LA SIMPLICITE MENTALE


Jésus donc, après avoir allumé le désir de cette source singulière, en indique le chemin; unifier nos affections naturelles, unifier nos affections spirituelles.

L'amour conjugal synthétise les premières, l'amour divin, les secondes.

Nous avons déjà regardé la grandeur du mariage, comme il doit se vivre par le sacrifice constant et réciproque des époux, comme il est l'école " naturelle " par quoi on peut sortir graduellement des boues de la chair. L'union d'un homme et d'une femme n'est pas seulement le germe de la société et la porte ouverte aux âmes en instance d'incarnation; elle doit offrir encore l'image aussi exacte que possible de ce don mutuel parfait qui caractérise la vie du Royaume de Dieu; et elle présente cet idéal aux hommes d'abord, mais aussi a toutes sortes de créatures visibles et invisibles, dont les esprits se pressent autour d'un foyer vraiment pur.

Le lieu de l'harmonie n'est pas dans le matériel, mais bien dans le spirituel, parce que le vrai, le bien et le beau habitent celui-ci et non celui-là.

De même donc que l'amour humain véritable ne fait état ni des différences de position sociale, ni des dissemblances de tempérament, ni des inégalités de caractère, l'amour divin n'a cure ni d'heures, ni de lieux particuliers. Les disputes samaritaines et juives sur la précellence des montagnes ou de Jérusalem, les guerres de moines, les rivalités de sectes sont choses vaines. L'Esprit de Dieu est partout. Parmi les hommes, certaines de leurs sociétés sont plus proches du Père que d'autres, mais toutes attachent la même importance illusoire à des conditions de culte, à des rites, à des formules, à des lieux.

L'erreur imprègne la matière; l'Esprit comporte le vrai. Dès donc que le Père eut décrété la naissance du Messie chez les Juifs, ils reçurent, pour rendre cet événement normal, certaines compréhensions dont les Samaritains furent privés. Les Israélites orthodoxes se trouvèrent par là, en dehors de leur mérite d'ailleurs, guidés dans leurs prières et dans leurs oeuvres, pour fournir certains matériaux et préparer quelque peu les voies à l'incarnation du Verbe.


Ainsi Moïse jeta les premières bases de ce " salut par les Juifs ", à cause des qualités particulières aux Hébreux et de la perfection de la théosophie égyptienne.

L'originalité de la religion évangélique réside dans ces deux points;

1° Adoration du Père : suppression du culte polythéiste, même sans idolâtrie; recours direct, quelle que soit la petitesse ou la grandeur de la demande, hommage direct, remerciement direct.

2° En esprit : dans la liberté, sans rites, ni observances, ni conditions.

En vérité : au moyen de la réalisation matérielle du vrai, par l'acte bon, par le sentiment pur, par la pensée juste.

Il ne faut pas craindre de pousser ces axiomes à leurs dernières conséquences.

La Nature est un champ; l'homme en est le cultivateur; Dieu en est le maître. Or, ce n'est pas le chef d'équipe qui nourrit l'ouvrier, c'est le patron; si l'ouvrier travaille à son caprice, ce n'est pas le patron qui le paiera, c'est ceux auxquels il aura plu; si l'ouvrier peut se restaurer à la cantine, c'est parce qu'il a travaillé. L'homme qui cherche la fortune, c'est Mammon qui lui donne à manger; celui qui sert Dieu, c'est Dieu qui le nourrit. La matière des aliments, des vêtements, de tous nos besoins physiques ne vaut que par la qualité vitale qui l'anime, et celle-ci change avec l'orientation spirituelle du consommateur. Par exemple, un usurier achète un pain et, à côté de lui, un homme bon en achète un autre; pour le chimiste, il n'y aura pas de différence entre ces deux morceaux; à la seconde cependant où ils sont vendus, ils reçoivent du dieu de chacun des acheteurs un influx, ce que le sacerdoce appelle une consécration, au moyen de laquelle ils vont fournir un apport fluidique au consommateur, et ajouter un maillon à la chaîne qui relie ce dernier au premier.

Le dieu nourrit son fidèle; cette nourriture se différencie non point par sa qualité matérielle, mais par sa qualité spirituelle. Tout ce que le milieu donne à un homme, depuis son pain jusqu'à ses idées, se colore à la teinte de l'idéal que cet homme adore, et cela dans la double proportion de la plénitude avec laquelle il s'y dévoue et de la hauteur de cet idéal. Celui qui sert Dieu de toutes ses forces peut croire vraiment que tous ses besoins, toutes ses subsistances, son superflu même lui sont assurés par les anges, serviteurs immédiats du Père. Accomplir la volonté de l'Etre suprême procure donc et la vie temporelle et la vie éternelle.


Toutefois, une telle perfection dans l'obéissance ne se rencontre que trop rarement. L'univers est une oeuvre divine, à son origine; mais le jardin d'Eden est devenu un désert de ronces. Les défricheurs sont rares; les semeurs sont choisis par le Ciel, ainsi que les moissonneurs.

De sorte que, de quoi qu'il s'agisse, d'une substance, d'une race, d'une civilisation, d'une planète, d'un zodiaque, d'un règne, ou d'un individu, les ouvriers du Père, de quelque fonction qu'ils soient chargés, remplissent des rôles également nécessaires. Ils n'ont dès lors aucun motif de se glorifier de leur travail; ils doivent se tenir pour serviteurs les uns des autres, ainsi qu'ils étaient, autrefois, dans le Ciel. De même que dans le plan mécanique du monde règne la loi de la transformation des forces, de même, dans le champ spirituel où peinent ces ouvriers, ce que la tâche gagne en longueur, elle le perd en intensité, et réciproquement; car, si la journée commence plus ou moins tôt, elle se termine pour tous à la même minute.

Enfin, remarquons que ces deux vérités essentielles; le culte en esprit et l'abnégation dans l'oeuvre, Jésus les promulgue à Samarie, pays tenu pour détestablement hérétique par les Juifs orthodoxes. Ainsi l'homme juge souvent à faux les capacités morales de ses semblables; ainsi, la profondeur de la fosse où tombent l'individu ou la nation est l'indice certain d'une puissance que ne possèdent pas ceux qui se tiennent timidement à mi-côte du vrai et du faux.