu'un à des noces, dit-il, ne va pas t'installer à la première place, de peur qu'un personnage plus considérable que toi se trouvant parmi les invités, celui qui vous a conviés l'un et l'autre ne vienne te dire : Donne-lui ta place, et que tu n'aies alors la confusion d'aller occuper la dernière place. Tout au contraire, quand tu seras invité, va te mettre à la dernière place, et alors, quand arrivera celui qui t'a invité, il te dira : Mon ami, monte plus haut. Ce sera pour toi un honneur devant tous les convives; car quiconque s'élève sera abaissé, et quiconque s'abaisse sera élevé ".

Il disait aussi à son hôte : " Quand tu tonnes à déjeuner ou à dîner, ne convoque ni tes amis, ni tes frères, ni tes parents, ni tes riches voisins, de crainte qu'ils ne t'invitent à leur tour, et ne te rendent ce qu'ils auront reçu te toi. Tout au contraire, quant tu fais un festin, appelles-y les pauvres, les infirmes, les estropiés, les aveugles. Heureux seras-tu, parce qu'ils n'ont pas de quoi te rendre ce festin; et il te sera rendu à la résurrection des justes ".

*


A ces mots, un des convives lui dit : " Heureux qui sera du banquet dans le Royaume de Dieu ! " Jésus lui dit : " Un homme donna un grand dîner et y convia beaucoup de monde. A l'heure du repas, il envoya ses serviteurs dire aux invités; Venez, car tout est prêt. Mais tous, comme de concert, commencèrent à s'excuser. -- J'ai acheté un champ, dit le premier, il est de toute nécessité que j'aille le voir. Je t'en prie, tiens-moi pour excusé. -- J'ai acheté cinq paires de boeufs, dit un autre, et je vais les essayer. Je t'en prie, tiens-moi pour excusé. -- Je viens de me marier, dit un autre encore, donc je ne puis venir.

 " Le serviteur revint et raconta cela à son maître. Se mettant en colère, le maître de la maison dit alors à son serviteur : Parcours à la hâte les places publiques et les rues de la ville, et amène ici les pauvres, les infirmes, les aveugles, les estropiés.

 " Quand le serviteur lui dit : Seigneur, on a fait ce que tu as ordonné, et il y a encore de la place, le maître lui répondit : Va dans les chemins et le long des haies, et contrains les gens d'entrer, afin que ma maison soit pleine, car, je vous déclare, aucun de ceux qui étaient invités ne prendra part à mon festin ".

*


Il était suivi de foules immenses; il se tourna vers elles et leur dit : " Si quelqu'un vient à moi et ne hait pas et son père et sa mère, et sa femme et ses enfants, et ses frères et ses soeurs, plus encore, sa propre vie, il ne peut être mon disciple. Quel est celui d'entre vous qui, voulant bâtir une tour, ne réfléchisse d'abord, ne calcule la dépense, ne voie s'il a de quoi l'achever ? Il craindrait, âpres avoir jeté les fondements, de ne pouvoir achever. Tous ceux qui verraient cela se moqueraient de lui, ils diraient : Le voilà, l'homme qui a commencé à bâtir et qui a été dans l'impossibilité d'achever !

Quel est le roi qui, partant pour faire la guerre à un autre roi, ne s'asseye d'abord et n'examine s'il peut, avec dix mille hommes, aller à la rencontre de celui qui vient contre lui avec vingt mille ? Autrement, pendant que celui-ci est encore loin, il lui envoie une ambassade pour demander la paix. Ainsi, quiconque d'entre vous ne renonce pas à tout ce qu'il possède ne peut être mon disciple ".

*


Alors il leur dit cette parabole : " Si l'un de vous a cent brebis et qu'il vienne à en perdre une, ne laissera-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf autres au pâturage pour aller à celle qui est égarée, jusqu'à ce qu'il la retrouve ? Quand il l'a trouvée, il la met sur ses épaules, tout joyeux; il retourne en sa maison, appelle ses amis et ses voisins et leur dit : Réjouissez-vous avec moi ! J'ai retrouvé ma brebis égarée ! Je vous dis qu'il y aura ainsi plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n'ont pas besoin de repentance.

" Ou encore quelle est la femme qui, ayant dix drachmes, si elle vient à en perdre une seule, n'allume une lampe, ne balaie la maison et ne cherche avec soin jusqu'à ce qu'elle la retrouve ? Quand elle l'a trouvée, elle appelle ses amies et ses voisines en disant : Réjouissez-vous avec moi ! J'ai trouvé ma drachme perdue ! Ainsi je vous le dis, il y a de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se repent ".

Il dit encore : " Un homme avait deux fils; le plus jeune dit à son père : Père, donne-moi la part de fortune qui me revient. Et le père leur partagea son bien. Peu de jours après, le plus jeune fils, rassemblant tout ce qu'il avait, partit pour un pays lointain et, là, dissipa sa fortune dans une vie de débauche. Il avait tout dépensé quand survint, en ce pays-là, une très rude famine. Il commença à être dans l'indigence et alla se mettre au service d'un des habitants du pays, qui l'envoya dans ses champs pour paître des pourceaux, Là, il désirait avidement se rassasier des carouges que mangeaient les pourceaux, mais personne ne lui en donnait. Rentrant alors en lui-même, il dit : Combien de gens à gages ont, chez mon père, en abondance de quoi se nourrir, tandis que moi, ici, je meurs de faim ! Je me lèverai et j'irai vers mon père et je lui dirai : Mon père, j'ai péché contre le ciel et contre toi ! Je ne suis plus digne d'être appelé ton fils. Traite-moi comme l'un de tes mercenaires. Il se leva donc et retourna vers son Père. Comme il était encore loin, son père le vit et fut ému de compassion; il accourut et, se laissant tomber à son cou, il le baisa longuement. Le fils lui dit : Mon père, j'ai péché contre le ciel et contre toi; je ne suis plus digne d'être appelé ton fils ! Mais le père dit à ses serviteurs : Apportez vite une robe de fête, la plus belle, et l'en revêtez ! mettez un anneau à sa main, des chaussures à ses pieds, et puis amenez le veau gras et le tuez ! faisons festin et réjouissance, parce que mon fils que voici était mort et il est revenu à la vie, il était perdu et il est retrouvé ! Ils commencèrent à se réjouir. Or, le fils aîné était dans les champs; comme il revenait et approchait de la maison, il entendit de la musique et des danses; il appela un de ses domestiques et lui demanda ce que c'était. -- Ton frère est de retour, lui répondit celui-ci, et ton père a tué le veau gras, parce qu'il l'a recouvré sain et sauf. Alors il se mit en colère et ne voulut pas entrer. Son Père sortit et se mit à l'en prier; mais lui, répondant à son Père, lui dit : Voilà tant et tant d'années que je te sers; je n'ai jamais désobéi à tes ordres, et tu ne m'as jamais donné un chevreau pour faire fête avec mes amis; et quand est revenu ton autre fils, qui a dévoré son bien avec des femmes de mauvaise vie, pour lui tu as tué le veau gras ! -- Mon enfant, lui dit le père, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi; mais il fallait faire grande fête et réjouissance, parce que ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie, il était perdu, et il est retrouvé ! "

*


Il disait aux disciples : " Un homme riche avait un économe; cet économe lui fut dénoncé comme dissipant ses biens. Il l'appela et lui dit : Qu'est-ce que j'entends dire de toi ? Rends compte de ton administration; car il n'est plus possible que tu administres désormais. L'économe se dit en lui-même : Que ferai-je puisque mon Maître me retire la gestion de ses biens ? Travailler la terre, je n'en ai pas la force; mendier, j'en aurais honte. Je vois ce que je ferai pour que, destitué de mes fonctions, il se trouve des gens qui me reçoivent dans leurs maisons. Il convoqua l'un après l'autre chacun des débiteurs de son Maître. Au premier, il dit : Combien dois-tu à mon maître ? Il répondit : Cent mesures d'huile. -- Voici ton billet, reprit l'économe, assieds-toi vite et écris : cinquante. Ensuite il dit à un autre : Et toi, combien dois-tu ? Celui-là répondit : Cent mesures de froment. -- Voici ton billet, reprit encore l'économe, et écris : quatre-vingts.

Le Maître loua l'économe infidèle de ce qu'il avait agi avec habileté; parce que les enfants de ce siècle sont, dans leur monde, plus avisés que les enfants de lumière. Et moi, je vous dis : Faites-vous des amis avec les richesses injustes, afin que, lorsqu'elles viendront à manquer, ils vous reçoivent dans les tabernacles éternels. Celui qui est fidèle dans une très petite chose, l'est également dans une grande; celui qui est injuste dans une très petite chose, l'est également dans une grande. Si donc vous n'avez pas été fidèles dans les richesses injustes, qui vous confiera les véritables ? Et si vous n'avez pas été fidèles dans le bien d'un autre, qui vous donnera ce qui est à vous ? Aucun domestique ne peut servir deux maîtres; ou bien, en effet, il haïra l'un et aimera l'autre, ou bien il s'attachera au premier et méprisera le second. Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon ".

*



Les pharisiens, qui aimaient l'argent, entendaient tout cela et tournaient Jésus en dérision. Il leur dit : " Vous, vous voulez vous faire passer pour justes devant les hommes, mais Dieu connaît vos coeurs. Car ce qui est élevé d'après les hommes est une abomination devant Dieu. Jusques à Jean ont duré la Loi et les Prophètes; depuis, l'Évangile du Royaume de Dieu est annoncé, et tous s'efforceront de s'en emparer.

*

" Il y avait un riche, qui était vêtu de pourpre et de lin, et qui menait tous les jours joyeuse et splendide vie. Un pauvre, nommé Lazare, gisait à sa porte, couvert d'ulcères. Il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche, mais les chiens eux-mêmes venaient lécher ses ulcères. Or, il arriva que le pauvre mourut, et qu'il fut transporté, par les anges, dans le sein d'Abraham. Le riche mourut aussi et fut enseveli. Étant dans la demeure des morts, en proie aux tourments, il leva les yeux; il vit de loin Abraham et, dans son sein, Lazare. Alors il éleva la voix; il dit : Père Abraham, aie pitié de moi; et envoie Lazare tremper dans l'eau le bout de son doigt pour rafraîchir ma langue, car je suis torturé dans ces flammes. Abraham lui répondit : Mon enfant, souviens-toi que, pendant ta vie, tu as reçu des biens; Lazare, dans la sienne, a eu des maux. Ici, maintenant, il est consolé, et toi, tu es torturé. En outre, un abîme immense est établi entre nous et vous, de sorte qu'il serait impossible à qui le voudrait, soit d'aller vers vous, de la où nous sommes, soit de venir vers nous, de là où vous êtes. Il reprit : Père, envoie donc, je t'en supplie, Lazare dans la maison de mon père; car j'ai cinq frères; il leur attestera ces choses; afin qu'ils ne viennent pas, eux aussi, dans ce lieu de tourments. Mais Abraham lui répondit : Ils ont Moïse et les prophètes; qu'ils les écoutent. -- Non, Père Abraham, continua l'autre, mais si, de chez les morts, quelqu'un va vers eux, ils se repentiront. Abraham lui dit alors : S'ils n'écoutent ni Moïse, ni les prophètes, quand même quelqu'un ressusciterait d'entre les morts, ils ne seraient pas persuadés ".

*


Les apôtres dirent au Seigneur : " Augmente-nous la foi ". Et le Seigneur leur répondit : " Si vous aviez de la foi gros comme un grain de moutarde, vous diriez à ce sycomore : Déracine-toi et plante-toi dans la mer, et il vous obéirait ".

Il leur dit encore : " Quand votre serviteur rentre des champs, après le labour ou le pâturage, lequel de vous lui dira : Viens vite te mettre à table. Ne lui dira-t-il pas au contraire : Prépare-moi à dîner, ceins-toi, et me sers jusqu'à ce que j'aie mangé et bu; après quoi, tu mangeras et boiras toi-même ? Et, parce que ce serviteur fait ce qui lui était commandé, son Maître lui doit-il quelque reconnaissance ? De vous, il en est de même; quand vous aurez fait tout ce qui vous est commandé, dites ceci : Nous sommes des serviteurs inutiles; ce que nous avons fait, nous avions le devoir de le faire ".

*


Dans son voyage à Jérusalem, Jésus traversa la Samarie et la Galilée. Comme il arrivait à l'entrée d'un village, se présentèrent à lui dix lépreux qui, restant à une certaine distance, élevèrent la voix et dirent : " Jésus ! Maître ! Aie pitié de nous ! " Il les vit et leur dit : " Allez vous montrer aux prêtres ". Et il arriva, pendant qu'ils y allaient, qu'ils furent guéris. L'un d'entre eux, se voyant guéri, revint sur ses pas, rendant à grands cris gloire à Dieu; puis il se prosterna aux pieds de Jésus, la face contre terre, lui rendant grâces. C'était un Samaritain. Alors Jésus prononça ces paroles : " Est-ce que les dix n'ont pas été guéris ? Les neuf autres, où sont-ils ? Il ne s'en trouve aucun qui soit revenu pour rendre gloire à Dieu, sinon celui-ci, un étranger ! " Puis, s'adressant à lui : " Lève-toi; va, ta foi t'a sauvé ! "

*


Les pharisiens lui ayant demandé quand viendrait le Royaume de Dieu, il leur répondit ainsi : " Le Royaume de Dieu ne vient pas avec des marques extérieures. On ne dira pas : il est ici ! ou : il est là ! car, sachez-le, le Royaume de Dieu est au milieu de vous ".

Puis il dit aux disciples : " Il viendra un temps où vous désirerez voir un des jours du Fils de l'homme, un seul, et vous ne le verrez pas. On vous dira : Le voici ! le voilà; n'y allez pas; ne le cherchez pas. Tel, en effet, l'éclair resplendissant à une extrémité du ciel brille jusqu'à l'autre, tel, en son jour, sera le Fils de l'homme. Mais il lui faut, d'abord, beaucoup souffrir, et être rejeté par cette génération-ci.

 " Ainsi étaient les choses aux jours de Noé, ainsi seront-elles aux jours du Fils de l'homme. Les hommes mangeaient, buvaient, se mariaient ou mariaient leurs enfants, jusqu'au moment où Noé entra dans l'arche, et où le déluge survint et les extermina tous. C'est encore ce qui est arrivé aux jours de Loth; les hommes mangeaient, buvaient, achetaient, vendaient, plantaient, bâtissaient; et, au moment où Loth sortait de Sodome, une pluie de feu et de soufre tomba du ciel et les extermina tous. Ainsi en sera-t-il le jour ou le Fils de l'homme sera révélé.

 " Que celui qui sera, ce jour-là, sur le toit, et qui aura quelque objet dans la maison ne descende pas pour l'emporter. Que celui qui sera aux champs fasse de même et ne revienne point sur ses pas. Souvenez-vous de la femme de Loth ! Qui cherchera à sauver sa vie la perdra, et qui la perdra, la retrouvera. Cette nuit-là, je vous le déclare, de deux hommes qui seront dans un lit, l'un sera pris et l'autre laissé. De deux femmes qui moudront ensemble, l'une sera prise et l'autre laissée ". Les disciples demandèrent : " Où sera-ce, Seigneur ? " Il leur répondit : " Ou sera le corps, là aussi les vautours se rassembleront ".

*


Il leur raconta une parabole pour leur montrer qu'il faut prier toujours et ne point se lasser. Il dit : " Dans une certaine ville, il y avait un juge qui n'avait ni crainte de Dieu, ni égards pour les hommes. Or, dans cette même ville, il y avait une veuve qui venait à lui et lui disait : Fais-moi justice de mon adversaire. Pendant longtemps, il ne le voulut pas. Enfin, il se dit à lui-même : Bien que je n'aie ni crainte de Dieu, ni égards pour les hommes, comme il est certain que cette veuve-là m'est à charge, je lui ferai justice, afin qu'elle ne vienne pas sans cesse me rompre la tête. Vous entendez, ajouta le Seigneur, ce que dit ce juge inique. Et Dieu ne ferait point justice à ses élus qui crient à lui nuit et jour ! Il tarderait à les secourir ! Il leur fera prompte justice, je vous le déclare; mais le Fils de l'homme, à son retour, trouvera-t-il la foi sur la terre ? "

*


Il raconta aussi la parabole suivante à quelques-uns très convaincus, à part eux, qu'ils étaient justes, et qui méprisaient les autres : " Deux hommes montèrent au Temple pour prier, l'un pharisien, et l'autre publicain. Le pharisien, debout, priait ainsi en lui-même : O Dieu, je te rends grâce de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, gens rapaces, iniques, adultères, ni même comme ce publicain-là. Je jeûne deux fois par semaine; je donne la dîme de tous mes revenus. Quant au publicain, il se tenait à distance, il n'osait même pas lever les yeux vers le ciel, mais il se frappait la poitrine en disant : O Dieu, sois apaisé envers moi qui suis un pécheur ! Celui-ci, je vous le déclare, rentra dans sa


maison justifié, plutôt que l'autre; car quiconque s'élève sera abaissé, et quiconque s'abaisse sera élevé ".


*

Alors on lui amena des petits enfants pour qu'il les touchât. Voyant cela, les disciples blâmèrent ceux qui les lui apportaient. Mais Jésus appela ces enfants et dit : " Laissez venir à moi les petits enfants et ne les en empêchez pas, car le Royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent. En vérité, je vous le dis, celui qui ne recevra pas le Royaume de Dieu comme un petit enfant, n'y entrera pas ". Puis il les embrassa, posa les mains sur eux et les bénit.

*

Après quoi, chacun d'eux retourna à sa maison. Quant à Jésus, il alla au mont des Oliviers. Au point du jour, il revint au Temple. Tout le peuple accourait à lui. Jésus s'était assis et enseignait.




(MATTHIEU ch. 19, v. 1 à 12; MARC ch. 10, v. 1 à 12. - MATTHIEU ch. 19 v. 16 à 30; MARC ch. 10, v. 17 à 31; Luc ch. 18, v. 18 à 30; ch. 22, v. 28 à 30. -- Luc ch. 12 v. 13 à 21. - Luc ch. 12, v. 35 à 48; MATTHIEU ch. 24 v. 43 à 51. - Luc ch. 12, v. 49, 50. - Luc ch. 10, v. 38 à 42. - Luc ch. 13, v. 1 à 9. - Luc ch. 13, v. 10 à 17. - MATTHIEU ch. 19, v. 30 à ch. 20, v. 16. - Luc ch. 13, v. 22 à 30; MATTHIEU ch. 8. v. 11, 12 cf. MATTHIEU ch. 7, v. 13, 14, 21 à 23. - Luc ch. 13, v. 31 à 33. - Luc ch. 14, v. 1 à 14. - Luc ch. 14, v. 15 à 24 cf. MATTHIEU ch. 22. v. 1 à 10. - Luc ch. 14, v. 25 à 35 cf. MATTHIEU ch. 10, v. 37, 38; ch. 16, v. 21 à 28; MARC ch. 8, v. 34 à 38; Luc ch. 9, v. 22 à 27. - Luc ch. 15. v. 1 à 7; MATTHIEU ch. 18, v. 12 à 14. - Luc ch. 15. v. 8 à 10. - Luc ch. 15, v. 11 à 31. - Luc ch. 16, v. 1 à 13. - Luc ch. 16, v. 14 à 16. - Luc, ch. 16, v. 19 à 31. - Luc ch. 17, v. 5 à 10. - Luc ch. 17, v. 11 à 19. - Luc ch. 17, v. 20 à 37. - Luc ch. 18, v. 1 à 8. - Luc ch. 18, v. 9 à 14. - Luc ch. 18, v. 15 à 17; MATTHIEU ch. 19, v. 13 à 15; MARC ch. 10, v. 13 à 16).