LETTRE AU « FRATERNISTE »

(10 mars 1913)


On vient de me montrer, dans le dernier numéro de votre estimable journal, une lettre où M. Félix Guinot mentionne, d'une façon beaucoup trop flatteuse pour moi, les idées à la propagation desquelles je me suis voué ; et la note par laquelle vous concluez cette remarquable missive.

Permettez-moi de vous dire, en réponse à cette note, que le catholicisme dont je recommande l'étude n'est pas le cléricalisme ; c'est la théologie des saint Augustin, des Scot et des Thomassin ; c'est la liturgie des saint Ambroise et des saint Benoît ; c'est la religion des François d'Assise, des Vincent de Paul et des Curé d'Ars. Ces grands hommes et ces grandes oeuvres me semblent encore plus dignes de notre admiration que les synthèses de l'Orient, si profondes soient-elles, et que les adeptes surhumains qui les construisirent. Je n'ai jamais entendu recommander les théologies de clocher, ni les intrigues d'ordre à ordre, ni ces innombrables dévotions qui renouvellent jusqu'en notre siècle le paganisme décadent.

En un mot, je m'en tiens à l'Évangile ; et je n'ajoute créance à ses commentateurs que s'ils ont prouvé par leurs actes la sincérité de leur foi.

De plus, quand je propose ainsi le catholicisme aux chercheurs, je m'adresse à ceux-là seuls en si grand nombre de nos jours qui ont besoin de théories, de systèmes et de rites ; à ceux-là qui croient encore à l'intelligence, qui ne sentent pas l'immédiate présence de l'Ami dans leurs coeurs, et qui s'imaginent Dieu comme un être lointain.

Vous le voyez, Monsieur, je ne suis ni un catholique, ni un rationaliste, ni un occultiste, ni un spirite. J'essaie seulement d'attirer l'attention sur cette voix éternelle qui parle dans le fond du coeur de chacun de nous. Cette voix, c'est celle de Jésus.

Et, bien loin que ce Jésus soit devenu trop arriéré pour nous autres modernes, je pense que nous n'avons pas encore compris le millième des enseignements inclus dans les Évangiles.

Comment permettre au Seigneur de nous instruire ? Voilà le seul problème ; tout le reste, comme disait le délicieux Verlaine, tout le reste, c'est de la littérature.

Sédir