CHAPITRE V


LE DISCIPLE ET LA SOCIETE


Dans la maison, Jésus demanda à ses disciples : " De quoi discouriez vous ensemble en chemin ? " Mais ils gardèrent le silence; car, fout en cheminant, ils avaient discuté sur celui d'entre eux qui serait le plus grand. Jésus leur dit : " Si quelqu'un veut être le premier, qu'il soit le dernier de tous et le serviteur de tous ". Puis il appela un enfant, le plaça au milieu d'eux et leur dit : " Je vous le dis en vérité, si vous ne changez pas et ne devenez pas semblables aux enfants, vous n'entrerez pas dans le Royaume des cieux. Celui donc qui se fera humble comme cet enfant, celui-là sera le plus grand dans le Royaume des cieux, et qui recevra, en mon nom, un enfant comme celui-ci, me recevra ".

Jean prit la parole : " Maître, nous avons vu quelqu'un qui chassait les démons en ton nom, et qui ne nous suit pas; et nous l'en avons empêché, parce qu'il ne nous suivait pas ". Mais Jésus dit : " Ne l'en empêchez point, car il n'y a personne qui ne fasse un miracle en mon nom et qui puisse aussitôt après parler mal de moi. En effet, qui n'est pas contre nous est pour nous ".

 " Et quiconque vous donnera à boire un verre d'eau en mon nom, parce que vous êtes au Christ, je vous le dis en vérité, il ne perdra point sa récompense. Mais celui qui aura été une occasion de chute pour l'un de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu'on lui pendît au cou une meule de moulin et qu'on le précipitât dans les profondeurs de la mer. Malheur au monde à cause des scandales !


Il faut bien qu'il arrive des scandales; mais malheur à l'homme par qui les scandales arrivent ! Si ta main ou ton pied sont pour toi une occasion de chute, coupe-les et jette-les loin de toi; il vaut mieux pour toi d'entrer dans la vie mutilé ou estropié, que d'être jeté, avec tes deux mains ou tes deux pieds, dans le feu éternel. Si ton oeil est pour toi une occasion de chute, arrache-le et jette-le loin de toi; il vaut mieux pour toi d'entrer borgne dans la vie que d'être jeté, avec tes deux yeux, dans la Géhenne, ou le ver ne meurt point et le feu ne s'éteint point.

 " Gardez-vous de mépriser un seul de ces petits ! car, je vous le dis, leurs anges, dans les cieux, voient sans cesse la face de mon Père qui est dans les cieux.

 " Si ton frère a péché contre toi, va le trouver et reprends-le, toi seul avec lui. S'il t'écoute, tu auras gagné ton frère. S'il ne t'écoute pas, amène avec toi une ou deux personnes, afin que tout soit décidé d'après l'avis de deux ou trois témoins. Puis, s'il refuse de les écouter, dis-le à l'église. Et, s'il refuse aussi d'écouter l'église, qu'il soit pour toi comme un païen et un publicain. Je vous le dis, en vérité; tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel; et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel.

 " Je vous dis encore que si, sur la terre, deux d'entre vous s'accordent pour demander une chose quelconque, ils l'obtiendront de mon Père qui est dans les cieux. Car là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis présent au milieu d'eux ".

Alors Pierre s'approchant, lui dit : " Seigneur, si mon frère pèche contre moi, combien de fois lui pardonnerai-je ? sera-ce jusqu'à sept fois ? " Jésus lui répondit : " Je ne te dis pas jusqu'à sept fois, mais jusqu'à soixante-dix fois sept fois. A ce sujet, voici à quoi est semblable le Royaume des cieux : Un roi voulut faire rendre compte à ses serviteurs. Quand il eut commencé à compter, on lui en présenta un, débiteur de dix mille talents (plus de cinquante millions). Comme il n'avait pas de quoi les rendre, son Maître ordonna qu'on le vendit, lui, sa femme, ses enfants, tout ce qu'il possédait, pour l'acquittement de sa dette. Ce serviteur, tombant à ses pieds, se prosterna devant lui et lui dit : " Sois patient envers moi, et je te rendrai tout ". Le Maître eut alors pitié de son serviteur, il le laissa aller et lui fit remise de sa dette. En sortant, ce serviteur rencontra un de ses compagnons qui lui devait cent deniers (moins de cent francs); et alors, le tenant à la gorge jusqu'à l'étrangler, il lui dit : " Rends ce que tu dois ! " Son compagnon, tombant à ses pieds, le supplia en disant : " Sois patient envers moi et je te rendrai ". Mais lui, ne voulut pas; il s'en alla et le jeta en prison jusqu'à ce qu'il eût payé sa dette. Voyant ce qui se passait, les autres serviteurs en furent profondément affligés; et ils vinrent raconter à leur Maître tout ce qui était arrivé. Alors le Maître fit appeler celui qui avait ainsi agi et lui dit : " Méchant serviteur ! je t'ai remis toute ta dette, parce que tu m'as supplié. Ne te fallait-il pas avoir pitié, toi aussi, de ton compagnon, comme moi-même j'avais eu pitié de toi ? " Et son Maître, irrité, livra cet homme aux bourreaux, jusqu'à ce qu'il eût payé toute sa dette. Ainsi vous fera mon Père céleste, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère de tout son coeur ".

*

Cependant, les jours où il devait être enlevé de-ce monde approchaient, et il résolut d'aller à Jérusalem, envoyant devant lui des messagers. Ceux-ci étant entrés, en s'en allant, dans un village de la Samarie, pour lui préparer un logement, on refusa de le recevoir, parce que c'était vers Jérusalem qu'il tournait ses pas. " Seigneur, dirent les disciples présents, Jacques et Jean, veux-tu que nous disions au feu du ciel de descendre et de réduire en cendres ces gens-là ? ". Jésus se tourna vers eux et les réprimanda; et ils allèrent dans un autre village.



(MATTHIEU Ch. 18, v. 1 à 6; MARC Ch. 9, v. 33 à 37; LUC Ch. 9, v. 46 à 48. - MARC Ch. 9, v. 38 à 41; LUC Ch. 9, v. 49, 50. - MATTHIEU ch. 18, v. 7 à 10; MARC Ch. 9, v. 42 à 48; LUC Ch. 17, v. 1. 2. - MATTHIEU Ch. 18, v. 15 à 35; LUC Ch. 17, v. 3. 4. - LUC Ch. 9, v. 51 à 56).